The Project Gutenberg eBook of Victor Hugo à vingt ans: Glanes romantiques

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Title: Victor Hugo à vingt ans: Glanes romantiques

Author: Pierre Dufay

Victor Hugo

Release date: November 28, 2021 [eBook #66834]
Most recently updated: October 18, 2024

Language: French

Credits: Laurent Vogel, Pierre Lacaze and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by The Internet Archive/Canadian Libraries)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK VICTOR HUGO À VINGT ANS: GLANES ROMANTIQUES ***

VICTOR HUGO A VINGT ANS


DU MEME AUTEUR

Un chapitre inédit de l'Histoire du Costume.—Le
Pantalon féminin.
Préface d'Armand Silvestre
(Ch. Carrington)
1 vol.
Etude iconographique sur Ronsard. Le Portrait,
le buste et l'épitaphe de Ronsard au
musée de Blois
(H. Champion)
1 vol.
Le Tombeau de Jean de Morvillier et les
Pleureuses de Germain Pilon
(H. Champion)
1 vol.
Sous presse.
Napoléon en Loir-et-Cher. Blois, 3 avril,
13 août 1808. Vendôme, 14 août, 30 octobre
1808, 22 janvier 1809.
Les Gardes
d'honneur.

[Pg 3]

PIERRE DUFAY


Victor Hugo

à vingt ans

GLANES ROMANTIQUES

PARIS

MERCVRE DE FRANCE

XXVI, RVE DE CONDÉ, XXVI

MCMIX


JUSTIFICATION DU TIRAGE:

Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.


A

MONSIEUR LÉON SÉCHÉ,

en témoignage de haute et de vive sympathie.


[Pg 7]

I

La Jeunesse et les débuts.—Mme Hugo.—Le général Hugo.—Premiers succès académiques.—Le Conservateur littéraire.—Les Odes et Poésies diverses.—La seconde femme du Général: Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, veuve Anaclet d'Almeg.

La Bibliothèque de Blois, assez pauvre en manuscrits, a la bonne fortune de posséder une quarantaine de lettres autographes de Victor Hugo à son père, le général Hugo.

Elles ont trouvé place par extraits dans le tome premier de la Correspondance de Victor Hugo[1] et ont fourni à M. Louis Belton, avocat à Blois, matière à une fort attachante étude: Victor Hugo et son Père, le général Hugo à Blois[2].

[1] Victor Hugo: Correspondance, 1815-1835. Paris, Calmann-Lévy, 1896; in-8º de 383 pp. Lettres au général Hugo, pp. 166-215.

[2] Louis Belton: Victor Hugo et son père, le général Hugo à Blois, d'après les lettres de Victor Hugo conservées à la Bibliothèque de Blois et divers documents inédits.

Publiée d'abord dans le tome XVI des Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, pp. 9-85, cette étude a été l'objet d'un élégant tirage à part. Blois, Typ. et Lith. C. Migault et Cie, 1902, in-8º de 81 pp.

Cette étude fort bien faite a été souvent mise à contribution au cours de ce travail. Des notes, que je ferai suivre des initiales L. B., y ont, même, été textuellement empruntées.

[Pg 8]

Embrassant une période de quatre ans,—la première est du 4 juillet 1822 et la dernière du 4 novembre 1826,—ces lettres offrent le très vif intérêt d'avoir été écrites par le poète de vingt à vingt-quatre ans, à la veille et au lendemain de son mariage. Ainsi, assistons-nous aux joies initiales et aux premiers chagrins du ménage, ce pendant que paraît et s'épuise la première édition des Odes et Poésies diverses et que des cendres du Conservateur littéraire ne tardera pas à éclore la Muse française.

L'Histoire du Romantisme de Gautier—et enthousiasma-t-elle nos quinze ans, appareillant nos curiosités en partance vers les floraisons inconnues et magiques de Baudelaire!—ne parle pour ainsi dire que de la seconde période déjà du Romantisme: Petrus Borel, le lycanthrope, farouche et énigmatique, Jehan du Seigneur, Augustus Mac-Keat, Philothée O'Neddy, chacun a sa façon de porter le gilet rouge. Cette correspondance,[Pg 9] au contraire, nous ramène aux temps héroïques de la nouvelle école.

Ces dates de 1822 et de 1823 évoquent non point ces satellites qui lors de la représentation d'Hernani commençaient à graviter, «grandiloques et bousingots», autour de l'astre fulgurant qu'était Hugo, mais les ouvriers de la première heure, anciens collaborateurs du Conservateur littéraire, créateurs de la Muse de demain.

Alfred de Vigny, tôt maître de son instrument, atteint déjà à la sereine magnificence de ses poèmes. Plus tard, un froid pourra se produire entre Hugo et lui, mais à ce moment, leur affection semble sincère et étroite; le chantre d'Eloa sera le témoin de Victor, lors de son mariage et sa «tour d'ivoire» n'est point tellement éloignée de la terre, qu'il ne soit des fondateurs du nouveau recueil.

Le souci de son exclusive réputation et l'ennui de participer aux frais de la publication semblent en avoir éloigné Lamartine, dont les Méditations venaient de consacrer le nom. Il ne devait pas tarder, d'ailleurs, à y être bientôt malmené.

Hugo et Lamartine semblent, en vérité, s'observer plutôt que s'aimer. Le Cygne de Saint-Point se préoccupait, avant tout, de lui-même, puis, sa nature paraissait répugner à la collectivité d'un effort, ce par quoi se traduit toute[Pg 10] école littéraire ou artistique. Malgré son singulier éclectisme, on peut dire que la Muse française ne fut jamais la sienne.

Mais à côté de la mer de Sorrente et de son «flot hexamètre», eût spécifié Corbière, que de talents se dessinaient et donnaient alors des espérances de succès et de gloire: Guiraud, Gaspard de Pons, camarade de Vigny à la Garde royale, Adolphe de Saint-Valry, moins euphoniquement Souillard dans la vie privée et châtelain à Montfort-l'Amaury, le toulousain Jules de Rességuier et tant d'autres, injustes oubliés de la grande critique, dont les murmures de l'Anio n'ont pas empêché l'implacable Léthé de submerger les noms.

Elles sont contemporaines de cette génération et la rappellent, ces lettres. Souvent, elles complètent, et rectifient parfois, les souvenirs de jeunesse dictés par Olympio à sa femme, dans Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie[3].

[3] Édition consultée: Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, avec œuvres inédites de Victor Hugo, entre autres un drame en trois actes: Inez de Castro. Paris, A. Lacroix, Verbœckhoven et Cie, 1867, 2 in-12 de 376; 419 pp.

Le grand homme aimait trop la légende pour n'en point créer autour de lui quelques-unes, surtout lorsqu'elles faisaient bien et prêtaient à[Pg 11] antithèse. D'où le père bonapartiste et la mère vendéenne.

La gloire claironnante du fils a pu faire négliger assez communément celle, assez restreinte, du père, le «héros au sourire si doux[4]», et ses Mémoires: il ne messied point de le mieux connaître[5].

[4] La Légende des Siècles: Après la Bataille.

[5] Mémoires du général Hugo, gouverneur de plusieurs provinces et aide-major général des armées en Espagne. Paris, Ladvocat, 1823, 3 in-8º de 175-292, CII; 388 et 480 pp.

Ces Mémoires «contenant l'Histoire abrégée des guerres de la Révolution française depuis 1792 jusqu'en 1815, et notamment les campagnes des armées du Rhin, de la Vendée, d'Italie, d'Espagne», et la relation des deux sièges de Thionville, sont précédés de Mémoires inédits sur la guerre de Vendée, par le général Aubertin.

Un Précis historique, dû à Abel Hugo, des Événements qui ont conduit Joseph Napoléon sur le trône d'Espagne sert d'introduction à la deuxième partie des Mémoires du général Hugo, (T. II; pp. V-CII).

Dans son autobiographie, les souvenirs d'enfance et de jeunesse de Victor Hugo débordent d'affection et de reconnaissance,—c'était justice,—pour sa mère, cette Sophie Trébuchet, épousée, en 1796, par le général, alors simple capitaine et qui devait être si parfaite et si indulgente pour ses enfants, lorsqu'une aventurière corse, plus tard épousée, aurait fait abandonner[Pg 12] à leur père le domicile conjugal et la vie commune.

La silhouette du général apparaît, au contraire, au second plan seulement, comme effacée, et ne prend corps qu'au moment où elle prête matière à une antithèse connue et souvent répétée.

Les enfants semblent avoir pris depuis longtemps parti contre leur père, insoucieux, d'ailleurs, de la pension qu'il leur devrait servir, et entre Victor et le général, cela a tout l'air d'une réconciliation.

Ils ne se connaissaient pas ou si peu.

Les lettres de Victor Hugo conservées à la Bibliothèque de Blois, sur ce point comme sur d'autres, remettent singulièrement les choses au point. L'éloignement entre le père et ses fils était plutôt matériel et ceux-ci de savoir fort bien lui réclamer leurs mois de pension, quand ils se faisaient trop attendre.

Elles ne sont postérieures que de dix-huit mois à la mort de Mme Hugo, ce déchirant chagrin pour Abel, Eugène et Victor, et d'un an à peine au second mariage qu'alla perpétrer, presque en cachette, le général dans l'Indre et, cependant, elles sont empreintes d'une attention respectueuse et continue du fils vis-à-vis du père. Elles ne sont même pas exemptes d'une certaine tendresse.[Pg 13] On la désirerait sans doute plus simple et moins apprêtée, mais n'y avait-il pas entre eux le souvenir de leur mère et la présence de «l'Intruse», cette veuve Anaclet d'Almet, comtesse de Salcano, auquel le vieux brave n'avait pas craint d'associer sa vie.

Quant aux choses de l'esprit, loin de les haïr, le général les aimait fort, et, dans sa retraite anticipée, avait conservé pour elles un goût très prononcé[6].

[6] Outre ses Mémoires, on doit au général Hugo:

Coup d'œil militaire sur la manière d'escorter et de défendre les convois et sur les moyens de diminuer la fréquence des convois et d'en assurer la marche: suivi d'un mot sur le pillage.

Paris, 1796, in-12.

Ces considérations ont été jointes au tome Ier des Mémoires du général Hugo, pp. 209-255.

Mémoires sur les moyens de suppléer à la traite des nègres par des individus libres, et d'une manière qui garantisse pour l'avenir la sûreté des colons et la dépendance des colonies.

(Publié sous le pseudonyme de Genty, cet ouvrage parut à Blois, 1818, in-8º).

Journal historique du blocus de Thionville en 1814, et de Thionville, Sierck et Rodemack en 1815, contenant quelques détails sur le siège de Longwy; rédigé sur des rapports et mémoires communiqués par M. A.-A. M***, ancien officier d'état-major au gouvernement de Madrid.

Blois, 1819, in-8º.

L'Aventure tyrolienne, par Sigisbert (roman).

Paris, 1826, 3 in-12.

(Est-ce à ce roman que, sous un autre titre, faisait allusion Méry dans sa conversation avec les Goncourt: «Méry nous raconte la vente qu'il conclut au prix de 600 francs, d'un roman du général Hugo, le père de Victor Hugo, qui s'appelait la Vierge du Monastère.» (Journal des Goncourt, tome II, 1862-1865, Paris, Charpentier, 1887, in-12; 18 mai 1864, p. 198). Méry était en effet revenu à Paris en 1824.

Peu de temps avant sa mort, en 1827, le général Hugo avait tenté d'organiser une souscription pour la publication d'un ouvrage demeuré inédit.

Prospectus de l'ouvrage intitulé: Des grands moyens accessoires de défense et de conservation aujourd'hui indispensables aux places fortes, aux armées, aux colonies et aux États qui les possèdent.

Paris, 1827, in-8º.

Enfin, il laissait un certain nombre de manuscrits dont M. Louis Belton a relevé les titres dans l'inventaire établi après son décès:

«La duchesse d'Alba (1820).

«Le tambour Robin (1823).

«L'Ermite (ou le Solitaire) du Lac.

«L'épée de Brennus.

«Perrine, ou la nouvelle Nina, anecdote napolitaine.

«L'Intrigue de Cour, comédie en trois actes.

«La Permission, anecdote.

«Variante des Amants ennemis (1824).

«Joseph, ou l'Enfant trouvé (1825).

«Essai complémentaire sur le commandement des places de guerre et autres.

«Minutes (antérieures à 1826) de la défense des nations, et de leurs grands intérêts maritimes et coloniaux.

«Enfin le général préparait un ouvrage, et il avait préparé des notes sur les pensions des veuves de militaires.»

(Louis Belton: Victor Hugo et son père, le général Hugo, à Blois, p. 19).

[Pg 14]

Les craintes qu'inspirait deux ans plus tôt la collaboration d'Eugène et de Victor au Conservateur littéraire,—n'allaient-ils point négliger[Pg 15] par trop leurs études de droit[7]?—semblent évanouies. Il ne leur tient pas rigueur d'avoir préféré l'incertaine fortune des lettres à l'avenir réputé sûr de Polytechnique, ce rêve de tous les parents de province et même de Paris.

[7] M. Émile Paul, dans le Catalogue de la Bibliothèque romantique de M. J. Noilly (Paris, A. Labitte, 1886), fournit à ce sujet la curieuse note que voici:

«Lettre autographe du général Hugo, père du poète, au doyen de la Faculté de droit de Paris; Blois, le 28 avril 1820, 1 p. 1/2 in-4º. Il s'informe auprès du doyen de la Faculté de droit de Paris si Eugène et Victor Hugo suivent leurs cours. Il craint qu'une entreprise littéraire dont il a entendu parler (le Conservateur littéraire) n'absorbe leur argent et ne les détourne de leurs études.»

Les débuts de Victor étaient, au reste, assez glorieux pour le rassurer sur ce point. Nul besoin d'employer vis-à-vis de lui le verbe comminatoire.

Les délassements intellectuels n'étaient point étrangers à l'ancien défenseur de Thionville: il les aimait.

Une seule chose aurait pu l'inquiéter peut-être: la détresse morale d'Eugène..., il ne pouvait la soupçonner.

Le pauvre garçon était déjà bizarre, avant que d'être fou.

La politique ne semblait point davantage devoir les séparer. Si le général Hugo devait de la[Pg 16] reconnaissance au roi Joseph, il n'avait jamais eu beaucoup à se louer de Napoléon. Maréchal de camp des armées du roi d'Espagne depuis le 20 août 1809, à peine si, à sa rentrée en France, en juillet 1813, l'Empereur lui avait reconnu le grade de major dans l'armée française. Comme tel, il avait été appelé, le 9 janvier suivant, à défendre Thionville contre les troupes alliées.

L'on sait ce que cette défense de quatre-vingt-huit jours—il la devait renouveler en 1815—comporta d'héroïsme et d'intelligence. Le général en a écrit le Journal, et, tout en le mettant en demi-solde, Louis XVIII, loin de lui tenir rigueur, lui avait auparavant accordé la croix de chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis (1er novembre 1814) et le grade de maréchal de camp des armées françaises (21 novembre 1814), pour prendre rang à la date de sa rentrée en France, 11 septembre 1813.

Quelques mois plus tard, le général était ainsi qu'un de ses frères, le colonel Louis-Joseph, promu par la même ordonnance, au grade d'officier de la Légion d'honneur[8].

[8] Ordonnance du 14 février 1815 (Moniteur universel, 19 février 1815).

Sauf un commandement actif, il n'avait donc pas à en vouloir trop aux Bourbons, et son bonapartisme,[Pg 17] pour le moins douteux[9], n'avait point à s'offusquer du royalisme ardent, alors si bien porté, dont témoignaient ses fils et dont ils firent montre dans le Conservateur littéraire[10].

[9] Lettre à M. le Comte Roger de Damas, gouverneur pour le Roi, à Nancy:

Thionville, le 18 avril 1814.

Monsieur le Comte,

La brave garnison que je commande, mon conseil de défense et moi, avons unanimement adhéré le 14 aux actes du Sénat.

Enfermés pendant quatre-vingt-huit jours dans cette forteresse, nous y avons été fidèles à l'oriflamme de l'honneur: c'est vous rappeler celui d'Henri IV.

En combattant nous n'avons pas attendu les éloges des hommes; l'amour sacré de la patrie nous animait. Que le bon prince qui vient régner sur nous daigne sourire à notre constance, et nous en aurons reçu le prix. Nous avons été fidèles et loyaux sous l'Empereur; le serment qui nous enchaîne au roi Louis XVIII est la garantie que nous le serons également sous lui. Donnez à cet auguste monarque de la confiance dans sa brave garnison de Thionville; elle y répondra noblement, elle saura mourir pour sa gloire et pour son service.

Je vous prie, etc.

Le général Hugo.

(Mémoires du général Hugo, tome III, notes et pièces justificatives, p. 467).

[10] Le Conservateur littéraire. A Paris, chez Anthe. Boucher, imprimeur-éditeur, rue des Bons-Enfants, nº 34.

Décembre 1819-mars 1821; 30 livraisons formant 3 volumes in-8º.

En épigraphe, au-dessous du titre, à partir de la seconde livraison:

... Fungar vice cotis acutum
Reddere quæ ferrum valet, exsors ipsa secandi.

(Hor.)

Il faut lire en quels termes le brave M. Agier, qui, en 1816, avait été président des Francs régénérés, encourageait dans le Conservateur, dont le Conservateur littéraire cuidait être le supplément, les débuts de ses jeunes confrères:

«Il y a dans cette honorable entreprise quelque chose de plus intéressant, de plus touchant encore, c'est son motif, dont MM. Hugo, que nous n'avons point l'avantage de connaître, nous pardonneront de révéler ici le secret. L'éducation de ces intéressants jeunes gens a été dirigée par une mère distinguée, qui a pensé de bonne heure que de bons principes et des talents formaient la seule fortune qui pût être à l'abri des révolutions, la seule arme avec laquelle on pût ne pas se défendre de l'envie, de la calomnie, mais la braver. Maintenant, fils reconnaissants, ils essaient d'acquitter une dette aussi sacrée que douce. Ils doivent à leur mère une seconde vie: ils veulent soutenir, embellir la sienne; et pour y parvenir, ils unissent la fraternité du talent à la fraternité du sang. Heureux jeunes gens d'avoir une mère qui ait senti le prix de l'éducation! Heureuse mère de voir ainsi couronner ses soins! Outre l'utilité et la bonne rédaction du Conservateur littéraire, c'est donc la piété filiale et maternelle qui le recommande à tous les amis des lettres et du bien....» (Le Conservateur, tome VI, 1820, p. 465). Ce passage a été reproduit par M. Ch.-M. Des Granges dans son très intéressant volume: La Presse Littéraire sous la Restauration dont nous avons souvent mis à profit la précieuse documentation.

M. Agier ne se contentait point d'être pompier; en mars 1815 il avait troqué sa robe de substitut du procureur général, pour l'uniforme de capitaine d'une compagnie de volontaires royaux!

Quant au légitimisme ultra du Conservateur littéraire, la disparition de son aîné, en 1820, ne l'affaiblit en rien, et dans la préface du tome II (avril 1820), les «intéressants jeunes gens», que louait si fort M. Agier, de clamer sur le mode majeur leurs opinions:

«Nous continuerons donc de servir autant qu'il sera en nous le trône et la littérature; trop heureux si nous pouvons ranimer le goût des lettres et éveiller de jeunes talents; plus heureux encore, si nous pouvons propager le royalisme et convertir aux saines doctrines de généreux caractères!.....

«Enfin, puisque notre redoutable aîné, le Conservateur, a cessé de paraître, nous promettons de conserver intact l'héritage de saints principes qu'il nous a légués avec son titre; nous espérons que ses honorables rédacteurs reconnaîtront entre eux et nous une confraternité, sinon de talent, du moins de zèle et d'opinions; et nous croyons dire assez quel haut prix nous attachons à ce titre de royalistes, en ajoutant que cette seconde confraternité ne nous paraît pas moins glorieuse que la première.»

Cf: Ch.-M. Des Granges: Le Romantisme et la Critique.—La Presse littéraire sous la Restauration, 1815-1830. Paris, Société du Mercure de France, 1907, in-8º, de 386 pp.

[Pg 18]

De ses trois fils, Victor était, comme on le sait, le plus jeune, Abel étant né à Paris le[Pg 19] 15 novembre 1798 et Eugène à Nancy, le 29 fructidor an VIII (16 septembre 1800).

Après avoir fait partie des pages du roi Joseph, ancien officier d'état-major à quinze ans! Abel était venu retrouver ses frères. Ils avaient mis leurs jeux, puis leurs travaux en commun. Si en 1822 Victor Hugo connaissait déjà la gloire, par deux mentions à l'Académie française[11] et par[Pg 20] le lis et l'amarante d'or de l'Académie des Jeux Floraux, qui, le 28 août 1820, l'avait nommé maître ès jeux floraux[12], sans parler des Odes et Poésies diverses qui venaient de paraître[13].[Pg 21] Abel et Eugène avaient glané, eux aussi, quelques lauriers académiques: Abel devait être couronné, en décembre 1822, par la Société d'Émulation de Cambrai, pour son Ode sur la bataille de Denain[14] et Eugène avait déjà obtenu, en 1818 et en 1819, un souci réservé et une mention des Jeux Floraux, pour une Ode sur la mort du duc d'Enghien[15] et une autre sur celle de S. A. R. Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé.

[11] Victor Hugo avait, on le sait, obtenu en 1817, à l'âge de quinze ans, une neuvième mention pour le sujet, mis au concours le 5 avril 1815, durant les Cent-Jours, par la seconde classe de l'Institut impérial pour le prix de poésie: Le bonheur que procure l'étude dans toutes les situations de la vie.

La pièce de Victor Hugo, inscrite sous le nº 15, avait pour épigraphe ce vers d'Ovide:

At mihi jam puero cœlestia sacra placebant.

Deux ans plus tard, en 1819, il avait obtenu une nouvelle mention, ayant, cette fois, traité comme sujet de concours: Avantages de l'enseignement mutuel.

Des fragments de ce discours ont été publiés par Victor Hugo dans Littérature et Philosophie mêlées.

[12] M. Edmond Biré a relevé dans son Victor Hugo avant 1830 (Paris, Jules Gervais; Nantes, Emile Grimaud, 1883, in-12 de 533 pages) la liste des succès du poète aux Jeux Floraux:

1819.—Les Derniers Bardes; mention.

Les Vierges de Verdun; amarante réservée.

Le Rétablissement de la Statue de Henri IV; lis d'or.

1820.—Moïse sur le Nil; amarante d'or réservée.

Par lettre du 28 avril, Victor Hugo avait été nommé maître ès jeux floraux, et proclamé tel dans la séance du 3 mai suivant.

[13] Odes et Poésies diverses. Paris, Pélicier, libraire, place du Palais-Royal, nº 243, 1822.

Très médiocre comme édition, ce recueil contenait, outre les premières odes: Raymond d'Ascoli, élégie; Les Deux Ages, idylle; Les Derniers Bardes, poème, qui légitimaient la seconde partie du titre du volume, et disparurent avec elle, en 1828, de l'édition définitive.

Envoyés au concours de l'Académie des Jeux Floraux, en 1819, où ils n'obtinrent qu'une mention, publiés ensuite dans le Conservateur littéraire, Les Derniers Bardes devaient prendre place, plus tard, dans Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie.

[14] «Le prix de poésie a été décerné à M. Abel Hugo, pour une ode sur la bataille de Denain». (Le Moniteur universel, 11 décembre 1823).

[15] C'est là, avec les Stances à Thaliarque, traduites d'Horace, la seule pièce de vers d'Eugène Hugo, publiée par le Conservateur littéraire, dont une note spécifie, tome Ier, p. 320, au sujet de MM. Hugo «que deux de ces messieurs seulement, l'aîné et le plus jeune (Abel et Victor) comptent parmi les rédacteurs».

A Blois, où il s'était retiré, le général Hugo, créé par Joseph comte de Siguenza[16]—titre qu'il[Pg 22] ne devait porter que plus tard—en souvenir et en récompense des défaites qu'il avait infligées à l'Empecinado, s'était d'abord installé au château de Saint-Lazare, maison bourgeoise luxueuse pour l'époque, située hors la ville et aujourd'hui transformée en annexe de l'Asile d'aliénés, qu'il avait acheté 36.000 francs[17].

[16] Dans son Armorial du Premier Empire (Paris, 1894-1897, 4 vol. in-8º), le Vicomte A. Révérend parle bien en note du général Hugo (tome II, p. 323), mais par une singulière inadvertance, il le donne pour le grand-père et non comme le père du poète et substitue au comté de Siguenza celui de Gogolludo:

«Le général Hugo, grand-père du célèbre poète, qui fut pair de France, appartenait à une autre famille et avait reçu de Joseph Bonaparte, roi d'Espagne, le titre de comte de Cogolludo, qui ne fut pas l'objet d'une confirmation impériale.»

[17] «L'acquisition, faite d'abord sous le nom d'un tiers, ne fut régularisée à son profit que le 1er mai 1822, par un acte devant Me Pardessus, notaire à Blois.»

Le château et le domaine de Saint-Lazare «comprenaient à cette époque une grande maison de maître, logement de closier et de jardinier, bâtiments d'exploitation: pressoir garni de ses ustensiles, cour, basse-cour, jardins, promenades, charmilles, bosquets, vignes et terres labourables, le tout en un seul clos entouré de murs, et contenant 9 hectares 72 ares 48 centiares». (L. B.).

Léproserie au moyen âge, Saint-Lazare formait, en 1789, un prieuré conventuel de Génovéfains qui fut remis à la Nation le 6 décembre 1790 et vendu, par adjudication publique, le 9 février 1791.

Un second mariage n'avait point tardé à suivre, comme il a été dit, la mort de Sophie Trébuchet. Moins de trois mois après, le 6 septembre 1821, à 6 heures du soir, il épousait devant l'officier de l'état civil de la commune de Chabris (Indre), le marquis de Béthune-Sully, une veuve[Pg 23] d'origine corse: Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, veuve Anaclet d'Almeg.

L'acte de mariage est peu connu[18] et n'est point dénué d'intérêt. Il fixe deux dates, et, à l'orthographe près, fournit les noms exacts de l'aventurière que le général Hugo allait épouser à Chabris[19]:

[18] Je m'étais adressé pour avoir le texte de l'acte de mariage du général Hugo, à M. le Maire de Chabris, ignorant alors qu'il avait déjà été reproduit par le Dr G. Patrigeon dans une intéressante notice qu'il y aurait injustice à ne point citer: Excursions à travers le passé.—Le père de Victor Hugo (Général Joseph-Léopold-Sigisbert Hugo) à propos de son deuxième mariage à Chabris en septembre 1821.—Châteauroux, A. Mellotée, 1892, in-8º, de 21 pp.

Cette étude avait d'abord été publiée par la Revue du Berry et par le Bulletin du Musée municipal de Châteauroux.

[19] M. Edmond Biré fixe, en effet, d'après les Archives municipales de Nancy, le second mariage du général à la date du 20 juillet 1821 et non du 6 septembre. Marie-Catherine y Saëtoni y devient Marie-Catherine Thomas y Sactoin. D'autre part, l'acte de son décès, à l'état civil de Blois (1858) ne donne pas les noms de ses père et mère.

Nº 10

Hugo Joseph-Léopold-Sigisbert

et

Marie-Catherine
Tomat Isaétony



Du 6 Septembre 1821

Aujourd'hui six septembre mil huit cent vingt-un, à six heures du soir, par devant Nous, Louis, marquis de Béthune Sully, chevalier de l'ordre Royal de la Légion d'honneur, maire et officier de l'état-civil de la commune de Chabris, canton de Saint-Christophe, arrondissement d'Issoudun (Indre), sont comparus M. Joseph-Léopold-Sigisbert Hugo, ancien officier général, domicilié[Pg 24] à Nancy[20], département de la Meurthe, né à Nancy le quinze novembre mil sept cent soixante-treize, fils majeur de feu Joseph Hugo, vivant propriétaire, décédé à Nancy, le quinze messidor, an sept et de feue Marguerite Michaud, décédée aussi à Nancy le vingt-trois février mil huit cent quatorze.

[20] Le général Hugo résidait, en fait, à Blois, depuis plusieurs années.

D'une part,

Et Dame Marie-Catherine Tomat Isaétony, domiciliée à Chabris[21], Comtesse de Salcano, née à Cervione, le cinq novembre mil sept cent quatre-vingt-quatre, veuve de Anaclet d'Almay, vivant propriétaire, décédé à la Havane, le quinze août mil huit cent dix-sept, fille majeure de feu Nicolas de Ligny Tomat, décédé en Corse le premier novembre mil huit cent trois et feue Lina Isaétony de Compolor, décédée à Cervione le quinze décembre mil sept cent quatre-vingt-cinq,

[21] «Plus exactement elle résidait au Château de Beauregard, habitation du marquis de Béthune-Sully, dont elle était l'hôte» (Dr Patrigeon)... passagère, car la veuve d'Almeg était depuis 1816, propriétaire à Blois, et cet acte de l'état civil n'était que la consécration des liens... religieux (?) qui depuis longtemps déjà l'unissaient au général Hugo.

D'autre part,

[Pg 25]

Lesquels nous ont requis de procéder à la célébration du mariage projeté entre eux et dont les publications ont été faites dans cette commune les dimanches vingt-deux et vingt-neuf juillet dernier et dans la ville de Nancy, les dimanches vingt-deux et vingt-neuf juillet aussi dernier, d'après qu'il résulte du certificat de Monsieur l'adjoint dudit Nancy, en date du dix-huit août dernier, signé Morville, adjoint.

Aucune opposition audit mariage ne nous ayant été signifiée, vu aussi la permission de mariage accordée par le Ministre Secrétaire d'État au département de la Guerre, en date du vingt-huit août dernier, faisant droit à leur réquisition, après leur avoir donné lecture de toutes les pièces ci-dessus mentionnées, ainsi que du chapitre six du code civil: Du Mariage; nous avons demandé au futur époux et à la future épouse s'ils veulent se prendre pour mary et femme; chacun d'eux nous ayant répondu séparément et affirmativement, nous avons déclaré: Au nom de la loi, que Joseph-Léopold-Sigisbert Hugo et Marie-Catherine Tomat Isaétony sont unis par le mariage, dont acte fait à la mairie de Chabris, les jour, mois et an que dessus, en présence des sieurs Jacques Rousseau, chevalier de l'ordre royal de la Légion d'honneur, âgé de quarante-six ans[22], de[Pg 26] Jacob Schiésingeyer, cocher de M. le marquis de Béthune Sully, âgé de trente-quatre ans; de Chantreau Maurice, homme d'affaires de M. de Béthune, âgé de quarante-huit ans, et de Nicolas Kallenborenne, tailleur d'habits, âgé de trente-cinq ans, tous demeurant commune de Chabris et ont, lesdits comparants et témoins, signés avec Nous, après lecture faite.

[22] Ancien soldat de l'Empire, Jacques Rousseau était adjoint au maire de Chabris.

«Il n'y eut pas de bénédiction nuptiale à l'église de Chabris. Aucun contrat ne fut passé en l'étude de Me Jaupitre, notaire de la localité» (Dr Patrigeon).

Le Général Hugo

Veuve Dalmay

Rousseau, Jacob Schiésingeyer, Chantreau, Kallenborenne,
Le Marquis de Béthune Sully.

L'on connaît par Edmond Biré, le singulier faire-part que le général adressa en cette occasion à ses connaissances:

M.

Monsieur le général Léopold Hugo a l'honneur de vous faire part qu'il vient de faire légaliser, par devant M. l'officier public de Chabris (Indre), les liens purement religieux qui l'unissaient à Madame veuve d'Almé, comtesse de Salcano.

Saint-Lazare, près Blois[23].

[23] Edmond Biré: Victor Hugo avant 1830, p. 233.

La religion a parfois bon dos... Victor, cependant, se contenta d'ignorer ainsi que ses[Pg 27] frères, la seconde femme du général «la femme pour laquelle il a quitté sa famille[24]» jusqu'au jour où les soins donnés à son frère Eugène et à son petit Léopold amenèrent entre le beau-fils et la belle-mère un rapprochement passager.

[24] Victor Hugo: Lettres à la Fiancée, 1820-1822, Paris, Fasquelle, 1901, in-12 de 340 pp. Note, p. 231.


[Pg 28]

II

Les fiançailles et le mariage.—Les lettres de Victor à son père.—La Société littéraire de Blois.—Une pension longue à toucher.—Le colonel Louis Hugo.—La Révolte des Enfers.—Un ban à racheter.—Un mariage d'amour.

Au surplus, il avait d'autres préoccupations en tête que sa belle-mère. Il était amoureux. Le clair roman éclos sous les frais ombrages du jardin de la rue des Feuillantines touchait à son dénouement. Depuis près d'un an, au retour du voyage de Dreux, il était fiancé de fait à Mlle Adèle Foucher, la camarade des jeux de leur enfance et la gracieuse voisine de la rue du Cherche-Midi. L'autorisation de son père et une demande régulière lui importaient autrement que «l'épouse actuelle», du général, Marie-Catherine Thomas y Saëtoni.

Le vendredi 8 mars 1822, il avait écrit au général, pour lui demander son autorisation; elle lui parvenait enfin le 13 mars, et un court billet[Pg 29] des Lettres à la Fiancée témoigne de la joie sans mélange, s'il n'y eût eu «un nuage»,—le nuage était l'intruse—de Victor-Marie Hugo[25].

[25] Lettres à la Fiancée, p. 230.

Cette année-là, M. et Mme Foucher avaient loué pour deux mois, dans la grande banlieue de Paris, à Gentilly, une maison de campagne où ils vinrent passer avril et mai. Agréé officiellement comme fiancé, à la suite de l'assentiment de son père, le poète fut autorisé à venir habiter, près de la bien-aimée, «une vieille tourelle de l'ancienne construction où il y avait une chambre, vrai nid d'oiseau ou de poète[26]». Il prenait ses repas auprès d'elle, et pouvait lui faire sa cour, à la condition expresse de ne jamais rester seul avec elle. Aussi ce qu'il ne pouvait lui dire, il le lui écrivait, et même durant les deux mois où ils vécurent presque côte à côte, la correspondance ne chôma point entre eux.

[26] Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, tome II, p. 55.

Victor Hugo, dans son autobiographie a joliment évoqué cette maison de Gentilly, le jardin où se promenaient les amoureux, leurs voisins, les fous de Bicêtre, et ce gentil garçon, amené un jour par Paul Foucher, qui avec ses douze[Pg 30] ans et ses cheveux d'un blond de lin, «imitait un ivrogne avec une facilité et une vérité extraordinaires».

«Il se nommait Alfred de Musset[27]

[27] Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, t. II, p. 57.

La maison existe toujours, et l'un des hommes qui connaissent le mieux Paris et ses environs, dont il s'est fait l'historiographe par excellence M. Fernand Bournon, en donnait fort élégamment ces temps derniers la description dans son état actuel[28].

[28] Fernand Bournon: Victor Hugo à Gentilly, Paris, Lucien Gougy, 1906, in-8º de 10 pp. (Publication de la Société «Les Hugophiles»).

Ces deux mois furent vite passés. En juin, les Foucher regagnèrent, rue du Cherche-Midi, l'hôtel de Toulouse, où séait le Conseil de guerre. M. Foucher en avait longtemps tenu le greffe, qu'il avait cédé, depuis quelques années, à son beau-frère M. Asseline, et y avait cependant conservé son appartement.

Le premier volume des Odes paraissait à ce moment[29]; et, de la rue du Dragon, attendant, pour que le mariage ait lieu, le versement de la pension promise sur la cassette royale, Victor[Pg 31] Hugo avait repris sa correspondance journalière avec sa fiancée, à laquelle ne tarda point à s'en joindre une autre, assez suivie, avec son père, le général.

[29] Les Odes et Poésies diverses parurent en juin 1822, chez Pélicier, libraire, place du Palais-Royal. Il éditait, la même année, les Romances historiques traduites de l'espagnol d'Abel Hugo, qui avait été l'intermédiaire entre le poète et le libraire. Pélicier ne fit point fortune et ses affaires furent moins que brillantes. Il méritait mieux cependant, ne publia-t-il point, toujours en 1822, les premiers Poèmes d'Alfred de Vigny. Ils tenaient trop du chef-d'œuvre pour ne point passer inaperçus.

Témoin cette phrase du Figaro, du 28 mai 1829:

«Les poèmes de M. de Vigny avaient été publiés séparément, sans faste et sans prôneurs; longtemps il a fait partie des dieux inconnus de la Muse française;...»

Plus perspicace, un rédacteur anonyme du Moniteur rendit cependant compte des deux volumes à la date du 29 octobre 1822, unissant Victor Hugo et Alfred de Vigny dans l'éloge, comme ils l'étaient alors par l'amitié:

«Ils nous pardonneront, disait ce journal, de n'avoir qu'une seule couronne pour leur double triomphe; nous ne nous pardonnerions pas de l'arrêter plus longtemps sur un front que sur l'autre: ces deux talents ont une même source, le cœur; tous deux sont doués de force et de grâce; ils ont tous deux initié la poésie au secret des plus intimes émotions. La moindre préférence serait une grande injustice, et cependant, comme pour doubler nos plaisirs en les variant, si tout est égal entre eux, rien n'est pareil, ni le système de composition, ni la facture du vers, ni le coloris, ni les mouvements du style.»

Léon Séché: Alfred de Vigny et son temps. Paris, A. Juven, S. D. in-8º de XV; 376 pp., p. 107.

L'écriture de ces lettres est courante, assez fine même. Ce n'est point encore l'écriture définitive, si connue du maître. Çà et là cependant, des hampes de lettres, fortement appuyées,[Pg 32] égratignant presque le papier, en trahissent déjà la griffe.

Elles sont simplement signées Victor,—un et quatre ans plus tard et dans deux lettres seulement apparaîtront les initiales V. M. H.,—le prénom du poète entouré d'un paraphe délié, et sont d'abord adressées.

«A Monsieur

Monsieur le général Hugo
à sa terre de Saint-Lazare,
près Blois.»

Le plus souvent, Victor tient la plume pour ses frères, donne de leurs nouvelles, excuse leur silence et rappelle au père la pension dont les mensualités ne sont pas toujours exactement servies.

Abel est très occupé, Eugène toujours bizarre—le roman se vivait, hélas! en partie double—la correspondance est impartie au plus jeune. Nul ne saurait mieux flatter l'orgueil du père, puis par Paris, et jusqu'à Meudon,—encore qu'on n'en fût plus au Voyage de Paris à Saint-Cloud par mer, c'était encore presque une expédition!—il faisait si bien les courses du général, et elles étaient nombreuses.

Non content de lire et d'écrire, (il lui faut[Pg 33] savoir gré de ne s'être point attelé à une traduction d'Horace ou des Géorgiques), le général a eu l'inconsciente ironie de vouloir fonder, à Blois, une société littéraire! Et l'on ne saurait croire combien de pas et démarches il faut, pour ne point aboutir à faire autoriser par le gouvernement une telle chimère.

Littéraire ou non, nulle société n'avait, cette année-là, chance d'être autorisée. Saumur, Belfort, La Rochelle, trois conspirations militaires avaient marqué l'année 1822. Condamnations et exécutions: les hommes de 1815, revenus au pouvoir, s'étaient montrés implacables. L'on poursuivait jusqu'à Béranger, et un autre chansonnier, Eugène de Pradel, se voyait, en mai, condamner à six mois de prison.

Victor ne se rebute point cependant. Du ministère de l'Intérieur, où M. Lelarge de Lourdoueix[30] présidait à la division des beaux-arts,[Pg 34] sciences et belles-lettres, à la direction de la police, que M. Franchet-Desperey[31] devait à son mariage avec la cadette des Sainte-Luce, il voit de près et peut admirer les rouages de notre administration. C'est presque un chapitre de Courteline: un dossier perdu.

[30] Jacques-Honoré Lelarge de Lourdoueix, né en 1787 au château de Beaufort, près Boussac (Creuse). Après avoir fait ses études à l'ancien collège de Pont-Levoy (Loir-et-Cher), et un court passage dans l'administration, il se vit confier la rédaction de la Gazette de France, qu'il quitta momentanément pour prendre en 1821 la direction de la division des beaux-arts, sciences et belles-lettres au ministère de l'Intérieur. Démissionnaire à la chute de M. de Villèle et à l'avènement du ministère Martignac, il devint à la Gazette de France le collaborateur de M. de Genoude, à qui il succéda en 1849. Il est mort à Paris, en 1860.

[31] Franchet Desperey, fils de cultivateurs des environs de Lyon où il était né vers 1775. Après des emplois infimes, poussé par la congrégation et servi par les relations du roi de Prusse avec la famille de Sainte-Luce, s'était vu appeler en 1821 à la direction générale de la police par le ministère Villèle. Fanatique et ultramontain, accusé d'avoir organisé avec le préfet Delaveau les massacres de la rue Saint-Denis (19-20 novembre 1827), il dut quitter la direction de la police à l'arrivée au pouvoir de M. de Martignac. Les ordonnances de juillet le nommèrent conseiller d'État et membre du conseil privé. La Révolution de 1830 mit un terme à cette faveur. Il se retira en Prusse, où sa belle-sœur, l'aînée des Sainte-Luce avait épousé un général.

Puis, c'est, bien naturelle, son impatience de voir se terminer ses affaires aux ministères—toujours la pension promise—pour pouvoir épouser celle qu'il aime, et toujours également le soin qu'il a de recommander ses frères, ce pauvre Eugène surtout, à la sollicitude et à la... générosité du général.

Celui-ci n'est riche que de cédules hypothécaires du roi Joseph, moins que des châteaux en Espagne, la pension des fils s'en ressent, semble-t-il. Mais qu'importe, la première édition[Pg 35] des Odes s'épuise avec une rapidité que le poète n'osait espérer. Il songe déjà à une seconde. En vendrait-on, à Blois?

Paris, 4 juillet 1822.

Mon cher papa,

Je mettais à suivre la demande de la Société autant d'activité que le bureau des belles-lettres y mettait de lenteur. Enfin, il y a quelques jours M. de Lourdoueix m'annonça qu'il fallait m'adresser aux bureaux de M. Franchet, c'est-à-dire à la police générale; il me demanda en outre la liste des membres que je ne pus lui donner: puis il ajouta que du reste, puisqu'elle était recommandée par moi, la Société de Blois était sans doute composée de manière à ne pouvoir inquiéter le gouvernement. Je crus pouvoir lui en donner l'assurance et il me dit que très probablement, dans le moment de troubles où nous sommes, l'approbation de l'autorité dépendrait de la composition de la Société.

Je me rendis d'après son indication aux bureaux de la direction de la police, où l'on me promit de faire des recherches. Hier j'y suis retourné et le chef de bureau auquel a dû être renvoyée la demande (qui est je crois celui de l'ordre) m'a déclaré l'avoir cherchée en vain et n'en avoir jamais entendu parler. Il paraît donc qu'elle s'est égarée de l'un à l'autre ministère. Il m'a conseillé d'en faire expédier[Pg 36] sur-le-champ une autre accompagnée de la liste de MM. les membres et des statuts; car c'est d'après ces pièces que doit décider le ministre, lequel, m'a-t-il dit, accorde très difficilement ces sortes de demandes dans l'instant de crise où nous sommes.

Je m'empresse de te rendre fidèlement compte de tous ces détails, cher papa, afin que tu te consultes sur ce que tu veux faire. Tu me trouveras toujours prêt à te seconder de tout mon faible pouvoir.

D'après ton désir je suis retourné chez M. le général d'Hurbal que je n'ai point trouvé chez lui. J'ai demandé son adresse à Meudon, et j'irai, quoiqu'on m'ait dit qu'il était assez difficile de le rencontrer parce qu'il fait de fréquentes excursions.

Puisque l'eau de Barèges te fait du bien, je te prie d'en continuer l'usage. Il faut espérer que les palpitations dont tu te plains disparaîtront tout à fait avec du repos et du bonheur.

Pour moi, mon bon et cher papa, je vois le moment du mien approcher avec la fin de mes affaires aux ministères, mon impatience est grande, et tu le comprendras. Quand j'aurai tout reçu de toi, comment pourrai-je m'acquitter?

Je croyais t'avoir dit qu'Eugène n'avait d'autre ressource que la pension que tu lui fais, en attendant qu'il s'en soit créé par son travail. C'est pour cela que je le recommandai si souvent à ta générosité. Nul doute qu'en se refroidissant il ne sente toute la reconnaissance qu'il te doit.

Nous supporterons encore le sacrifice que la nécessité t'oblige de nous faire supporter. Nous ne doutons[Pg 37] pas que puisque tu le fais, c'est que tu ne peux autrement.

Adieu, cher papa, j'attends avec impatience ton poëme et les conseils que tu m'annonces. Je te remercie vivement de toute la peine que je te cause. Ils pourront m'être fort utiles pour ma seconde édition à laquelle je vais bientôt songer, car celle-ci s'épuise avec une rapidité que j'étais loin d'espérer. Crois-tu qu'il s'en vendrait à Blois?

Le papier me manque pour te parler de mes grands projets littéraires, mais non pour te renouveler la tendre assurance de mon respect et de mon amour. Je t'embrasse.

Ton fils soumis,
Victor.

J'ai envoyé au colonel[32] un exemplaire avant d'avoir reçu ta lettre.

[32] Le colonel, Louis-Joseph Hugo, né le 14 février 1777, mort en 1854. Promu officier de la Légion d'honneur par la même ordonnance que son frère, 14 février 1815, il reçut les étoiles de brigadier, et commanda longtemps comme tel la subdivision de la Corrèze. Il laissa deux enfants. Son fils Léopold, après avoir préparé Saint-Cyr où il ne fut pas admis, vécut et mourut en Corrèze. Devenue veuve, sa fille Marie Hugo entra au Carmel de Tulle, où elle devint Sœur Marie-Joseph de Jésus et où elle est morte en 1906. Elle n'était point tellement retirée du monde qu'elle n'écrivît des lettres charmantes, quand elle pouvait rendre un service, et au cours desquelles elle aimait à évoquer des souvenirs de son enfance et de sa jeunesse et à citer des vers de son oncle Victor Hugo.

[Pg 38]

L'amoureux avait bien l'autorisation officieuse de son père d'épouser Mlle Foucher, mais aucune demande officielle n'avait été faite encore.

A sa prière, le général lui a adressé la lettre, demandant la main d'Adèle, qu'il remettra lui-même à M. Foucher, lorsque enfin la pension royale sera autre chose qu'une promesse. Les temps semblent proches. Son cœur déborde envers son père de reconnaissance, ce pendant que, par les gazettes, il semble assurer le service de presse du Journal de Thionville.

Le nuage ne crève pas, mais menace. Victor a, jusqu'ici, négligé de joindre à ses lettres toute formule de politesse vis-à-vis de la seconde Mme Hugo. Le général s'en est plaint sans doute; et de façon assez désinvolte, Victor s'en excuse: il n'a «contre son épouse actuelle aucune prévention, n'ayant pas l'honneur de la connaître».

Mon cher Papa,

Ta lettre a comblé ma joie et ma reconnaissance. Je n'attendais pas moins de mon bon et tendre père. Je sors de chez M. de Lourdoueix; il doit sous très peu de jours me fixer un terme précis, alors je montrerai ta lettre à M. et à Mme Foucher. Ainsi je te devrai tout, vie, bonheur, tout. Quelle gratitude n'es-tu pas en droit d'attendre de moi, toi, mon père,[Pg 39] qui as comblé le vide immense laissé dans mon cœur par la perte de ma bien-aimée mère!

Je doute, pour ce qui concerne la pension que je viens d'obtenir à la maison du Roi, qu'on me rappelle le trimestre de juillet, alors elle ne courrait qu'à dater du 1er octobre, ce qui remettrait mon bienheureux mariage à la fin de septembre. C'est bien long, mais je me console en pensant que mon bonheur est décidé. Quand l'espérance est changée en certitude, la patience est moins malaisée. Cher papa, si tu savais quel ange tu vas nommer ta fille!

J'attends toujours bien impatiemment ton poëme, et je ferai des exemplaires du Journal de Thionville l'usage que tu m'indiques. Un Espagnol, nommé d'Abayma, qui m'est venu voir hier m'a parlé de mon père, de manière à m'en rendre fier, si je ne l'avais pas déjà été.

Je n'ai aucune prévention contre ton épouse actuelle, n'ayant pas l'honneur de la connaître. J'ai pour elle le respect que je dois à la femme qui porte ton noble nom, c'est donc sans aucune répugnance que je te prierai d'être mon interprète auprès d'elle, je ne crois pouvoir mieux choisir. N'est-il pas vrai, mon excellent et cher papa?

Adieu, pardonne à ce griffonnage, c'est ma reconnaissance, c'est ma joie qui me rendent illisible. Adieu, cher papa, porte-toi bien et aime ton fils heureux, dévoué et respectueux,

Victor.

[Pg 40]

Paris, 26 juillet.

Je tâcherai de remettre en personne ta lettre au général d'Hurbal.

Je renouvelle mes démarches pour la Société de Blois.

Dans ma prochaine lettre, je te parlerai de tous les travaux auxquels le bonheur va me permettre de livrer un esprit calme, une tête tranquille et un cœur content. Tu seras peut-être satisfait. C'est au moins mon plus vif désir.

Le poète des Odes continue à assurer, à Paris, le service de presse du Journal de Thionville,—un exemplaire en a été remis au rédacteur du Dictionnaire des Généraux français—et à prêter son appui aux difficultueux débuts de la Société littéraire de Blois.

Le général, non content de manier la prose, «sacrifie aux muses». Il a envoyé à son fils une copie de son poème, la Révolte des Enfers. Victor Hugo se montre moins sévère que dans le Conservateur littéraire. Il a lu et relu les alexandrins paternels—les Mémoires du Général valaient beaucoup mieux,—s'extasie devant un vers assez médiocre, et admire que son père ait «mis si peu de temps à faire» ce «joli poëme».

[Pg 41]

Mon cher Papa,

Au moment où je commence cette lettre, on m'apporte l'argent du mois. Les 36 francs qui y sont joints seront remis aujourd'hui même à leur destination. Les exemplaires de l'intéressant Journal de Thionville que tu destinais à l'Académie des Sciences et au rédacteur du Dictionnaire des Généraux français sont déjà parvenus à la leur.

J'ai reçu en même temps que ta dernière lettre un paquet de M. le Secrétaire de la Société de Blois. J'aurai l'honneur de lui répondre directement dès que les nouvelles démarches que je viens d'entreprendre m'auront donné un résultat quelconque. Il est tout simple, cher Papa, que j'apporte beaucoup de zèle à cette affaire: tu y prends intérêt.

Je me hâte d'en venir à ton ingénieux poëme; il me tardait de te dire tout le plaisir que j'ai éprouvé à le lire. Je l'ai déjà relu trois fois et j'en sais des passages par cœur. On trouve à chaque page une foule de vers excellents tels que et vendre à tout venant le pardon que je donne et de peintures pleines de verve et d'esprit comme celle de Lucifer prenant sa lunette pour observer l'ange. Plusieurs de mes amis, qui sont en même temps de nos littérateurs les plus distingués, portent de ton ouvrage le même jugement que moi. Tu vois donc bien, cher papa, que je ne suis pas prévenu par l'amour profond et la tendre reconnaissance que je t'ai vouée pour la vie.

Ton fils soumis et respectueux,

Victor.

[Pg 42]

Paris, 8 août.

Je crois en vérité M. le général d'Hurbal introuvable. J'ai été à Meudon inutilement. J'espère être plus heureux un de ces jours.

J'attends toujours un mot de M. de Lourdoueix qui ne peut se faire attendre maintenant que la session est presque finie.

Encore un mot, cher papa, malgré l'heure de la poste qui me presse, je ne puis m'empêcher de te dire combien il m'a semblé remarquable que tu aies mis si peu de temps à faire ton joli poëme. Parle-moi de ta santé, de grâce, dans ta prochaine. Ce projet d'aller passer les vendanges près de toi était charmant, j'y ai reconnu toute ta bonté; mais il faut remettre ce bonheur à l'année prochaine, rien alors ne l'entravera.

Le gouvernement se montre peu disposé à accorder à la Société littéraire de Blois l'autorisation sollicitée, d'autant que «MM. les Députés qui s'étaient chargés d'appuyer la demande ne l'ont fait que très faiblement».

Toutefois, on a indiqué au poète un biais—on a, à la direction de la police, l'ironie facile—pour suppléer à cette faveur. La société peut se passer d'être autorisée, ne comptant pas vingt membres. Et, de fait, elle disparut, sans avoir jamais atteint ce chiffre.

[Pg 43]

Que M. de Chateaubriand revienne au pouvoir[33], Victor aura plus de crédit et se fait fort d'obtenir de lui les droits à la littérature de la ville de Blois.

[33] Chateaubriand n'avait pas seulement été disgracié, mais désavoué par Louis XVIII qui avait cru devoir donner à son mécontentement une publicité pour le moins singulière: «Le vicomte de Chateaubriand ayant dans un écrit imprimé, élevé des doutes sur notre volonté personnelle, manifestée par notre ordonnance du 5 septembre, nous avons ordonné ce qui suit: le vicomte de Chateaubriand cesse, de ce jour, d'être compté au nombre de nos ministres d'État.»

La réaction qui suivit l'assassinat du duc de Berry avait mis fin à cet imbroglio. Avec le ministère Villèle, Chateaubriand acceptait l'ambassade de France à Londres, accompagnait M. de Montmorency au congrès de Vérone (15 octobre 1822), et après la démission de celui-ci, le portefeuille des Affaires étrangères par ordonnance du 28 novembre... Non moins cavalièrement, on verra à la suite de quels événements, ce portefeuille devait lui être retiré le 6 juin 1824.

Il connaît en ce moment l'ennui des formalités administratives qui accompagnent les actes principaux de la vie. Des papiers lui manquent, son père pourrait-il lui procurer une copie de son acte de naissance et un extrait de baptême.

Ne perdant pas le nord, le «bon oncle Louis», le colonel Louis Hugo, commandant le bureau de recrutement de Tulle, a déjà écrit à son neveu pour mettre à profit le crédit au ministère de la Guerre de M. Foucher, son futur beau-père.

[Pg 44]

Mon cher Papa,

Il y a déjà longtems que j'aurais répondu à ta bonne et chère lettre, si je n'avais désiré te marquer en même tems le résultat définitif de mes démarches pour la Société de Blois. Il n'est pas tel que tu le désirais et c'est une peine qui se mêle au plaisir de t'écrire. Tu sais que le dossier de la Société fut renvoyé (selon l'usage, à ce qu'il paraît) dans les bureaux de la direction générale de la police. Après plusieurs démarches dans ces bureaux, j'obtins enfin il y a quelque tems cette réponse de M. Franchet que le gouvernement ne jugeait pas à propos d'accorder en ce moment aucune autorisation de ce genre; que d'ailleurs la Société de Blois n'étant composée actuellement que de quatorze membres pouvait se passer de cette autorisation, laquelle ne lui deviendrait nécessaire qu'autant qu'elle en porterait le nombre au delà de vingt, cette réponse me fut donnée comme irrévocable. Sentant néanmoins ce qu'elle avait de peu satisfaisant pour la Société, j'ai voulu, avant de te l'envoyer, remonter jusqu'au ministre de l'Intérieur, qui n'a fait que me confirmer d'une manière décisive la réponse du directeur de la police. Je me hâte donc, bien à regret, de t'en faire part. Je pense du reste, mon cher papa, que la Société ne doit pas se décourager. L'obstacle opposé par le gouvernement passera avec les événemens qui le font naître, et d'ailleurs, si jamais M. de Chateaubriand arrivait au ministère, je ne désespérerais pas de le faire lever pour peu que tu le désirasses encore. J'aurais alors,[Pg 45] par le moyen de cet illustre ami, un peu plus de crédit. Veuille, je te prie, mon cher papa, transmettre tous ces détails à M. le Secrétaire de la Société, auquel j'aurais eu l'honneur d'écrire si selon mon vif désir, j'avais eu de bonnes nouvelles à vous annoncer. Pour ne rien te cacher, je te dirai très confidentiellement que MM. les députés qui s'étaient chargés d'appuyer la demande ne l'ont fait que très faiblement. Pour moi, j'ai fait bien des pas et des démarches inutiles: mais je n'en aurais, certes, aucun regret, si j'avais réussi.

Maintenant, cher papa, c'est toi que je vais importuner. Tout annonce que mes affaires à l'intérieur vont enfin se terminer et que mon bonheur va commencer. Mais il me faudra mon acte de naissance et mon extrait de baptême. Je m'adresse à toi, mon bon et cher papa, ne connaissant personne à Besançon, je ne sais comment m'y prendre pour obtenir ces deux papiers. Ta bonté inépuisable est mon recours. Je voudrais les avoir dès à présent, car si j'attendais encore, je tremblerais qu'ils n'apportassent du retard à cette félicité qui me semble déjà si lente à venir. Moi qui connais ton cœur, je sais que tu vas te mettre à ma place; pardonne-moi de te causer encore ce petit embarras. Tu nous avais envoyé il y a quatre ans nos actes de naissance: mais en prenant nos inscriptions de droit, nous avons dû les déposer au bureau de l'école, selon la loi, et la loi s'oppose à ce qu'on les restitue. Tu me rendrais donc bien heureux en me procurant cette pièce avec mon extrait de baptême, nécessaire pour l'église, comme tu sais.

[Pg 46]

Adieu, cher et excellent papa, l'offre que tu me fais dans ta charmante lettre de m'envoyer des vues de Saint-Lazare, dessinées par toi, me comble de joie et d'une douce reconnaissance. Il me serait bien doux de pouvoir placer des ornements aussi chers dans l'appartement qui sera témoin de mon bonheur. Réalise, je t'en prie, cette promesse à laquelle j'attache un si haut prix.

Réponds-moi le plus tôt possible, et parle-moi beaucoup de ta santé, de tes occupations et de ton affection pour tes fils, que peuvent à peine payer tout le respect et tout l'amour de ton

Victor.

Paris, 31 août 1822.

Mon bon oncle Louis m'a écrit pour un objet qui le concerne et dont M. Foucher s'occupe activement. Je lui transmettrai la réponse dès que je l'aurai.—Nous t'embrassons tous ici bien tendrement. Je pense que tu lis à Blois les journaux qui parlent de mon recueil, si tu le désires, je t'enverrai ceux qui me tombent entre les mains. Je lis et relis ton joli poëme de la Révolte des Enfers.—Parle-moi, je te prie, de ce que tu fais en ce moment. Tu sais combien cela m'intéresse et comme fils et comme littérateur.

Pardonne à mon griffonnage; je t'écris avec une main malade: je me suis blessé légèrement avec un canif, ce ne sera rien. Adieu, cher papa, je t'embrasse encore.

[Pg 47]

La demande officielle du général Hugo a été remise à M. Foucher, qui a fait la réponse en partie reproduite par Mme Hugo[34]. La pension ne peut tarder, mais le général fait attendre à ses fils le mois de la leur. Avec toutes les formes possibles, Victor signale à son père ce gênant oubli. Ne lui sont pas encore parvenus également son extrait de naissance et le consentement légalisé du général.

[34] Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, pp. 59-60.

Paris, 13 septembre 1822.

Mon cher papa,

M. de Lourdoueix m'ayant donné sa parole d'honneur que ma pension de l'intérieur me serait assignée durant l'administration intérimaire de M. de Peyronnet[35], j'ai remis ta lettre à M. Foucher et tu[Pg 48] as dû recevoir sa réponse. Nous n'attendons plus que ton consentement légalisé.

[35] Charles-Ignace de Peyronnet, né à Bordeaux en 1775, devait à Madame, dont il avait protégé la fuite à Bordeaux, et à Mme du Cayla qu'il avait fait triompher, en appel, de son mari, à Bourges, sa scandaleuse fortune. Successivement président du tribunal de Bordeaux (1816), procureur général à Bourges, puis à Rouen, poste dont il ne prit pas possession, la Restauration en fît un garde des sceaux, le 21 décembre 1821 et le créa comte le 17 août 1822. Son nom reste attaché à toutes les mesures rétrogrades ou restrictives soutenues par lui devant la Chambre des députés, non sans provoquer parfois son hilarité par le décousu et la vulgarité de son éloquence. Il tomba avec le ministère Villèle, le 6 décembre 1827, fut nommé pair de France par ordonnance du 5 janvier 1828, contresigna comme ministre de l'Intérieur du cabinet Polignac après son remaniement (19 mai 1830) les ordonnances du 25 juillet; mis en accusation et condamné à la détention perpétuelle par la Chambre des Pairs (19 décembre 1830) il fut grâcié en 1834 et mourut en 1854.

Cher papa, n'attribue le silence d'Abel qu'à la multiplicité de ses occupations, je lui ai communiqué ta lettre, et il va s'empresser de dissiper lui-même un doute aussi affligeant pour ton cœur.

Si je n'ai pas été baptisé à Besançon, je suis néanmoins sûr de l'avoir été, et tu sais combien il serait fâcheux de recommencer cette cérémonie à mon âge. M. de Lamennais[36], mon illustre ami, m'a assuré qu'en attestant que j'ai été baptisé en pays étranger (en Italie), cette affirmation accompagnée de la tienne suffirait. Tu sens combien de hautes raisons doivent me faire désirer que tu m'envoies cette simple attestation.

[36] Voir la lettre écrite de la Chenaie à Victor Hugo à l'occasion de son mariage (Victor Hugo raconté..., tome II, p. 60-61).

Nous sommes au 13, mon cher papa, et je n'ai pas encore reçu notre mois. Ton exactitude à prévenir les besoins de tes fils me rend certain que la négligence ne vient que des messageries. Mais je t'en avertis, cher papa, sûr que tu t'empresseras de faire cesser notre gêne.

Adieu, mon excellent père, je t'aime, je t'embrasse et je fais les vœux les plus ardens pour te voir et te voir bien portant.

Ton fils tendre et respectueux,

Victor.

[Pg 49]

L'attestation de baptême est parvenue, seul le consentement légalisé du général manque encore. Son fils le presse de le lui adresser. Il voudrait bien que la publication des bans commence le dimanche suivant—demande même à son père d'en racheter un dans sa paroisse, à Blois—afin que le mariage puisse avoir lieu vers le 7 ou le 8 octobre.

L'impatience très naturelle du fiancé n'est pas seule en jeu: une question d'appartement s'y mêle: il a donné congé du sien pour le 8 octobre et voudrait éviter les ennuis et les frais de deux déménagements successifs.

Victor Hugo, ainsi que ses futurs beaux-parents, regrette vivement qu'un accident empêche le général d'assister au mariage et de prendre part aux frais de la noce. Mais, il faut qu'il y ait là une absolue nécessité. Le père doit à ses fils un mois arriéré de leur pension, il le prie de le leur envoyer et il le supplie de la continuer à Abel et à Eugène—ce dernier «était un peu fou» quand il a écrit au général. Pour lui, il ne l'importunera plus de ses besoins, à la pension qu'il va toucher s'en ajoutera bientôt une nouvelle, et il compte redoubler de travail et de veilles.

Mon cher papa,

Je te réponds courrier par courrier pour te remercier de l'attestation que tu m'envoies et te prier de[Pg 50] mettre autant de célérité à me faire parvenir ton consentement notarié. Je désirerais bien vivement que mon mariage pût avoir lieu le 7 ou le 8 octobre pour un motif impérieux (entre tous les motifs de cœur qui, tu le sais, ne le sont pas moins), c'est que je quitte forcément l'appartement que j'occupe le 8 octobre. J'ai donc prié M. et Mme Foucher de faire commencer la publication des bans dimanche prochain 22, elle se terminera le dimanche 6 octobre. Mais ces bans doivent être également publiés à ton domicile, et il faut que le 6 octobre on ait reçu à notre paroisse de Saint-Sulpice la notification de la complète publication des bans à Blois, ce qui ne se pourrait faire qu'autant que tu serais assez bon pour racheter un ban à ta paroisse. Ce rachat coûte cinq francs ici, on m'assure qu'il doit être moins cher encore à Blois. Tu sens, mon cher papa, combien est urgente la nécessité qui me fait t'adresser cette instante prière. Il s'agit de m'épargner l'embarras et la dépense de deux déménagements coup sur coup dans un moment qui entraîne déjà naturellement tant de dépenses et d'embarras, il s'agit de plus encore, c'est de hâter mon bonheur de quelques jours, et je connais assez ton cœur pour ne plus insister.

Je suis tout à fait en règle, j'ai fait lever sur l'extrait de naissance déposé à l'école de droit une copie notariée qui vaut l'original, quand ton consentement me sera parvenu, je pourrai remplir toutes les formalités civiles. Le papier que tu m'envoies aujourd'hui suffit également pour les formalités religieuses.

Les noms et prénoms de ma bien-aimée fiancée[Pg 51] sont Adèle-Julie Foucher, fille mineure de Pierre Foucher, chef de bureau au ministère de la Guerre, chevalier de la Légion d'honneur, et d'Anne-Victoire Asseline. Ces renseignements te seront nécessaires pour la publication des bans.

Nous avons tous bien vivement regretté ici, mon cher et excellent papa, que cet accident arrivé à ton élève (?) nous privât du bonheur de te voir prendre part et ajouter par ta présence à tant de félicité. Il est inutile de te dire combien ton absence me sera pénible; mais je me dédommagerai quelque jour, j'espère, d'avoir été si longtems sevré de la joie de t'embrasser.

Il est malheureux encore, cher papa, que cet accident te prive de contribuer aux sacrifices que vont faire M. et Mme Foucher. Je ne doute pas qu'il n'y a que l'absolue nécessité qui puisse t'imposer cette économie, et je suis sûr que ton cœur en sera le plus affligé. Tâche, cependant, de nous envoyer le plus tôt possible le mois arriéré. Tu sens combien je vais avoir besoin d'argent dans le moment actuel. Je te supplie encore, bon et cher papa, de faire tout ton possible pour continuer à mes frères Abel et Eugène leur pension, n'oublie pas qu'Eugène était un peu fou quand il t'a écrit, et donne-lui, si tu le peux, cette nouvelle preuve de tendresse généreuse et paternelle. Pour moi je ne t'importunerai pas de mes besoins; à dater du 1er octobre, ma pension me sera comptée, l'autre ne tardera pas sans doute, et quoique ce moment-ci m'entraîne nécessairement à beaucoup de frais, en redoublant de travail et de veilles,[Pg 52] je parviendrai peut-être à les couvrir. Le travail ne me sera plus dur désormais, je vais être si heureux!

Permets-moi en finissant, mon cher et bien cher papa, de te rappeler combien sont importantes toutes les prières que je t'adresse relativement à l'envoi de ton consentement légal, à la publication et au rachat des bans dans ta paroisse.

Adieu, pardonne à ce griffonnage et reçois l'expression de ma tendre et profonde reconnaissance.

Ton fils soumis et respectueux,

Victor.

Paris, 18 septembre 1822.

J'ai été obligé de rectifier une erreur d'inadvertance dans la pièce que tu m'envoies, je suis né le 26 février 1802 et non 1801.

M. et Mme Foucher sont bien sensibles à tout ce que tu leur dis d'aimable. Tu verras un jour quel présent ils te font quand je t'amènerai ta fille.

Je t'enverrai incessamment tous ceux que j'ai pu me procurer des journaux qui ont parlé de mon recueil. Il continue à se bien vendre et dans peu les frais seront couverts. C'est une chose étonnante dans cette saison.

Le général n'a pas racheté, paraît-il, le ban qui devait permettre au mariage d'avoir lieu à la date désirée. Son fils d'en être très contrarié et de le presser à nouveau.

[Pg 53]

Mon cher papa,

En prévoyant combien je serais contrarié du retard que tu m'annonces, tu ne t'es pas trompé. Je m'empresse aujourd'hui de t'écrire quelques mots pour te prier très instamment de faire au moins en sorte que le certificat de publication de bans m'arrive vendredi matin (11 octobre) avant onze heures. Le jour du mariage est fixé au samedi 12, et toutes les raisons que je t'ai détaillées déjà empêchent qu'il ne soit retardé d'un jour. Je recommande tout cela à cette diligence qui me prouve ta tendresse et je finis en t'embrassant.

Ton fils soumis et respectueux,

Victor.

Abel va te répondre incessamment et t'embrasse ainsi qu'Eugène. Excuse ce griffonnage.

Ce 3 octobre 1822.

Réponds-moi, je te prie, au sujet de la demande que je te fais dans cette lettre le plus tôt possible.

Ici, s'intercale parmi les lettres de Victor Hugo, une lettre, d'une écriture serrée et soignée, presque commerciale, à tous points de vue intéressante, de son oncle, le colonel Louis Hugo.

Leurs châteaux en Espagne, c'est-à-dire les cédules hypothécaires du roi Joseph, le préoccupent[Pg 54] autant que son frère: quoique désespérant, comme Oronte, il espère toujours.

Il a fait quelques observations à son neveu sur son mariage, le trouvant bien jeune pour s'établir et lui conseillant d'attendre, pour cela, d'avoir trouvé «une bonne place».

Victor Hugo l'a rassuré: il aura bientôt 3.000 francs de revenu, tant du produit de son travail que de la pension qui va lui être servie... comme membre de l'Académie des Jeux Floraux[37].

[37] Cette pension servie aux membres de «la seconde Académie du royaume» n'ayant point laissé de me surprendre, il m'a paru intéressant de m'adresser à l'Académie elle-même, pour savoir si jamais ses membres avaient été l'objet de cette libéralité royale.

La réponse fut fort aimable, mais négative, comme je m'y attendais:

Académie
des
Jeux Floraux


Toulouse, 2 décembre 1906.

Monsieur,

L'Académie vient seulement de reprendre ses travaux. De là le retard de ma réponse; vous voudrez bien nous en excuser.

Jamais le titre de membre de l'Académie des Jeux Floraux n'a donné droit à pension de la cassette royale, et Victor Hugo dont vous parlez ne se sert évidemment pas de termes d'une rigoureuse exactitude.

J'ajoute,—pour vous renseigner très complètement,—que Victor Hugo, après avoir obtenu divers prix à plusieurs concours de l'Académie, fut déclaré maître ès-jeux. Il n'appartint pas à notre Compagnie comme mainteneur.

Veuillez, Monsieur, me permettre de saisir cette occasion pour vous prier d'agréer l'expression de mes très distingués sentiments.

Le mainteneur, secrétaire des Assemblées.

G. Depeyre.

Les Jeux Floraux n'avaient donc rien à voir dans cette pension. Elle a été accordée à Victor Hugo, en septembre 1822, par Louis XVIII, «sur la proposition de M. le Marquis de Lauriston, alors ministre de la maison du roi, et sur la recommandation spéciale de S. A. R. Madame, duchesse de Berry, transmise au ministre par Mme la maréchale, duchesse de Reggio».

Une lettre de Victor Hugo, adressée en 1826 à M. le vicomte de la Rochefoucauld, aide de camp du roi, chargé du département des beaux-arts, et reproduite par Edmond Biré (p. 397), spécifie ces détails et ne permet à ce sujet aucun doute.

[Pg 55]

Le colonel a cru devoir s'incliner, conseille au général de l'imiter et,—un post-scriptum de Victor Hugo a antérieurement révélé ce détail—a mis aussitôt à profit la situation de M. Foucher au ministère de la Guerre pour tâcher d'éviter sa mise à la retraite.

Le colonel a fait de suite, par la voie hiérarchique, une demande, pour quitter le bureau de recrutement où il est détaché et rentrer en activité de service.

Cette lettre, scellée d'un cachet portant les initiales L. H., est adressée:

[Pg 56]

A Monsieur
Monsieur Le Chevalier Hugo
Maréchal de camp des Armées du Roi
à Saint-Lazare,

Blois.

J'ai reçu en son tems, mon bon ami, ta lettre du 9 septembre à laquelle tu avais joint deux lettres à mon adresse que tu avais reçues de M. Bourg. Il paraît d'après leur contenu que toutes nos espérances sur l'Espagne sont tout à fait perdues. Cependant je ne pense pas que nous puissions entièrement renoncer à nos prétentions; attendu que si la lutte politique qui est engagée en ce moment dans ce pays tourne à l'avantage des constitutionnels[38]: ce nouveau Gouvernement pour se faire des amis voudra peut-être contenter tout le monde; conséquemment comme il y a beaucoup d'Espagnols qui sont porteurs de cédules hypothécaires du roi Joseph, il est présumable que l'on prendra un parti à leur égard, dès lors, on pourra donner un cours à ses papiers, ce qui fera reprendre un peu les nôtres.

[38] Écrite huit jours avant le congrès de Vérone, cette lettre n'en pouvait prévoir les résultats et la prochaine intervention de la France en Espagne pour y rétablir les droits que Ferdinand avait en partie abdiqués, contraint, en 1820, de rétablir la constitution de 1812.

Une chose qui me semble encore en notre faveur, c'est que la commission chargée de l'exécution des conventions du 25 avril 1818 et du 30 avril 1822[Pg 57] avait été créée avant la dernière révolution qui s'est oppérée (sic) à Madrid. Depuis il a été question aux Cortes, de mettre un terme à toutes ces réclamations dont le Gouvernement était accablé. Donc il faudrait en attendre les résultats.

J'avais fait à Victor quelques observations sur ses projets futurs de mariage, je lui disais qu'il était bien jeune encore pour songer à s'établir, que ta position ne te permettait pas de faire de grands sacrifice (sic) dans cette circonstance, et que par conséquent il ferait bien d'attendre qu'il eût obtenu une bonne place qui le mette à même de pouvoir vivre honorablement avec son Épouse. De manière qu'il m'a répondu ce qui suit: «Je te remercie, cher oncle, des conseils que tu me donne (sic) et de l'intérêt que tu me témoigne (sic) à l'occasion de mon très prochain mariage avec la fille de M. Foucher, Mlle Adèle Foucher. Toutes les aimables inquiétudes que tu me témoigne (sic) pour mon avenir cesseront quand tu sauras qu'avant deux mois j'aurai près de 3.000 francs de revenu par moi-même, tant du produit de mes ouvrages, que de la pension qui est attachée au titre de membre de la Seconde académie du Royaume. Tu sais, mon cher Oncle, qu'en 1820 après avoir remporté trois prix successifs j'ai été nommé membre de l'Académie des jeux floraux. La pénurie de la cassette royale m'avait empêché jusqu'ici de toucher ma pension, mais j'ai tout lieu de croire qu'à dater du 1er octobre elle me sera comptée.»

Tu vois, d'après cela, mon ami, qu'avec de la conduite[Pg 58] et des mœurs aussi douce (s) que celle (s) de Victor, il peut, par la suite, avoir une très belle existance (sic). Il paraît que son futur mariage est un mariage d'inclination et que Mlle Foucher est très bien élevée: or il faut laisser aller la chose et faire des vœux pour qu'ils soient heureux.

J'avais aussi prié Victor de s'informer, près de M. Foucher, s'il pensait que cette mission à Tulle ne serait pas un titre d'exception pour ma mise à la retraite quoique n'ayant pas atteint mes cinquante ans d'âge.

Voici un passage de sa lettre:

«Il est très vrai que MM. les colonels employés dans les conseils de recrutement ne sont pas considérés comme en activité, il est très vrai également que le désir d'éteindre les demi-soldes fait qu'on s'empresse de mettre à la retraite tous les officiers qui remplissent les conditions demandées, quelque jeunes qu'ils puissent d'ailleurs être encore. M. Foucher pense donc que ce qu'il y aurait de mieux à faire pour toi, ce serait de réclamer l'activité. Il m'a dit au reste que le Ministre était très satisfait de ton zèle et de tes services à Tulle, et qu'il se pourrait grâce à cette considération, que la règle général (sic) de mettre à la retraite tous les officiers qui peuvent y être mis, souffre une exception à ton égard. Je termine ces détails, mon meilleur oncle, en te priant si tu fais quelques démarches, de te servir de moi comme de toi-même. Je serai heureux de te rendre quelque petit service.»

Depuis la réception de cette lettre j'ai fait le voyage[Pg 59] de Périgueux où M. le lieutenant-général Almeras[39] m'a reçu de la manière la plus amicale; il m'a beaucoup parlé de toi, et chargé de le rappeler à ton ancienne amitié. Il m'a tenu à peu près le même lengage (sic) que Victor, et fortement engagé à lui adresser une demande d'activité de service, pour S. E. le Ministre de la Guerre[40]; j'ai suivi ses conseils et la lui ai expédiée avant-hier. Maintenant il reste à savoir quel effet cela produira.

[39] Le lieutenant général Almeras, après s'être signalé dans les Alpes, dans le Midi de la France, où son œuvre de pacification lui valait des félicitations du Conseil des Cinq-Cents et en Égypte avec Kléber, avait fait les campagnes d'Autriche et de Prusse. Nommé général au lendemain de la bataille de la Moskowa (7 septembre 1812), il avait reçu en 1814 de la Restauration la croix de Saint-Louis.

[40] Victor, duc de Bellune.

Si M. de Lescale était de retour à Blois et qu'il fût disposé à écrire un mot à M. Perceval, il me ferait plaisir. Car tu sais que dans ces circonstances il vaut mieux avoir deux cordes à son arc qu'une seule.

Adieu, je t'embrasse de tout mon cœur, ainsi que ta femme et Goton, si elle est encore près de toi.

Tout à toi de cœur et d'amitié,

Le Colonel,
Chev. L. Hugo.

Tulle, le 9 octobre 1822.

A Saint-Sulpice, où dix-huit mois auparavant avaient été récitées autour du cercueil de sa[Pg 60] mère les dernières prières, le mariage de Victor Hugo était enfin célébré le 12 octobre 1822. L'acte de mariage fut ainsi rédigé:

Le 12 octobre 1822, après la publication des trois bans, en cette église, et d'un seul en celle de Blois vu la dispense des deux autres, les fiançailles faites le même jour, ont reçu la bénédiction nuptiale:

Victor-Marie Hugo, membre de l'Académie des Jeux-Floraux de Toulouse, âgé de vingt ans, demeurant de droit et de fait à Blois, diocèse d'Orléans[41], fils mineur de Joseph-Léopold-Sigisbert Hugo, maréchal des camps et armées du roi, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, officier de la Légion d'honneur et commandant de l'ordre royal de Naples, et de défunte Sophie-Françoise Trébuchet, son épouse,

[41] Le Blaisois et le Vendômois n'avaient été longtemps que des archidiaconés du diocèse de Chartres. Par bulle du 25 juin 1697 seulement, Innocent XII institua le diocèse de Blois, dont les promoteurs avaient été auprès de Louis XIV, le père La Chaise, son confesseur et Mme de Maintenon.

Le diocèse de Blois, illustré par l'épiscopat de Grégoire, fut supprimé par le Concordat et le département de Loir-et-Cher réuni au diocèse d'Orléans.

Rétabli par ordonnance royale du 10 octobre 1822, le diocèse de Blois risqua fort d'être supprimé en 1834, ainsi que les autres sièges non concordataires qui avaient bénéficié de cette ordonnance.

D'une part;

Et Adèle-Julie Foucher, âgée de dix-neuf ans, demeurant de droit et de fait rue du Cherche-Midi,[Pg 61] nº 39, de cette paroisse, fille mineure de Pierre Foucher, chef au Ministère de la Guerre, chevalier de la Légion d'honneur, et de Anne-Victoire Asseline, son épouse,

D'autre part;

Présents et témoins, Jean-Baptiste Biscarrat, Alfred-Victor, comte de Vigny; Jean-Baptiste Asseline, Jean-Jacques-Philippe-Marie Duvidal, lesquels ont signé avec les époux et leur père et mère.

Victor-M. Hugo,—A.-J.-V.-M. Foucher,—comte Alfred de Vigny,—Fouché,—Biscarrat,—Eugène Hugo,—Duvidal, marquis de Montferrier,[42]—Asseline,—V.-A. Fouché,—A. Hugo,—Victor Fouché,—A. Asseline,—Deschamps,—Soumet,—Fessart,—Dumas, vicaire.

[42] Abel Hugo devait épouser plus tard Mlle de Montferrier.

Contrairement aux souvenirs de Victor Hugo, (Victor Hugo raconté...) les témoins de son mariage n'avaient donc point été M. Ancelot[43] et[Pg 62] Alexandre Soumet[44], mais bien Jean-Baptiste Biscarrat[45], l'ancien maître d'étude d'Eugène et de Victor à la pension Cordier, demeuré par[Pg 63] la suite leur ami et l'un des plus nobles poètes dont se puisse enorgueillir la Restauration, le comte Alfred de Vigny.

[43] Jacques-Arsène-François-Polycarpe Ancelot (1794-1854). A cette époque, Ancelot avait connu, en 1819, un succès plus politique que littéraire avec son Louis neuf, tragédie qui lui valut une pension de Louis XVIII.

Il devait figurer de 1823 à 1824, parmi les rédacteurs, de composition si éclectique, de la Muse française et collaborait déjà aux Annales de la Littérature et des Arts, le journal officiel de la Société des Bonnes Lettres, où il consacra en 1822, un article très élogieux à Alfred de Vigny.

Ancelot était un pseudo-classique dans toute la rigueur du terme. Il fit représenter le Maire du Palais, en 1823; un Fiesque imité de Schiller, en 1824; Olga ou l'Orpheline moscovite, en 1829; Élisabeth d'Angleterre, en 1829.

La Révolution de 1830 l'ayant privé de sa pension, il se tourna vers les petits théâtres, d'un rapport plus lucratif, qu'il inonda de ses vaudevilles, dépourvus de style, comme il convient, mais non sans esprit et sans gaîté.

[44] Alexandre Soumet, né à Castelnaudary, en 1788, mort en 1845. Après avoir d'abord chanté Napoléon et le Roi de Rome, il se réconcilia avec les Bourbons qui le nommèrent successivement bibliothécaire des châteaux de Saint-Cloud, de Rambouillet et de Compiègne.

Très favorable aux théories romantiques, qu'il n'osait suivre lui-même que très timidement, Alexandre Soumet fut un des premiers défenseurs de Victor Hugo à ses débuts et collabora aux Lettres champenoises, sorte de «centre droit» entre les Romantiques et les Classiques, où il consacra également un article élogieux à Alfred de Vigny (tome VII); au Conservateur littéraire, dans lequel il rendit compte des Nouvelles Odes de Victor Hugo, au Mercure du XIXe siècle, et fit partie de la Société des Bonnes Lettres, où il devait lire, en 1826, sa Jeanne d'Arc.

Une élégie: La Pauvre fille, a plus contribué à rendre, un moment, son nom populaire, que ses tragédies: Clytemnestre (1822), Saül (1822), Elisabeth de France (1823), Jeanne d'Arc (1823), pour n'en citer que quelques-unes, qui lui ouvrirent, en 1834, les portes de l'Académie française.

Alexandre Soumet a laissé, à côté de son théâtre, un poème de longue haleine, témoignant d'un louable effort et où se trouvent de beaux vers, la Divine Epopée (1840).

Cf. Léon Séché: Études d'Histoire romantique.—Le Cénacle de la Muse française (Mercure de France, 1908, LXXII, pp. 385-417; LXXIII, pp. 24-57).

[45] Biscarrat, que ses contemporains et tous ceux qui se sont occupés des débuts du Romantisme semblent avoir appelé Félix, aurait signé de l'initiale S des articles nombreux et intéressants du Conservateur littéraire.

Alexandre Soumet ne paraît avoir collaboré qu'au tome III (1820-1821).

Dans ce même volume, Alfred de Vigny donna sur les Œuvres complètes de Byron, un premier article qui ne fut jamais suivi d'un second.

Cf. Ch.-M. Des Granges: La Presse littéraire sous la Restauration.

La noce eut lieu chez M. Foucher. Sa salle à manger s'étant trouvée trop étroite, l'on dîna dans la salle du Conseil de guerre. Là même, dix ans plus tôt, le général Lahorie, le mystérieux réfugié de la rue de Clichy et des Feuillantines, s'était entendu condamner à mort.

La lettre, qui, à moins de huit jours suivit, déborde de joie, de bonheur et de reconnaissance. Victor Hugo, cependant, malgré le rêve étoilé de ces oarystis semble avoir à cœur de ne point oublier ses frères et les recommande une fois de plus à la bonté et à la générosité du général.

Mon cher Papa,

C'est le plus reconnaissant des fils et le plus heureux des hommes qui t'écrit. Depuis le 12 de ce mois, je jouis du bonheur le plus doux et le plus[Pg 64] complet et je n'y vois pas de terme dans l'avenir. C'est à toi, bon et cher papa, que je dois rapporter l'expression de ces pures et légitimes joies, c'est toi qui m'as fait ma félicité, reçois donc pour la centième fois l'assurance de toute ma tendre et profonde gratitude.

Si je ne t'ai pas écrit dans les premiers jours de mon bienheureux mariage, c'est que j'avais le cœur trop plein pour trouver des paroles, maintenant même tu m'excuseras, mon bon père, car je ne sais pas trop ce que j'écris. Je suis absorbé dans un sentiment profond d'amour, et pourvu que toute cette lettre en soit pleine, je ne doute pas que ton bon cœur ne soit content. Mon angélique Adèle se joint à moi, si elle osait, elle t'écrirait, mais maintenant que nous ne formons plus qu'un, mon cœur est devenu le sien pour toi.

Permets-moi, en terminant cette trop courte lettre, mon cher et excellent papa de te recommander les intérêts de mes frères, je ne doute pas que tu n'aies déjà décidé en leur faveur, mais c'est uniquement pour hâter l'exécution de cette décision que je t'en reparle.

Adieu donc, cher papa, je me sépare de toi avec regret; c'est pourtant une douceur pour moi que de t'assurer encore de l'amour respectueux et de l'inaltérable reconnaissance de tes heureux enfants.

Victor.

[Pg 65]

Paris, 19 octobre 1822.

Mes deux frères t'embrassent tendrement. Mon beau-père et ma belle-mère ont été très sensibles à ta lettre. Je crois que M. Foucher te répondra bientôt. Il s'occupe des intérêts de mon oncle Louis au ministère de la Guerre.

Un mois plus tard, le général Hugo et la comtesse de Salcano, son épouse, faisaient part en ces termes du mariage de Victor:

M.

Monsieur le général Léopold Hugo et Madame la comtesse A. de Salcano, son épouse, ont l'honneur de vous faire part du mariage, à Paris, de Monsieur Victor-Marie Hugo, leur fils et beau-fils, avec Mademoiselle Adèle-Julie-Victoire-Marie Foucher, fille de Monsieur le chevalier Foucher, chef de bureau au ministère de la Guerre, et de Madame Anne-Victoire Asseline, son épouse.

Saint-Lazare, près Blois, le 15 novembre 1822.

On n'aura pas l'honneur de recevoir.

Dorénavant, Mme Victor Hugo prendra une place presque égale à celle de son mari dans cette correspondance avec le général. A son tour, elle lui exprime son affection et sa reconnaissance.[Pg 66] Confiante dans l'avenir, elle célèbre son amour et son bonheur.

La belle-mère n'a pas été l'obstacle que l'on pouvait craindre au mariage. Elle semble, au contraire, s'être entremise en faveur des amoureux pour en hâter la célébration. Ce n'est plus «l'épouse actuelle» du général, mais une alliée que l'on remercie, lui devant quelques jours fastes de plus.

Paris, 19 novembre 1822.

Mon cher Papa,

Tout ce que ta bonne lettre nous dit de tendre et de paternel a été accueilli ici par deux cœurs qui n'en font qu'un pour t'aimer. Je ne saurais te dire combien mon Adèle a été sensible à l'expression de ton affection qu'elle mérite si bien par celle qu'elle daigne porter à ton fils. Elle va t'exprimer elle-même tout ce qu'elle ressent pour toi. Veuille bien, je te prie, dire à notre belle-mère combien nous sommes reconnaissans de tout ce qu'elle a bien voulu faire pour hâter notre fortuné mariage.

J'ai montré ta lettre à mes frères. Abel va t'écrire. Ils me chargent de t'embrasser tendrement pour eux.

Maintenant permets-moi de t'embrasser pour moi et de céder le reste de cette lettre à ta fille.

Ton fils soumis et respectueux,

Victor.

[Pg 67]

Mon cher papa,

C'est la plus heureuse des femmes qui vous doit tout son bonheur que sans vous elle désirerait encore, c'est votre fille qui a mis sa destinée entre les mains du plus noble des hommes qui voudrait vous rendre sa reconnaissance. Dieu sait que ce n'est pas la gloire qui entoure son talent qui me le fait admirer, mais bien cette âme si pure, si élevée que vous connaissez à peine et à laquelle la mienne est consacrée. Il n'est rien de moi qui ne soit pour lui, pour mon Victor, pour votre digne fils.

Si notre belle-mère savait combien j'ai été sensible à tout ce qu'elle a bien voulu faire pour accélérer notre mariage, j'espère qu'elle voudrait bien recevoir mes remerciements. Je lui dois quelques jours de bonheur que sans elle je demanderais en vain.

J'ai vu, mon cher papa, s'écouler le plus beau jour de ma vie sans avoir connu l'auteur de ce beau jour. Nous espérons, et moi en particulier, comme une grâce, que la fin de cette année ne se passera pas sans que j'aie pu vous exprimer de vive voix tous les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être votre très respectueuse fille,

A. Hugo.


[Pg 68]

III

Un roman en partie double.—La folie d'Eugène Hugo.—«La recommandation de M. de Clermont-Tonnerre».—La maison de la rue du Foix, à Blois.—La grossesse d'Adèle Hugo.—Le pauvre Eugène.

L'antithèse n'existe pas seulement dans l'œuvre de Victor Hugo, et Baudelaire ne fut pas le premier, hélas!

admis au noir mystère
Des rires effrénés mêlés aux sombres pleurs.

Le lendemain de ce beau jour, dont les jeunes époux clamaient orgueilleusement la joie, fut atrocement triste.

Eugène Hugo, exalté, «un peu fou» depuis des mois, prononça, au cours du dîner de noce des paroles incohérentes. Biscarrat en fut frappé, avertit Abel Hugo, et au sortir de table, ils l'emmenèrent et le firent rentrer chez lui, sans en parler à personne.

Le lendemain matin, on le trouva dans sa[Pg 69] chambre, dont il avait allumé tous les flambeaux, vaticinant et tailladant les meubles à coups de sabre. Il était tout à fait fou.

Un drame intime, navrant dans sa simplicité, se cachait sous cette démence et l'expliquait.

«Cet Eugène, qui est mort enfin, après avoir survécu quatorze ou quinze ans à son âme, à son intelligence», mourut, plus discret qu'Arvers, sans trahir son secret. Mais, celui-là même qui écrivit le commencement de cette phrase, leur ami, le collaborateur d'Abel et de Victor au Conservateur littéraire, Gaspard de Pons[46],[Pg 70] a soulevé une partie du voile qui le recouvrait.

[46] Né en 1798, «Gaspard de Pons était venu, en 1819, d'Avallon, sa ville natale, à Paris, pour y entrer dans la garde. Il se lia, par son camarade Alfred de Vigny, avec M. Victor Hugo, dont il était l'aîné de deux ans, et dont il devint le collaborateur au Conservateur littéraire, puis à la Muse française». (Edmond Biré: Victor Hugo avant 1830, p. 343).

On lui doit: Constant et Discrète, poème en quatre chants, suivi de Poésies diverses (1819), Amour, A Elle (1824), Inspirations poétiques (1825).

Il figurait, au dire de Jay, (Conversion d'un Romantique, 1830), au nombre des «étoiles de la Pléiade romantique».

Cf. Ch.-M. Des Granges: La Presse littéraire sous la Restauration.

Tous n'ont pas imité la discrétion de Gaspard de Pons. Évariste Boulay-Paty, dans son curieux Journal, publié en 1901, par les soins du Dr Dominique Caillé, dans les Annales de la Société académique de Nantes, écrivait, à la date du 14 mai 1830:

«Je m'en suis revenu avec Soulié, qui est venu passer une heure chez moi. Il m'a dit que Eugène Hugo avait tellement aimé Mme Victor Hugo que, deux ou trois jours après le mariage de son frère, il était devenu fou. C'était un jeune homme qui annonçait le plus beau talent. Fou par sève de chasteté! ô Charenton!»

Le Dr Patrigeon ne se montre guère moins affirmatif et commet, sur ce point, une erreur de date que corrigent le mariage et la correspondance de Victor:

«Cependant, un événement douloureux et imprévu avait mis, vers la fin de 1821, le général Hugo en présence de ses fils, Eugène, qui, dit-on, aimait éperdument Adèle Foucher, était devenu subitement fou, le jour du mariage de son frère. Le général dut venir à Paris, où la maladie d'Eugène le retint quelque temps.» (Le père de Victor Hugo, p. 15.)

Le Matin n'est pas seul à tout dire.

M. Edmond Biré a eu la chance de découvrir, sur les quais, un exemplaire des Adieux poétiques[47] du comte Gaspard de Pons, cette insigne rareté.

[47] Adieux poétiques, par le comte Gaspard de Pons, Paris, Librairie nouvelle, 1860, 3 in-12.

Dans une pièce intitulée la Démence et où le poète s'adresse «A ce qui fut Eugène», on peut lire, entre autres, ces vers. Ils donnent la clef de la terrible énigme:

Peut-être dédaigné par l'Amour et la Muse,
Un désespoir jaloux s'alluma dans ton cœur:
Tu hais malgré toi ton rival, ton vainqueur...
La mort de la pensée au plus affreux destin
A seule, hélas! pu te soustraire:
[Pg 71]
Tu cessas bien à temps d'être toi, d'être frère,
Le premier frère fut Caïn.
Oui, certe, et dans ce mot ne vois pas un outrage;
L'outrage serait lâche autant que solennel.
Ton cœur fut assez chaud pour qu'un moment d'orage
En toi pût allumer un foudre criminel...[48].

[48] Victor Hugo avant 1830, pp. 273-274.

Plus de deux mois, on avait caché ce triste accident au général Hugo, espérant quand même un mieux impossible. Les frères redoublaient de soins autour du malade et leurs ressources s'épuisaient.

Le 20 décembre enfin, Victor se décidait à faire appel à son père et lui adressait cette lettre désolée.

Mon cher Papa,

C'est auprès du lit d'Eugène malade et dangereusement malade que je t'écris. Le déplorable état de sa raison dont je t'avais si souvent entretenu empirait depuis plusieurs mois d'une manière qui nous alarmait tous profondément, sans que nous pussions y porter sérieusement remède, parce qu'ayant conservé le libre exercice de sa volonté, il se refusait obstinément à tous les secours et à tous les soins. Son amour pour la solitude poussé à un excès effrayant a hâté une crise qui sera peut-être salutaire, du moins il faut l'espérer, mais qui n'en est pas moins extrêmement[Pg 72] grave et le laissera pour longtemps dans une position bien délicate. Abel et M. Foucher t'écriront plus de détails sur ce désolant sujet. Pour le moment je me hâte de te prier de vouloir bien nous envoyer de l'argent, tu comprendras aisément dans quelle gêne ce fatal événement m'a surpris. Abel est également pris au dépourvu et nous nous adressons à toi comme à un père que ses fils ont toujours trouvé dans leurs peines et pour qui les malheurs de ses enfants sont les premiers malheurs.

Du moins, dans cette cruelle position, avons-nous été heureux dans le hasard qui nous a fait prendre pour médecin une de tes anciennes connaissances, le docteur Fleury.

Adieu, bon et cher Papa, j'ai le cœur navré de la triste nouvelle que je t'apporte. Notre malade a passé une assez bonne nuit, il se trouve mieux ce matin, seulement son esprit, qui est tout à fait délirant depuis avant-hier, est en ce moment très égaré. On l'a saigné hier, on lui a donné l'émétique ce matin, et je suis auprès de lui en garde-malade. Adieu, adieu, la poste va partir et je n'ai que le temps de t'embrasser en te promettant de plus longues lettres d'Abel et de M. Foucher.

Ton fils tendre et respectueux,

Victor.

Ce 20 décembre 1822.

Le général Hugo ne tarda point à venir voir à Paris son fils malade, et, profitant d'un intervalle[Pg 73] lucide, l'emmena à Blois, où il le soigna quelque temps chez lui.

Le répit fut court, Eugène dut, bientôt, être enfermé à nouveau. Dix ans et plus il survécut au naufrage de sa raison et en 1837[49] seulement, il s'éteignit, à Charenton.

[49] Eugène Hugo est mort à Saint-Maurice (Charenton) le 5 mars 1837.

Les tristesses de l'heure présente n'avaient point seules le don de préoccuper la famille Hugo. Outre le colonel, le général avait un autre frère officier, le major Francis[50]. Il les avait fait venir, jadis, l'un et l'autre en Espagne pour servir à leur avancement. La monarchie de Joseph tombée, eux aussi avaient connu la demi-solde et la non-activité. Et les yeux fixés sur l'avenir, ils s'adressaient au neveu bien en cours, lauréat de l'Académie française et membre de l'Académie de Toulouse, marié à la fille d'un chef de bureau à la guerre, lui demandant son appui, rêvant d'une mise en activité, d'un galon de plus ou de deux étoiles.

[50] Le plus jeune frère du général, François-Juste Hugo, né le 3 août 1780.

Victor Hugo d'être embarrassé. En dépit de l'affection portée par lui à l'oncle Francis, le servir, n'était-ce pas desservir son père?

Le crédit des amis puissants, très puissants,[Pg 74] qu'il comptait au pouvoir, devant être conservé vierge pour une occasion autrement importante, le rappel à l'activité du général Hugo, un mirage peut-être, mais si cher à tous.

Dans cette lettre Mme Hugo était devenue «ta brave femme».

Pour la première fois—et des mois encore, cette suscription demeurera isolée—elle est adressée à

Monsieur

Monsieur le général Comte Hugo

et scellée d'un cachet, embarrassé des pièces compliquées de l'armorial impérial, et timbré de la couronne comtale du général[51].

[51] D'après ce cachet et l'Armorial général de Riestap, les armes octroyées par Joseph, roi d'Espagne, au comte de Siguenza, étaient les suivantes:

Écartelé au Ier d'azur, à l'épée en pal d'argent garnie d'or, accompagnée en chef de 2 étoiles d'argent: au 2e de gueules au pont de 3 arches d'argent maçonné de sable, soutenu d'une eau d'argent et brochant sur une forêt de même; au 3e de gueules à la couronne murale d'argent; au 4e d'azur au cheval effrayé d'or.

Nous sommes loin, comme on voit, avec cet écu encombré de toute la ferblanterie héraldique de l'Empire, de la belle simplicité du blason des Hugo, de Lorraine:

D'azur à un chef d'argent, chargé de deux merlettes de sable

que donne d'Hozier et qui est encore, en Allemagne, celui des Hugo de Spitzemberg.

Plus tard, quand il plut à quelques généalogistes—ces gens-là sont sans pitié—de rattacher le général Hugo et ses fils à Georges Hugo (fils de Jean Hugo, capitaine des troupes de René II, duc de Lorraine), le vicomte Victor Hugo, pair de France, fit, ou laissa, figurer ces armes, du XVIe siècle, au-dessous de son nom dans les annuaires de la noblesse, notamment dans l'Armorial historique de la Noblesse de France, de Henri J.-G. de Milleville (Paris, Amyot. S. D.), p. 127.

Cependant, dans l'intimité, le grand poète était, paraît-il, le premier à rire de ces prétentions nobiliaires, y compris le fameux et si décoratif évêque de Ptolémaïs et le chapitre-noble de Remiremont. Les thuriféraires seuls les prirent jamais au sérieux.

[Pg 75]

Et, pour la seconde, des espérances de paternité semblaient sourire à l'heureux mari d'Adèle Foucher.

Mon cher Papa,

Je te prie d'avance d'excuser encore la brièveté de cette lettre. Francis me prie de t'écrire, pour te renouveler ses prières à l'égard du ministre de la Marine. Je conçois parfaitement, je ne puis même m'empêcher de partager ta manière de voir sur cette affaire qui pourrait entraver la tienne, la nôtre, celle de toute la famille, puisque ta mise en activité est certainement ce qui peut nous arriver à tous de plus heureux. Je sais bien que la recommandation de M. de Cl. T.[52] doit être conservée vierge pour cette[Pg 76] importante occasion. Cependant je t'avouerai, et tu le comprendras sans peine, que je n'ai pu refuser à mon oncle et à ma tante de te récrire à ce sujet. Ils sont tous deux si bons, si aimables, que je craindrais de les affliger. Écris-moi donc (si tu persistes dans un refus que je ne puis m'empêcher de trouver raisonnable), une lettre que je puisse leur montrer où tes motifs soient déduits de nouveau, et où il ne se trouve rien qui puisse les faire douter de la chaleur et du zèle que j'apporte à leurs intérêts. Je les sers en attendant de mon mieux auprès de M. de Cl..., et M. Foucher nous seconde dans ses bureaux. Quand tu seras employé, tes efforts unis aux nôtres feront certainement obtenir au major la place de lieutenant-colonel qu'il désire. Voilà la chance que ta lettre peut leur présenter.

[52] M. de Clermont-Tonnerre, ministre de la Marine du cabinet Villèle; le portefeuille de la guerre lui fut confié en août 1824, lors du remaniement ministériel nécessité par la nouvelle disgrâce de Chateaubriand.

Adieu, cher et excellent père. Il est impossible de dire avec quelle impatience nous attendons le printemps, afin de t'aller voir ainsi que ton excellente femme. Embrasse-la bien tendrement pour nous, et croyez tous deux à notre affectueux respect.

Victor.

Ce lundi 9 janvier.

Tout porte à croire que notre Léopold est revenu.—Chut!

Mille choses aimables à M. de Féraudy[53], auquel j'ai[Pg 77] écrit, dis-lui que l'article sur ses fables a paru dans le numéro de la Foudre du 30 novembre, lequel contenait aussi un article sur ses mémoires. Le troisième volume est plein d'intérêt, je vais en rendre compte dans l'Oriflamme.

[53] M. de Féraudy, ancien major du génie, chevalier de Saint-Louis du 5 novembre 1814 (Moniteur du 7 novembre), l'un des amis du général Hugo à Blois.

Ce grand-oncle de l'excellent sociétaire de la Comédie française venait de publier un troisième volume de fables: Quelques fables ou Mes loisirs. Blois, Aucher-Éloy, 1823, in-12 de IX-204 pages, faisant suite au recueil antérieurement paru sous ses initiales:

Quelques fables ou Mes loisirs, par Jh-Bmi de F..., ancien officier supérieur du Corps royal du Génie. Paris, chez Chauvin, 1820, in-16 oblong, de 102 pages.

Il existe une «nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée d'une deuxième partie» de ce premier recueil, publiée sous le nom de l'auteur, en 1821, chez J.-G. Dentu, in-12, de XLI-161 pp.

Originaire de Provence, la famille de Féraudy est encore représentée aujourd'hui, dans le Loiret, par une de ses branches.

Le Général Hugo avait quitté le château de Saint-Lazare, revendu le 16 janvier 1823 à M. Gay, médecin[54], et était allé s'installer, dans le bas de la ville, rue du Foix, dans la petite maison qu'y possédait sa seconde femme depuis 1816[55].

[54] Acte passé devant Me Naudin, notaire.

[55] Mme veuve d'Almeg avait acheté cette maison des époux Hadou, par acte devant Me Vosdey, notaire à Blois, du 10 février 1816. Le général y joignait, le 29 juin 1823 (adjudication devant Me Pardessus, notaire), une petite maison voisine qui portait le nº 71, et qui après sa mort, fut vendue à sa veuve, moyennant 1.720 francs (acte devant Me Pardessus, notaire, du 25 juillet 1830.)

[Pg 78]

C'est la petite maison si connue par la description qu'en donna le poète dans ses Feuilles d'Automne:

Et sorti de la ville, au midi,
Cherchez un tertre vert, circulaire, arrondi,
Que surmonte un grand arbre, un noyer, ce me semble,
Comme au cimier d'un casque une plume qui tremble.
Vous le reconnaîtrez, ami; car tout rêvant,
Vous l'aurez vu de loin sans doute en arrivant.
Sur le tertre monté, que la plaine bleuâtre,
Que la ville étagée en long amphithéâtre,
Que l'église, ou la Loire et ses voiles aux vents,
Et ses mille archipels plus que ses flots mouvants,
Et de Chambord là-bas au loin les cent tourelles,
Ne fassent pas voler votre pensée entre elles.
Ne levez pas vos yeux si haut que l'horizon,
Regardez à vos pieds.—
Louis, cette maison
Qu'on voit bâtie en pierre et d'ardoises couverte,
Blanche et carrée, au bas de la colline verte,
Et qui, fermée à peine aux regards étrangers,
S'épanouit charmante entre ses deux vergers:
C'est là.—Regardez bien: c'est le toit de mon père.
C'est ici qu'il s'en vint dormir après la guerre,
Celui que tant de fois mes vers vous ont nommé,
Que vous n'avez pas vu, qui vous aurait aimé!...
«Une maison à Blois! riante, quoiqu'en deuil.
Élégante et petite, avec un lierre au seuil,
Et qui fait soupirer le voyageur d'envie
[Pg 79]
Comme un charmant asile à reposer sa vie,
Tant sa neuve façade a de fraîches couleurs,
Tant son front est caché dans l'herbe et dans les fleurs![56]

[56] Les Feuilles d'Automne.

Elle portait alors le nº 73, devenu aujourd'hui le 65; «Grande-Rue du Foix,—elle est assez longue, en effet,—nº 73 à Blois», spécifient les adresses de Victor.

Dans cette maison conservée par sa veuve, et où elle est morte le 21 avril 1858 seulement[57], le 28 février 1902, M. Raphaël Périé, inspecteur d'Académie de Loir-et-Cher, un universitaire resté fidèle aux lettres[58], organisait une cérémonie enfantine, et elle fut charmante, pour commémorer et magnifier le centenaire de Victor Hugo[59].

[57] Registres de l'état-civil de Blois.

[58] Outre de fort jolis vers publiés dans la Revue de Paris on doit à M. Raphaël Périé, une très élégante adaptation, publiée chez Hachette, du Roman de Berte aux grands pieds (Paris, 1900, in-12), et une intéressante étude sur Victor Hugo poète civique (Paris, Gedalge, S. D. in-8º de 39 pp.).

[59] Un journal du cru, L'Indépendant de Loir-et-Cher, a rendu compte de cette cérémonie et publié la pièce de circonstance, plus qu'honorable, composée et récitée par un des grands élèves du Collège Augustin Thierry, de Blois, le fils du préfet, M. Heim.

Un mieux semblait avoir suivi le transfert du malade dans la maison paternelle. La lettre de[Pg 80] Victor adressée à son frère chez son père, l'encourage et le félicite.

Ta lettre, mon bon et cher Eugène, nous a causé une bien vive joie. Nous espérons que l'amélioration de ta santé continuera au gré de tous nos désirs et que tu auras bientôt retrouvé avec le calme de l'esprit cette force et cette vivacité d'imagination que nous admirions dans tes ouvrages.

Dis, répète à tous ceux qui t'entourent combien nous les aimons pour les soins qu'ils te donnent, dis à papa que le regret d'être éloigné de lui et de toi est rendu moins vif par la douceur de vous savoir ensemble, dis-lui que son nom est bien souvent prononcé ici comme un mot de bonheur, que les mois qui me séparent de votre retour vont nous sembler bien longs, dis-lui pour nous tout ce que ton cœur te dit pour lui, et ce sera bien.

Ton frère et ami,

Victor.

Écris-nous le plus souvent possible.

Suit une lettre plus longue pour le général. Elle nous fait faire plus ample connaissance avec l'oncle Francis et sa femme.

Les espérances de paternité du jeune homme n'ont point été déçues: Adèle Hugo est enceinte et se porte «aussi bien que sa situation le permet».

[Pg 81]

Et voici venir une autre espérance, outre la gratification de 500 francs accordée par Louis XVIII, et révélée par Edmond Biré[60] à Victor Hugo, pour l'Ode sur la mort de S. A. R. Charles-Ferdinand d'Artois, duc de Berri, fils de France, insérée dans la septième livraison du Conservateur littéraire[61], et la pension sur la cassette royale qui, si longtemps attendue, avait enfin permis aux fiancés de se marier, on fait espérer à Victor une pension de 3.000 francs, qui lui «aurait été accordée sur le ministère de l'Intérieur».

[60] Victor Hugo avant 1830, p. 173.

[61] Odes et Ballades, Liv. Ier; ode VII.

Entre temps, il est vrai, le Moniteur avait publié, dans son numéro du 13 décembre 1822, l'Ode sur Louis XVII[62].

[62] Ode lue à l'ouverture des séances de la Société des bonnes lettres (Seconde année). Le Moniteur universel, nº 347, vendredi 13 décembre 1822. Odes et Ballades, Liv. Ier; ode V.

Vers la même époque, paraissait chez Persan, ce marquis ruiné qui se fit libraire et ne fit point fortune, la seconde édition des Odes, et Louis XVIII, flatté par tant de loyalisme, avait souscrit à vingt-cinq exemplaires pour ses bibliothèques particulières.

[Pg 82]

A PAPA

Mon cher papa,

Ton absence nous prive d'une des joies les plus vives que nous ayons éprouvées dans la félicité de notre union, celle de te voir. Il nous semble que maintenant le mois qui nous donnera un enfant sera bien heureux, surtout parce qu'il nous rendra notre père. Eugène reviendra aussi, et reviendra sûrement content et guéri.

Mon oncle Francis vient de passer quelques jours ici, et c'est ce qui nous a empêchés de t'écrire plus tôt. Nous avons fait connaissance avec notre tante qui paraît heureuse et semble spirituelle et aimable. Francis est aussi fort heureux; il a été plein d'affection et de tendresse pour nous, et a bien regretté que tu ne fusses plus à Paris.

Ma femme continue à se porter aussi bien que sa situation le permet, j'ai appris avec peine et joie tout à la fois que tu avais été souffrant et que tu étais guéri. Nous te prions de féliciter également ta femme sur le rétablissement de sa santé dont nous parle notre excellent Eugène.

M. Lebarbier m'a écrit: je lui répondrai; je n'ai encore rien de décisif à lui mander.

On m'avait parlé il y a qque tems d'une pension de 3.000 francs qui m'aurait été accordée sur le ministère de l'Intérieur. Je n'en entends plus parler. Si cette bonne nouvelle se confirme, je m'empresserai[Pg 83] de te le mander, certain que notre bon père y prendra bien part.

Adieu, cher et excellent papa, tout le monde ici t'aime et t'embrasse comme ton fils tendre et respectueux.

Victor.

Ce mercredi 5 mars.

Nos hommages à notre belle-mère.

Nous n'avons rien inventé, pas même la crise de la librairie. Victor Hugo, dont les éditeurs devaient plus tard édifier la fortune, n'avait encore affaire qu'à de pauvres libraires qui ne payaient guère qu'en billets, et leurs billets l'étaient rarement.

Pour venir en aide au jeune ménage, M. Foucher avait avancé l'argent; bientôt il s'agit de le lui rembourser à son tour, il était assez gêné lui-même. Victor recourait alors, pour un nouveau prêt, à la bourse de son père et à son compte chez M. Katzenberger.

Mon cher Papa,

Je suis dans un grand embarras: je m'adresse à toi, sûr que tu me fourniras le moyen d'en sortir.

J'ai entre les mains un billet à ordre de 500 francs sur mon libraire qui devait être acquitté le 11 février dernier. A cette époque, extrêmement gêné par la[Pg 84] stagnation du commerce au milieu des bruits de guerre, mon libraire me supplia d'accepter un à-compte de 200 francs, et de ne point user de la faculté que me donne la loi de faire protester son billet, démarche qui eût pu ruiner son crédit. Avec l'assentiment de M. Foucher, auquel devaient être remis les 500 francs, je consentis à cet arrangement, dans l'assurance que le paiement des 300 francs restants aurait lieu dans le mois.

Depuis cette époque l'embarras du crédit augmentant sans cesse n'a pas permis à mon libraire de retirer son billet. J'ai attendu aussi longtemps que j'ai pu; mais aujourd'hui M. Foucher étant absolument sans argent j'ai essayé en vain de faire escompter le malheureux billet. Ce qui aurait été facile il y a trois mois est impossible aujourd'hui, la crainte ayant absolument resserré (?) les capitaux. Je ne vois donc plus de recours qu'en toi, mon cher papa, je te prie de m'envoyer le plus tôt possible les 300 francs que mon libraire ne pourra peut-être pas me rembourser d'ici un ou deux mois, mais pour lesquels on n'aura pas moins une garantie suffisante dans le billet de 500 francs qui dort entre mes mains. Si tu n'avais pas cette somme, ne pourrais-tu me la faire avancer par M. Katzenberger. Je ne t'en dis pas davantage, cher papa, j'attends une prompte réponse comme une planche de salut dans l'embarras où nous nous trouvons.

Je déposerai le billet entre les mains de M. Katzenberger qui ainsi pourrait être tranquille. Je ne voudrais pas en venir à des poursuites judiciaires[Pg 85] contre le pauvre libraire dont je ne suspecte pas la probité.

Adieu, cher et excellent papa, embrasse pour nous notre Eugène qui a écrit une lettre extrêmement remarquable à Félix Biscarrat et présente nos respects à notre belle-mère, en lui disant combien nous sommes touchés des soins qu'elle prend de notre frère.

Mon Adèle t'embrasse et moi aussi.

Ton fils soumis et respectueux,

Victor.

Ce samedi 15 mars.

Malgré les illusions du père et du fils, il ne semble pas que la santé d'Eugène s'améliorât beaucoup.

La Correspondance possédée par la Bibliothèque de Blois nous fournit le texte d'une lettre d'Eugène à Abel. Elle dut ne pas être envoyée.

Elle trahit de façon lamentable l'état d'esprit du malade, même dans ses intervalles lucides.

On sent les vains efforts de l'intelligence pour se ressaisir. La pensée est exprimée avec une difficulté extrême, le style semble presque enfantin et les répétitions abondent.

M. de Féraudy et ses fables—il s'agissait, en plus, d'un acte manuscrit à présenter à l'Odéon—faisait l'objet de cette missive.

[Pg 86]

Mon cher Abel,

Un des amis de Papa, M. de Féraudy, et l'un des membres de la Société littéraire fondée à Blois, dont papa avait été élu Président, et dont tu avais été nommé membre Correspondant, ce monsieur, dis-je, ayant appris l'influence que tu pourrais avoir auprès de quelques journaux, a paru désirer que tu lui fisses insérer quelques-unes de ses fables dans les feuilles où tu travailles.

Ayant également entendu parler des facilités que tu parais avoir auprès du théâtre de l'Odéon, il te prie également de lui rendre le service de présenter au comité de ce théâtre un acte dont je t'enverrai le manuscrit.

Avec les titres dont je viens de te parler il était impossible que ce Monsieur pût s'attendre à quelque refus de ma part. Ami de Papa, et membre d'une Société littéraire dont je t'ai entendu te féliciter d'être membre, c'était sans doute te faire plaisir à toi-même que de me charger auprès de toi de sa commission.

Ce monsieur a déjà publié un recueil de fables dont le journal des Débats a rendu compte il y a un an, il compte en publier un nouveau volume. Il est membre de la Société littéraire qui avait tenté de s'organiser à Blois, et dont toi et Victor faisiez partie; ses fables ne te laisseront aucun doute sur son esprit et son talent.

Après m'être acquitté de cette commission, il convient que je te manifeste mon étonnement de ce que tu ne nous as pas répondu. Cet oubli de ta part,[Pg 87] justifie les reproches de négligence que je t'ai entendu faire par Papa.

En attendant une lettre de toi, je suis toujours avec attachement,

Ton frère affectionné,
E. Hugo.

Blois, le 19 mars 1823.

A nouveau Adèle Hugo tient la plume. Elle n'ose encore s'exprimer librement vis-à-vis de ses beaux-parents—par la suite elle écrira des lettres charmantes d'abandon, de cœur et de simplicité.

Actuellement, elle est encore sous l'entière domination du génie de son mari. Il relit ses lettres et elle doit craindre un froncement de sourcil.

L'enfant qu'elle porte sera un garçon, elle l'appellera Léopold pour «faire la cour» à sa belle-mère, et ingénûment, ne prévoyant pas à quelle plaisanterie va donner lieu le plein de sa plume, la pauvre femme fait, fille respectueuse, «fortement saillir les rondeurs» de l'A de sa signature.

Mon cher papa,

Mon mari m'a laissé le soin de vous écrire; c'est pour moi une bien douce charge, d'autant plus que[Pg 88] dans une réponse à ma lettre je saurai de vos nouvelles qui jusqu'ici nous ont fait craindre que votre santé et celle de notre belle-mère ne fussent moins bonnes que lors de votre départ d'ici. D'un autre côté, nous sommes convaincus que celle de notre frère est entièrement remise, d'ailleurs les soins de bons parens, et la vie d'ordre à laquelle il n'était point habitué sont certainement cause de son prompt rétablissement.

Nous avons eu le plaisir de voir dernièrement notre oncle Francisque et sa femme, ils sont restés à Paris beaucoup moins longtemps que nous ne l'aurions désiré, et ils ont été très fâchés de n'être pas venus à Paris un mois plus tôt, et nous que vous ne fussiez pas restés un mois plus tard, mais nous espérons qu'à votre premier voyage vous nous récompenserez de votre prompt départ.

Adieu, mon cher papa, embrassez pour moi notre belle-mère et dites-lui que pour lui faire la cour j'appellerai mon petit garçon Léopold.

Nous attendons une prompte réponse pour nous mettre hors d'inquiétude de toutes les santés auxquelles nous nous intéressons vivement, et je vous prie, cher papa, de me croire votre respectueuse fille.

A. Hugo.

Ce mardi.

Le génie n'est pas léger, et l'esprit, cette mousse des vins pétillants, lui semble peu familier. Comme la gaîté chez Rabelais, la plaisanterie[Pg 89] était, chez Hugo, énorme. La signature de la jeune femme de prêter donc à ce thème:

Mon cher papa,

Je crois que c'est pour te donner une image de son ventre toujours croissant que mon Adèle a fait si fortement saillir les rondeurs de sa signature. Je vois avec un sentiment bien doux approcher l'heureuse époque qui nous réunira autour d'un berceau.

J'ai reçu ta note relative à M. Eloy et je m'occupe de son affaire en même temps que de celle de M. Lebarbier. Dès que j'aurai une décision favorable, je la leur transmettrai.

Adieu, cher papa, embrasse bien notre Eugène, présente nos respects à notre belle-mère et aime-nous toujours comme nous t'aimons.

Ton fils tendre et respectueux,
Victor.

Les espérances étaient vaines d'un retour à la raison d'Eugène Hugo. L'on s'est bercé de cet espoir, mais, bientôt, il y fallut renoncer, et le pauvre dément n'a point tardé à quitter l'oasis de la rue du Foix pour être traité dans la maison de santé du Dr Esquirol[63].

[63] Jean-Étienne-Dominique Esquirol, né à Toulouse en 1772, mort à Paris en 1840. Il continua et compléta les travaux de Pinel. Son principal ouvrage: Des Maladies mentales considérées sous le rapport médical, hygiénique et médico-légal (Paris, J.-Baillière, 1838, 2 in-8º), est devenu classique. Il y a tracé, entre autres, un navrant tableau de la folie et de la déchéance de Théroigne de Méricourt.

Il devait, en 1825, se voir confier la direction de Charenton.

[Pg 90]

Victor donne à son père des nouvelles du malheureux et lui confie ses impressions. En dépit des soins dont sont entourés les malades, il ne l'a «plus trouvé aussi bien». Il redoute, pour son frère, «la solitude et l'oisiveté». Puis, ce sont les phantasmasies du persécuté-persécuteur, entendant, dans le silence des nuits, assassiner des femmes, en des souterrains.

Le prix de la pension est très élevé et l'on n'a pas assez caché au malade qu'il se trouvait parmi des fous.

La fin de la lettre nous ramène aux éditeurs, sinon à la littérature. Le poète, par la faute d'Abel, qui, en croyant faire bien, l'a «poussé dans cette galère»[64], se trouve initié aux banqueroutes[Pg 91] des libraires et aux ennuis concomitants. Il avertit son père du danger et lui conseille[Pg 92] la prudence pour la vente proche du manuscrit de ses Mémoires.

[64] Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie conte l'anecdote.

L'on doit à Abel Hugo, enlevé en 1855, comme l'avait été vingt ans plus tôt son père, par une attaque d'apoplexie, de nombreux comptes rendus critiques dans le Conservateur littéraire et quatre nouvelles qui y furent publiées également: El Viego; La naissance de Henri IV; Le combat de taureaux; Le carnaval de Venise.

Dès 1817, il avait publié en collaboration avec André Malitourne et Ader: Traité du Mélodrame, par A. A. A.

Il fit paraître en 1822, in-8º, la Vengeance de la Madone, fragment traduit de l'italien.

Il donna lecture à la Société des Bonnes lettres d'un important ouvrage qu'il entreprit et ne termina point:

Le Génie du Théâtre espagnol, ou Traduction et analyses des meilleures pièces de Lopez de Véga; F. Calderon et autres auteurs dramatiques, depuis le milieu du XVIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe.

Entré aux Annales de la Littérature et des Arts, après leur fusion avec le Conservateur littéraire (août 1821) il entreprit, en 1823, la publication des Tablettes romantiques.

Il a laissé en outre:

Romances historiques, traduites de l'espagnol par A. Hugo. Cet ouvrage porte cette dédicace: A ma mère, morte le 27 juin 1821,

et avait été publié:

A Paris, chez Pélicier, libraire, place du Palais-Royal, 1822; in-12, de LV-302 pp.

C'est-à-dire, chez l'éditeur des Odes et poésies diverses, près de qui il avait été l'introducteur de son frère.

L'Heure de la Mort. Paris, 1822, in-8º.

Les Français en Espagne. A-propos, vaudeville en un acte (avec Alph. Vulpian). Paris, 1823, in-8º.

Précis historique des Événements qui ont conduit Joseph Napoléon sur le trône d'Espagne (Introduction au tome II des Mémoires du général Hugo. Paris, Ladvocat, 1823, trois in-8º) signés Hugo (Abel) fils.

Il existe en outre, de ce précis un tirage à part à 60 exemplaires. Paris, 1823: in-8º.

Pierre et Thomas Corneille.—(En collaboration avec Romieu et signé du pseudonyme de Monnières. Paris. 1823, in-8º.)

Campagne d'Espagne en 1823. Paris. Le Fuel, SD. (1824), 2 in-8º, de IV-442 et 399 pp.

Les tombeaux de Saint-Denis ou description historique de cette abbaye célèbre, des monuments qui y sont renfermés et de son riche trésor; suivie du récit de la violation des tombeaux en 1793, de détails sur la restauration de l'église en 1806, et depuis en 1814; de notices sur les rois et les grands hommes qui y ont été enterrés et sur les cérémonies usitées aux obsèques des rois de France, et de la relation des funérailles de Louis XVIII. Paris, 1824, in-18.

Vie anecdotique de Monsieur, comte d'Artois, aujourd'hui S. M. Charles X, roi de France et de Navarre, depuis sa naissance jusqu'à ce jour. Paris, 1824, in-18.

Histoire de l'empereur Napoléon, par A. Hugo, illustrée de 31 vignettes, par Charlet. Paris, Perrotin, 1833, in-8º de 479 pp.

Souvenirs sur Joseph Bonaparte, roi d'Espagne. Revue des Deux-Mondes, 1er et 15 avril 1833.

Le Conteur, recueil de contes de tous les temps et de tous les pays paraissant mensuellement. Paris, 1833, in-12.

France militaire, histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1833. Ouvrage rédigé par une Société de militaires, et de gens de lettres; etc., etc., revu et corrigé par A. Hugo, ancien officier d'état-major, membre de plusieurs sociétés savantes, auteur de l'Histoire de Napoléon. Paris, Delloye, 1833-1838, 5 in-8º.

France pittoresque ou Description pittoresque, topographique et statistique des Départements et Colonies de la France, offrant en résumé pour chaque département et colonie, l'histoire, les antiquités, la topographie, etc., etc., par A. Hugo, ancien officier d'état-major, membre de plusieurs sociétés savantes et littéraires, auteur de l'Histoire de Napoléon. Paris. Delloye, 1835, 3 in-8º.

France historique et monumentale. Histoire générale de France depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, par A. Hugo, auteur de l'Histoire de Napoléon et de la France pittoresque. Paris, Delloye, 1836-1843, 5 in-8º.

Mon cher Papa,

J'ai remis hier à Eugène ta lettre qui l'a touché autant qu'affligé. Sa douleur de ne pouvoir te revoir à Blois n'a été un peu calmée que par l'espérance que je lui ai donnée de te revoir à Paris dans deux[Pg 93] mois, ce tems lui a paru bien long. Je vais te dire aussi, cher papa, que je ne l'ai plus trouvé aussi bien. On a pour les malades chez M. Esquirol des soins infinis, mais ce qui est le plus funeste à Eugène, c'est la solitude et l'oisiveté, auxquelles il est entièrement livré dans cette maison. Quelques mots qui lui sont échappés m'ont montré que dans l'incandescence de sa tête il prenait cette prison en horreur, il m'a dit à voix basse qu'on y assassinait des femmes dans les souterrains et qu'il avait entendu leurs cris. Tu vois, cher papa, que ce séjour lui est plus pernicieux qu'utile. D'un autre côté la pension (dont M. Esquirol doit t'informer) est énorme, elle est de 400 francs par mois. D'ailleurs le docteur Fleury pense que la promenade et l'exercice sont absolument nécessaires au malade. Je te transmets tous ces détails, mon cher papa, sans te donner d'avis. Tu sais mieux que moi ce qu'il faut faire. Je crois néanmoins devoir te dire qu'il existe, m'a-t-on assuré, des maisons du même genre, où les malades ne sont pas moins bien que là, et paient moins cher. Il paraît qu'on n'a point assez caché à Eugène qu'il fût parmi des fous, aussi est-il très affecté de cette idée que j'ai néanmoins combattue hier avec succès.

[Pg 94]

Je t'écris à la hâte, bon et cher papa, au milieu de tous les ennuis que me donne la banqueroute de mon libraire, garde-toi un peu, pour la vente de tes Mémoires, de l'extrême confiance de notre bon Abel.

C'est lui qui m'a, bien involontairement il est vrai, poussé dans cette galère.

Adieu, cher et excellent papa; nous t'embrassons tous ici bien tendrement.

Ton fils dévoué et respectueux,
Victor.

24 mai 1823.

Mes hommages à ta femme, dont nous attendons des nouvelles.

Eugène ne demeura guère, en effet, chez le Dr Esquirol, et après un court séjour au Val-de-Grâce, ne tarda point à être transféré à Saint-Maurice, c'est-à-dire à Charenton.

Il devait y trouver, comme directeur, le second frère de Royer-Collard[65], qui fut professeur de médecine légale à la Faculté de médecine de Paris, et médecin de Louis XVIII.

[65] Antoine-Athanase Royer-Collard, né à Sempis en 1768, mort en 1825. Il était, depuis 1806, médecin de l'asile de Charenton.

La grossesse d'Adèle Hugo semble pénible et, revenant au frère malade, Victor après avoir merveilleusement dépeint l'aspect du triste fou, d'ajouter cette phrase où apparaissent déjà[Pg 95] derrière le poète, l'homme de tête et le réformateur.

«Je crains que les moyens dont la société use envers les malades, la captivité et l'oisiveté, ne fassent qu'alimenter une mélancolie dont le seul remède, ce me semble, serait le mouvement et la distraction.»

N'est-elle point à retenir, si on songe, surtout, aux vingt et un ans de son auteur?

La pension du ministère de l'Intérieur ne semble pas devoir se faire longtemps attendre.

Quant aux biens en Espagne et aux cédules hypothécaires, Victor Hugo se tient, pour des démarches, à la disposition de son père. Mais, le moment ne lui paraît pas favorable.

Cette affaire semble moins dépendre de M. de Chateaubriand que de M. de Martignac[66], et celui-ci est l'homme de M. de Villèle[67].

[66] Jean-Baptiste-Sylvère Gay, vicomte de Martignac, né à Bordeaux en 1778, mort à Paris en 1832. Il était alors conseiller d'État et devait plus tard, rallié à une politique plus modérée, se voir confier le ministère de l'Intérieur, à la chute de M. de Villèle (janvier 1828).

[67] Jean-Baptiste-Séraphin-Joseph, comte de Villèle, né à Toulouse en 1773, mort en 1854. Membre de la Chambre introuvable de 1815, il entra, ultra-royaliste, au Ministère en 1821, pour prendre bientôt la présidence du Conseil. Les élections de novembre 1827, la dissolution de la Chambre n'ayant pas amené le résultat qu'il espérait, provoquèrent sa démission.

[Pg 96]

Mon cher Papa,

Eugène, après un séjour de quelques semaines au Val-de-Grâce, vient d'être transféré à Saint-Maurice, maison dépendant de l'hospice de Charenton, dirigé par M. le docteur Royer-Collard. La translation et le traitement ont lieu aux frais du gouvernement: il te sera néanmoins facile d'améliorer sa position moyennant une pension plus ou moins modique; on nous assure que cet usage est généralement suivi pour les malades d'un certain rang. Au reste, le docteur Fleury a dû écrire à l'un de ses amis qui sera chargé d'Eugène dans cette maison, et M. Girard, directeur de l'école vétérinaire d'Alfort, a promis à M. Foucher, qui le connaît très particulièrement, de recommander également les soins les plus empressés pour notre pauvre et cher malade et d'en faire son affaire.

M. Foucher, Abel et moi, comptons t'écrire incessamment de nouveaux détails sur ces objets, ainsi que sur la santé toujours douloureusement affectée de notre infortuné frère. Les souffrances de mon Adèle, qui augmentent à mesure que son terme approche, ne m'ont point encore permis d'aller le voir dans son nouveau domicile; je ne puis donc t'en donner des nouvelles aussi fraîches que je le désirerais. Au reste l'état de sa raison, comme j'ai eu occasion de l'observer dans mes fréquentes visites chez le docteur Esquirol et au Val-de-Grâce, ne subit que des variations insensibles. Toujours dominé d'une idée funeste, celle d'un danger imminent; tous ses discours, comme tous ses mouvements, comme tous ses regards[Pg 97] trahissent cette invincible préoccupation, et je crains que les moyens dont la société use envers les malades, la captivité et l'oisiveté, ne fassent qu'alimenter une mélancolie dont le seul remède, ce me semble, serait le mouvement et la distraction. Ce qu'il y a de cruel, c'est que l'exécution de ce remède est à peu près impossible, parce qu'elle est dangereuse.

Je t'envoie ci-incluse une lettre de M. Esquirol, qui n'éclaircit rien, et n'ajoute rien à mes idées personnelles, à mes observations particulières sur notre Eugène; je crois t'avoir déjà écrit la plupart de ce qu'écrit le docteur, auquel j'avais déjà exposé tous les faits qu'il présente. Il est vrai que le malade a fait chez lui un bien court séjour. Mais je pense que cette maison lui était plus nuisible qu'utile. M. Katzenberger a envoyé chez M. Foucher les 400 francs que demande le docteur Esquirol pour un mois de pension, et M. Foucher a prévenu ce dernier qu'ils sont à sa disposition.

Je suis heureux, cher papa, de reposer tes idées sur des sujets moins tristes en t'entretenant aujourd'hui de l'heureux événement qui doit en amener un autre également heureux pour nous, ton retour.

Ma bien-aimée Adèle accouche dans cinq semaines environ. Viens le plus tôt qu'il te sera commode. Il me sera bien doux que mon enfant reçoive de toi son nom, et c'est pour moi un sujet de joie immense de penser qu'il m'était réservé, à moi le plus jeune de tes fils, de te donner le premier le titre de grand-père. J'aime cet enfant d'avance, parce qu'il sera un lien de plus entre mon père et moi.

[Pg 98]

Je te remercie de la proposition que tu me fais relativement à M. de Chateaubriand; mais la position intérieure du ministère rend singulièrement délicates les communications actuelles entre MM. de Chateaubriand et de Corbière[68]. Tu comprendras ce que je ne peux dire ici qu'à demi-mot. Au reste, les espérances dont on me berce si longtemps ont acquis depuis deux jours un caractère assez positif. Si elles se réalisaient enfin, je m'empresserais de t'en faire part. Quant aux biens d'Espagne, je ne doute pas qu'une réclamation de toi en fût parfaitement accueillie, et je la présenterai moi-même au ministère des Affaires étrangères. Seulement j'appréhende que la décision de cette affaire ne dépende moins de mon illustre ami que de M. de Martignac, qui est l'homme de M. de Villèle.

[68] Jacques-Joseph-Guillaume-Pierre, comte de Corbière, né à Amanlis, près Rennes, 1768, mort en 1858.

Député d'Ille-et Vilaine, après avoir été président au Conseil royal de l'Instruction publique, il se vit appeler, en décembre 1821, par M. de Villèle, au ministère de l'Intérieur, et se retira avec lui, en 1828.

Adieu, bon et cher papa, mon Adèle désire que je lui cède le reste de ce papier. J'avais pourtant encore bien des choses à te dire, mais il faut obéir à une prière si naturelle et me borner à t'embrasser avec autant de tendresse que de respect.

Ton fils,
Victor.

[Pg 99]

Gentilly, 27 juin 1823.

J'ajoute un mot à ce que dit mon Victor pour vous réitérer la prière de hâter votre arrivée le plus tôt que vos affaires vous le permettront, j'entends par affaires vos commodités, et celles de notre excellente belle-mère à la santé de laquelle nous nous intéressons bien vivement et que je désire embrasser en même temps que mon petit enfant; nous comptons tous, mon cher papa, que vous serez à Paris à la fin de juillet; s'il en était autrement, j'en aurais beaucoup de chagrin, car son grand père doit le voir un des premiers, ainsi, cher papa, nous vous attendons dans cinq semaines au plus tard.

Votre respectueuse fille,
A. Hugo.

La santé d'Eugène est loin de s'améliorer. Il fait de la mélancolie et on a peine à le faire manger. Victor—il signe ce billet V.-M. H.—donne à son père ces mauvaises nouvelles, en recommandant à son bon accueil le jeune Adolphe Trébuchet, son cousin germain, qui vient à Blois, et désirerait sans doute visiter Chambord.

Outre l'intérêt artistique de Chambord l'on pense si le Simple discours de Paul-Louis Courier et ses deux mois de prison légitimaient cette curiosité[69].

[69] Le simple discours de Paul Louis, vigneron de La Chavonnière, aux membres du conseil de Véretz, département d'Indre-et-Loire, à l'occasion de l'acquisition de Chambord, parut chez Bobée, 1821, in-8º, de 28 pp.

Le 28 août, Courier était traduit sous l'inculpation d'outrage aux mœurs,—il avait rappelé dans son Discours certains scandales des mœurs royales et représenté les cours comme le centre de toutes les corruptions,—devant la cour d'assises de la Seine, se voyait déclarer coupable et condamner à deux mois de prison.

Ce fut l'occasion d'un nouveau pamphlet, plus âpre encore:

Procès de Paul-Louis Courier, vigneron de La Chavonnière, condamné le 28 août 1821, à l'occasion de son Discours sur la souscription de Chambord (Paris, Chantpie, in-8º de 80 pp.).

Mais, cette fois, on n'osa poursuivre.

[Pg 100]

Mon cher papa,

C'est mon bon petit cousin Adolphe Trébuchet, qui te remettra cette lettre où tu trouveras le reçu de M. Esquirol. Nous n'avons encore pu voir notre pauvre Eugène à Saint-Maurice; il faut une permission et il est assez difficile de l'obtenir.

Abel a du reste obtenu en attendant de ses nouvelles qui sont loin malheureusement d'être satisfaisantes; il est toujours plongé dans la même mélancolie; il a pendant quelque temps refusé toute nourriture; mais enfin la nature a parlé, il a consenti à manger. Le traitement qu'il subit n'exige pas encore à ce qu'il paraît un supplément de pension, quand cela sera nécessaire, on nous en avertira.

Ces détails me navrent, cher papa, et il me faut toute la joie de ton prochain retour pour ne pas me livrer en ce moment au désespoir.

M. Foucher et Abel vont bientôt t'écrire, moi-même[Pg 101] je me hâterai de te transmettre tout ce que l'état de notre cher malade offrira de nouveau.

Adieu, cher papa, il est inutile de te recommander cet Adolphe que nous aimons tous comme un frère; je crois qu'il désire vivement voir Chambord, et ce sera pour lui comme pour toi un plaisir de passer quelques jours à Blois, si l'urgence de son voyage le lui permet.

Je t'embrasse tendrement pour moi et mon Adèle, présente nos hommages empressés à notre belle-mère, qui, nous l'espérons, est rétablie.

Ton fils soumis et respectueux,
V.-M. H.

Ce 1er juillet 1823.


[Pg 102]

IV

Léopold Hugo.—Sa naissance.—Des ennuis de nourrice.—La Muse française.—Le petit Léopold à Blois.—Le cri de la mère.—Sa mort.—A l'ombre d'un Enfant.

Le général Hugo n'a pu arriver à Paris à temps pour être un des premiers à voir son petit-fils. La grossesse d'Adèle Hugo a été difficile, l'accouchement laborieux. Le petit Léopold est venu au monde presque mourant.

La mère a dû renoncer à la joie qu'elle se faisait de le nourrir et l'enfant a été mis en nourrice dans le quartier.

Victor se fait des illusions et sur la «remplaçante», et sur la santé du petit être.

Mon cher papa,

Si je ne t'ai point encore annoncé moi-même l'événement qui te donne un être de plus à aimer, c'est que j'ai voulu épargner à ton cœur de père les inquiétudes, les anxiétés, les angoisses qui m'ont[Pg 103] tourmenté depuis huit jours. La couche de ma femme a été très laborieuse, les suites jusqu'à ce jour ont été douloureuses; l'enfant est venu au monde presque mourant, il est resté fort délicat. Le lait de la mère affaibli par la grande quantité d'eau dont elle était incommodée et échauffé par les souffrances de la grossesse et de l'enfantement, n'a pu convenir à une créature aussi faible. Nous avons été contraints, après des essais qui ont presque mis ton petit-fils en danger, de songer à le faire nourrir par une étrangère. Tu peux te figurer combien j'ai eu de peine à y déterminer mon Adèle qui se faisait une si grande joie des fatigues de l'allaitement. Ce qui y a pu seulement la décider, ce n'est pas le péril que sa propre santé eût couru réellement, mais celui qui eût menacé l'enfant. Elle a donc sacrifié courageusement à l'intérêt de son fils son droit de mère, et nous avons mis l'enfant en nourrice. Nous avons été assez heureux pour trouver dans ce cas urgent une fort belle nourrice habitant notre quartier, et quoique ces femmes soient fort chères à Paris, l'instante nécessité et la facilité d'avoir à chaque instant des nouvelles de ton Léopold m'ont fait accepter cette charge avec joie.

Maintenant enfin, après tant d'inquiétudes et d'indécision, je puis te donner de bonnes nouvelles. Mon Adèle bien-aimée se rétablit à vue d'œil, nous avons l'espoir que le lait sera bientôt passé. L'enfant fortifié par une nourrice saine et abondante va très bien et promet de devenir un jour grand-père comme toi.

[Pg 104]

Tu vois, bon et cher papa, que je t'ai dérobé ta part dans des anxiétés que tu aurais certainement ressenties aussi cruellement que moi. Voilà la cause d'un silence que tu approuveras peut-être après l'avoir blâmé. Ta joie à présent peut être sans mélange comme la nôtre, qui s'accroît encore bien vivement par l'idée de te savoir bientôt dans nos bras.

Adieu, notre excellent père, viens vite, remercie-moi, je t'ai donné une fille qui t'aime comme moi, nous te donnons maintenant un fils qui t'aimera comme nous. Et qu'y a-t-il de consolant dans la vie si ce n'est le lien d'amour qui joint les parents aux enfants?

Ton fils soumis et respectueux,
Victor.

24 juillet.

Embrasse bien pour nous notre belle-mère que nous attendons avec toi.

Depuis quinze jours que je suis garde-malade, je n'ai pu m'occuper de notre cher Eugène comme je l'aurais voulu, mais tu vas venir: puis-je ne pas voir son avenir sous des couleurs moins sombres?

Les yeux du père et de la mère n'ont point tardé à se dessiller. La femme à laquelle ils avaient confié leur enfant, la croyant bonne et douce, leur semble, maintenant, d'un caractère méchant et faux.

Ils ont hâte de le lui retirer. Victor demande[Pg 105] au général de lui trouver à Blois ou dans les environs une nourrice dont le lait n'ait pas plus de quatre ou cinq mois.

Ils lui confieront le petit Léopold. Éloigné de ses parents, il sera au moins soumis à l'affectueuse surveillance du général et de sa femme.

Mon cher papa,

Je me félicitais de n'avoir plus que d'excellentes nouvelles à te mander, lorsqu'un événement imprévu m'oblige à recourir à tes conseils et à ton assistance. La nourrice à laquelle il a fallu confier notre enfant ne peut nous convenir. Cette femme nous trompe, elle paraît être d'un caractère méchant et faux: elle a abusé de la nécessité où nous étions de placer cet enfant; nous l'avons d'abord crue bonne et douce, maintenant nous n'avons que trop de raisons pour lui retirer notre pauvre petit Léopold le plus tôt possible. Nous désirerions donc, mon Adèle et moi, après avoir pris la résolution de le retirer à cette femme, que tu nous rendes le service de nous trouver à Blois ou dans les environs une nourrice dont le lait n'ait pas plus de quatre ou cinq mois, et dont la vie et le caractère présentent des garanties suffisantes. D'ailleurs nous serions tous deux tranquilles, sachant notre Léopold sous tes yeux, et sous ceux de ta femme. C'est ce qui nous a décidés à le placer à Blois plutôt que partout ailleurs.

Il est inutile cher et excellent père, de te recommander[Pg 106] une prompte réponse, la santé de ton petit-fils pourrait être altérée du moindre retard. Je ne te demande pas pardon de tous les soins que nous te donnons, je sais qu'ils sont doux à ton cœur bon et paternel.

Adieu, cher papa, Eugène va mieux physiquement: tout le monde ici t'embrasse aussi tendrement que ton fils qui t'aime. Hâte ton arrivée, réponds-moi vite, et crois mon amour aussi respectueux qu'inaltérable.

Victor.

29 juillet.

Je te fais envoyer la Muse française[70], recueil littéraire à la rédaction duquel je participe. Je te remettrai à Paris la deuxième édition de Han d'Islande[71].

[70] La Muse française parut de juillet 1823 à juin 1824, chez Ambroise Tardieu, éditeur, rue du Battoir-Saint-André, nº 12, en douze livraisons formant 2 volumes in-8º, avec, en épigraphe, cette citation de Virgile:

Jam redit et virgo, . . . . . . .
Jam nova progenies cœlo dimittitur alto.

Eugène Hatin a omis de citer ce recueil dans sa Bibliographie historique et critique de la presse périodique française (1866).

M. Ch.-M. Des Granges a copieusement comblé cette lacune et donné, dans sa Presse littéraire sous la Restauration, un fac-simile, non seulement du titre, mais de la page contenant la première strophe de l'ode. A mon Père:

«Quoi! toujours une lyre et jamais une épée!»

[71] Paris, Lecointe et Durey, libraires, quai des Augustins, nº 49, 1823, 4 vol. in-12.

C'est l'exemplaire portant la dédicace du fils au père sur lequel nous avons eu la chance de pouvoir mettre la main, à Blois.

[Pg 107]

Il est urgent que la nourrice que tu aurais la bonté de nous procurer, s'il est possible, ait promptement l'enfant, que je ne vois pas sans inquiétude entre les mains de cette femme. Tâche de l'amener avec toi, et en tout cas, réponds-moi courrier par courrier, car mon Adèle est très inquiète et n'a plus d'espérance qu'en toi qu'elle sait si bon et qu'elle aime tant.

Le général n'a point perdu de temps. Il a été assez heureux pour pouvoir mettre la main sur une nourrice qu'il expédiait aussitôt à son fils. Elle arrivait à Paris le 2 août. Le lendemain, Victor, exprimait abondamment sa reconnaissance et celle d'Adèle Hugo.

Mon cher papa,

Pour pouvoir t'exprimer la joie et la reconnaissance dont nous pénètrent (sic) ta lettre, il faudrait qu'il fût possible en même tems de dire tout ce qu'il y a de sentiments tendres et de touchante bonté dans ton cœur paternel. Ainsi tu veux entrer plus encore que moi dans mes devoirs de père, et en effet le premier sourire comme le premier regard de ce pauvre petit Léopold te sera dû. Je voudrais épancher ici tout ce que ta fille et moi ressentons d'amour pour[Pg 108] toi, mon excellent père, mais il faudrait répéter ici tout ce qui remplit nos entretiens depuis deux jours, et je me borne à ce qui n'excède pas les limites de ce papier.

A la réception de ta lettre, mon cœur était trop plein, et je voulais te répondre sur-le-champ. Mais un avis sage l'a emporté sur mon impatience, et j'ai attendu que ce que tu avais si bien préparé fût exécuté, pour pouvoir, en t'exprimant notre vive reconnaissance, te donner en même tems des nouvelles de ton Léopold, de la nourrice et de mon Adèle.

La nourrice est arrivée hier matin bien portante et gaie; elle nous a remis ta lettre et tes instructions ont été suivies de tout point. Tout le monde a été enchanté et d'elle et de son nourrisson. Nous avons dans la même matinée retiré ton pauvre enfant de chez sa marâtre, et il a parfaitement commencé toutes ses fonctions. Je ne sais si c'est illusion personnelle, mais nous le trouvons déjà mieux ce matin.

Adieu, bon et bien cher papa, exprime, de grâce, à ta femme toute notre vive et sincère gratitude, il nous tarde de la lui exprimer nous-mêmes, et nous t'embrassons tendrement en attendant cet heureux jour.

Ton fils reconnaissant et respectueux,
Victor.

3 août.

Tu trouveras inclus le mot que je te prie de communiquer au père nourricier. Adieu, adieu.

[Pg 109]

La santé d'Eugène continue à se soutenir physiquement, mais il est toujours d'une malpropreté désolante. Le Val-de-Grâce n'a envoyé avec lui à Charenton qu'une partie de son linge; nous nous occupons de rassembler le reste pour le lui faire porter. Ce qui me contrarie vivement, c'est l'extrême difficulté de voir notre pauvre frère à Saint-Maurice.

Les nouvelles d'Eugène ne sont guère bonnes, comme on voit. Et d'après ce mot, la jeune maman est loin encore d'être rétablie.

Mon cher papa,

Quoique très faible encore, je ne puis laisser échapper l'occasion de vous exprimer toute ma reconnaissance qui ne pourra jamais être trop grande pour vos bontés et celles de notre belle-mère. Croyez que nous sommes profondément touchés de tout ce qui fait notre bonheur aujourd'hui, car depuis que nous avons cette nourrice j'espère élever mon petit Léopold qui vous devra une seconde vie et combien nous serons heureux de pouvoir visiter en même temps et notre enfant et vous, mes chers parens. Adieu, papa, embrassez la grand'maman de mon petit Léopold pour moi.

Adèle.

Sa belle-fille embrasse bien «la grand'maman de son petit Léopold»; pour le général, cela ne suffit pas, paraît-il, Victor n'a[Pg 110] point assez oublié sa mère, pour que la dame Thomas y Saëtoni, veuve d'Almeg, ne demeure point pour lui l'étrangère. Sa reconnaissance envers elle, ne semble pas aux yeux de son mari, d'un lyrisme suffisant. Il ne lui écrit pas directement pour la remercier et le général a dû, à ce sujet, adresser quelques observations à Victor.

Et celui-ci, on le sent embarrassé, de répondre du ministère de la Guerre, où il est allé, sans doute, soumettre à M. Foucher cette correspondance.

Ministère
de la Guerre


Mon cher papa,

Ta lettre m'a causé un véritable chagrin, et il me tarde que tu aies reçu celle-ci pour m'en sentir un peu soulagé. Comment donc as-tu pu supposer un seul instant que tout mon cœur ne fût pas plein de reconnaissance pour les bontés dont ta femme a comblé notre Eugène et notre Léopold? Il faudrait que je ne fusse ni frère ni père pour ne pas sentir le prix de ce qu'elle a fait pour eux, cher papa, et par conséquent pour moi. Si c'est à toi principalement que se sont adressés mes remerciements, c'est que notre père est pour nous la source de tout amour et de[Pg 111] toute tendresse, c'est que j'ai pensé qu'il te serait doux de porter à ta femme l'hommage tendre et profond de ma gratitude filiale, et que dans ta bouche cet hommage même aurait bien plus de prix que dans la mienne.

Je t'en supplie, mon cher et bon père, ne m'afflige plus ainsi. Je suis bien sûr que ce n'est pas ta femme qui aura pu me supposer ingrat et croire que je n'étais pas sincèrement touché de tous ses soins pour ton Léopold, et comment, grand Dieu, ne serais-je pas vivement attendri de cette bienveillante sollicitude qui a peut-être sauvé mon enfant? cher papa, je te le répète, hâte-toi de réparer la peine que tu m'as injustement causée au milieu de tant de joie, et qui m'a paru bien plus cruelle encore dans un moment où mon âme s'ouvrait avec tant de confiance à toutes les tendresses et à toutes les félicités. Adieu, je ne veux pas insister davantage sur une explication que ton cœur et le mien trouvent déjà trop longue, et dont le chagrin ne sera entièrement effacé pour moi que par le bonheur de te revoir bientôt ici, ainsi que ta femme.

Tout continue à aller ici de mieux en mieux, mère, enfant, nourrice. Cette dernière continue à se porter parfaitement et gaiement. La lettre de son mari lui a fait grand plaisir, elle me charge de le lui mander, ainsi que toutes les amitiés du monde.

Je compte, maintenant que j'ai quelque répit, aller voir un peu notre pauvre Eugène et lui porter le reste de ses effets demain jeudi. Il continue aussi, du reste, à aller un peu mieux.

[Pg 112]

Ainsi, cher et excellent père, que nous te revoyions bientôt et rien ne manquera à nos joies. Réponds-moi promptement, de grâce, et viens, si tu le peux, plus promptement encore. Tout le monde ici t'embrasse tendrement ainsi que la grand-maman de Léopold qui voudra bien sans doute être ma panégyriste et mon avocat près de toi, puisque tu ne veux pas être mon interprète près d'elle.

Ton fils dévoué et respectueux,
Victor.

6 août 1823.

Mon Adèle me charge de mille tendresses pour toi et pour ta femme.

Abel se joint à nous. Il se porte toujours bien et t'attend impatiemment.

La venue à Paris du général et de la comtesse Hugo mit momentanément fin à ce malentendu. Le jeune ménage a fait la connaissance de la belle-mère. Il n'a plus l'excuse de ne la point connaître.

Puis, les parents étant repartis, emmenant avec eux l'enfant malade et la nourrice, le moment eût été singulièrement mal choisi de ne pas joindre aux formules de politesse pour Mme Hugo les nécessaires mensonges d'une affection, toute sur le papier.

[Pg 113]

Victor, dont la femme a mal au pied, s'exécute sans enthousiasme. Quant à Adèle Hugo, sa lettre est pleine de cœur et de simplicité. Elle nous fait mieux connaître la jeune femme devenue maman. Elle n'a dans ses lignes brèves nul souci de la littérature.

Son Léopold l'intéresse seul. La nourrice manque peut-être de propreté et demande à être surveillée à ce point de vue; mais, que de jolis détails, à côté de la biscotte, chère aujourd'hui aux spécialistes de l'estomac, dont cette lettre nous révèle déjà l'existence[72].

[72] «Les biscottes de Bruxelles sont recherchées.» (Compl. de l'Acad.)

Pour elle, la belle-mère est devenue «maman», et, sous sa plume, l'effort ne se sent pas.

Mon cher papa,

Ta bonne et précieuse lettre pouvait seule nous consoler du départ de notre père et de notre fils. Les tendres soins que ta femme a prodigués durant la route à son pauvre petit-fils nous ont attendris et touchés profondément. Chaque jour nous prouve de plus qu'elle a pour nous ton cœur, et c'est un témoignage qu'il m'est bien doux de lui rendre.

Mon Adèle depuis ton départ n'est pas sortie, il lui est venu au pied un petit bobo fort incommode qui l'empêche de marcher et la fait même, par intervalle,[Pg 114] assez vivement souffrir. Elle supporte ce nouvel ennui avec l'égalité d'humeur que tu lui connais, mais moi j'en suis attristé pour elle.

Je reçois à l'instant une lettre du Colonel qui me charge des plus tendres amitiés pour toi et je t'en envoie sous ce couvert une autre du major.

Malgré tout mon désir de prolonger cette lettre, il faut la terminer ici: ma femme qui a beaucoup de choses à dire à la tienne, me demande le reste de mon papier. J'espère que Léopold continue à se bien porter. Présente mes affectueux hommages à sa grand'mère, embrasse pour moi son oncle Paul et dis-moi si depuis son voyage, ses yeux se sont agrandis à force de s'ouvrir. Abel et moi t'embrassons tendrement.

Ton fils dévoué et respectueux,
Victor.

13 septembre 1823.

Je tâcherai de te donner des nouvelles de notre Eugène dans ma prochaine lettre.

Ma chère maman,

Depuis votre départ, je n'ai cessé de penser à mon Léopold et cette pensée est inséparable des bontés que vous avez pour ce cher enfant et de toutes celles que vous avez pour nous, et si je suis si à plaindre d'être loin de lui, il est bien heureux d'être près de vous. J'ai été charmée de sa bonne conduite pendant le voyage, j'espère qu'il a continué d'être aimable[Pg 115] et de vous sourire, car il serait bien ingrat s'il en était autrement. J'espère aussi que la nourrice ne vous a donné que des sujets de contentement, c'est une bonne femme qu'il faudra je crois surveiller pour la propreté: j'ai oublié de faire emporter à la nourrice une petite brosse pour sa tête, il y en a à Paris de fort commodes en chiendent. S'il n'y en a pas à Blois je vous en enverrai une; dites-moi aussi, chère maman, si vous pouvez vous procurer de la biscotte, nourriture, dit-on, très saine et surtout légère pour les enfants. Dans le cas où la bouillie ou bien une petite panade ne lui conviendrait pas je lui en enverrais. Croyez-vous aussi, qu'il ne lui serait pas bon de le mettre dans son berceau les jambes un peu à l'air, ce qui lui donnerait des forces et lui ferait plaisir; car j'ai remarqué qu'il ne disait jamais rien démailloté et criait très fort lorsqu'il sentait ses petites jambes en prison: cela n'empêcherait pas de le couvrir lorsqu'il ferait froid. Je ne me permets de vous dire tout cela que parce que je sais que vous en agirez suivant votre volonté et pour le bien-être de notre fils.

Je suis retenue à la chambre par une écorchure au pied qui me fait souffrir. Mais toutes mes souffrances sont des bonheurs pour moi, puisque tous les soins qui me sont prodigués viennent de mon Victor, qui est toujours un ange et fait toujours de belles odes.

Agréez, chère maman, tous mes sentiments de respect.

A. Hugo.

[Pg 116]

Papa et maman ont été très sensibles à tout ce que vous leur dites d'amical. Nous embrassons tous notre Léopold et Paul.

Victor a ajouté ce post-scriptum. Il a trait au large cachet, aux armes du général, dont est scellée cette lettre.

Le cachet de cuivre dont tu verras l'empreinte sur cette lettre, est terminé. Il est fort beau. Celui d'acier, qui demande plus de temps, me sera bientôt remis par le graveur. Il ne veut pas faire l'écusson colorié à moins de 12 francs. J'attends tes instructions à cet égard. Marque-moi de même par quelle voie il faudra t'envoyer le cachet d'acier. Adieu encore, bon et cher papa.

Paul Foucher, le jeune beau-frère de Victor Hugo, avait accompagné les grands-parents à Blois. Il est revenu à Paris, porteur de bonnes nouvelles et les yeux agrandis à force de s'ouvrir. Adèle remercie le général et sa belle-mère de leur bon accueil.

Les Mémoires s'impriment chez Ladvocat. Victor a prié l'éditeur de lui en communiquer les feuilles à mesure. Sa femme désire les lire avant tout le monde et «désir de femme est un feu qui dévore».

L'écusson colorié a coûté deux francs de plus[Pg 117] qu'il n'était prévu, mais il est tout à fait digne d'être encadré.

4 octobre 1823.

Mon cher papa,

Paul est arrivé enchanté et m'a enchantée par ce qu'il m'a dit de mon Léopold; je ne parle pas des soins si attentifs de la grand'mère parce qu'ils sont tels que (je) renonce à mes droits de mère. Je suis ravie quand je pense que dans deux mois je vous verrai ainsi que ce cher enfant qui nous est si précieux, et qui vous coûte tant de peines et de sollicitudes. Je suis triste seulement de penser que je ne serai que très secondaire dans sa tendresse puisque je ne serai que sa seconde mère; et que je n'aurai même pas droit d'en être jalouse.

Je voulais vous consulter pour faire vacciner notre fils: je crois que le temps est favorable; et il est important qu'il le soit, au reste que tout cela soit selon votre volonté.

Je ne sais si je dois attendre l'arrivée de cette Dame pour vous envoyer les objets que je vous ai annoncés, ainsi que le cachet qui a son portrait joliment peint, et le petit livre que vous demandez, j'attends votre réponse pour cela. Mon Victor vous aurait écrit s'il n'avait toujours son doigt très douloureux, mais je crois que malgré cela il n'aura pas le courage de laisser partir cette lettre sans y mettre quelques mots.

Maman doit écrire à mon autre maman pour la remercier des soins et des bontés qu'elle a eus pour[Pg 118] Paul qui vous aime tant et qui est si charmé de son voyage; elle voudrait aussi savoir comment vous faire parvenir l'argent qu'elle vous doit pour Paul.

Adieu, mon cher papa, embrassez s'il vous plaît mon Léopold et sa grand'maman et comptez sur les sentiments respectueux de votre fille.

A. Hugo.

Mon cher et bon papa,

Il y a trop longtemps que je ne me suis entretenu avec toi, pour ne pas sentir le besoin de te renseigner aussi moi-même combien je suis profondément touché de toutes les bontés dont notre Léopold est comblé par toi, et par son excellente grand'maman. La première lettre que je puis écrire avec ma main convalescente, doit être pour toi, cher papa. J'ignore comment je pourrai te rendre tous les sentiments de reconnaissance et de tendresse que je voudrais t'exprimer, mais cette impuissance même fait mon bonheur. Puisse un jour, ton petit-fils, digne de toi, te payer ainsi que la seconde mère qu'il a trouvée en ta femme, par tout ce que l'amour filial a de plus tendre et de plus dévoué! Voilà des sentiments qu'il me sera aisé de lui inspirer.

Nous espérons que ce pauvre petit chevreau continue à se bien trouver de son nouveau régime. Paul nous a dit tous les soins et toutes les caresses que tu lui prodigues ainsi que sa grand'mère et toute ta maison. Ce récit a ému Adèle jusqu'aux larmes[Pg 119] c'est te dire l'impression qu'il a produite sur moi.

L'écusson colorié a coûté 14 francs au lieu de 12 à cause d'un passe-partout qui le rend tout à fait digne d'être encadré. Je ne t'ai point encore envoyé le livre que tu me demandes, parce que j'ai pensé que si la dame qui doit venir à Paris, veut bien s'en charger, ainsi que du cachet et de l'écusson peint, cela t'épargnera les frais de port. Mande-moi tes instructions définitives à cet égard.

Voici une lettre de Francis qui est pour toi. Ma maudite habitude de ne pas lire les adresses de mes lettres fait que je l'ai décachetée étourdiment. Maintenant j'y prendrai garde puisque le major choisit mon canal pour t'écrire.

Ma femme qui est souffrante et qu'on purge, désire beaucoup lire tes Mémoires avant tout le monde. Désir de femme est un feu qui dévore. J'ai fait prier Ladvocat de m'envoyer les feuilles à mesure qu'elles s'impriment. Écris-lui, si tu en as le tems, pour qu'il presse les envois.

Adieu bien cher et excellent père, nous ne voyons Abel que bien rarement, mais je t'embrasse toujours en son nom et au mien.

Ton fils tendre et respectueux,
Victor.

Mes empressés hommages à la grand'maman.

Il était malheureusement de la santé physique du petit Léopold, comme de la santé morale d'Eugène. Le lait de la nouvelle nourrice, le[Pg 120] changement d'air, les soins dont il était entouré, n'avaient pu avoir raison de l'état bien précaire du nourrisson. Les nouvelles envoyées par le général à son fils laissent bien peu d'espoir.

Mon cher papa,

L'impatience d'avoir des nouvelles de son Léopold, a porté ma femme à décacheter hier la lettre que tu écrivais à son père. Tu peux juger de sa désolation et de ses inquiétudes.

Pour moi, bon et excellent père, je me confie avec une tendre confiance aux sollicitudes maternelles de ta femme. Dis-lui, répète-lui cent fois, que nul être au monde ne sent plus profondément que moi tout ce qu'elle fait pour ce pauvre enfant qui sera plus encore à elle qu'à moi.

Nous espérons, puisque ta lettre permet encore d'espérer, nous espérons puisque ta femme a eu la secourable pensée de s'adresser au ciel, nous espérons enfin, parce que vous êtes là, vous, ses bons parents, ses protecteurs, ses sauveurs.

Envoie-nous promptement de ses nouvelles, cher papa. Nous espérons, mais nous sommes résignés; c'est une force qui vient aussi du ciel. Adèle attend ta réponse avec courage; je ne t'embrasse pas pour elle, elle veut le faire elle-même. Porte l'expression de ma tendre et profonde reconnaissance au pied de la grand'maman de ce pauvre petit ange. Je t'embrasse encore une fois avec tendresse et respect.

6 8bre

[Pg 121]

Le cri de la mère, menacée dans le fruit de ses entrailles, est terrible et angoissant. Sa lettre, ce mot rapide, n'a point la tenue de celle de Victor. On sent les larmes prêtes à jaillir.

Ma chère maman,

Je viens d'apprendre une nouvelle désolante pour nous. Mon pauvre petit est donc bien mal? et quel mal vous-même n'avez-vous pas? Si je pouvais partir de suite pour Blois, j'irais vous relayer dans vos soins maternels, mais moi-même je suis très souffrante et ai besoin d'être soignée. Je n'écouterais pas encore tout cela, si le médecin ne s'y opposait très expressément, malgré tout je partirai suivant votre conseil pour mêler nos larmes ou pour l'embrasser encore une fois ce pauvre enfant. Quel droit n'avez-vous pas, chère maman, à notre tendresse? et comment notre Léopold n'est-il pas guéri, soigné par une si tendre mère? Adieu, j'embrasse mon bon papa, et vous chère maman que j'aime tant.

A. Hugo.

Maman vient de perdre son père. Nous prenons le deuil demain.

Trois jours plus tard, l'enfant mourait, en effet, et les registres de l'état civil de Blois,[Pg 122] nous ont conservé cette mention du court passage dans la vie de Léopold-Victor Hugo.

L'an mil huit cent vingt-trois le dixième jour d'octobre à dix heures du matin par devant nous Denis Gault, officier de l'État civil de la commune de Blois, canton de Blois, département de Loir-et-Cher, sont comparus Monsieur Jules Benoist, âgé de vingt-cinq ans, licencié en droit domicilié à Blois et Monsieur Charles-Henry Lemaignen, âgé de quarante-neuf ans, profession d'employé, domicilié à Blois.

Lesquels nous ont déclaré que le neuf du mois d'octobre à trois heures du soir Léopold-Victor Hugo, âgé de trois mois, né à Paris demeurant à Blois, département de Loir-et-Cher, fils de Monsieur Victor-Marie Hugo, membre de l'Académie des Jeux Floraux et de dame Adèle Foucher son épouse, domiciliés à Paris.

Est décédé en notre commune, en la maison de M. le général Hugo, rue du Foix.

Le premier nous a déclaré être voisin et le second témoin être voisin du décédé; et les déclarans ont signé avec nous le présent acte après que lecture leur en a été faite.

J. Benoist
H. Lemaignen
Gault

Le vaudeville doit donc se mêler toujours un peu aux tristesses humaines. La bonne Madame Foucher a caché les lettres annonçant la mort de[Pg 123] l'enfant, de peur que sa fille ne les lût. Elle les a si bien cachées, qu'elle ne les a pu retrouver. Il lui a fallu annoncer de vive voix la désolante nouvelle à son gendre.

Victor de répondre à des lettres dont il n'a point eu connaissance par celle-ci, trop écrite, trop résignée, où perce déjà trop l'ode qui suivra.

Cher papa,

Je n'accroîtrai pas ta douleur en te dépeignant la nôtre; tu as senti tout ce que je sens, ta femme éprouve tout ce qu'éprouve Adèle. Non, je ne veux pas t'attrister de toute notre affliction; si tu étais ici, excellent père, nous pleurerions ensemble, et nous nous consolerions en partageant nos larmes.

Tout le monde est ici plongé dans la stupeur, comme si Léopold, comme si cet enfant d'hier, cet être maladif et délicat n'était pas mortel. Hélas il faut remercier Dieu qui a daigné lui épargner les douleurs de la vie. Il est des moments où elles sont bien cruelles.

Notre Léopold est un ange aujourd'hui, cher papa, nous le prierons pour nous, pour toi, pour sa seconde mère, pour tous ceux qui l'ont aimé durant sa courte apparition sur la terre.

Il ne faut pas croire que Dieu n'ait pas eu son dessein en nous envoyant ce petit ange, sitôt rappelé à lui. Il a voulu que Léopold fût un lien de plus entre vous, tendres parens et nous, enfants dévoués.[Pg 124] Mon Adèle au milieu de ses sanglots me répétait hier que l'une de ses douleurs les plus vives était de penser à celles que toi et ton excellente femme avez éprouvées.

Ce n'est pas à ta lettre que je réponds. J'ai appris la fatale nouvelle de Madame Foucher. Dans le premier moment, elle avait caché les deux lettres de peur qu'Adèle ne les lût, elle n'a pu les retrouver depuis.

Du reste, elle m'a dit tout votre chagrin, toutes vos tendres et pieuses intentions pour que la trace de ce cher petit ne s'efface pas plus sur la terre qu'elle ne s'effacera dans nos cœurs.

Adieu, bon et cher papa, console-toi de mon malheur.

C'était hier (12 oct.) l'anniversaire de notre mariage. Le bon Dieu nous a donné une leçon en nous ramenant ce doux souvenir de joie au milieu d'une si vive douleur.

Adieu encore, ma femme et moi avons le cœur plein de tendresse pour vous deux.

Ton fils résigné et respectueux,
Victor.

13 octobre.

On peut comparer cette lettre à l'ode adressée A l'Ombre d'un Enfant. L'inspiration est bien la même.

Oh! parmi les soleils, les sphères, les étoiles,
Les portiques d'azur, les palais de saphir,
[Pg 125]
Parmi les saints rayons, parmi les sacrés voiles
Qu'agite un éternel zéphir!
Dans le torrent d'amour où toute âme se noie,
Où s'abreuve de feux le séraphin brûlant:
Dans l'orbe flamboyant qui sans cesse tournoie
Autour du trône étincelant!
Parmi les jeux sans fin des âmes enfantines;
Quand leurs soins, d'un vieil astre, égaré dans les cieux,
Avec de longs efforts et des voix argentines,
Guident les chancelans essieux;
Ou lorsqu'entre ses bras quelque vierge ravie
Les prend, d'un saint baiser leur imprime le sceau,
Et rit, leur demandant si l'aspect de la vie
Les effrayait, dans leur berceau;
Ou qu'enfin dans son arche éclatante et profonde,
Rangeant de cieux en cieux son cortège ébloui,
Jésus, pour accomplir ce qui fut dit au monde,
Les place le plus près de lui;
Oh! dans ce monde auguste où rien n'est éphémère,
Dans ces flots de bonheur que ne trouble aucun fiel,
Enfant! loin du sourire et des pleurs de ta mère,
N'es-tu pas orphelin au ciel?
Octobre 1823[73].

[73] Odes et Ballades. Livre V, 1819-1828. Ode XV. Edition définitive, Livre V, ode XVI.


[Pg 126]

V

Le cachet du Général.—Ode sur la guerre d'Espagne.—Les Nouvelles Odes.—La négligence de Ladvocat.—Les bonnes dispositions du duc d'Angoulême vis-à-vis du Général.—Les dessous d'une disgrâce: Chateaubriand et Mme Boni de Castellane.

Victor Hugo a trop éloquemment exprimé sa douleur pour qu'elle fût de longue durée. La mère fut plus longue à se consoler et pour se distraire, dessinait un peu.

Le poète continue à faire à Paris les courses du général. Le fameux cachet d'acier—«il a excité l'admiration de tout le monde»—et l'écusson colorié semblent tenir une grande place dans les préoccupations du père et du fils.

Mon cher papa,

Notre désolée mère commence à se consoler un peu; tandis que je t'écris ceci, elle s'occupe à dessiner quelque chose qui fera plaisir à ses chers parents de Blois, car l'un de ses sentiments les plus vifs est sa tendresse et sa reconnaissance pour vous.[Pg 127] Tu connais quelqu'un, cher papa, qui partage bien ces sentiments.

M. Lemaire te remettra avec cette lettre les deux bouteilles de fleur d'orange, le cachet d'acier qui a excité ici l'admiration de tout le monde par la beauté de son fini et l'écusson colorié. J'ai eu le malheur dans tous mes malheurs, d'égarer la lettre où tu m'envoies la note d'un livre à t'acheter. Seras-tu assez bon pour m'excuser et me récrire de nouveau ce renseignement.

Adieu, bon et cher papa, ma femme t'embrasse tendrement, ainsi que ton excellente femme. J'en fais autant. Nous sommes inquiets des santés de Blois. Il y a longtemps que nous n'avons de tes nouvelles.

Ton fils dévoué et respectueux,
Victor.

16 octobre.

Le dessin destiné par Adèle aux parents de Blois est terminé. M. de Féraudy, de passage à Paris, veut bien se charger de le leur porter.

Mon cher papa,

Je t'écris à la hâte quelques mots; M. de Féraudy attend ma lettre et le paquet; ma femme se dépêche de terminer ce qu'elle envoie à ses bons parents de Blois; j'espère que tu en seras content; et je me tais parce que je craindrais en louant le talent de[Pg 128] mon Adèle, de paraître vouloir rehausser son présent. Nous aurions bien voulu t'envoyer ceci encadré; mais M. de Féraudy nous ayant fait quelques observations sur la difficulté du transport, tu sens qu'une délicatesse impérieuse nous a interdit de t'offrir ce beau dessin dans toute sa splendeur. Au reste M. de Féraudy s'est chargé de la commission avec une grâce toute parfaite, et je te prie de lui réitérer à Blois tous nos vifs remerciemens.

Il y a bien longtems, ce me semble, cher papa, que nous n'avons de vos nouvelles. Comment se porte ta femme? Console-la en notre nom de notre malheur. Je chercherai ce que tu me demandes.

Mon Adèle est toujours bien souffrante. Ce coup n'a pas contribué à la remettre. Cependant, elle a éprouvé une grande douceur à faire quelque chose pour toi, mon excellent père, et pour la grand'mère de son Léopold. Elle ne prend pas en ce moment la plume pour vous parce qu'elle tient encore le crayon.

Je ne puis m'empêcher de te dire tout bas que son dessin a fait ici l'admiration de tous ceux qui l'ont vu.

Ce bon Adolphe est peut-être à Blois en ce moment, embrasse-le pour nous en attendant que je l'embrasse pour toi. Adieu, bon et cher papa. Nos respects à ta femme. Nous t'embrassons bien tendrement. Il faut fermer ma lettre. M. de Féraudy m'attend; une ligne de plus serait une indiscrétion.

V.

Samedi, novembre.

[Pg 129]

Le 2 décembre 1823, date de la rentrée plus officielle que triomphale du duc d'Angoulême à Paris,—l'anniversaire d'Austerlitz!—Adèle Hugo rend compte au général des démarches de Victor et de ses espérances.

Le marquis de Clermont-Tonnerre, à qui il a lu son ode sur La guerre d'Espagne, l'a engagé à la remettre au duc d'Angoulême.

Le libraire Ladvocat vient d'acheter pour deux ans, moyennant deux mille francs, la propriété des odes.

La pauvre femme cherche à cacher à son mari, sous des apparences de tranquillité, la profonde douleur que lui a laissée la mort de son enfant.

Elle souffre des oreilles, Abel engraisse et les nouvelles d'Eugène ne sont guère bonnes.

Mon cher papa,

Victor est tellement occupé en ce moment, qu'il me charge d'être son secrétaire; et je remplis avec joie cet emploi. Il me charge de vous dire que la lettre a été remise à M. de Serre[74], qu'il a été chez[Pg 130] Monsieur de Chateaubriand[75], qu'ayant trouvé à quelque heure que ce soit du monde, il va lui demander un rendez-vous. Monsieur de Clermont-Tonnerre[76] a été charmant pour lui, Victor ayant fait une ode sur la guerre d'Espagne[77], il l'a engagé à la remettre à Monseigneur le duc d'Angoulême qui doit venir à une fête que va lui donner le ministre de la Marine[78].

[74] Pierre-François-Hercule, comte de Serre, né à Pagny-sur-Moselle en 1776, mort ambassadeur de France à Naples, à Castellamare, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1824.

Ministre de la Justice sous le cabinet Dessolle (29 décembre 1818), M. de Serre avait conservé son portefeuille sous la présidence du comte Decazes (19 novembre 1819) et sous le second ministère Richelieu (20 février 1820).

Démissionnaire ainsi que ses collègues le 12 décembre 1821, il avait reçu le titre de ministre d'État et était allé siéger au centre droit.

[75] Ministre des Affaires étrangères, depuis le 28 décembre 1822.

[76] Ministre de la Marine et des Colonies du 14 décembre 1821, le marquis de Clermont-Tonnerre devait être appelé le 4 août 1824, au portefeuille de la Guerre.

[77] Odes et Ballades, Liv. II; Ode VII.

La guerre d'Espagne fait, dans l'édition originale des Nouvelles Odes, suite à l'Ombre d'un Enfant.

[78] Des banquets eurent lieu à l'Hôtel de Ville les 15 et 23 décembre. Le 15: concert et bal aux Champs-Élysées.

Mon Victor vient de vendre à l'Advocat un nouveau volume d'odes[79] qu'il vient de faire. Il en a vendu la propriété pour deux ans ainsi que celle de son premier volume, deux mille francs. Mais qui ne doivent lui être payés de (que) dans l'année prochaine. Nous désirons ne pas tomber encore dans une banqueroute.

[79] Nouvelles Odes.

Je suis enchantée que mon portrait ait fait quelque plaisir à notre chère maman, c'est le seul bonheur que j'aye éprouvé depuis notre malheur qui ne cesse de me poursuivre. Je tâche pourtant de le cacher à mon Victor crainte de l'affecter, sous des apparences de gaîté ou du moins de tranquillité. Je ne sors pas,[Pg 131] j'ai des douleurs d'oreilles très cruelles, on parle encore de me purger, ce qui est pour moi un grand ennui.

Mon frère Victor est à Alençon bien placé; que ne pouvons-nous en dire autant de notre frère Eugène. Ces messieurs lui écriront comme vous l'avez dit. Bien heureux si cela adoucit un peu son sort.

Nous ne savons pas ce que fait Abel en ce moment, il est plus gros que jamais. Notre oncle Francisque doit être à Paris, Victor y est en ce moment; je voudrais bien que vous y fussiez aussi.

Adieu, mes chers et bien bons parents, permettez-moi de vous embrasser comme je vous aime, et de vous assurer des sentiments avec lesquels je suis,

votre très humble et respectueuse fille,
A. Hugo.

Ce 2 décembre.

Victor songe toujours au rappel à l'activité de son père. C'est, dit-il, ce qu'il désire le plus au monde. Il rêve pour lui d'une inspection générale et a déjeuné, ces jours derniers, avec le marquis de Clermont-Tonnerre qui a été des plus aimables.

Il s'occupe en même temps, de concert avec l'oncle Francis, en ce moment à Paris avec sa femme, de leur cousin Michaud que lui a recommandé le général, tout en surveillant l'impression[Pg 132] de ses odes, sans pour cela négliger ses banqueroutiers.

Victor et sa femme se font une joie d'aller passer quelques jours à Blois, au printemps prochain.

Ce pli est adressé à M. le Gal Comte Hugo.

Mon cher papa,

Je suis bien étonnée que vous n'ayez pas encore reçu le bonnet, je l'ai livré il y a quinze jours à Abel, qui l'attendait pour le faire voyager avec deux tableaux qu'il devait vous envoyer de suite; il est vrai que tout cela est parti par le roulage mais il est fort étonnant, que vous ne l'ayez pas encore, car il y aura demain quinze jours qu'il est en route.

Vous êtes bien bon de vous occuper de ma santé, je ne souffre plus des oreilles mais des douleurs d'entrailles qui m'ont fait garder la chambre tous ces jours-ci, mais je vais mieux cependant sans me bien porter. Vous m'avez chargée, mon cher papa, de rappeler à Victor, notre cousin, mon oncle Francisque s'en occupe en ce moment, il connaît justement la personne qu'il faut solliciter. Nous le voyons souvent ainsi que sa femme qui est très bonne et très aimable. Nous leur parlons souvent de vous, de toutes vos bontés, de celles de votre excellente femme et du bonheur que nous avons à vous aimer.

Je vous envoie une note de la part de papa, Victor désirerait bien que vous fussiez employé, c'est, dit-il,[Pg 133] la seule chose qu'il désire. Ce bon Victor vous aime tant!

Nous nous faisons une fête d'aller vous voir au printemps, comme nous allons nous embrasser.

Adieu, mon cher papa, dites bien des tendresses de ma part à ma chère maman, et croyez aux sentiments respectueux de votre fille.

A. Hugo.

En attendant, cher papa, que je puisse te rendre un compte détaillé des démarches que le major et moi faisons pour notre cousin, M. Michaud[80], je ne puis m'empêcher d'ajouter quelques mots à la lettre de mon ange.

[80] Joseph Hugo, père du général, menuisier, «très excellent républicain», couronné, le 10 floréal an V, à Nancy, lors de la fête des époux, avait épousé en secondes noces, Jeanne-Marguerite Michaud, gouvernante d'enfants chez le comte Rosières d'Euvezin; d'où ce cousinage.

Je ne saurais te dire quel plaisir nous font les lettres de Blois, et si je n'étais accablé de mes prochaines publications, j'y répondrais bien plus promptement; mais les soins à donner à mon nouveau recueil qui s'imprime, outre l'affaire de mes banqueroutiers et les démarches sans nombre qui se disputent mes instans, m'ôtent la douceur de t'écrire aussi fréquemment que l'exigerait mon attachement profond pour toi et ta femme.

M. le marquis de Clermont-Tonnerre, avec qui j'ai déjeuné dernièrement m'a chargé de mille choses[Pg 134] aimables pour toi; il est tout disposé à te servir, et je voudrais que toi tu employasses tes amis, parmi lesquels il en est de si puissans, à obtenir au moins une inspection générale.

M. Foucher, qui compte incessamment t'écrire et Mme Foucher, ainsi qu'Abel, le major et sa femme vous embrassent tendrement. Quant à moi, cher et excellent père, tu connais mon profond et respectueux dévouement.

Victor.

Ce lundi 19.

Le voyage à Blois est remis: Adèle Hugo est à nouveau enceinte et les médecins lui ont interdit la voiture. Les Nouvelles Odes viennent de paraître[81]; mais, par la négligence de Ladvocat, le général n'a pas encore reçu l'exemplaire sur vélin qui lui est destiné. La publication de ce «méchant livre» initie Victor Hugo aux «courses indispensables» connues des auteurs.

[81] Les Nouvelles Odes avaient paru chez Ladvocat quelques jours auparavant (Journal des Débats du 24 mars 1824) avec cette épigraphe: Nos canimus surdis et formaient un volume grand in-8º, orné d'une gravure, vendu 4 francs. Les Débats en rendirent compte le 14 juin sous l'initiale Z, signature de M. Hofman. Victor Hugo répondit aux critiques qui lui étaient adressées par une longue lettre publiée dans le numéro du 26 juillet suivant.

M. de Féraudy, candidat, sans doute, avec ses[Pg 135] fables, à une récompense de l'Académie, a été également l'objet des démarches de son confrère.

Le poète est décidément fort bien en cour. Il vient de déjeuner derechef avec M. de Clermont-Tonnerre. Le duc d'Angoulême aurait lu les Mémoires du général et aurait regretté, au dire du marquis, qu'il n'ait pas «été employé dans la dernière guerre d'Espagne».

Mon cher Papa,

Remercie, de grâce, M. de Féraudy de sa trop aimable lettre qui nous a apporté un mot de toi. Dès que j'aurai qque détail des opérations de l'Académie, je m'empresserai de lui en faire part; et je désire bien vivement qu'ils soient conformes à mes justes espérances.

Il me paraît d'après ton apostille d'ailleurs si pleine de tendresse et de bonté, que tu n'as pas encore reçu mes nouvelles rapsodies. Pourtant le libraire Ladvocat s'était chargé de te faire passer un exemplaire vélin sur lequel j'avais écrit un mot. Mande-moi si tu l'as reçu.

Je t'écris encore aujourd'hui provisoirement, entre deux courses indispensables et je t'assure fort ennuyeuses. Il n'y a rien pour absorber toute une vie, comme la publication d'un méchant livre.

M. de Clerm.-Tonn. avec qui j'ai déjeuné avant-hier m'a chargé de t'écrire que M. le duc d'Angoulême lui avait parlé de toi et de tes Mémoires qu'il a lus avec le plus haut intérêt, et qu'il regrettait que[Pg 136] tu n'eusses pas été employé dans la dernière guerre d'Espagne.

Je n'oublie pas, cher papa, les dernières commissions dont tu m'as chargé; ma prochaine lettre t'en annoncera l'accomplissement.

Ma femme avance dans sa grossesse sans se porter aussi bien que je le voudrais. Nous ne sommes cependant pas inquiets: mais, tout en m'affligeant, je ne puis m'empêcher d'approuver la défense que lui ont faite les médecins d'aller en voiture. Cela nous prive d'un bien grand bonheur que nous nous promettions pour le printemps; mais qui, nous l'espérons, n'est retardé que de six mois.

Adieu, cher papa, nous t'embrassons tendrement, mon Adèle et moi, ainsi que ton excellente femme.

Ton fils dévoué et respectueux,
Victor.

Ce 27 mars 1824.

Tout le monde ici se porte bien.

Trois mois se sont écoulés. L'inspection générale rêvée par Victor pour son père, vient, malgré tous leurs efforts, de leur échapper. Le duc d'Angoulême réservait ces fonctions à des généraux ayant fait avec lui la campagne d'Espagne.

Il n'y a pas lieu de se désespérer, néanmoins. C'est peut-être une chance de plus d'obtenir le[Pg 137] titre de lieutenant-général si ardemment désiré.

Puis, c'est la disgrâce de Chateaubriand...

Elle était encore bien complète. Le 6 juin 1824, une ordonnance royale confiait l'intérim des Affaires étrangères à M. de Villèle[82], sans même indiquer que le vicomte de Chateaubriand fût démissionnaire, ni même appelé à d'autres fonctions.

[82] Par ordonnance du 4 août le baron de Damas devait se voir attribuer le portefeuille des Affaires étrangères.

A nouveau il était chassé du Ministère. La comtesse du Cayla, née Talon, triomphait.

Même à la cour de Louis XVIII, les dessous de cartes de la politique sont toujours plaisants à connaître et ceux-ci de ne point manquer à la règle.

Dans ce renvoi brusque de Chateaubriand, en dehors de l'animosité de la favorite du vieux roi et de la rancune de M. de Villèle, qui ne pouvait pardonner à son collègue des Affaires étrangères d'avoir prétexté d'un enrouement pour ne pas défendre, au Luxembourg, son projet de conversion des rentes, il y a, dirai-je, une histoire de femme, et peu banale, en vérité.

Malgré ses cinquante-cinq ans, Chateaubriand était une fois de plus amoureux, amoureux comme un jeune homme, comme on l'est à peine hors de page, et écrivait à sa maîtresse—oh,[Pg 138] cette fugue si malencontreusement interrompue, tous les deux, vers Dieppe!—les lettres les plus insensées.

Ces lettres à une presque inconnue, Mme de C..., M. Léon Séché les a publiées dans les Annales Romantiques[83] où leur publication fit du bruit, et reproduites, non sans dévoiler en partie l'anonymat de la nouvelle amie de René, dans son bel ouvrage sur Hortense Allart de Méritens[84].

[83] Juillet-octobre 1907, pp. 257-301.

[84] Paris, Société du Mercure de France, 1908, in-8º, pp. 98-104.

Le nom de la dame n'avait pas été prononcé, cependant. Les Souvenirs du Baron de Frénilly, récemment publiés[85], ne laissent aucune incertitude à ce sujet, pas plus que sur les motifs de la grande colère de Louis XVIII qui amena cette seconde révocation.

[85] Souvenirs du baron de Frénilly, pair de France (1768-1828), publiés avec introduction et notes par Arthur Chuquet, membre de l'Institut, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1908, in-8º.

L'incendie qui dévorait son cœur ne faisait point assez oublier au Ministre l'influence à laquelle il pouvait prétendre vis-à-vis de cet infortuné Ferdinand.

Les affaires sont les affaires.

Chateaubriand «avait donc joint au portefeuille des affaires étrangères celui des affaires[Pg 139] particulières de Mme Boni de Castellane[86] dont il était l'admirateur fort peu secret, avant, je crois, que mon ancien ami Molé[87] eût recueilli sa succession, et cette dame ayant vendu 1.800.000 francs sa terre de Saint-Pierre de Moustier, il n'avait su rien de mieux que de lui conseiller le placement de ces fonds dans l'emprunt des Cortès d'Espagne. Par suite, quand Ferdinand, replacé sur son trône par Louis XVIII, refusa fort sagement de reconnaître cet emprunt révolutionnaire, Chateaubriand, voyant son amie ruinée, n'avait encore su rien de mieux que de charger Talaru[88] de mettre le pied sur la gorge[Pg 140] au monarque espagnol pour le forcer à légitimer l'emprunt, et Talaru, à qui on ne peut nier la force et quelquefois les formes d'un cheval, avait si fidèlement rempli cette commission que le roi, irrité et éperdu, avait passé par-dessus toutes les formes diplomatiques en écrivant secrètement à Louis XVIII pour savoir de lui-même si c'était réellement par ordre de celui qui venait de le remettre sur le trône et qui avait annulé l'ordonnance d'Andujar[89] qu'on lui ordonnait de ruiner lui et son peuple pour enrichir les révolutionnaires d'Espagne et donner crédit et garantie aux révolutions futures... Le roi fut irrité ainsi que Villèle; le silence perfide de Chateaubriand dans l'affaire des rentes fit déborder le vase[90]

[86] Louise-Cornélia-Eucharis de Greffulhe.

Marmont, dans une note de ses Mémoires (tome VII, p. 293), avait montré plus de discrétion:

«M. de Chateaubriand était lié d'une manière intime avec une personne de la Cour, qui est assez connue pour que je ne donne aucun détail sur elle...»

mais, racontait l'aventure en termes presque identiques.

[87] Le comte Louis-Mathieu Molé (1781-1855), ancien grand juge, ministre de la Justice, en novembre 1813, votait deux ans plus tard, pair de France, la mort de Ney.

[88] Louis-Justin-Marie, marquis de Talaru (1773-1850), ancien officier de l'armée royale, siégea en 1815 comme ultra-royaliste à la Chambre des pairs, fut promu maréchal de camp en 1823, et nommé, la même année, ambassadeur à Madrid. Le marquis de Talaru avait été un des premiers bailleurs de fonds du Conservateur, ce semble même avoir été son seul titre, au dire du chancelier Pasquier, à représenter la France en Espagne.

Sur «ce patagon romanesque», cf. Souvenirs du baron de Frénilly, p. 425.

[89] Ordonnance rendue le 8 août 1823, à Andujar, par le duc d'Angoulême, pour placer l'autorité entre les mains des commandants français et faire libérer les détenus politiques, bientôt abrogée de fait sur des ordres venus de Paris.

[90] Souvenirs du baron de Frénilly, pp. 494-495.

Le général Hugo était indirectement victime des amours de René vieilli et de la femme du futur maréchal de France.

Mon cher papa,

[Pg 141]

Malgré tous les efforts de M. Foucher et toute la bonne volonté du Gal Coëtlosq...[91] nous n'avons pu réussir cette fois. Ta demande était arrivée trop tard; et le duc d'Angoul... avait depuis quelque temps retenu les inspect. gales pour des officiers gaux de l'armée d'Espagne. J'ignore, cher papa, si cet événement est un malheur réel; ce n'est pas un échec pour tes vieux et glorieux services, puisqu'il est hors de doute que ta demande l'aurait emporté, s'il y eût eu concurrence; mais les places étaient déjà promises au Prince. Il me semble d'ailleurs que cela augmente tes chances pour la promotion de lieutenants-généraux de la Saint-Louis; et qu'avec l'appui de M. Clerm.-Tonn. (je ne puis plus dire malheureusement et de M. de Chateaub...) il sera très possible à cette époque de te faire arriver à ce sommet des dignités militaires où tu devrais être depuis si longtemps parvenu.

[91] Le lieutenant général Charles-Yves-César-Cyr de (alias du) Coetlosquet, directeur général au Ministère de la Guerre, né à Morlaix, le 21 juillet 1783, mort à Paris, le 23 janvier 1836.

Je crois que M. Foucher envisage la chose comme moi; au reste, il va t'écrire. Quant à moi, je griffonne à la hâte cette lettre. Mes yeux sont toujours bien faibles, et notre emménagement n'est pas encore terminé[92]. Mon Adèle, qui se porte toujours bien, va t'écrire et te répéter, ainsi qu'à ta femme, l'expression de notre filial et respectueux dévouement.

[92] Victor Hugo et sa femme venaient de s'installer au nº 90 de la rue de Vaugirard.

Victor.

[Pg 142]

Si mon illustre ami revient aux affaires, nos chances triplent. Nos rapports se sont beaucoup resserrés depuis sa disgrâce, ils s'étaient fort relâchés pendant sa faveur.

Ce 27 juin.

Cependant, une fille est née dont le berceau est venu remplacer celui de l'enfant mort à Blois. Elle porte aussi le prénom du grand-père. C'est Léopoldine: elle devait épouser plus tard Charles Vacquerie, et trouver avec lui une fin si tragique à Villequier, le 4 septembre 1843.

La femme du général Hugo en est marraine. La petite va bien et n'a pas encore de dents. Le jeune ménage se fait une fête de la conduire bientôt grande rue du Foix.

Mon cher papa,

J'attendais toujours pour vous écrire que mon mari eût fini le portrait de ma Didine, mais comme ma fille remue toujours et que Victor exige un modèle tranquille, il est très long à le terminer, et moi je m'ennuyais de ne pas vous écrire. Si je ne vous aimais trop je vous gronderais de n'avoir pas compris le motif de mon silence, et de ne m'avoir pas donné de vos nouvelles, mais j'espère mon cher papa que vous ne tarderez pas à nous satisfaire en me donnant en détail des nouvelles de la santé de ma bonne mère.

[Pg 143]

Ma fille se porte très bien et n'a pas encore de dents. Elle est très gaie et nous amuse beaucoup; il me tarde bien de vous la remettre entre les bras, aussi comptons-nous partir, si cela arrange vos projets, dans deux mois; nous nous faisons une si grande fête de vous voir que je voudrais que ce fût demain. Au surplus, mon cher papa, écrivez-nous quand il vous sera commode de nous recevoir.

Mon Victor vous embrasse, embrasse la marraine de notre Didine; et moi mon cher papa je vous aime tous deux à l'égal de votre bonté, d'après cela jamais il n'y a eu de plus tendre fille. Je vous écrirais plus longuement, mais ma fille me réclame.

Votre respectueuse fille,
A. Hugo.

Cette lettre est adressée au Général comte Hugo (en toutes lettres) et Victor y a joint ce court billet:

Ce 19 février.

J'ajoute un mot, cher papa, à la lettre de notre Adèle. Je voudrais pouvoir ajouter quelque chose à l'expression de sa tendresse pour toi et ta femme; mais je ne saurais exprimer mieux qu'elle, ce qu'elle sent aussi bien que moi. Je voulais, comme elle te le dit, t'envoyer le portrait de ta Léopoldine dans ma plus prochaine lettre, mais mon désir de te le donner ressemblant me l'ayant déjà fait deux ou trois fois[Pg 144] recommencer: je ne veux pas tarder plus longtemps à solliciter de tes nouvelles pour nous, pour Abel et pour la famille Foucher.

Rabbe[93], qui est venu hier dîner avec nous, m'a parlé de toi avec le plus tendre et le plus respectueux attachement. C'est un bon et noble ami.

[93] Alphonse Rabbe, né en 1786 dans les Basses-Alpes, mort à Paris, le 1er janvier 1830. Après avoir créé à Marseille le Phocéen, essai d'un quotidien en province, Rabbe était venu à Paris, où il collabora au Courrier français, aux Tablettes universelles (1820-1824) et à différents périodiques.

Il dirigea la Biographie universelle et portative des Contemporains à ses débuts et en demeura le collaborateur. Il a laissé, entre autres travaux, des résumés de l'histoire d'Espagne et de celle de Russie.

Une maladie cruelle avait défiguré Alphonse Rabbe et Victor Hugo raconte comment le pauvre homme évitait, en raison de sa laideur, de se laisser voir par Adèle Hugo, durant sa grossesse (Victor Hugo raconté, p. 69-70).

Louis nous a envoyé ces jours-ci un superbe panier de gibier que nous avons mangé en famille avec le vif regret de ne pas vous le voir partager.

Adieu, bien cher et bien excellent père, je m'occupe en ce moment de ramasser de la besogne pour notre séjour à Blois, qui nous promet tant de bonheur.

Notre Didine est charmante. Elle ressemble à sa mère, elle ressemble à son grand-père. Embrasse pour elle sa bonne marraine.

Ton fils tendre et respectueux,
V. H.

[Pg 145]

Où en est ta demande près du ministre? Veux-tu que je m'en informe? As-tu vu que des exceptions ont été faites[94]?

[94] Le Moniteur (20 février 1825) chercha à les expliquer:

«Plusieurs journaux ont annoncé que quelques-uns des officiers généraux mis en retraite par l'ordonnance du 1er décembre 1824, avaient été, par une exception ou faveur spéciale du Roi, rétablis sur le cadre de l'État-major général de l'armée.

«Nous nous sommes assurés que rien n'est moins exact et qu'aucune exception à cette ordonnance n'a été faite; à la vérité quelques officiers généraux qui avaient été d'abord considérés comme compris dans une des deux positions qu'elle détermine ont réclamé: ils ont produit de nouveaux documents; et un examen approfondi de leurs réclamations et des nouvelles pièces fournies, a fait reconnaître qu'ils ne remplissaient pas les conditions exigées par l'ordonnance pour l'admission à la retraite; ils ont été alors et ont dû être maintenus dans le cadre de l'État-major général, non par une exception prononcée en leur faveur comme on l'a prétendu, mais par une suite naturelle de l'exécution impartiale de l'ordonnance du 1er décembre 1824.»

Ces deux lettres se sont croisées avec celle du général annonçant sa venue et celle de sa femme à Paris. Les grands-parents connaîtront donc leur petite-fille, avant qu'on la leur ait menée à Blois.

Mon cher papa,

Tu as vu que nos lettres se sont croisées. Je désire que notre lettre t'ait fait autant de plaisir que la tienne nous en a fait. Elle ne pouvait nous apporter[Pg 146] de plus agréable nouvelle que celle de votre prochaine arrivée; et j'espère presque, en t'écrivant celle-ci, qu'elle ne te trouvera pas à Blois.

Tu ne saurais croire quelle fête nous nous faisons de vous présenter notre Léopoldine toujours petite, mais toujours bien portante et si gentille... elle vous aimera tous deux comme nous l'aimons, nous ne saurions dire davantage.

Nous nous applaudissons presque d'avoir été une partie du mois sans nouvelles de toi puisque tu as été malade. Nous aurions eu des inquiétudes, maintenant nous n'avons que le plaisir de te savoir rétabli.

Adieu, bon et cher papa, je ne t'en écris pas plus long puisque nous pourrons bientôt communiquer de vive voix.

Quelles que soient les affaires qui t'amènent, tu sais que tu peux compter en tout et pour tout sur notre dévoûment comme sur notre tendre et respectueux attachement.

Embrasse pour moi la bonne marraine de ta Léopoldine.

Victor.

Ce 27 février.


[Pg 147]

VI

Le voyage à Blois.—Une lettre de Victor Hugo au dessinateur Queyroy.—Deux poètes nommés chevaliers de la Légion d'honneur.—Les sables de la Miltière.—Le sacre de Charles X.

En avril 1825, le projet si longtemps caressé d'un voyage à Blois put enfin être mis à exécution.

Victor Hugo et sa femme, elle nourrissait Léopoldine, prirent la malle-poste et arrivèrent à Blois, au matin, par la rive gauche de la Loire[95].

[95] Ancienne route directe de Blois à Orléans par Saint-Dyé et Cléry, avant que Mme de Pompadour eut fait tracer, sur la rive droite, une nouvelle route, passant devant son château de Menars.

Près de quarante ans plus tard, remerciant de son album, les Rues et Maisons du vieux Blois, le dessinateur Queyroy[96], Hugo vieilli[Pg 148] adressait, de Guernesey, cette jolie lettre à l'artiste.

[96] Outre les Rues et Maisons du vieux Blois, on doit au dessinateur Armand Queyroy, qui a été longtemps conservateur du Musée de Moulins, un certain nombre d'eaux-fortes sur Vendôme et la plupart des portraits qui servent de frontispice à chacun des volumes composant la Galerie des Hommes illustres du Vendômois.

Ce n'est plus la prose un peu flottante et souvent impersonnelle des lettres au général. Si les cheveux du poète avaient blanchi, son verbe avait, depuis des années, pris son ampleur et adopté sa formule définitive.

Ce sont là de très belles pages, où magnifiquement, Victor Hugo évoque son arrivée à Blois, son père et son jardin; et, s'éveillant au bord du fleuve, la ville tout entière, désuète mais pleine de grâce, avec son château, ses vieilles maisons et tous ces souvenirs qui sont le passé.

Hauteville-House, 17 avril 1864.

Monsieur, je vous remercie. Vous venez de me faire revivre dans le passé. Le 17 avril 1825, il y a trente-neuf ans aujourd'hui même, (laissez-moi noter cette petite coïncidence intéressante pour moi), j'arrivais à Blois. C'était le matin. Je venais de Paris. J'avais passé la nuit en malle-poste, et que faire en malle-poste? J'avais fait la ballade des Deux Archers[97] puis, les derniers vers achevés, comme le jour ne paraissait pas encore, tout en regardant à la lueur de la lanterne passer à chaque instant des deux côtés de la voiture des troupes de bœufs de l'Orléanais[Pg 149] descendant vers Paris, je m'étais endormi. La voix du conducteur me réveilla.—Voilà Blois! me cria-t-il. J'ouvris les yeux et je vis mille fenêtres à la fois, un entassement irrégulier et confus de maisons, des clochers, un château, et sur la colline un couronnement de grands arbres et une rangée de façades aiguës à pignons de pierre au bord de l'eau, toute une vieille ville en amphithéâtre capricieusement répandue, sur les saillies d'un plan incliné, et, à cela près que l'océan est plus large que la Loire et n'a pas de pont qui mène à l'autre rive, presque pareille à cette ville de Guernesey que j'habite aujourd'hui. Le soleil se levait sur Blois.

[97] Ballade VIII; dédiée à Louis Boulanger.

Un quart d'heure après, j'étais rue du Foix, nº 73. Je frappais à une petite porte donnant sur un jardin: un homme qui travaillait au jardin venait m'ouvrir. C'était mon père.

Le soir, mon père me mena sur le monticule qui dominait sa maison et où est l'arbre de Gaston[98]; je revis d'en haut la ville que j'avais vue d'en bas; l'aspect, autre, était, quoique sévère, plus charmant encore. La ville, le matin, m'avait semblé avoir le gracieux désordre et presque la surprise du réveil; le soir avait calmé les lignes. Bien qu'il fît encore[Pg 150] jour, le soleil venant à peine de se coucher, il y avait un commencement de mélancolie; l'estompe du crépuscule émoussait les pointes des toits; de rares scintillements de chandelles remplaçaient l'éblouissante diffusion de l'aurore sur les vitres; les profils des choses subissaient la transformation mystérieuse du soir; les roideurs perdaient; les courbes gagnaient; il y avait plus de coudes et moins d'angles. Je regardais avec émotion, presque attendri par cette nature. Le ciel avait un vague souffle d'été.

[98] La Butte des Capucins.

Cf. Dr H. Chauveau: Mémoire sur les Buttes dans le département de Loir-et-Cher. Blois, imp. Lecesne, 1866, in-8, de 39 pp. (carte).

A. de Rochas: Les Buttes et la télégraphie optique. Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, tome XI (1886), pp. 1-26 (carte).

La ville m'apparaissait non plus comme le matin, gaie et ravissante, pêle-mêle, mais harmonieuse; elle était coupée en compartiments d'une belle masse, se faisant équilibre; les plans reculaient, les étages se superposaient avec à-propos et tranquillité. La cathédrale, l'évêché, l'église noire de Saint-Nicolas[99], le château, autant citadelle que palais, les ravins mêlés à la ville, les montées et les descentes où les maisons tantôt grimpent, tantôt dégringolent, le pont avec son obélisque, la belle Loire serpentant, les bandes rectilignes de peupliers, à l'extrême horizon, Chambord indistinct avec sa futaie de tourelles, les forêts où s'enfonce l'antique voie dite «ponts romains»[100] marquant l'ancien lit de la Loire, tout cet ensemble était grand et doux. Et puis mon père aimait cette ville.

[99] Ancienne église de l'abbaye bénédictine de Saint-Laumer.

[100] Les «ponts châtrés», vulgairement appelés «ponts chartrains».

[Pg 151]

Vous me la rendez aujourd'hui.

Grâce à vous, je suis à Blois. Vos vingt eaux-fortes montrent la ville intime, non la ville des palais et des églises, mais la ville des maisons. Avec vous, on est dans la rue; avec vous on entre dans la masure; et telle de ces bâtisses décrépites, comme les logis en bois sculpté de la rue Saint-Lubin[101], comme l'hôtel Denis Dupont[102], avec sa lanterne d'escalier à baies obliques suivant le mouvement de la vis de Saint-Gilles, comme la maison de la rue Haute, comme l'arcade surbaissée de la rue Pierre-de-Blois étale toute la fantaisie gothique, ou toutes les grâces de la Renaissance, augmentées de la poésie du délabrement. Être une masure, cela n'empêche pas d'être un bijou. Une vieille femme qui a du cœur et de l'esprit, rien n'est plus charmant. Beaucoup des exquises maisons dessinées par vous sont cette vieille femme-là. On fait avec bonheur leur connaissance. On les revoit avec joie, quand on est, comme moi, leur vieil ami. Que de choses elles ont à vous dire, et quel délicieux rabâchage du passé! Par exemple, regardez cette fine et délicate maison de la rue des Orfèvres, il semble que ce soit un tête-à-tête. On est en[Pg 152] bonne fortune avec toute cette élégance. Vous nous faites tout reconnaître, tant vos eaux-fortes sont des portraits. C'est la fidélité photographique, avec la liberté du grand art. Votre rue Chemonton est un chef-d'œuvre. J'ai monté, en même temps que ces bons paysans de Sologne peints par vous, les grands degrés du château. La maison à statuettes de la rue Pierre-de-Blois est comparable à la précieuse maison des musiciens de Woymouth. Je retrouve tout.

[101] Vieille rue de Blois, bien connue des touristes pour ses maisons du XVe siècle. L'une d'elles, dont il existe un curieux dessin par Victor Hugo, aurait été habitée par Marion Delorme, que certains, (le bibliothécaire Dupré, entre autres, qui en a publié un acte de naissance), prétendent née à Blois.

[102] Denys Dupont,—Pontanus—avocat et célèbre jurisconsulte blaisois; l'un des principaux auteurs de la Coutume de Blois et son commentateur. (Blois, Angelier, 1556; Paris, Billaine, 1677.)

Voici la Tour-d'Argent[103], voici le haut pignon sombre, coin des rues des Violettes et de Saint-Lubin, voici l'hôtel de Guise, voici l'hôtel de Cheverny[104], voici l'hôtel Sardini[105] avec ses voûtes en anses de[Pg 153] panier, voici l'hôtel d'Alluye[106] avec ses galantes arcades du temps de Charles VIII, voici les degrés de Saint-Louis qui mènent à la cathédrale, voici la rue du Sermon, et au fond la silhouette presque romane de Saint-Nicolas; voici la jolie tourelle à pans coupés dite Oratoire[107] de la reine Anne. C'est derrière cette tourelle qu'était le jardin où Louis XII, goutteux, se promenait sur son petit mulet.

[103] Ancien atelier monétaire des comtes de Blois formant le coin des rues des Trois-Clefs et de la Serrurerie, où est établi aujourd'hui le siège d'une compagnie électrique.

[104] Hôtel à Blois de la famille Hurault (Hurault de Cheverny de Saint-Denis et de Vibraye), ou «Petit Louvre», rue Saint-Martin.

[105] Scipion Sardini, financier lucquois amené en France par Catherine de Médicis qui lui fit épouser Isabelle de Limeuil. La rapidité de sa fortune lui valut cette épigramme de ses contemporains:

Qui modo Sardinii jam nunc sunt grandia cete
Sic alit italicos Gallia pisciculos.

En dehors de l'hôtel du 7 de la rue du Puits-Châtel, à Blois, Sardini possédait, à Paris, un hôtel dans le quartier Mouffetard, auquel M. Anatole de Montaiglon a consacré deux articles intéressants: L'hôtel de Scipion Sardini et ses médaillons en terre cuite (Les Beaux-Arts, tome I, 1869, pp. 161-166; 197-202); Bulletin de la Société impériale des Antiquaires de France, année 1857, pp. 97-101; cette communication a été réimprimée dans la Revue universelle des Arts, tome V, 1857, pp. 461-463).

M. Édouard Drumont a d'autre part tracé une jolie silhouette du personnage dans la première série de Mon vieux Paris: Un Financier du XVIe siècle (Réimpression Flammarion, S. D., in-12, pp. 207-247).

Brantôme, puis... le duc d'Aumale ont évoqué, non sans esprit, cette tant bizarre Isabelle de Limeuil dont la vengeance vis-à-vis de Condé fut plutôt rabelaisienne, et l'accouchement en pleine cour pour le moins maladroit.

[106] Ancien hôtel rue Saint-Honoré (ainsi que l'hôtel Denys Dupont), de Florimond Robertet, baron d'Alluye, secrétaire des finances de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier. Bien que la plupart de ses biographes le fassent mourir, à Blois, en 1522, il ne serait mort, d'après l'hommage de sa veuve, Michelle Gaillard, pour le château de Bury, qu'en 1527, et à Paris.

[107] Pavillon situé dans les anciens jardins bas du château et y faisant face, souvent improprement appelé «Bains de Catherine».

Anne de Bretagne s'y était retirée durant l'excommunication de Louis XII.

Cf. Pierre Lesueur: Les Jardins du château de Blois et leurs dépendances. Blois: C. Migault et Cie, in-8º, de 225 pp. (Pl.)

Ce Louis XII a, comme Henri IV, des côtés aimables. Il fit beaucoup de sottises, mais c'était un roi-bonhomme. Il jetait au Rhône les procédures commencées[Pg 154] contre les Vaudois. Il était digne d'avoir pour fille cette vaillante huguenote astrologue, Renée de Bretagne, si intrépide devant la Saint-Barthélémy et si fière à Montargis. Jeune, il avait passé trois ans à la tour de Bourges, et il avait tâté de la cage de fer. Cela qui aurait rendu un autre méchant, le fit débonnaire.

Il entra à Gênes, vainqueur, avec une ruche d'abeilles dorée sur sa cotte d'armes et cette devise: Non utitur aculeo. A Aignadel, à un courtisan qui disait: Vous vous exposez, sire, il répondait: Mettez-vous derrière moi. C'est lui aussi qui disait: Bon roi, roi avare. J'aime mieux être ridicule aux courtisans que lourd au peuple. Il disait: La plus laide bête à voir passer, c'est un procureur portant ses sacs. Il haïssait les juges désireux de condamner et faisant effort pour agrandir la faute et envelopper l'accusé. Ils sont, disait-il, comme les savetiers qui allongent le cuir en tirant dessus avec leurs dents. Il mourut de trop aimer sa femme, comme plus tard François II doucement tués l'un et l'autre par une Marie. Cette noce fut courte. Le 1er janvier 1515, après quatre-vingt-trois jours ou plutôt quatre-vingt-trois nuits de mariage, Louis XII expira, et comme c'était le jour de l'an, il dit à sa femme: Mignonne, je vous donne ma mort pour vos étrennes. Elle accepta de moitié avec le duc de Brandon.

L'autre fantôme qui domine Blois est aussi haïssable que Louis XII est sympathique. C'est ce Gaston, Bourbon coupé de Médicis. Florentin du XVIe siècle, lâche, perfide spirituel, disant de l'arrestation de[Pg 155] Longueville, de Conti et de Condé: Beau coup de filet, prendre à la fois un renard, un singe et un lion! Curieux artiste, collectionneur, épris de médailles, de filigranes et de bonbonnières, passant sa matinée à admirer le couvercle d'une boîte en ivoire, pendant qu'on coupait la tête à quelqu'un de ses amis, trahi par lui[108].

[108] Non sans courage,—il est des réhabilitations difficiles—un descendant de Brunyer, l'ancien médecin de Gaston, M. J. de Pétigny, de l'Institut, protesta dans une lettre à la France Centrale (9 juin 1864), contre la sévérité de ce jugement.

Toutes ces figures, et Henri III, et le duc de Guise, et d'autres, y compris ce Pierre-de-Blois[109], qui a pour gloire d'avoir prononcé le premier le mot transsubstantiation, je les ai revues, Monsieur, dans la confuse évocation de l'histoire, en feuilletant votre précieux recueil. Votre fontaine de Louis XII m'a arrêté longtemps. Vous l'avez reproduite comme je l'ai vue, toute vieille, toute jeune, charmante. C'est une de vos meilleurs planches. Je crois bien que la Rouennerie en gros, constatée par vous, vis-à-vis l'hôtel d'Amboise, était déjà là de mon temps[110]. Vous avez[Pg 156] un talent vrai et fin, le coup d'œil qui saisit, le style la touche ferme, agile et forte, beaucoup de naïveté, et ce don rare de la lumière dans l'ombre. Ce qui me frappe et me charme dans vos eaux-fortes, c'est le grand jour, la gaieté, l'aspect souriant, cette joie du commencement qui est toute la grâce du matin. Des planches sont baignées d'aurore. C'est bien là Blois, mon Blois à moi, ma ville lumineuse. Car la première impression de l'arrivée m'est restée. Blois est pour moi radieux. Je ne vois Blois que dans le soleil levant. Ce sont là des effets de jeunesse et de patrie.

[109] Pierre de Blois, né dans le faubourg de Vienne, vers 1130. Après avoir étudié le droit à Bologne et la théologie à Paris, fut tour à tour, en Angleterre, où il mourut en disgrâce vers 1200, secrétaire et confident de Henri II Plantagenet et chancelier de l'archevêque de Cantorbéry, qui lui conféra l'archidiaconé de Bath.

Les lettres qu'il a laissées sont, au dire des biographes, pleines de jugements satiriques et violents sur ses contemporains.

[110] Une plaque de cuivre gravé a ramené cette inscription à des proportions plus modestes.

Je me suis laissé aller à causer longuement avec vous Monsieur, parce que vous m'avez fait plaisir. Vous m'avez pris par mon faible, vous avez touché le coin sacré des souvenirs. J'ai quelquefois de la tristesse amère, vous m'avez donné de la tristesse douce. Être doucement triste, c'est là le plaisir. Je vous en suis reconnaissant. Je suis heureux qu'elle soit bien conservée, si peu défaite, et si pareille encore à ce que je l'ai vue il y a quarante ans, cette ville à laquelle m'attache cet invisible écheveau des fils de l'âme, impossible à rompre, ce Blois qui m'a vu adolescent, ce Blois où les rues me connaissent, où une maison m'a aimé, et où je viens de me promener en votre compagnie, cherchant les cheveux blancs de mon père et trouvant les miens.

Je vous serre la main, Monsieur.

Victor Hugo.

[Pg 157]

Publiée d'abord dans la Gazette des Beaux-Arts[111], la Presse et la France Centrale[112], souvent reproduite depuis, cette lettre fixe au 17 avril 1825 l'arrivée de Victor Hugo à Blois.

[111] Gazette des Beaux-Arts, juin 1864.

[112] La France Centrale, 2 juin 1864.

Le commissionnaire essoufflé remettant au poète «la grande lettre cachetée de rouge qui venait d'arriver chez lui et que son beau-père lui envoyait en toute hâte» de Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie risque donc fort d'appartenir à la légende.

C'est dommage, car nous y perdons cette jolie scène.

A Blois, le général était à la descente de la voiture. Victor Hugo, sachant le plaisir qu'il ferait à son père, lui tendit aussitôt son brevet et lui dit:

—Tiens, ceci est pour toi.

Le général, charmé en effet, garda le brevet et, en échange détacha de sa boutonnière son ruban rouge[113] qu'il mit à celle de son fils[114].

[113] Le général était officier de la Légion d'honneur du 14 février 1815.

[114] Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, tome II, p. 83.

Le 29 avril seulement, le Moniteur annonçait la distinction dont Lamartine et Victor Hugo venaient d'être l'objet:

[Pg 158]

«Le Roi vient de nommer MM. Alphonse de Lamartine et Victor Hugo, chevaliers de la Légion d'honneur[115]

[115] Moniteur Universel, nº 119, vendredi 29 avril 1825, partie non officielle.

Le 12 mai suivant, le nouveau chevalier n'avait encore ni croix, ni papiers[116].

[116] Lettre écrite de la Miltière à M. Foucher, le 12 mai 1825.

Ce Roi qui, par ordonnance spéciale, venait de décorer deux poètes, n'était plus Louis XVIII, mort le 16 septembre 1824, à 4 heures du matin, mais le comte d'Artois, devenu Charles X.

Non content d'accorder à Victor Hugo l'étoile au centre de laquelle un Henri IV barbu avait remplacé le masque consulaire, le Roi l'invitait à son sacre.

Cette «marque d'honneur» était bien due au chantre, alors si fidèle, des Bourbons. Il y fut très sensible, et les lettres qu'il écrivit alors de Blois témoignent du plaisir qu'il en ressentit.

La Correspondance de Victor Hugo nous en fournit le texte. Il complète heureusement celui dont la bibliothèque de Blois conserve les originaux.

Dès le 27 avril, aussitôt ces importantes nouvelles reçues, Victor écrit à Soulié, au bon Soulié, non pas l'auteur du Lion Amoureux,[Pg 159] mais Augustin Soulié, le rédacteur à la Quotidienne[117].

[117] Jean-Baptiste-Augustin Soulié, né à Castres en 1780, mort à Paris en 1845. Après avoir fondé et dirigé à Bordeaux: le Mémorial bordelais, la Ruche d'Aquitaine et la Ruche politique il vint, en 1828, se fixer à Paris, où il collabora activement à la Quotidienne.

Paul Lacroix lui attribue les articles signés d'un S. parus dans le Conservateur littéraire. Ils semblent plutôt devoir être attribués à J.-B. Biscarrat.

Nommé conservateur à la Bibliothèque de l'Arsenal, A. Soulié a laissé une édition assez estimée des Poésies de Charles d'Orléans.

Le poète ne cache ni sa joie, ni sa reconnaissance pour ses protecteurs.

A Monsieur J.-B. Soulié, hôtel de Hollande,
rue Neuve-des-Bons-Enfants, à Paris.


Blois, 27 avril 1825, matin.

Savez-vous, mon bon Soulié, que les grâces royales pleuvent sur moi, au moment où je viens à Blois me faire hermite? Le Roi me nomme chevalier de la Légion d'honneur, et me fait l'insigne honneur de m'inviter à son sacre. Vous allez vous réjouir, vous qui m'aimez, et je vous assure que le plaisir que cette nouvelle vous fera augmente beaucoup ma propre satisfaction. Il y a entre nous une telle fraternité de sentiments et d'opinions, qu'il me semble que[Pg 160] ma croix est la vôtre, comme la vôtre serait la mienne.

Ce qui accroît beaucoup le prix de cette croix à mes yeux, c'est que je l'obtiens avec Lamartine, par ordonnance spéciale qui ne nomme que nous deux, attendu, a dit le Roi, qu'il s'agit de réparer une omission. Ces deux décorations ne comptent pas dans le nombre donné au sacre.

Ce qui ajoute aussi un grand charme à mon voyage de Reims, c'est l'espérance de le faire avec notre Charles Nodier[118], auquel j'ai écrit hier, pour qu'il s'arrange de manière à m'avoir pour compagnon. Je dois ajouter à tout ceci que M. de La Rochefoucauld a été charmant, dans cette circonstance, pour Lamartine et moi. Il est impossible de s'effacer plus complètement pour laisser au Roi toute la reconnaissance, de mettre plus de grâce et de délicatesse dans ses[Pg 161] rapports avec nous. C'est à lui que nous devons nos croix et c'est lui qui nous remercie. Je dois cette justice haute et entière à un homme qui ne l'obtient pas toujours[119].

[118] «Notre Charles Nodier»! Il faut lire le jugement que portait sur lui, dans une lettre à Albert Stapfer, Prosper Mérimée, son successeur à l'Académie, qui venait de terminer non sans peine, il est à croire, le discours de réception au cours duquel les usages académiques le forçaient à faire son éloge:

«Il m'a fallu lire les œuvres complètes de Nodier, y compris Jean Sbogar. C'était un gaillard très taré qui faisait le bonhomme et avait toujours la larme à l'œil. Je suis obligé de dire, dès mon exorde, que c'était un infâme menteur. Cela m'a fort coûté à dire en style académique. Enfin, vous entendrez ce morceau, si je ne crève pas de peur en le lisant». (Prosper Mérimée; l'homme, l'écrivain, l'artiste. Paris, Journal des Débats, 1907, in-8º. Lettre du 16 octobre 1844, p. 101).

L'article de Charles Nodier sur Han d'Islande, paru dans la Quotidienne, en 1823, l'avait mis en rapport avec Victor Hugo et leurs relations n'avaient point tardé à tourner à l'intimité.

[119] Le vicomte Sosthènes de la Rochefoucauld. Son passage à la direction des Beaux-Arts fut surtout marqué par l'allongement momentané qu'il fit subir, à l'Opéra, aux jupes des danseuses et par les feuilles de vigne en papier dont il gratifia, au Louvre, les nudités des statues.

Sa haine du nu souffrait, sans doute, en dehors de ses fonctions, des accommodements: à entendre Horace de Viel Castel, il n'aurait pas été sans consoler Zoé du Cayla des amours par trop pures de Louis XVIII.

Le vicomte de la Rochefoucauld fut,—lui aussi,—l'objet de mystifications sans nombre, auxquelles le Mercure de France ne demeura pas toujours étranger.

Je vais donc vous revoir, cher ami, et il me faut cette espérance pour apporter quelque adoucissement au chagrin de quitter mon Adèle pour la première fois. Dites tout cela à ceux de nos bons amis auxquels je n'aurai pas le temps d'écrire.

Votre canif est beau et excellent; votre dessin est d'une bizarrerie charmante. Merci mille fois, et merci surtout de votre franche et tendre amitié.

Personne ne vous aime plus que moi.

Victor[120].

[120] Victor Hugo: Correspondance, 1815-1835, pp. 219-220.

Le lendemain c'est le tour d'Alfred de Vigny, «Vigny qu'on avait oublié dans cette cérémonie malgré ses titres de noblesse et les autres»[121],[Pg 162] et, à la satisfaction du jeune légionnaire se mêlent de jolies notes sur Blois.

[121] Léon Séché: Alfred de Vigny et son temps, p. 113.

«Il est vrai que ce fils de royalistes, cet officier de la garde royale, n'avait été inspiré ni par la mort du duc de Berry, ni par celle de Louis XVIII, ni par la naissance du duc de Bordeaux. Un jour, trente ans plus tard, on lui demanda de faire une poésie sur la naissance du prince impérial. Il répondit qu'il n'avait jamais su faire ces choses-là.» (Ibid., en note.)

A Monsieur le comte Alfred de Vigny,
rue Richepanse, Paris.

Blois, 28 avril 1825.

Il ne faut pas, cher Alfred, que vous appreniez d'un autre que moi les faveurs inattendues qui sont venues me chercher dans la retraite de mon père. Le Roi me donne la croix et m'invite à son sacre. Réjouissez-vous, vous qui m'aimez, de cette nouvelle; car je repasserai à Paris en allant à Reims, et je vous embrasserai.

Je compte faire le voyage avec notre Nodier, auquel je viens d'écrire. Vous nous manquerez.

Tous les honneurs, du reste, portent leur épine avec eux. Ce voyage me force à quitter pour quinze éternels jours cette Adèle que j'aime comme vous aimez votre Lydia[122], et il me semble que cette première séparation va me couper en deux.

[122] Miss Lydia de Bunbury que le poète avait rencontrée en 1824, à Pau, où il était en garnison et où il l'avait épousée le 3 février 1825.

Vous me plaindrez, mon ami, car vous aimez comme moi.

[Pg 163]

Je suis ici, en attendant mon nouveau départ, dans la plus délicieuse ville qu'on puisse voir. Les rues et les maisons sont noires et laides, mais tout cela est jeté pour le plaisir des yeux sur les deux rives de cette belle Loire; d'un côté un amphithéâtre de jardins et de ruines, de l'autre une plaine inondée de verdure. A chaque pas un souvenir.

La maison de mon père est en pierres de taille blanches, avec des contrevents verts comme ceux que rêvait J.-J. Rousseau; elle est entre deux jardins charmants, au pied d'un coteau, entre l'arbre de Gaston et les clochers de Saint-Nicolas. L'un de ces clochers n'a point été achevé et tombe en ruine[123]. Le temps le démolit avant que l'homme l'ait bâti.

[123] Restauré une première fois sous le règne de Louis-Philippe, ce clocher a été complètement refait ces dernières années.

Voilà tout ce que je vais quitter pour quinze jours, et mon vieux et excellent père et ma bien-aimée femme par-dessus tout. Mais je vous reverrai un instant, et il y a tant de consolations dans la vue d'un ami.

Adieu, cher Alfred, mille hommages à votre chère Lydia. Avez-vous terminé votre formidable Enfer[124]? C'est une page de Dante, c'est un tableau de Michel-Ange, le triple génie.

[124] Il faut comprendre, sans doute, votre Satan.

[Pg 164]

Embrassez bien pour moi Émile[125], Soumet, Jules[126], Guiraud[127] et d'Hendicourt et tous nos amis, auxquels j'écrirai dès que j'aurai quelque loisir.

[125] Émile Deschamps, né à Bourges en 1791, mort à Versailles, en 1871. L'un des premiers adeptes du Romantisme. Il fut un des fondateurs de la Muse française de Victor Hugo, dont il demeura l'ami, collabora aux Annales de la Littérature et des Arts, au Mercure du XIXe siècle, etc. Poésie, drame, roman, études historiques et littéraires, Émile Deschamps embrassa un peu tous les genres. Ses œuvres complètes ont été publiées en six volumes, chez Lemerre (1872-1894).

[126] Jules Lefèvre-Deumier (1797-1857), lié d'amitié avec Alexandre Soumet, entra avec lui dans le mouvement romantique et collabora au Conservateur littéraire et à la Muse française. Ses vers se ressentent fort de l'influence de Byron qu'il imita en allant combattre pour la délivrance de la Pologne. Fait prisonnier par les Autrichiens, il devint, après son retour en France, bibliothécaire du prince Louis-Napoléon, puis de l'Élysée et des Tuileries.

Jules Lefèvre n'était pas, comme poète, sans valeur (le Parricide, 1823; le Clocher de Saint-Marc, 1826; Ode sur la mort du général Foy, 1826; les Confidences, 1833). Il a laissé en outre des romans qui eurent quelques succès: Sir Lionel d'Arquenay (1834), les Martyrs d'Arezzo (1836).

Il fut un moment co-propriétaire de l'Artiste avec Arsène Houssaye.

[127] Pierre-Marie-Thérèse-Alexandre, baron Guiraud (1788-1847). Un des fondateurs de la Muse française où il rendit compte des Mémoires du général Hugo (tome I, p. 198) et où il publia un véritable manifeste littéraire: Nos Doctrines (t. II, nº 7). Collabora également aux Annales de la Littérature et des Arts et au Mercure du XIXe siècle.

Avait eu un drame, les Macchabées, joué, en 1822, à l'Odéon; d'autres suivirent: le comte Julien (1823), Pharamond, en collaboration avec Ancelot (1825), Virginie (1827).

Assidu du salon de Mme Ancelot (Marguerite Chardon), Guiraud aimait à y réciter les vers un peu pleurards qui devaient former ses Élégies savoyardes (Ponthieu, 1823). Il a publié, en outre, Poèmes et Chants élégiaques (Boulland, 1824), des Poésies dédiées à la jeunesse (Dondey-Dupré, 1836) et deux forts volumes assez justement oubliés, imprimés à Limoux, sa ville natale: Philosophie catholique de l'Histoire (Boute, 1839-1841).

Le baron Guiraud faisait depuis 1826 partie de l'Académie française.

Cf. Léon Séché: Le Cénacle de la Muse française.

[Pg 165]

Je suis encore ici pour trois semaines. Vous m'écrirez vite, n'est-ce pas?

Mille respects de ma part à Madame votre mère[128].

[128] Victor Hugo: Correspondance, 1815-1835, p. 221-222.

Rues et maisons noires et laides, «tout cela est jeté pour le plaisir des yeux». Voilà, pour les Blaisois, s'il en était besoin, de quoi faire pardonner au poète les deux vers du comte de Gassé.

Regardez.—Tout est laid, tout est vieux, tout est mal.
Ces clochers même ont l'air gauche et provincial[129].

[129] Marion Delorme, acte II, scène I.

Au reste, Victor Hugo a suffisamment magnifié Blois, voire les clochers de Saint-Nicolas, pour que cette boutade ne puisse inspirer qu'un sourire et rien plus.

De Blois, il écrivit encore au baron d'Eckstein[130], pour lui recommander le Résumé de L'Histoire de Russie, du pauvre Alphonse Rabbe;[Pg 166] puis, le 7 mai, à la veille d'en partir, ce fut cette lettre, jolie et intéressante, à Adolphe de Saint-Valry[131], son ami d'enfance:

[130] Ferdinand d'Eckstein, né à Altona, en 1790, mort à Paris en 1861. Après avoir servi contre la France, suivit Louis XVIII et s'attacha à sa fortune. Successivement commissaire central à Marseille, inspecteur général au ministère de la police, historiographe à celui des Affaires étrangères et enfin créé baron.

Après avoir collaboré aux Annales de la Littérature et des Arts, auxquelles il donna des articles politiques, historiques et de littérature étrangère, le baron d'Eckstein, fonda en 1826, le Catholique.

Rendu à la vie privée par la Révolution de juillet il a exprimé, avec talent, dans nombre d'ouvrages, son loyalisme.

[131] Adolphe Souillard, plus connu sous le nom d'Adolphe de Saint-Valry (1802-1862), né la même année que Victor Hugo, était pour lui un ami d'enfance, car son père avait servi sous les ordres du général. Après avoir collaboré au Conservateur littéraire, Adolphe de Saint-Valry,—il donnait comme Jules Lefèvre et Jules de Rességuier les plus belles espérances,—était passé aux Annales de la Littérature et des Arts, où l'honneur lui fut imparti de rendre compte des Odes et poésies diverses de V. Hugo.

Je ne puis reproduire le morceau dans son entier, il ferait longueur, mais la date où ces lignes furent écrites (1822, tome VII) leur donne trop de saveur pour que je puisse ne point les citer:

«Nous ne savons à quelle fatalité attribuer le silence des journaux quotidiens à son égard; est-ce que par hasard la supériorité d'un écrivain aussi jeune que M. Victor Hugo donnerait de l'ombrage et du souci à quelques hommes de lettres en crédit? Ce serait là un sentiment bien bas, mais au reste bien digne d'un siècle essentiellement jaloux et dépréciateur; car, de nos jours dans le compte que l'on rend des meilleurs ouvrages, il règne habituellement une certaine réserve cauteleuse, assez proche parente de l'envie et de la médiocrité. Heureusement pour M. V. Hugo, une édition épuisée sans annonce, les éloges et l'amitié si honorables de M. de Chateaubriand et de M. de Lamennais sont une fort belle compensation.»

Que l'on veuille se souvenir que le poète et le critique n'avaient pas à eux deux, plus de quarante ans.

Adolphe de Saint-Valry fut un des sept fondateurs de la Muse française, avec Émile Deschamps, Guiraud, Soumet, Victor Hugo, Alfred de Vigny et Desjardins. (Ce Desjardins, doit être l'auteur d'un drame «en cinq coupes d'amertume», Semiramis la Grande, dont les lecteurs de l'Intermédiaire n'ignorent pas le titre. Il semble avoir été professeur libre et avoir collaboré à la Tribune de Germain Sarrut. C'est, parmi les Romantiques de la première heure, un des plus inconnus.)

Il prit une part active, en l'absence de Guiraud, à la préparation du premier numéro, qui parut le 28 juillet 1823 sous la date du 15, et, quand, après douze numéros, la Muse disparut, le 15 juin 1824, survivant à peine huit jours à la disgrâce de Chateaubriand, dont le grand public ignora longtemps les causes, ou tout au moins l'une d'entre elles, ce fut Saint-Valry, qui, non sans esprit et sans courage, traça le portrait d'Auguste, l'ami hier tout puissant, aujourd'hui ministre révoqué, «car il est doux de rendre hommage à la vertu et au courage d'un homme de bien, et peut-être n'est-il pas encore défendu d'accompagner jusqu'aux portes de Rome Cicéron partant pour l'exil».

En vérité, Saint-Valry donnait mieux, là, que des espérances, et, en dehors de leur amitié, l'on comprend en quelle singulière estime le pouvait tenir Hugo qui avait souvent été son hôte à Montfort-l'Amaury, dont ils ont, l'un et l'autre, chanté les ruines. (Odes et Ballades, Odes Livre V, Ode XVII; Les Annales romantiques, 1826.)

On doit à Adolphe de Saint-Valry un roman, publié en 1836: Mme de Mably.

Cf. Ch.-M. Des Granges: La Presse littéraire sous la Restauration.Léon Séché: Le Cénacle de la Muse française.—L'Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, 1893.

[Pg 167]

A Adolphe de Saint-Valry.

Blois, 7 mai 1825.

Oui, mon ami, de cette ville historique et pittoresque, je tournerai bien souvent mes regards vers Paris et Montfort, et le château de Blois ne me fera point oublier Saint-Laurent. J'ai passé là en août 1821, des[Pg 168] moments bien doux et votre excellente mère m'y a fait presque oublier pendant huit jours l'admirable mère que je venais de perdre.

Je vous remercie des nouvelles que vous me donnez. Je suis charmé que le bon Jules Lefèvre vous doive la vente de son Clocher de Saint-Marc. C'est un homme d'un vrai talent, et il ne manque à ce talent qu'un succès.

Rien de tout cela ne vous manque à vous, mon cher ami, et vous avez tort de désespérer de vous-même; il faut que votre poème se vende, et il se vendra. Entre le talent et le public, le traité est bientôt fait.

On me dit ici que l'on dit là-bas que j'ai fait abjuration de mes hérésies littéraires, comme notre grand poète Soumet. Démentez le fait bien haut partout où vous serez, vous me rendrez service.

J'ai visité hier Chambord. Vous ne pouvez vous figurer comme c'est singulièrement beau. Toutes les magies, toutes les poésies, toutes les folies mêmes sont représentées dans l'admirable bizarrerie de ce palais de fées et de chevaliers. J'ai gravé mon nom sur le faîte de la plus haute tourelle[132]; j'ai emporté[Pg 169] un peu de pierre et de mousse de ce sommet, et un morceau de châssis de la croisée sur laquelle François Ier a inscrit les deux vers:

[132] Marie-Caroline, duchesse de Berry, devait suivre ce mauvais exemple, le 18 juin 1828, lors de sa visite à Chambord. (Relation du voyage de S.A.R. Madame, Duchesse de Berry, dans la Touraine, l'Anjou, la Bretagne, la Vendée, et le Midi de la France en 1828; par M. le vicomte Walsh. (Paris, Hiver, 1829, tome I, p. 24.) Il faut lire dans les mémoires d'Horace de Viel Castel comment il traite ce «Walsh d'Irlande».

Sur Chambord, cf. L. de la Saussaye: Le château de Chambord, 8e édit. Lyon, Perrin, 1859, in-8º, de VII; 137 pp.

Souvent femme varie
Bien fol est qui s'y fie

Ces deux reliques me sont précieuses.

Adieu, mon ami, vous savez que le roi m'invite à son sacre. Je serai à Paris vers le 29, et je vous embrasserai.

L'amitié d'un homme comme vous est douce et inappréciable.

Victor[133].

[133] Victor Hugo: Correspondance, 1815-1835, pp. 48-49.

Le lendemain ou le surlendemain, le général emmenait ses hôtes passer quelques jours à la Miltière, la propriété qu'il possédait en Sologne[134],[Pg 170] d'où, après avoir écrit de façon plaisante à son jeune beau-frère, Paul Foucher[135], le 9 ou le 10 mai, il adressait, le 12, cette lettre plus sérieuse à son beau-père.

[134] Par acte passé devant Me Pardessus, notaire à Blois, le 12 décembre 1823, le général Hugo, avait acquis au prix de 31.000 francs cette petite propriété située communes de Pruniers et de Lassay (Loir-et-Cher) avec la locature de Laudinière. «Elle consistait d'après l'acte, en: maison de maître, grange, cénacles, un enclos appelé le parc de la Miltière, distribué en jardins anglais et entouré de fossés, contenant environ 5 hectares de terre, prés et taillis.» (L. B.)

[135] Correspondance, pp. 50-51.

Né en 1818 et mort en 1875, Paul-Henri Foucher devait être en 1828 le collaborateur de son beau-frère dans le drame d'Amy Robsart. Drames, opéras, ballets, romans, chroniques, Paul Foucher a un peu affronté tous les genres et l'on ne doit pas oublier ses intéressantes correspondances parisiennes adressées à l'Indépendance belge.

Alfred de Musset semble avoir lié à jamais son nom à celui de Mélanie Waldor:

Quand Madame Waldor à Paul Foucher s'accroche,
Montrant le tartre de ses dents...

Il ne s'agit pas dans celle-ci de baccalauréat ou des jeux du soleil à travers le lierre tapissant «une salle de verdure attenante à la Miltière».

Le sacre approche, Victor n'a reçu encore ni sa croix de la Légion d'honneur, ni les papiers la concernant. Il craint «de ne pouvoir porter la décoration au sacre, ce qui serait inconvenant». Il prie son beau-père de vouloir bien passer à la chancellerie pour stimuler un peu l'apathie des bureaux.

Puis, ce sont les 350 francs demandés à Reims pour une chambre,—la province est sans pitié quand elle a occasion d'écorcher quelques[Pg 171] Parisiens,—et si ce n'est tout à fait le chapitre des chapeaux, c'est tout au moins celui du tailleur et du chapelier. Du protocole presque.

La Miltière, 12 mai 1825.

Mon cher papa,

Le messager envoyé par mon père à Blois est de retour. Il nous rapporte l'aimable lettre de maman à son Adèle, que nous avons lue en famille et une lettre fort cordiale de Victor Foucher[136], qui nous fait aussi beaucoup de plaisir. Nous nous attendions également à recevoir la croix de la Légion d'honneur et les papiers, etc., que vous nous avez annoncés pour le commencement de cette semaine. Notre espérance est frustrée de ce côté, et mon père désirerait que vous eussiez la bonté de passer encore une fois à la Légion, pour presser cet envoi. Car ma place est retenue pour le 19 au matin, et si nous ne recevions pas tout cela au moins le 18, je courrais grand risque de ne pouvoir porter la décoration au sacre, ce qui serait inconvenant.

[136] Victor-Adrien Foucher, beau-frère de Victor Hugo, né comme lui, en 1802, mort en 1866. Magistrat, Victor Foucher a dirigé de 1833 à 1862 la Collection des lois civiles et criminelles des États modernes et a laissé en outre, un certain nombre d'ouvrages et de brochures d'un caractère juridique.

Paul Lacroix attribue à Victor Foucher vingt articles, signés F., du Conservateur littéraire.

[Pg 172]

Je sens, mon excellent père, combien je vous donne de peines, et je suis pénétré d'une vive reconnaissance de toutes vos bontés. La lettre de maman Foucher est bonne comme elle: elle est remplie de détails qui nous intéressent. Nous sommes enchantés des progrès de Juju[137] autant que de Didine[138]; quand nous serons de retour à Paris ces deux enfants seront l'objet de nos curiosités réciproques, et nous aurons de longs récits à nous faire.

[137] Julie Foucher, la toute jeune sœur d'Adèle Hugo, mariée plus tard au graveur Paul Chenay (1818-1906) auteur d'un volume de souvenirs intimes: Victor Hugo à Guernesey.

(Paris, Juven, S. D. in-12), de 296 pp.

[138] Léopoldine Hugo.

Voudriez-vous encore ajouter à tous vos soins paternels celui de payer nos contributions dont le papier a été remis à maman. Nous vous rembourserons cette petite somme.

Maman nous apprend que la chambre à Reims est louée 350 francs et qu'on cherche une quatrième personne. Est-ce pour la voiture ou pour le logement? Vous me disiez dans votre dernière que Beauchêne s'occupait de la fabrication de mon habit. Comment a-t-il eu ma mesure? Il faudra sans doute les culottes, bas, souliers à boucles, épée d'acier, chapeau à galon d'acier et plumes. En quel métal doivent être les boucles de la culotte et des souliers? Faudra-t-il les jabots et les manchettes?

Parlez de nous à la bonne Mme Deschamps. M. Deschamps[139] m'a écrit une charmante lettre. Veuillez[Pg 173] l'en remercier en attendant que je le fasse moi-même.

[139] Père d'Émile et d'Antoni Deschamps.

Paul a dû recevoir aujourd'hui une lettre de moi, la première que j'ai écrite de la Miltière. Celle-ci est la seconde. Je vais écrire la troisième à Charles Nodier.

Adieu, mon cher et bon père; papa et son excellente femme, mon Adèle et sa petite Didine aux joues fermes, vous embrassent ainsi que maman Foucher, et je me joins à eux de cœur. Vous ne sauriez croire comme on parle de vous en Sologne à l'heure qu'il est.

Votre fils tendrement dévoué,
Victor.

Mon portier a-t-il reçu quelque lettre depuis notre départ? J'en reçois une bien paternelle de M. de la Rivière[140].

[140] M. de la Rivière, le vieux maître d'école de Victor rue Saint-Jacques. Il en sera, ultérieurement, plus longuement question.

Écrivez toujours à Blois[141].

[141] Correspondance, pp. 223-225.

Victor Hugo a raconté assez sommairement son séjour à Reims et ses impressions au cours de la cérémonie du sacre, à laquelle il fait assister Lamartine[142], dont M. Edmond Biré a, depuis,[Pg 174] établi l'absence à ce gala où le carton peint semble avoir été un trop fréquent accessoire[143].

[142] Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, tome II, p. 92.

[143] Victor Hugo avant 1830, p. 377.

Il convient d'être plus bref encore. Ce fut pour Victor l'occasion, et elle était excellente, d'écrire l'Ode sur le Sacre[144].

[144] Odes, livre III (1824-1828), ode IV.

Il aimait le sujet. Les Bourbons l'avaient jusqu'ici heureusement inspiré. Louis XVIII ne s'était point montré ingrat. Charles X ne le fut point davantage.


[Pg 175]

VII

L'Ode sur le Sacre.—Une promotion désirée: le lieutenant-général comte Hugo.—Une dette sacrée.—Ce bon M. de la Rivière.—Le voyage au Mont-Blanc et dans la vallée de Chamonix.—Naissance de Charles-Victor Hugo.

Ces vers firent plus sans doute pour la nomination du général Hugo au grade de lieutenant-général que les démarches répétées de jadis auprès de MM. de Chateaubriand et de Clermont-Tonnerre et du duc d'Angoulême lui-même.

Le sacre est du 29 mai. Le 5 juin, le Moniteur Universel nº 156, publiait cette promotion si ardemment désirée:

«M. le Maréchal-de-camp Hugo, vient d'être nommé lieutenant-général.»

Le fils s'en réjouit autant que le père. Il est de nouveau à Gentilly, chez un ami, cette fois, et de cette banlieue, il adresse ses félicitations au nouveau lieutenant-général, «M. le Lieutenant-général Comte Hugo», et ses excuses à [Pg 176]Mme Hugo pour la négligence de Ladvocat.

Gentilly, 19 juin.

Mon cher papa,

C'est de ma campagne où je suis allé passer quelques jours chez un ami qui demeure à deux lieues de Paris, que je te réponds. Je regrette bien que tu y sois toi-même en ce moment. Les chaleurs excessives, la solitude et le dénuement de la Miltière me font trembler pour ta chère santé. Il me semble que tu aurais dû retarder ce voyage quelque important qu'il pût être, et ne pas t'aventurer tout seul dans cette saison au milieu des déserts de la Sologne. Tu sais comme moi combien les pays humides et sablonneux exhalent de miasmes morbifiques dans les grandes chaleurs, et mon Adèle te reproche tendrement de nous avoir donné l'inquiétude de te savoir là-bas.

Les journaux de Paris ont annoncé ta promotion de la manière la plus flatteuse. Que t'importe un oubli qu'ils font si fréquemment? Que t'importe la jalousie? Il suffit de ton nom et de ta réputation pour mériter l'envie. Résigne-toi, mon noble père, à cet inconvénient de toute position élevée.

J'ai rempli ta commission auprès d'Adolphe.

Tu ne m'étonnes pas en m'apprenant que ta femme n'a pas reçu son exemplaire. J'avais remis à Ladvocat le paquet à son adresse avec beaucoup d'autres, pour qu'il le mît à la poste. Tu connais la négligence de ce libraire. Partant pour la campagne j'ai dû me reposer sur lui de ce soin, et j'ai déjà reçu plusieurs[Pg 177] plaintes comme la tienne. Le messager qui va porter cette lettre à la poste à Paris, va être chargé en même temps d'un petit mot sévère pour Ladvocat et de l'ordre de réparer sur-le-champ cet oubli. Si j'en avais ici un seul exemplaire je l'enverrais directement à ta femme, mais j'espère que Ladvocat sera soigneux cette fois.

Je suis heureux que mon ode t'ait fait quelque plaisir. Son succès ici passe mon espérance. Elle a été réimprimée par sept ou huit journaux. Je vais la présenter au Roi.

Adieu, mon excellent père, je n'ai que le temps de fermer cette lettre et de t'embrasser bien tendrement. Ma femme et Didine embrassent la tienne.

Didine nous a un peu inquiétés ces jours-ci: ses dents la tourmentent.

Je reçois à l'instant une lettre d'Émile Deschamps où je lis: «M. le Général Hugo nous a fait bien plaisir en devenant lieutenant-général. Y aurait-il quelque moyen de lui faire parvenir nos félicitations et l'hommage de mon respect?» Tout le monde applaudit.

Le 24 juin, en effet, l'auteur de l'Ode sur le Sacre avait l'honneur de présenter lui-même ses vers au roi.

O Dieu! garde à jamais ce roi qu'un peuple adore!
Romps de ses ennemis les flèches et les dards,
Qu'ils viennent du couchant, qu'ils viennent de l'aurore,
Sur des coursiers ou sur des chars!
[Pg 178]
Charles, comme au Sina, t'a pu voir face à face!
Du moins qu'un long bonheur efface
Ses bien longues adversités.
Qu'ici-bas des élus il ait l'habit de fête.
Prête à son front royal deux rayons de ta tête;
Mets deux anges à ses côtés!

Ce n'est point assez que sept ou huit journaux les aient déjà reproduits. La gloire des caractères des presses royales leur manquait. Charles X allait la leur accorder:

Nous avons annoncé que le roi avait accueilli avec bonté M. Victor Hugo, auteur d'une Ode sur le Sacre. M. le vicomte de la Rochefoucauld, chargé du département des Beaux-Arts, vient d'informer ce jeune poète que Sa Majesté, voulant témoigner la satisfaction que lui a causée la lecture de cette ode, avait ordonné qu'elle fût réimprimée avec tout le luxe typographique par les presses de l'Imprimerie royale[145].

[145] Moniteur Universel, 30 juin 1825.

Les titres du père sont énoncés désormais en toutes lettres et la correspondance est adressée à

Monsieur
Monsieur le lieutenant général Comte Hugo
A Blois.

[Pg 179]

quand ce n'est point à «Madame la Comtesse Hugo».

Précédant le départ pour la Suisse des Hugo et des Nodier, ce voyage littéraire dont Urbain Canel fit les frais, un geste qui précéda sa faillite, voici une lettre d'un tout autre ton.

Il s'agit bien d'une dette d'honneur; le prix, dû encore à M. de la Rivière, le vieil instituteur de la rue Saint-Jacques, des leçons données jadis à Victor[146]. Le brave homme, devenu, comme Biscarrat, un ami pour l'écolier de naguère, s'était contenté de présenter autrefois[Pg 180] sa note. Mais au lendemain de la mort de Mme Hugo, la vraie, le piteux état de la succession n'avait point permis à sa délicatesse d'insister... puis, étaient venues la vieillesse et les infirmités.

[146] «Ils n'avaient pas, surtout Victor, l'âge du collège; elle (Mme Hugo) les envoya d'abord à une école de la rue Saint-Jacques où un brave homme et une brave femme enseignaient aux fils d'ouvriers la lecture, l'écriture et un peu d'arithmétique. Le père et la mère Larivière, comme les appelaient les écoliers, méritaient cette appellation par la paternité et la maternité de leur enseignement. Ça se passait en famille. La femme ne se gênait pas, la classe commencée, pour apporter au mari sa tasse de café au lait, pour lui prendre des mains le devoir qu'il était en train de dicter, et pour dicter à sa place pendant qu'il déjeunait.

Ce Larivière, du reste, était un homme instruit et qui eût pu être mieux que maître d'école. Il sut très bien, quand il le fallut, enseigner aux deux frères le latin et le grec. C'était un ancien prêtre de l'Oratoire. La Révolution l'avait épouvanté, et il s'était vu guillotiné s'il ne se mariait pas; il avait mieux aimé donner sa main que sa tête. Dans sa précipitation, il n'était pas allé chercher sa femme bien loin; il avait pris la première qu'il avait trouvée auprès de lui, sa servante.»

(Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, tome I, pp. 51-52.)

Le fils plaide joliment auprès du général la cause de son ancien maître. Il a fait, lui-même, le sacrifice d'une montre en or, dont il se proposait l'acquisition, pour éteindre en partie cette dette: le général n'aura plus qu'un reliquat de 286 francs et quelques centimes à payer... et tardera un peu à le faire.

Paris, 18 juillet 1825.

Mon cher Papa,

C'est avec un véritable regret que je me vois contraint de t'envoyer la lettre et la note ci-incluses. Ces deux pièces ont besoin d'une petite explication que voici. Ces jours passés, mon vieil et respectable maître, M. de la Rivière, se présenta chez moi: j'étais sorti. Il dit avoir quelque chose de pressant à me communiquer. Je m'empressai de me rendre chez lui, comme je le fais toujours chaque fois que je suppose qu'il peut avoir besoin de moi. Cet excellent homme m'exposa alors que sa position, que son âge et celui de sa femme rendaient plus gênée chaque jour l'obligeaient de me rappeler une dette sur laquelle il s'était tu jusqu'à présent, pensant que ta[Pg 181] fortune ou la nôtre ne nous permettaient pas encore d'y faire honneur. Mais la nécessité l'emportant sur son excessive délicatesse, il s'est vu enfin forcé à cette démarche. Cette dette est celle de 486 fr. 80, qui se trouve expliquée dans la note ci-jointe. Je me suis parfaitement rappelé qu'à la mort de ma mère nous avions effectivement ce mémoire dans ses papiers, mais je pensais qu'Abel s'était chargé du soin de l'envoyer et depuis j'avais totalement oublié cette dette que je croyais éteinte avec le petit nombre d'autres modiques dettes que ma mère a laissées et dont la majeure partie fut dans le temps acquittée sur le produit de son argenterie et de ses robes. Je savais aussi que tu avais fait honneur aux autres créanciers, et je croyais M. de la Rivière de ce nombre. Comme le besoin était pressant, je pris l'avis de ma femme; et de son consentement je m'empressai d'envoyer à M. de la Rivière une somme de deux cents francs que j'avais disponible et que je réservais pour m'acheter une montre, cette somme, mon cher papa, servira à te décharger d'autant sur le total de la dette, c'est une fort légère privation que je m'impose en renonçant à cette montre, et je puis le faire sans me gêner. D'ailleurs, je sais, excellent père, que tu es loin d'être riche, et puisque je suis pour une part dans la dépense faite par M. de la Rivière, ces 200 francs seront ma cotisation personnelle. Ne songe donc plus qu'au reliquat de 286 fr. 80. Il est absolument inutile que je te dise, cher papa, combien une créance de ce genre est sacrée. Le peu que nous savons, le peu que nous valons, nous le[Pg 182] devons en grande partie à cet homme vénérable et je ne doute pas que tu ne t'empresses de le satisfaire, d'autant plus qu'il en a besoin. Il ne subsiste que du produit d'une petite école primaire dont le modique revenu diminue de jour en jour, l'affaiblissement progressif de ses organes et de ses facultés lui faisant perdre par degrés tous ses élèves. Il a attendu dix ans avec une délicatesse admirable, et c'est le seul reproche qu'on lui puisse faire, car je suis sûr que tu aurais fait cesser l'objet de sa réclamation si tu l'avais connu plus tôt. C'est ce que (je) lui ai dit, en l'engageant à m'envoyer en hâte son compte pour te le faire parvenir. Tu le trouveras ci-inclus avec la lettre qu'il m'a écrite. Je vais m'occuper de chercher l'ancien mémoire détaillé et si je le trouve dans le peu qui nous reste des papiers de ma mère, je te l'enverrai sans perdre de tems. En attendant tu peux considérer sa note comme authentique.

Adieu, mon bon cher père, mon Adèle te prie d'embrasser pour elle ses deux mères et de leur dire que Juju et Didine se portent à merveille. Tout va bien ici, et tout est impatient de revoir maman Foucher. Mille hommages à Mmes Br...,[147] Pinlevé, etc., amitiés à tes amis.

[147] Femme du colonel Brousse, sous-directeur, puis directeur du haras à Blois, l'un des amis et des voisins du général Hugo; née Francesca Gazza, Mme Brousse est morte, centenaire, le 26 mars 1879.

[Pg 183]

M. de la Rivière, chef d'institution primaire, demeure rue Saint-Jacques, vis-à-vis l'église de Saint-Jacques du Haut-Pas.

Je t'embrasse bien tendrement.

Ton fils respectueux et dévoué,
Victor.

Je m'occupe de toutes tes commissions. Le Roi m'a fait annoncer qu'il avait ordonné qu'on ajoutât à toutes les faveurs dont il m'honore un envoi de porcelaines. C'est me combler.

Suit le fameux voyage en Suisse, le Voyage poétique et pittoresque au Mont-Blanc et dans la vallée de Chamonix, dont Charles Nodier devait fournir le texte et dont Hugo, seul, a écrit le récit, de Sallences à Servoz, et de Servoz à Chamonix[148].

[148] Publiés d'abord dans la Revue de Paris (1829) et dans la Revue des Deux Mondes (1831), ces deux fragments ont pris place dans Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, t. II, pp. 108-126.

—Quel beau livre ce sera! avait dit Mme Nodier, à Sallences, où l'on déjeunait.

—S'il se fait[149], avait répondu la femme du poète, et Adèle Hugo avait raison.

[149] Victor Hugo raconté, tome II, p. 106.

[Pg 184]

Paris, 31 juillet.

Cher Papa,

Nous apprenons pour la première fois avec regret, que tu vas bientôt peut-être venir à Paris; c'est que nous en partons; et tu conviendras qu'il est dur d'en partir quand tu vas y arriver.

Notre excursion en Suisse s'exécute. Mardi, à 2 heures du matin, nous roulerons vers Fontainebleau. J'ai été horriblement souffrant toute la semaine d'un torticoli, mais je suis mieux, et le voyage achèvera de me remettre.

Les libraires paient notre voyage et au delà. Ils me donnent 2.250 francs pour quatre méchantes odes. C'est bien payé. Je ne crois pas que Lamartine puisse être de la partie, il vient d'être nommé secrétaire d'ambassade à Florence. Nodier est des nôtres.

Je te remercie pour M. de la Rivière. Je lui ai écrit tes bonnes intentions, j'aurais seulement désiré que tu puisses lui donner quelque chose avant le 1er janvier.

Nous avons vu M. Driollet. Il dit que l'affaire Lambert[150] va bien. Abel en dit autant.

[150] Lors de sa mort en 1828, le général Hugo figurait parmi les administrateurs de la «Banque Lambert».

Ta femme avait bien raison. Cette Augustine était pire qu'un mauvais sujet, c'était un petit monstre. Nous l'avons renvoyée. Elle est placée chez un herboriste.[Pg 185] Je voudrais que tu en fisses prévenir sa mère.

Didine se porte à merveille. J'ai commandé des cartes séparées pour ta femme et pour toi. Il n'est plus de mode, à ce que m'a dit le graveur, d'en donner de collectives.

Adieu, mon excellent père, embrasse ta femme pour moi. Nous t'embrassons bien tendrement.

Ton fils respectueux et dévoué,
Victor.

Adolphe te remettra les cartes.

Le ménage a continué à vagabonder, et, c'est le retour à Paris, où il convie quelques amis à déjeuner. Mme Victor Hugo s'enquiert auprès de sa belle-mère, d'un beau poisson acheté à bon compte à la poissonnerie de Blois, qui pût arriver frais à Paris.

Ma chère maman, il y a bien longtemps que je voulais vous écrire, mais les embarras de domestique, joints à ceux du voyage, car nous venons encore d'aller passer quelques jours à dix lieues de Paris, ne m'ont pas laissé un moment. Joignez à cela l'inquiétude que ma fille m'a donnée pour percer les deux dents qu'elle vient de percer; mais tout cela ne m'a pas empêché (sic) de penser à vous et à mon bon père.

Malgré la peine que ma fille m'a donnée et qu'elle a eue pour ses dents: elle n'en marche pas moins[Pg 186] seule et j'espère que la force qu'elle a l'aidera à percer toutes ses autres dents car à peine en a-t-elle six.

Mon mari s'est occupé de vous faire tirer des cartes de visites. Nous les donnerons à M. de Féraudy.

J'espère, chers bons parents, vous voir à Paris très incessamment. Si vous pouviez être à Paris samedi 31 de ce mois vous partageriez un déjeuner où nous réunissons quelques amis et où nos bons parents complèteraient si bien notre bonheur qui ne peut être entier sans eux. Si à Blois vous trouviez chère maman un beau poisson qui pût arriver frais à Paris vous seriez bien bonne de me l'envoyer pour ce jour, toutefois si le prix ajouté à celui du voyage ne le faisait pas monter plus haut que celui qu'on achèterait à Paris.

Écrivez-moi au juste quand vous serez à Paris, c'est le but que vous devez vous proposer si vous nous aimez.

Adieu chère maman, ma fille, mon Victor vous embrassent.

Votre respectueuse fille,
A. Hugo.

Victor, suivant son habitude, tient à conserver vierge pour les siens le crédit dont il peut jouir et refuse assez cavalièrement à son père sa protection pour un professeur, dont il l'avait prié de s'occuper:

[Pg 187]

Mon cher papa,

Nous voilà définitivement de retour à Paris. Nous n'avons fait que courir à droite et à gauche tout le mois de septembre, et nous avons terminé ces jours-ci nos promenades par une excursion à Montfort l'Amaury, charmante petite ville à dix lieues de Paris où il y a des ruines, des bois, un de mes amis[151] et un des tiens, le colonel Derivoire, qui a servi sous toi. J'ai beaucoup parlé de toi avec ce brave qui t'aime et te vénère et désire vivement te voir. Il compte faire le voyage de Paris la première fois que tu y viendras.

[151] Adolphe de Saint-Valry.

Nous désespérons presque, cher papa, d'avoir le bonheur de t'y voir cette année, puisque la saison s'avance sans t'amener. Cependant M. Lambert t'avait presque promis à tous tes amis de Paris.

Il est malheureusement impossible de rien faire pour le professeur dont tu m'envoies une lettre. J'ai beaucoup moins de crédit qu'on ne m'en suppose et j'ai dû dernièrement employer le peu d'influence que je puis avoir sur M. l'évêque d'Hermopolis[152] pour obtenir une bourse à l'un de nos cousins Trébuchet.[Pg 188] Le succès n'est même pas encore décidé. Tu sens que toutes mes forces doivent être dirigées vers ce but, si important pour notre malheureux oncle Trébuchet, et que je ne pourrais occuper le ministre d'une autre affaire sans nuire à la sienne. Qui trop embrasse mal étreint.

[152] Denis, comte de Frayssinous, évêque in partibus d'Hermopolis, né à Curières (Aveyron) en 1765, mort en 1841. Après ses retentissantes conférences à la chapelle des Carmes et en l'église Saint-Sulpice, fut le 1er juin 1822 nommé grand maître de l'Université, puis, le 26 août 1824, ministre des affaires ecclésiastiques, portefeuille, créé pour lui, qu'il conserva, sous le ministère Martignac, jusqu'au 3 mars 1828.

Nous avons trouvé ici à mon retour les 200 cartes commandées pour toi: elles me paraissent fort belles. C'est un petit cadeau qu'Adèle veut faire à ta femme, indique-moi un moyen de le lui faire parvenir.

Adieu, cher papa, toute la famille Foucher, Abel, Adolphe, tous nos cousins embrassent ta femme et toi de tout cœur, et ne font en cela que se joindre à nous.

Ton fils tendre et respectueux,

Victor.

C'est, enfin, un an plus tard presque, la naissance d'un second fils,—ce sera Charles Hugo[153],—«qui vient remplacer le petit ange» dont les Odes et Ballades conservent le souvenir. Le jour même, Victor en fait part à son père:

[153] Charles-Victor Hugo, né à Paris le 3 novembre 1829, mort à Bordeaux d'une congestion le 13 mars 1871, trois jours après la séance de l'Assemblée nationale qui avait amené la démission de Victor Hugo. Outre sa collaboration à l'Événement et au Rappel, on doit au père de Georges et de Jeanne: Le Cochon de saint Antoine (1857), La Bohème dorée (1859), La Chaise de paille (1859), Une Famille tragique (1862). Il avait écrit une comédie: Je vous aime (1868) et, enfin, avait tiré des Misérables un drame souvent représenté.

[Pg 189]

Paris, le 3 novembre.

Mon cher papa,

Tu vois que la nouvelle ne se fait pas attendre. Mon Adèle est accouchée cette nuit à cinq heures moins vingt minutes du matin d'un garçon fort bien portant. Cette pauvre amie a cruellement souffert. Je t'écris en ce moment près de son lit; elle se trouve assez bien, cependant elle croit avoir quelque fièvre et je lui recommande de ne pas parler.

Nos bons parents recevront sans doute avec bien de la joie ce nouveau venu qui vient remplacer le petit ange que nous avons si douloureusement perdu il y a trois ans. Votre bonheur ajoute au nôtre.

Je ne t'en écris pas davantage aujourd'hui, cher papa, embrasse pour nous ta femme; fais part de la naissance de ton petit-fils à tous nos amis de Blois, MM. Brousse, de Féraudy, de Béthune, Driollet, etc., Mmes Brousse, etc., ma femme prie la tienne de dire à la jeune dame les choses les plus affectueuses en son nom.

Abel et Mélanie, femme de Pierre Foucher, seront les parrains du nouveau-né dont nous ignorons encore le nom. Il a déjà fort bien tété.

Ton fils tendre et respectueux,

Victor.

Est-ce que vous n'arriverez pas bientôt à Paris? Nous vous attendrions pour le baptême. Ce serait double fête.


[Pg 190]

VIII

Le général Hugo à Paris.—Sa mort et ses obsèques.—Une succession difficile.—Un tailleur qui entend le petit jeu des intérêts.—La vente du mobilier, à Blois et à la Miltière.—Les œuvres dédicacées du fils au père.—La mort de la veuve d'Almeg.

Cette lettre est la dernière en date que possède la Bibliothèque de Blois.

D'autres existeraient, m'a-t-on assuré, jointes à quelque dossier, dans les cartons d'une étude blaisoise. Elles seraient curieuses également à consulter et éclairciraient, sans doute, les mobiles de la résolution que n'allait point tarder à prendre le général Hugo.

Six ou sept mois plus tard, en effet, vers juin 1827,—l'ennui de la province ou les liens l'unissant à la veuve d'Almeg étaient-ils devenus plus lourds à supporter?—il quitta Blois, et, tout en continuant à y conserver son domicile réel, venait se fixer à Paris, dans le voisinage de ses enfants.

Dans un quartier n'ayant guère à envier à[Pg 191] celui du Foix comme tranquillité, au 9 de la rue Monsieur, le général loua et meubla, dans la même maison que son fils Abel, un petit appartement, composé d'une chambre à coucher, d'un cabinet de travail, d'une salle à manger, d'un salon, d'un cabinet de toilette et d'une chambre de domestique[154].

[154] La note du tapissier s'élevant à 3.792 fr. 65, n'avait pas encore été réglée lors de la mort du général et figure sur les comptes de la liquidation.

Il s'occupa, ces derniers mois, d'affaires financières, et figurait, au moment de son décès, parmi les administrateurs de la «Société d'avances mutuelles sur garanties» et de la «Banque Lambert». Peut-être, était-ce sous deux noms différents, la même société?

Une attaque d'apoplexie l'enleva soudainement dans la nuit du 29 au 30 janvier 1828. Le Moniteur Universel paru à la date du 30 janvier annonçait brièvement sa mort.

On remarquera dans ce «communiqué» une formule aujourd'hui courante. Elle devait, alors, être nouvelle:

M. le lieutenant général, comte Hugo, est mort la nuit dernière frappé d'une apoplexie foudroyante. Ses obsèques auront lieu demain jeudi 31 janvier, en l'église des Missions Étrangères, sa paroisse.

[Pg 192]

Dans l'impossibilité d'inviter, en tems utile, tous les nombreux amis du général à cette triste cérémonie, la famille les prie de considérer le présent avis comme une invitation.

On se réunira dans la maison mortuaire, rue de Monsieur, nº 9, à une heure et demie.

L'enterrement eut lieu, le surlendemain, non sans éclat; toutes les troupes de la garnison y étaient représentées. Il ne semble pas que la comtesse Hugo y assistât.

Les obsèques de M. le lieutenant général Hugo ont eu lieu aujourd'hui à deux heures, après le service funéraire qui a été célébré dans l'église des Missions. Ses dépouilles mortelles ont été portées au cimetière du père La Chaise. Ses deux fils, les parens et un grand nombre d'amis du défunt accompagnaient le convoi, qui était précédé et suivi de détachemens de tous les corps de la garnison[155].

[155] Moniteur Universel, 1er février 1828.

Les fils du défunt firent élever à leur père un monument, dont l'Illustration du 30 mai 1885 a donné la reproduction[156].

[156] Vingt-septième division, chemin Monvoisin.

Entourée d'une grille, ornée de flammes aux quatre coins et de palmettes entre les barreaux, une pyramide de marbre blanc veiné se dresse sur un socle de même matière. Une inscription[Pg 193] rappelle, gravée en creux, les états de service du général.

Le tombeau réunissait le «héros au sourire si doux» et sa première femme. Eugène, le pauvre dément devait les y rejoindre, et, plus tard, vinrent s'ajouter à ces dépouilles celles de deux fils du poète, Charles et François-Victor Hugo[157].

[157] François-Victor Hugo, né en 1828, mort le 26 décembre 1873, après une longue et cruelle maladie. Collabora comme son frère à l'Événement et au Rappel, mais son nom reste surtout attaché à la remarquable et fidèle traduction qu'il a donnée des Œuvres complètes de Shakspeare (1860-1864).

La situation pécuniaire du père n'était pas seulement modeste. Elle était embarrassée et donna lieu à une liquidation qui fut pénible et dura fort longtemps.

Les arrérages de sa pension militaire, 4.000 fr., ou plus exactement, 3.800 francs nets, déduction faite du prélèvement de 5 % pour les Invalides[158], formaient le principal revenu du général.

[158] Louis Belton: Victor Hugo et son père, le général Hugo à Blois, p. 16.

Les créanciers étaient nombreux. Certains se montrèrent pressants ou excessifs.

Au bout de douze ans ils n'étaient pas, il est vrai, encore réglés, et, du dossier qu'a bien voulu me communiquer M. Louis Belton, je détache ce mémoire du tailleur Moreau «fournisseur de Leurs Altesses Sérénissimes les Princes de[Pg 194] Holstein-Augustenbourg, rue Neuve-des-Petits-Champs, à Paris».

Vendu à M. le Comte Hugo.

1827FR.C.
Juill. 12Un habit en poil de chèvre 100 »
Un pantalon poil de chèvre rayé 36 »
Un gilet poil de chèvre 23 »
Un do poil de chèvre de mode 23 »
Un do poil de chèvre rayé 23 »
Déc. 3Une redingotte (sic) drap bleu140 »
Un pantalon casimir noir 56 »
Un gilet velours rayé 30 »
» 11 Un do velours soie et argent 36 »
Un do piqué blanc anglais 25 »
Payé à Lemaignen, avoué, pour
frais de port de lettres dans
cette affaire
3 »
495 »
Intérêts de ces fournitures après
un an de crédit, à raison de
6 % par an; un crédit de
douze ans
356 »
Total 851 »

Cet homme entendait trop le petit jeu et le taux des intérêts. La liquidation en abaissa le montant à de plus justes proportions.

[Pg 195]

Comme ils pouvaient s'y attendre, les fils trouvèrent Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, veuve pour la seconde fois, intéressée et âpre au gain.

Ils n'acceptèrent la succession que sous bénéfice d'inventaire[159] et à cette femme qui avait l'habitude du «maquis» opposèrent la compétence et la grande honnêteté de leur ami le jurisconsulte Duvergier[160].

[159] Acte au greffe du Tribunal civil de Blois, du 29 août 1829.

[160] Jean-Baptiste-Marie Duvergier, né à Bordeaux en 1792, mort en 1877, président de section au Conseil d'État, garde des Sceaux du 17 juillet 1866 au ministère Ollivier (2 janvier 1870). Duvergier a publié entre autres ouvrages comme jurisconsulte: Collection des lois, décrets, ordonnances, règlements, et avis du Conseil d'État de 1788 à 1824 (1824-1828) et, reprenant et continuant le manuscrit de Toullier: Le Droit civil français suivant l'ordre du Code, dont les sept premiers volumes ont seuls paru.

Le mobilier de Blois fut vendu aux enchères et produisit 3.255 fr. 65[161]. Celui de la Miltière,[Pg 196] des meubles de rebut, il est à croire, atteignit péniblement 681 fr. 04.

[161] D'après l'inventaire dressé les 3, 4, 5 et 6 juin 1828, par les soins de Me Pardessus, notaire à Blois, à la suite du décès de M. le comte Hugo, la maison de la rue de Foix comprenait intérieurement:

«Au rez-de-chaussée, une cuisine, garnie des ustensiles nécessaires, notamment d'un rôtissoir à l'ancienne mode, avec ses cordes et poids.

«Un cabinet servant de chambre de domestique.

«Un salon orné de diverses gravures encadrées de bois doré, représentant des faits militaires, des vues des bords de la Néva, les portraits des généraux Kléber et Desaix, des portraits de famille, etc.

«Et le cabinet du général, garni de ses livres et papiers. «Au premier étage était un autre salon, la chambre à coucher du général éclairée au midi, et ornée, comme le salon du rez-de-chaussée, de deux vues de la Néva; une autre chambre et un cabinet de bains.

«Au second étage, une chambre à coucher et deux cabinets.

«L'écurie à la mort du général ne contenait que des débarras; un cénacle à côté renfermait un tombereau démonté et un équipage de limon. Sous la remise étaient une carriole et une charrette. Une calèche, que le général avait achetée 1900 francs, avait été cédée par lui à son fils Abel.

«Dans la cave il y avait 114 bouteilles de vin rouge.

«Le cabinet de travail du général Hugo, placé au rez-de-chaussée de sa maison, renfermait ses livres et ses papiers. Les murs étaient ornés d'un télescope, d'une lunette en cuivre et de six tableaux.»

Louis Belton: Victor Hugo et son père le général Hugo à Blois, pp. 8-9.

L'inventaire des 600 volumes composant la bibliothèque du général Hugo, ne relève les titres d'aucune des œuvres du fils. Cinq d'entre elles avaient, cependant, déjà été publiées avant le départ du général pour Paris (Cromwell ne parut que le 7 décembre 1827): Odes et Poésies diverses, 1822; Han d'Islande, 1823; Nouvelles Odes, 1824; Bug-Jargal, 1826; Odes, 1827.

N'était-ce pas, me suis-je demandé, l'édition originale des Odes et Poésies diverses ce petit livre mal imprimé, en caractères dits à tête de clous, sur un papier à chandelles, qu'un admirateur du poète avait déniché sur les quais et lui adressait à Hauteville-House, au lendemain de l'apparition des Misérables?

Cette description ressemble fort au tirage de Pélicier.

Le beau-frère de Victor Hugo donne au «vieux bouquin» la date de 1818, ce serait 1822 qu'il faudrait lire. Et combien deviendrait alors claire et lumineuse la dédicace qu'il portait:

«A mon très cher Père, le général Hugo, mes premiers vers imprimés.

«Son fils très respectueux,

«Victor Hugo

(Victor Hugo à Guernesey, p. 86.)

Sans vouloir mettre en doute la fidélité des souvenirs de M. Paul Chenay, je sais cependant qu'il se faut méfier des autographes!... Puis, l'auteur des Odes, s'il écrivait bien mon père, se contentait de signer «Victor» ou V. H...

D'ailleurs, si ces dons du fils au père ne figuraient pas à l'inventaire de 1828, dont ils avaient été distraits sans doute, par la veuve Hugo, ils ne sont pas cependant perdus.

La parfaite obligeance d'un de mes amis, M. Pierre Tardieu, à qui je suis heureux de pouvoir exprimer ici ma sincère gratitude, m'a permis de retrouver et d'identifier ces volumes, dans la bibliothèque familiale où ils sont, depuis plus de quarante ans, soigneusement conservés.

Ce sont:

Han d'Islande, seconde édition; Paris, Lecointe et Durey, libraires, quai des Augustins, nº 49; 1823, 4 in-12, de 244, 285, 268 et 248 pp.

Dédicace:

«A mon Père

Hommage de tendre et respectueux attachement.
Victor.»

Bug-Jargal, par l'auteur d'Han d'Islande. Paris, Urbain Canel, libraire, rue Saint-Germain-des-Prés, nº 9, 1826, in-12 de 386 pp.

Frontispice de Devéria, représentant la lutte au-dessus du précipice.

Dédicace non signée—mais l'écriture ne laissant aucun doute—et massacrée par le relieur qui a odieusement rogné ce volume.

On distingue:

«Hommage et respectueux

A mon noble père»

Odes, par Victor Hugo, 3e édition (en deux volumes). A Paris, chez Ladvocat, libraire de S. A. S. M. le duc de Chartres, MDCCCXXVII.

1er vol., in-12 de 236 pp. Frontispice de Devéria: «La Chauve-Souris».

Dédicace:

«A mon Bon et Noble Père

Hommage respectueux

V. H.»

2e vol., in-12, de 232 pp. Frontispice de Devéria: «Le Sylphe».

A ces volumes doit être ajouté le recueil d'Abel Hugo, contemporain de la première édition des Odes et Poésies diverses et publié également sous la firme de Pélicier:

Littérature espagnole.—Romances historiques.—A Paris, chez Pélicier, libraire, place du Palais-Royal, nº 243, 1822, in-12, de 302 pp.

Dédicace:

«A mon Père
Hommage d'amour et d'attachement
A. Hugo

Quel trésor à signaler aux Hugophiles!

Le domaine lui-même, après avoir été longtemps[Pg 197] en vente fut payé 20.020 francs et la veuve d'Almeg se fit adjuger pour 1.720 francs la petite maison portant le nº 71 de la rue du[Pg 198] Foix que le général avait annexée à la maison qu'elle possédait elle-même en propre depuis le 10 février 1816.

Les 50.000 réaux réclamés,—la prétention était plutôt inattendue,—par la veuve et les[Pg 199] enfants du général Marie de Fréhaut, pour le reliquat de l'achat du couvent des Trinitaires déchaussés de Madrid, ne semble pas avoir retardé beaucoup la liquidation de la succession. Elle ne se termina guère, cependant, avant 1845, et dès 1829, Victor Hugo écrivait à Adolphe de Saint-Valry les ennuis qu'elle lui causait et le peu qu'il avait à retirer des débris d'une grande fortune:

Mes affaires privées toujours fort embrouillées, l'héritage de mon père non liquidé, nos biens en Espagne accrochés par Ferdinand VII, nos indemnités de Saint-Domingue retenues par Boyer, nos sables de Sologne (la Miltière) à vendre depuis 23 mois, les maisons de Blois que notre belle-mère nous dispute... par conséquent rien, ou peu de chose, à retirer dans les débris d'une grande fortune, sinon des procès et des chagrins...[162].

[162] Victor Hugo: Correspondance, 1815-1835. Lettre à Adolphe de Saint-Valry du 18 décembre 1829, p. 87.

La comtesse Hugo avait su, il est vrai, retirer son épingle du jeu: L'Étrangère était devenue l'Adversaire.

Trente ans, elle survécut au général, habitant la petite maison, dont, au loin, aimait à se souvenir l'exilé.

L'on chuchotait sur elle et on la voyait peu.[Pg 200] On prête au cœur, même vieilli, des faiblesses; puis, une femme seule a besoin, pour le règlement de ses affaires de quelques conseils...

Et vinrent les cheveux blancs et l'oubli...

Cependant que Victor Hugo atteignait le zénith de sa gloire, le 21 avril 1858, Mme Hugo, la seconde, s'éteignait à l'âge de soixante-treize ans.

Deux voisins, les sieurs Besson, cordonnier, et Fouquet, jardinier, furent, au bureau de l'état civil de Blois, les témoins de son décès[163].

[163] Les registres de l'état civil de Blois fournissent, ainsi que celui du petit Léopold, l'acte de décès de Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, Vve Hugo. En voici la teneur:

«L'an mil huit cent cinquante-huit, le vingt-unième jour du mois d'avril à trois heures du soir par devant Jean-Claude-Eugène Riffault, maire de Blois, chevalier de Légion d'honneur, Officier de l'État civil de la commune de Blois, canton de Blois, département de Loir-et-Cher, sont comparus Clovis Besson âgé de trente-neuf ans, profession de cordonnier, domicilié à Blois et Eugène-Frédéric Fouquet, âgé de quarante-huit ans, profession de jardinier domicilié à Blois.

«Lesquels nous ont déclaré que le vingt et un du mois d'avril, à dix heures du matin, Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, âgée de soixante-treize ans, profession de rentière, demeurant à Blois, département de Loir-et-Cher, née à Cervione (Corse), veuve en deuxièmes noces de Joseph Léopold Sigisbert, comte Hugo, lieutenant général, officier de la Légion d'honneur, fille de feu... est décédée en notre commune, en sa maison, rue du Foix.

«Le premier témoin a déclaré être voisin et le second témoin être voisin de la décédée. Nous nous sommes assurés de l'exactitude de la déclaration de ces témoins, qui ont signé avec nous le présent acte, après que lecture leur en a été faite.

«Eug. Riffault.
Fouquet. C. Besson.»

[Pg 201]

Elle mourait dans l'isolement, ignorée de tous, à commencer par la famille à laquelle la faiblesse du général et les circonstances l'avaient imposée.

Nul ne se souviendrait de cette veuve d'Almeg, si les actes de l'état civil ne venaient parfois suppléer à l'insuffisance de notre mémoire.

Le temps, en confondant, au Père-Lachaise, les dépouilles du général Hugo et de Sophie Trébuchet, sa première femme, la mère intelligente et exquise, qui, non contente de donner au monde Victor Hugo, avait façonné son cœur et son esprit, avait depuis longtemps remis les choses au point.

Son souvenir seul reste associé à celui du père et du fils.

Elle avait été la bonté et la grâce.

Première confidente des essais de ses enfants, elle les avait encouragés et l'on ne saurait oublier qu'auprès du lit de la malade, Victor, non encore hors de page, avait composé quelques-unes de ses meilleures odes.

Sa figure fut pour le poète toujours présente. C'était plus que de l'amour filial. Il lui avait[Pg 202] voué un culte, auquel il ne cessa d'être fidèle.

Deux femmes,—elles se valurent par le cœur et par l'intelligence,—éclairent, à l'aube de sa vie, la personnalité du prodigieux écrivain, dont la renommée, comme «la claire tour» de Solness, domine la médiocrité, les obscurs labeurs et les luttes fratricides des hommes, Sophie Trébuchet et Adèle Foucher.

Elles furent les inspiratrices, les bons anges, placés auprès du poète aux heures des débuts, alors que les mauvais sont, si souvent, les ordinaires compagnons de l'artiste et endorment de leur poison sa volonté et sa force.

Toutes deux eurent une part égale dans le libre et harmonieux développement de son génie, et il est doux, après avoir évoqué un peu de l'âme de Victor Hugo à vingt ans, de conjoindre leurs noms, et, en cet été de la Saint-Martin, de couronner des dernières fleurs de l'automne les tombes sacrées où elles goûtent l'immuable repos.

Blois, 30 octobre 1908.


[Pg 205]

INDEX ANALYTIQUE ET ALPHABÉTIQUE

A

A.-A.-A.: Traité du Mélodrame (1817), par Abel Hugo, André Malitourne et Ader: 90 en note.

A.-A. M***. Le général Hugo signe de ce pseudonyme son Journal du siège de Thionville, 13 en note.

Abayma (Un espagnol nommé): Comment il parle du général Hugo, 38.

Académie des Jeux Floraux. Succès de Victor Hugo, 20.

Il est nommé maître ès-jeux floraux, 20.

Pension que de ce chef il toucherait bientôt, 57.

Renseignements à ce sujet, 54-55 en note.

Il ne fut jamais mainteneur, 55 en note.

Eugène Hugo y obtient un souci réservé et une mention, 21.

Académie des Sciences (Victor y remet de la part de son père un exemplaire du Journal de Thionville, 41).

Académie française (L') accorde deux mentions au jeune Victor Hugo, 19.

Acte de mariage du général Hugo et de Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, veuve d'Almeg, 23-26.

Acte de mariage de Victor Hugo et d'Adèle Foucher, 60-61.

[Pg 206]

Acte de décès de Léopold Hugo, 122.

. . . . . de la veuve Hugo, 200-201 en note.

Ader: Traité du Mélodrame (en collaboration avec Abel Hugo et André Malitourne), 90 en note.

Adieux poétiques, par le comte Gaspard de Pons, 70-71.

A Elle, par Gaspard de Pons, 69 en note.

Agier (M.), Comment il fait dans le Conservateur l'éloge des frères Hugo, 18 en note.

Alfred de Vigny et son temps, par Léon Séché, 31 en note, 161-162 en note.

Allart de Méritens (Hortense), par Léon Séché, 138.

Alluye (L'hôtel d'), à Blois, 153.

Alméras (Le lieutenant général), 59.

Amboise (L'hôtel d'), à Blois, 155.

Amour, par Gaspard de Pons, 69 en note.

Amy Robsart, Victor Hugo en tire un drame avec Paul Foucher: 170 en note.

Anaclet d'Almeg, premier mari de Marie-Catherine Thomas y Saëtoni; décédé à La Havane, 24. Sa veuve devient comtesse Hugo, 23.

Ancelot (Jacques-Arsène-François-Polycarpe), ne fut pas témoin du mariage de Victor Hugo, 61.

Son Louis Neuf, 61 en note.

Sa collaboration à la Muse française, aux Annales de la Littérature et des Arts. Son œuvre dramatique, 61 en note.

Ancelot vaudevilliste, 62 en note.

Ancelot (Mme), 164 en note.

Andujar (L'ordonnance d'), 140.

Angoulême (Le duc d'). Sa rentrée à Paris après la campagne d'Espagne. Fêtes données en son honneur, 129, 130.

Aurait lu les Mémoires du général Hugo «avec le plus haut intérêt» et aurait regretté qu'il n'eût[Pg 207] «pas été employé dans la dernière guerre d'Espagne», 135.

Aurait réservé les inspections générales à des officiers ayant fait avec lui cette campagne, 136-141.

Annales (les) de la Littérature et des Arts.

Quelques-uns de leurs collaborateurs:

M. Ancelot, 61 en note.

E. Deschamps, 163 en note.

A. Guiraud, 164 en note.

Abel Hugo, 91 en note.

Adolphe de Saint-Valry, 166 en note.

Le baron d'Eckstein, 165 en note.

Annales de la Société académique de Nantes, 69 en note.

Annales Romantiques (Les), 138, 167 en note.

Anne de Bretagne, 153.

Son oratoire, s'y réfugie pendant l'excommunication de Louis XII, 153.

Armes concédées par Joseph, roi d'Espagne, au général Hugo, comte de Siguenza, 74 en note.

Victor les fait graver sur un cachet commandé pour son père, dont il scelle souvent ses lettres, 74.

Pair de France, il leur substitue les armes des Hugo, de Lorraine. Ce sont celles des Hugo de Spitzemberg, 74 en note.

Armorial général de Riestap, 74 en note.

Armorial du Premier Empire, par le vicomte A. Révérend, 21 en note.

Armorial historique de la Noblesse de France, par Henri J. G. de Milleville, 75 en note.

Artiste (Le journal l'), 164 en note.

Arvers (Félix), son secret, 69.

Asséline (M.), M. Foucher son beau-frère lui avait cédé son greffe du Conseil de guerre, 30.

[Pg 208]

Assiste au mariage de sa nièce, Adèle Foucher avec Victor Hugo, 61.

Asseline (Anne-Victoire), Mme Pierre Foucher.

Aubertin (Général): Mémoires inédits sur la guerre de Vendée, 11 en note.

Augustine (Ce «petit monstre» d'), 184.

Aumale (Le duc) publie l'Instruction dirigée contre Isabelle de Limeuil, 152 en note.

Avantages de l'Enseignement mutuel, sujet de concours traité par Victor Hugo, 20 en note.

Aventure tyrolienne (L'), par le général Hugo, 13 en note.

B

Baudelaire (Une citation de Charles), 68.

Les premiers enthousiasmes, 8.

Beauchêne, tailleur, 172.

Beauregard (Le château de), près Chabris, 24 en note.

Beaux-Arts (Les), Revue, 152 en note.

Belfort (La conspiration de), 33.

Bellune (Victor, duc de), ministre de la Guerre, 59 en note.

Belton (Louis): Victor Hugo et son père, le général Hugo, à Blois, 7-14 en note, 22 en note, 169-170 en note, 193, 195-196 en note.

Benoist (J.), témoin à l'état civil de Blois du décès du petit Léopold Hugo, 119.

Béranger (Le chansonnier), poursuivi, 33.

Berry (duc de), Réaction qui suivit son assassinat, 43 en note.

Ode sur sa mort, 81.

Berry (Duchesse de), Sa recommandation spéciale afin[Pg 209] de faire obtenir à Victor Hugo une pension sur la cassette royale, 55 en note.

Visite Chambord, le 18 juin 1828, et grave son nom sur le mur de l'escalier de la lanterne, 168 en note.

Besson (Le sieur), cordonnier, témoin dans l'acte de décès de la veuve Hugo, 200.

Béthune-Sully (Le marquis de), maire de Chabris, procède au mariage du général Hugo et de Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, 22-26. Figure à Blois parmi les amis du général, 189.

Bibliographie historique et critique de la presse française, par Eugène Hatin, 106 en note.

Bibliothèque de Blois (Les lettres de Victor Hugo à son père conservées à la), 7.

Biographie universelle et portative des Contemporains, 144 en note.

Biré (Edmond): Victor Hugo avant 1830, 20, 23 en note, 26, 55 en note, 69 en note 70, 81, 173.

L'absence de Lamartine au sacre de Charles X, 173.

Biscarrat (Jean-Baptiste), ancien maître d'étude à la pension Cordier. Témoin de Victor Hugo à son mariage, 61, 62.

Aurait collaboré au Conservateur littéraire, 63 en note, 159 en note.

Pendant le repas de noces de Victor, s'aperçoit de la folie d'Eugène Hugo et l'emmène, 68.

Blois (La venue de Victor Hugo à), 147-169.

Descriptions qu'il en a faites, 78-79, 148-156, 163.

Bohême dorée (La), par Charles-Victor Hugo, 188 en note.

Bonheur (Le) que procure l'étude dans toutes les situations de la vie. Sujet de concours traité par Victor Hugo, 20 en note.

Bonnes Lettres (La Société des). En note: 61, 62, 91.

[Pg 210]

Borel (Petrus), le lycanthrope, 8.

Boulay-Paty (Évariste), son Journal. Soulié lui raconte la cause de la folie d'Eugène Hugo, 69-70 en note.

Bourg (M.), 56.

Bournon (Fernand): Victor Hugo à Gentilly, 30.

Brandon (Le duc de), aide Marie d'Angleterre à se consoler de son veuvage, 154.

Brousse (M.), ancien lieutenant-colonel, chevalier de Saint-Louis, ami du général Hugo, à Blois, 182 en note, 189.

Brousse (Mme), morte centenaire en 1879, 183, 189.

Brunyer, médecin de Gaston d'Orléans, 155 en note.

Bug-Jargal, 196 en note. L'exemplaire offert par Victor Hugo à son père, 197 en note.

Bulletin de la Société impériale des Antiquaires de France, 152 en note.

Bulletin du Musée municipal de Châteauroux, 23 en note.

Bunbury (Miss Lydia de): Mme Alfred de Vigny, 162 en note.

Bury (Le château de), 153 en note.

Buttes (Les) et la télégraphie optique, par A. de Rochas, 149 en note.

C

Cachet (Le) du général Hugo, 74, 116, 126, 127.

Caillé (Le Dr Dominique) publie le Journal d'Évariste Boulay-Paty, 69 en note.

Calderon, 91 en note.

Campagne d'Espagne en 1823, par Abel Hugo, 91 en note.

Canel (Un geste de l'éditeur Urbain); il fait les frais[Pg 211] du voyage des ménages Hugo et Nodier au Mont Blanc et dans la vallée de Chamonix, 179, 184.

Carnaval de Venise (Le), par Abel Hugo, 90 en note.

Castellane (Mme Boni de): sa liaison avec Chateaubriand, 138, 139-140.

Catalogue de la Bibliothèque romantique de M. J. Noilly, 15 en note.

Catherine de Médicis, 152 en note.

Catholique (Le journal, Le), fondé par le baron d'Eckstein, 166 en note.

Cayla (La comtesse de), née Zoé Talon, 47 en note, 137.

Aurait été consolée par le vicomte Sosthènes de la Rochefoucauld de la faiblesse de Louis XVIII, 161 en note.

Cédules hypothécaires (Les) du roi Joseph, 34, 56.

Cénacle de la Muse française (Le), par Léon Séché, 62 en note, 165 en note, 168 en note.

Chabris (Indre), le général Hugo y épouse, en secondes noces, Marie Catherine Thomas y Saëtoni, veuve Anaclet d'Almeg, 22-26.

Chaise de paille (La), par Charles-Victor Hugo, 188 en note.

Chambord (Le château de): Adolphe Trébuchet désire le visiter, 99, 101.

Paul-Louis Courier et son Simple Discours; sa condamnation; il rend compte de son procès, 99, 100 en note.

La «futaie de tourelles» de Chambord, vue de Blois? 150.

Enthousiasme de Victor Hugo pour Chambord. Il grave son nom au faîte de la plus haute tourelle, 168, 169.

La duchesse de Berry devait, en 1828, suivre ce mauvais exemple, 168 en note.

[Pg 212]

Chantreau (Maurice), homme d'affaires du marquis de Béthune-Sully, sert de témoin au second mariage du général Hugo, 26.

Charenton (L'hospice de), dirigé par le Dr Royer-Collard. Eugène Hugo y est transporté, 94, 96.

Charles VIII, 153 en note.

Charles X: par ordonnance spéciale, nomme Lamartine et Victor Hugo chevaliers de la Légion d'honneur, invite Victor Hugo à son sacre, 157, 158.

Le sacre, 174.

Fait tirer l'Ode sur le Sacre sur les presses de l'Imprimerie royale, 178.

Fait remettre à Victor Hugo des porcelaines (de Sèvres), 183.

Charles d'Orléans, ses poésies, 159 en note.

Château (Le) de Chambord, par L. de la Saussaye, 169 en note.

Chateaubriand (M. de), 95, 98, 130, 167 en note.

Sa première disgrâce, 43 en note.

Son ambassade à Londres, 43 en note.

Accompagne M. de Montmorency au Congrès de Vérone, 43 en note.

Accepte le portefeuille des Affaires étrangères, 43 en note.

Nouvel amour, nouvelle disgrâce: la conversion des rentes, les finances de Mme Boni de Castellane, 43 en note, 75 en note, 137, 140, 141.

Hommage que lui rend Adolphe de Saint-Valry, 167 en note.

Chauveau (Dr H.). Mémoire sur les Buttes dans le département de Loir-et-Cher, 149 en note.

Chemonton (La rue), à Blois, 152.

Chenay (Le graveur Paul), beau-frère de Victor Hugo, par son mariage avec Julie Foucher, 172 en note.

[Pg 213]

Un volume de souvenirs: Victor Hugo à Guernesey, 172 en note, 196, 197 en note.

La première édition des Odes? 196, 197 en note.

Cheverny (L'hôtel de), à Blois, 152.

Chuquet (M. Arthur), 138 en note.

Clermont-Tonnerre (M. de), son appui doit être conservé «vierge» pour le général Hugo, 75.

Ses bonnes dispositions à son égard, 133.

Victor Hugo déjeune avec lui à plusieurs reprises. Son précieux appui, 133, 135.

Engage Victor à remettre au duc d'Angoulême son ode sur la guerre d'Espagne, 129.

Clocher de Saint-Marc (Le), par Jules Lefèvre-Deumier, 164 en note.

Adolphe de Saint-Valry le lui fait vendre, 168.

Cléry (Loiret), sur la rive gauche de la Loire, 147 en note.

Clytemnestre, tragédie de A. Soumet, 62 en note.

Cochon de saint Antoine (Le), par Charles-Victor Hugo, 188 en note.

Coetlosquet (Le général), sa bonne volonté à l'égard du général Hugo, 141.

Cogolludo: suivant le vicomte A. Révérend, le général Hugo eût été créé par le roi Joseph comte de Cogolludo, 21 en note.

Collection des lois civiles et criminelles des États modernes, par Victor Foucher, 171 en note.

Collection des lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du Conseil d'Etat, par Duvergier, 195 en note.

Combat de taureaux (Le), par Abel Hugo, 90 en note.

Comte Julien (Le), par A. Guiraud, 164 en note.

Condé (Princes de), 153 en note, 155.

Confidences (Les), par Jules Lefèvre-Deumier, 164 en note.

[Pg 214]

Conservateur (Le Journal Le): le marquis de Talaru est un de ses premiers bailleurs de fonds, ce à quoi il doit sa fortune politique, 139 en note.

Fait l'éloge des frères Hugo, 18 en note.

Cesse de paraître, 19 en note.

Conservateur littéraire (Le), 8, 9, 17.

Crainte du général Hugo que cette entreprise littéraire ne fasse négliger à ses fils leurs études de droit, 14.

Ses doctrines politiques, 17, 19 en note.

Abel et Victor Hugo à la tête du Conservateur littéraire, 21 en note.

Eugène n'y publie que son Ode sur la mort du duc d'Enghien et que ses Stances à Thaliarque, 21 en note.

A. Soumet y rend compte des Nouvelles Odes de Victor Hugo, 62 en note.

Quelques-uns de ses collaborateurs: Gaspard de Pons, 69.

Jules Lefèvre-Deumier, 164 en note.

Adolphe de Saint-Valry, 166 en note.

Ode sur la mort du duc de Berri, 81.

Constant et Discrète, poème, par Gaspard de Pons, 69 en note.

Conteur (Le), recueil de contes publié par Abel Hugo, 92 en note.

Conti (Prince de), 155.

Conversion d'un romantique, par Antoine Jay, 69 en note.

Corbière (M. de), ministre de l'Intérieur, 98.

Corbière (Le poète Tristan), 10.

Correspondance de Victor Hugo, 7, 158, 161 en note, 165 en note, 169 en note, 170 en note, 173 en note, 199 en note.

[Pg 215]

Coup d'œil militaire sur la manière d'escorter, d'attaquer et de défendre les convois et sur les moyens de diminuer la fréquence des convois et d'en assurer la marche; suivi d'un mot sur le pillage; par le général (alors capitaine) Hugo (1796), 13 en note.

Courier (Paul-Louis), son Simple Discours aux membres du Conseil de Véretz, au sujet de l'acquisition de Chambord, 99.

Traduit devant la Cour d'assises de la Seine, est condamné à deux mois de prison, 99.

Rend compte de son procès et on n'ose le poursuivre à nouveau, 100 en note.

Courrier français (Le), 144 en note.

Courteline (Un chapitre de): un dossier perdu, 34.

Cromwell (1827), 196 en note.

D

Damas (Le comte Roger de), 16, 17 en note, 137 en note.

Dante, 163.

Débats (Le Journal des), 86, 134 en note.

Decazes (Le comte), ministre de la Police générale; de l'Intérieur (puis président du Conseil (19 novembre, 29 décembre 1818-20 février 1820), 129 en note.

Delaveau (Le préfet), organisateur avec Franchet-Desperey, des massacres de la rue Saint-Denis (19-20 novembre 1827), 34 en note.

Delorme (Marion): suivant le bibliothécaire Dupré, serait née à Blois, 151 en note.

[Pg 216]

La maison que lui prête la tradition, 151 en note.

Un dessin de Victor Hugo, 151 en note.

Deux vers de Marion Delorme, 165.

Depeyre (M. G.), secrétaire de l'Académie des Jeux floraux: un petit point d'histoire littéraire, 55 en note.

Derivoire (Le colonel), de Montfort-l'Amaury; avait servi sous les ordres du général Hugo, 187.

Derniers bardes (Les), poème, par Victor Hugo, 20 en note.

Avaient été, en 1819, l'objet d'une mention de l'Académie des Jeux floraux, 20 en note.

Deschamps (M. et Mme), 172.

Deschamps (Emile), 163. Signe au mariage de Victor Hugo, 61.

Fut un des fondateurs de la Muse française. Sa collaboration aux Annales de la Littérature et des Arts, au Mercure du XIXe siècle, etc. Ses œuvres, 163, 164 en note.

Adresse ses félicitations au lieutenant général, comte Hugo, 177.

Des grands moyens accessoires de défense et de conservation aujourd'hui indispensables aux places fortes, aux armées, aux colonies et aux États qui les possèdent. Ouvrage du général Hugo dont le prospectus a seul paru, 14 en note.

Des Granges (Ch.-M.), Un précieux volume souvent mis à contribution: Le Romantisme et la Critique. La Presse Littéraire sous la Restauration, 1815-1830, 18 en note, 19 en note, 63 en note, 69 en note, 168 en note.

Desjardins, le plus inconnu des fondateurs de la Muse française, 167 en note.

Des maladies mentales considérées sous le rapport médical,[Pg 217] hygiénique et médico-légal, par Ed. Esquirol, 89-90 en note.

Dessole (Le Cabinet, 29 décembre 1818), 129 en note.

Deux Ages (Les), idylle, par Victor Hugo, 20 en note.

Deux Archers (La ballade des), 148.

Devéria, ses frontispices de Bug-Jargal et des Odes (édition Ladvocat), 197, 198 en note.

Dictionnaire des Généraux français, 40, 41.

Didine, Léopoldine Hugo, 142, 143, 144, 172, 173, 177, 185.

Divine Epopée (La), poème d'A. Soumet, 62 en note.

Driollet (M.), ami du général Hugo, 184, 189.

Droit civil français (Le) suivant l'ordre du Code, par Toullier et Duvergier, 195 en note.

Drumont (Edouard), Mon vieux Paris. Scipion Sardini et Isabelle de Limeuil, 153 en note.

Duchesse d'Alba (La), manuscrit du général Hugo, 14 en note.

Dumas (L'Abbé), vicaire à Saint-Sulpice lors du mariage de Victor Hugo, 61.

Dupont (L'hôtel Denis), à Blois, 151.

Dupré (Le bibliothécaire A.), 151 en note.

Du Seigneur (Jehan), 8.

Duvergier (Le jurisconsulte), Victor Hugo oppose sa compétence et son honnêteté aux appétits de sa belle-mère, 195.

Duvidal, marquis de Montferrier, l'un des signataires de l'acte de mariage de Victor Hugo, 61.

E

Eckstein (Le baron d') a collaboré aux Annales de la Littérature et des Arts et fondé Le Catholique, 165 en note.

[Pg 218]

Victor Hugo lui recommande le Résumé de l'Histoire de Russie, d'Alphonse Rabbe, 165.

Élégies savoyardes, par A. Guiraud, 161 en note.

Elisabeth d'Angleterre, par M. Ancelot, 61 en note.

Elisabeth de France, tragédie de A. Soumet, 62 en note.

Eloy (M.), 89.

El viego, par Abel Hugo, 90 en note.

Empecinado (L'), défaites que lui fit subir le général Hugo, 22.

Émulation de Cambrai (La Société d') couronne Abel Hugo pour son Ode sur la bataille de Denain, 21.

Épée de Brennus (L'), manuscrit du général Hugo, 14 en note.

Ermite (L') ou le solitaire du lac, autre manuscrit du général Hugo, 14 en note.

Esquirol (Le Docteur), 89-90.—Eugène Hugo est placé dans sa maison, 89, 90.

Victor va l'y visiter; état du malade, 92-93.

Le prix de la pension, 93.

Son règlement, 97, 100.

Le Dr Esquirol, nommé à Charenton, 90 en note.

Un ouvrage classique, 89-90 en note.

Essai complémentaire sur le commandement des places de guerre et autres. Manuscrit du général Hugo, 14 en note.

Études d'Histoire romantique. Le Cénacle de la Muse française, par Léon Séché, 62 en note.

Evénement (Le journal L'): Charles-Victor et François-Victor Hugo, 188 en note, 193 en note.

F

Famille tragique (Une), par Charles-Victor Hugo, 188 en note.

[Pg 219]

Féraudy (M. de), ancien major du génie, le meilleur ami du général Hugo à Blois, où il fonde avec lui une société littéraire, 86, 189.

Ses fables, 77.

Ses mémoires, 77.

Est vivement recommandé à Victor, par Eugène, dans un intervalle de lucidité, 86.

Présente un acte à l'Odéon, 86.

Ses voyages à Paris mis à profit par Victor et par son père, 127-128.

Candidat à une récompense de l'Académie: démarches de Victor Hugo, 135, 136.

Ferdinand, roi d'Espagne, 139-140.

Fessart (M.), signe au mariage de Victor Hugo, 61.

Feuilles d'automne (Les): la maison du général Hugo à Blois, 78-79.

Fiesque, par M. Ancelot, 61 en note.

Figaro (une citation du), de 1829, 31 en note.

Fleury (Le Docteur), 72, 96.

Foix (La maison de la rue du), à Blois.

Est achetée dès 1816 par la veuve d'Almeg, 24 en note, 77.

Après son mariage avec le général Hugo qui vient de revendre le domaine de Saint-Lazare, elle s'y installe avec lui, en 1823, 77.

Le général y joint une petite maison voisine, plus tard achetée par la double veuve, 77 en note.

Sa description par Victor Hugo, 78-79, 149.

Le petit Léopold vient y mourir, 112, 122.

L'inventaire et la vente du mobilier après la mort du général Hugo, 195.

Sa veuve n'y meurt qu'en 1858, 79, 200.

Le centenaire de la naissance d'Hugo: une cérémonie bien inspirée, 79.

[Pg 220]

Foucher (Adèle), Mme Victor Hugo. Voir ce nom.

Foucher (Julie), petite sœur d'Adèle, ses progrès, 172.

Epouse le graveur Paul Chenay, 172 en note.

Foucher (Paul), jeune beau-frère de Victor Hugo. Encore élève au lycée Henri IV, amène chez ses parents, à Gentilly, un de ses camarades qui contrefaisait à merveille l'ivrogne: il se nommait Alfred de Musset, 30.

Son voyage à Blois, 116, 117.

Il en revient avec de bonnes nouvelles et les yeux agrandis à force de s'ouvrir, 114, 116, 117.

Une lettre de Victor Hugo à Paul Foucher écrite de la Miltière, 170, 173.

Leur collaboration: Amy Robsart, 170 en note.

Ses correspondances parisiennes à l'Indépendance belge, 170 en note.

Son nom lié, par Alfred de Musset, à celui de Mme Mélanie Waldor, 170 en note.

Foucher (Pierre), beau-père de Victor Hugo, ancien greffier du Conseil de guerre; chef de bureau au Ministère de la Guerre, 31.

Sa réponse à la demande de mariage entre sa fille Adèle et Victor, faite par le général Hugo, 47.

Son crédit au Ministère mis à profit par son gendre pour les siens, 76.

A prêté de l'argent au jeune ménage gêné: Victor s'adresse à son père pour le lui rembourser, 83, 84.

Foucher (Mme Pierre), Anne-Victoire Asseline, 61.

Passe avec son mari les vacances à Gentilly: le fiancé les y accompagne, 29-30.

Perd son père, 121.

A caché à sa fille les lettres annonçant la mort du petit Léopold et ne peut les retrouver, 122, 124.

[Pg 221]

Foucher (Victor), l'aîné des beaux-frères de Victor Hugo, 171.

Est à Alençon bien placé, 131.

Ses œuvres, 171 en note.

Aurait collaboré, sous la signature F..., au Conservateur littéraire, 171 en note.

Foudre (Le journal La) consacre un article aux Fables de M. de Féraudy, 77.

Fouquet (Le sieur), jardinier, l'un des témoins, à l'état civil de Blois, de la mort de la veuve du général Hugo, 200.

Français en Espagne (Les), à-propos-vaudeville par Abel Hugo et Alph. Vulpian, 91 en note.

France Centrale (Le journal La) reproduit la belle lettre de Victor Hugo à l'aqua-fortiste Queyroy, 157.

M. J. de Pétigny y défend la mémoire de Gaston d'Orléans, 155 en note.

France historique et monumentale, par Abel Hugo, 93 en note.

France militaire, par Abel Hugo, 92 en note.

France pittoresque, par Abel Hugo, 92 en note.

Franchet Desperey (M.), directeur général de la police, 34, 35, 47.

François Ier (Une citation inévitable de), 169.

Francs régénérés (Les), 18 en note.

Frayssinous (Le comte de), évêque d'Hermopolis, ministre des Affaires ecclésiastiques; Victor Hugo cherche à obtenir de lui une bourse pour un de ses cousins Trébuchet, 187.

Frénilly (Le baron de), ses Souvenirs: les causes secrètes d'une disgrâce, Chateaubriand et Mme Boni de Castellane, 138-140.

[Pg 222]

G

Gaillard (Michelle), veuve de Florimond Robertet, 153 en note.

Galerie des Hommes illustres du Vendômois, 147 en note.

Gaston d'Orléans, 149, 163.

Duplicité de ce «Bourbon coupé de Médicis», 154-155.

M. de Pétigny cherche à prendre la défense de sa mémoire, 155 en note.

Gault (M. Denis), officier de l'état civil de la commune de Blois, 119.

Gautier (Théophile): son Histoire du Romantisme, 8.

Gay (Le Docteur) achète du général Hugo la terre de Saint-Lazare, près Blois, 77.

Gazette de France (La), 33 en note, 157.

Gazette des Beaux-Arts: Les Rues et Maisons du vieux Blois. Une lettre de Victor Hugo au dessinateur Queyroy, 157.

Gazza (Francesca), Mme Brousse, 182 en note.

Génie (Le) du Théâtre espagnol, ou Traduction et analyses des meilleures pièces de Lopez de Véga; F. Calderon et autres auteurs dramatiques, depuis le milieu du XVIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe; par Abel Hugo (Ouvrage non terminé), 91 en note.

Genoude (M. de), 33 en note.

Gentilly (Victor Hugo à), 29-30, 99, 175, 176.

Genty, l'un des pseudonymes du général Hugo, 13 en note.

Girard (M.), directeur de l'École vétérinaire d'Alfort, 96.

Goncourt (Edmond et Jules de): leur Journal, 13 en note.

[Pg 223]

Greffulhe (Louise-Cornélia-Eucharis de), comtesse Boni de Castellane: sa liaison avec Chateaubriand, 138, 139-140.

Grégoire (L'Abbé), évêque constitutionnel de Blois, 60 en note.

Guiraud (P.-M.-T.-Alexandre), l'un des fondateurs de la Muse française où il rendit compte des Mémoires du général Hugo et publia un véritable manifeste: Nos Doctrines, 10, 164.

Guise (Le duc de), 155.

(L'hôtel de), à Blois, 152.

H

Hadou (Les époux), propriétaires de la maison achetée, en 1816, par la veuve d'Almeg, rue du Foix, à Blois, 77 en note.

Han d'Islande (L'exemplaire de la seconde édition de) que Victor Hugo destine à son père, 106.

Description de cet exemplaire, 197 en note.

Hatin (Eugène), omet de citer la Muse française dans sa Bibliographie historique et critique de la Presse périodique française, 106 en note.

Haute (Une maison de la rue), à Blois, 151.

Heim (Le jeune M.) récite des vers de circonstance, en la maison de la rue du Foix, à Blois, à l'occasion du centenaire de la naissance de Victor Hugo, 79 en note.

Hendicourt (M. d'), 161.

Henri III, 155.

Henri IV, 153.

Hernani, 9.

[Pg 224]

Heure de la Mort (L'), par Abel Hugo, 91 en note.

Histoire de l'empereur Napoléon, par Abel Hugo, 92 en note.

Histoire du Romantisme, par Théophile Gautier, 8.

Hofman (Le critique), du journal des Débats.—Réponse de Victor Hugo, 134 en note.

Holstein-Augustenbourg (Leurs Altesses Sérénissimes les princes de), 194.

Hôtel (L') de Scipion Sardini et ses Médaillons en terre cuite, par Anatole de Montaiglon, 152 en note.

Hôtel Toulouse (L'), rue du Cherche-Midi, siège du Conseil de guerre où habitait la famille Foucher, 30, 63.

Houssaye (Arsène), 164 en note.

Hugo (Joseph), menuisier, «très excellent républicain», marié à Marguerite Michaud, père du général Hugo, 24, 133 en note.

Hugo (Le général Joseph-Léopold-Sigisbert). Lettres que lui adressa Victor, conservées à la Bibliothèque de Blois, 7.

Étude à ce sujet de M. Louis Belton: Victor Hugo et son père, le général Hugo, à Blois, 7.

Ses mémoires, 11, 13 en note, 92, 94, 116, 119, 164 en note.

Ces lettres le font mieux connaître, 12.

Son premier mariage, la séparation: l'aventurière, 11.

L'éloignement semble, cependant, plutôt matériel entre les fils et le père, qui leur continue une pension mensuelle, 12.

Ses goûts littéraires, 13. Ses œuvres imprimées et manuscrites, 13-14 en note.

Sa crainte passagère que le Conservateur littéraire ne fasse négliger à Eugène et à Victor leurs études de droit: lettre au doyen, 15.

Sa carrière militaire: le général Hugo en Espagne,[Pg 225] la défense de Thionville: son bonapartisme pour le moins douteux. Il semble avoir eu plus à se louer de Louis XVIII, qui après lui avoir reconnu le grade de maréchal de camp, lui avait ensuite accordé la croix de Saint-Louis, puis la rosette de la Légion d'honneur, que de Napoléon, 16.

Sa lettre au comte Roger de Damas, 15-17.

La demi-solde, 16.

Créé, par Joseph, comte de Siguenza, ses armes, 21.

Se retire à Blois où il achète le domaine de Saint-Lazare, qu'il ne tarde pas à revendre, 22.

Son second mariage (une régularisation), à Chabris, avec Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, veuve Anaclet d'Almeg, 22.

L'acte de mariage, 23-26.

Comment le général Hugo et la comtesse de Salcano firent part de leur union: la religion a parfois bon dos, 26.

Autorise le mariage de Victor avec Mlle Adèle Foucher, 28.

Veut fonder, à Blois, une Société littéraire: les vains efforts de Victor pour la faire autoriser. Un biais administratif, 33, 35-36, 40, 41, 44.

La demande officielle de la main d'Adèle Foucher, 38, 47.

Victor se défend d'avoir des préventions contre son épouse actuelle, qu'il n'a pas l'honneur de connaître, 39.

Le service de presse du Journal de Thionville, 39, 41.

Un poème du général: la Révolte des Enfers, 41, 42, 46.

Acte de naissance et extrait de baptême du fiancé, 45.

Un consentement légalisé et un mois de pension longs à venir, 47.

[Pg 226]

Le rachat d'un ban, 50.

Le général n'assistera pas à la noce et ne prendra pas part aux frais, 49, 51.

Entre frères: lettre du colonel Hugo au général, 56-59.

Le faire-part du mariage de Victor, 65.

La chanson des nouveaux époux, 63-64, 66-67.

La folie d'Eugène: Victor en avise son père et fait appel à sa bourse, 71-72.

L'écu et les armes du général: un blason du XVIe et la ferblanterie héraldique impériale, 74 en note.

Tous les efforts de Victor tendent à le faire rappeler à l'activité, 75.

Quitte et revend le château de Saint-Lazare, pour aller habiter la petite maison achetée, en 1816, rue du Foix par la veuve d'Almeg, 77.

Va chercher Eugène à Paris et le ramène à Blois, 72-73.

Son compte à la banque Katzenberger: il vient à nouveau au secours du jeune ménage, 83-84.

Des nouvelles du pauvre fou, placé chez le Dr Esquirol, puis transféré au Val-de-Grâce et à Saint-Maurice, 90, 92-93, 94, 95, 96-97, 99, 100, 106, 131.

Il reçoit le jeune Adolphe Trébuchet, 99-101.

Le général grand-père: la naissance du petit Léopold, 102-104.

La recherche d'une nourrice. Il en expédie une à ses enfants, 104-107, 107-108.

Un nuage prêt à crever: la reconnaissance due à la comtesse de Salcano, 110-111.

Il va, avec sa femme, chercher à Paris l'enfant malade et le ramène à Blois, où, malgré les soins dont il est entouré, il ne tardera pas à mourir, 112, 120, 121.

[Pg 227]

Le cachet du général, 74, 116, 126, 127.

Ses Mémoires s'impriment chez Ladvocat: Adèle Hugo, souffrante, demande à les lire en feuilles, 119.

La mort de l'enfant. Consolations du père au grand-père, 122-124.

Les bonnes dispositions du marquis de Clermont-Tonnerre et du duc d'Angoulême à l'égard du général, 134, 135-136.

L'espoir, vite envolé, d'une inspection générale, 136, 141.

Nouveau voyage à Paris où il va faire connaissance de sa petite-fille Léopoldine, 145.

Victor et Adèle Hugo à Blois: la maison, le jardin et les cheveux blancs de son père, 147-173.

Les charmes d'une légende, 157.

Le général emmène ses enfants passer quelques jours à la Miltière, sa propriété de Sologne, 169.

La promotion du général au grade de lieutenant général (5 juin 1825), 175.

Le nouveau lieutenant général parmi ses sables de Sologne, 176.

Le fils lui rappelle d'une façon charmante une dette sacrée, 180-182.

Il tarde un peu à s'exécuter, 184.

Une recommandation dont ne s'enthousiasme pas Victor, 187.

Sa belle-fille lui donne un nouveau petit-fils, 189.

Il quitte Blois et vient s'installer à Paris dans la même maison qu'Abel Hugo, 190-191.

Affaires dont il semble s'être occupé, 191.

Sa mort subite: un «avis d'obsèques», dans le Moniteur, les débuts d'une formule, 191-192.

La cérémonie. La dépouille du général Hugo rejoint[Pg 228] au cimetière du Père-Lachaise, celle de la mère de ses enfants: leur monument, 192-193.

Une succession difficile: le tailleur Moreau et Marie-Catherine Thomas y Saëtoni, 193-200.

Inventaire et vente de mobiliers de Blois et de la Miltière, 195-196.

Quelques livres échappés à la vente: dédicaces de Victor Hugo à son père, 196-198.

Ce qu'on peut retirer dans les débris d'une grande fortune, 199.

Hugo (Le colonel Louis-Joseph), commandant le bureau de recrutement de Tulle, 37, 114, 144.

Sa croix d'officier de la Légion d'honneur, 16.

Demande à son neveu Victor son appui auprès de M. Foucher, 43, 46.

Une lettre du colonel au général, 56-59.

Les affaires des Hugo en Espagne, 56-57.

Observations qu'il a cru devoir faire à Victor au sujet de son mariage. La réponse de celui-ci, 57-58.

Désirerait être rappelé à l'activité et éviter la mise à la retraite. Va voir, dans ce but, le lieutenant général Alméras, 58.

Hugo (Léopold), fils du colonel, 37 en note.

Hugo (Marie), fille du colonel, Sœur Marie-Joseph de Jésus, du Carmel de Tulle, 37 en note.

Hugo (Le major François-Juste), le plus jeune frère du général, 73, 114, 119.

A recours également au crédit de Victor, 75.

Sa femme; ses séjours à Paris, 82, 88, 131, 132, 133, 134.

Hugo (Abel): Fait précéder les Mémoires du général Hugo d'un Précis historique des Evénements qui ont conduit Joseph Napoléon sur le trône d'Espagne, 11 en note, 91 en note.

[Pg 229]

Vient retrouver ses frères à Paris, 19.

Couronné par la Société d'Emulation de Cambrai, 21.

Collabore, avec son frère Victor, au Conservateur littéraire, 21 en note.

Sert d'intermédiaire entre le poète et l'éditeur Pélicier. La 1re édition des Odes et Poésies diverses, 30 en note.

Galère dans laquelle il a poussé Victor, 90, 94.

Ses romances historiques traduites de l'espagnol, 30 en note, 91 en note, 198 en note.

Très occupé, n'a guère le temps d'écrire à son père, 32, 48.

Épouse Mlle de Montferrier, 61 en note.

Emmène, avec Biscarrat, de chez M. Foucher, Eugène Hugo, atteint d'une crise de folie, pendant le dîner de noces de son frère, 68.

Ses œuvres, 90-93 en note.

La maison qu'il habite, rue Monsieur: son père y prend un appartement et y meurt, 191.

Hugo (Eugène): Obtient un souci réservé et une mention à l'Académie des Jeux Floraux, 21.

Publie dans le Conservateur littéraire son Ode sur la mort du duc d'Enghien et sa traduction des Stances à Thaliarque, 21 en note.

Toujours bizarre: un roman en partie double, 32, 36.

Sa situation précaire, 36.

«Un peu fou», quand il écrit à son père, 51.

Assiste au mariage de Victor et d'Adèle Foucher et signe l'acte de mariage, 61.

Est pris d'un accès de folie durant le repas de noces, 68.

Le douloureux secret: il aimait Adèle, 70.

Son père vient le chercher et l'emmène à Blois, où il le soigne quelque temps chez lui, 72.

[Pg 230]

Un mieux passager: il écrit à Victor et à J.-B. Biscarrat, 80, 85.

Autre lettre à Abel, dans laquelle il lui recommande vivement M. de Féraudy. Elle trahit l'état du malade, 86-87.

Est ramené à Paris et placé dans la maison de santé du Dr Esquirol, 89-90.

Victor va l'y voir: son état, ses phantasmasies, 92-93, 96-97.

Est transféré au Val-de-Grâce, puis à Saint-Maurice, 94.

Il y fait de la mélancolie; peine qu'on a à le faire manger, 99, 100.

Sa malpropreté, 109.

Sa mort, 73 en note.

Est enterré au Père-Lachaise, auprès de sa mère et de son père, 193.

Hugo (Victor): Ses lettres à son père, conservées à la Bibliothèque de Blois, 7.

Son affection pour Alfred de Vigny, 9.

Termes respectueux et affectueux dans lesquels il écrit à son père, 12.

Ses débuts, 15.

Obtient deux mentions à l'Académie française, 19.

Ses succès aux Jeux Floraux, 20.

Est nommé maître, mais ne fut pas mainteneur, 20.

Pension qu'il prétend devoir toucher comme membre de la seconde Académie du Royaume, 54, 57.

Le dénouement d'un roman: Victor vient passer les deux mois, à Gentilly, chez les Foucher. Un «nid d'oiseau ou de poète», 29.

Les Lettres à la Fiancée, 27, 29.

L'édition originale des Odes et Poésies diverses, 8, 20, 30, 193 en note.

[Pg 231]

S'en vendrait-il à Blois? 37, 42.

Les courses de Victor à Paris pour son père: la Société littéraire de Blois, 33, 35-36, 40, 41, 44.

L'introuvable général d'Hurbal, 36, 40.

Sollicitude avec laquelle il recommande ses frères à son père, 51, 64.

Il fait appel aux conseils littéraires du général, 37.

La demande en mariage: si le général savait quel ange il va nommer sa fille, 39.

La pension de Victor sur la maison du roi, 39, 45, 47, 51, 130, 141.

Le service de presse du Journal du blocus de Thionville, 39, 41.

Son crédit auprès de M. de Chateaubriand, 43, 44.

Un mois en retard de la pension paternelle, 48.

Il a diverses raisons pour désirer que son mariage ait lieu le plus tôt possible, 50.

Son mariage à Saint-Sulpice, l'acte de mariage, les témoins, 60-63.

La noce à l'hôtel Toulouse, 63, la folie d'Eugène, 68.

Les premières joies du ménage: les oarystis, 63-64.

Un mot aimable pour la femme du général, 66, 67.

Victor se décide à révéler à son père l'état d'Eugène et fait appel à sa bourse, 71-72.

Il tient à conserver «vierge» pour le général la recommandation de M. de Clermont-Tonnerre, 75.

Espérances de paternité, 76.

Les Fables et les Mémoires de M. de Féraudy, 76-77.

Une lettre au pauvre Eugène, 80.

La gratification de 500 fr. qui lui avait été accordée par Louis XVIII, pour son Ode sur la mort du duc de Berry, 81.

On lui fait espérer une pension de 3.000 francs sur les fonds du ministère de l'Intérieur, 82.

[Pg 232]

La seconde édition des Odes, 81.

Une plaisanterie un peu grasse: le ventre d'Adèle, 87, 88-89.

Il va voir Eugène chez le Dr Esquirol. Son état, 92-93.

Il existe des maisons où le prix de la pension est moins élevé, 93.

Quelques idées sur le traitement de la folie, 97.

L'enfant que porte sa femme sera un nouveau lien entre le père et le fils, 97.

Mauvaises nouvelles d'Eugène, 100.

Le voyage à Blois du jeune Adolphe Trébuchet, 99-101.

La naissance du petit Léopold. Il est mis en nourrice, 102-104.

La femme à qui il est confié semble d'un caractère méchant et faux, Victor demande au général de lui chercher une nourrice à Blois, ou dans les environs, 105-106.

Il adresse à son père le premier numéro de la Muse française, 106.

La seconde édition de Han d'Islande, 106.

Remerciements au général pour l'envoi d'une nourrice. Son arrivée, 107-108.

Remerciements au père et à sa femme pour les soins dont le petit Léopold, qu'ils ont emmené à Blois, est l'objet de leur part, 113.

Les armes et l'écusson du comte Hugo, 116.

La fin de Léopold: «nous espérons, mais nous sommes résignés», 120.

A l'Ombre d'un Enfant, 124-125.

Vente des Odes, à Ladvocat, 130.

Démarches de Victor en faveur de son cousin Michaud, 132, 133.

Déjeune à deux reprises avec le marquis de Clermont-Tonnerre,[Pg 233] auprès de qui il appuie vivement son père, 133, 135.

Intervient à l'Académie en faveur de M. de Féraudy, 135.

Les Nouvelles Odes; la négligence de Ladvocat, 135.

Les courses et les besognes d'un auteur, 135.

Impossibilité d'obtenir pour le général une inspection générale: c'est peut-être, un mal pour un bien, 141.

La disgrâce de Chateaubriand, 141.

La naissance de Léopoldine, 142.

Le voyage à Blois, 147-173.

Les Rues et Maisons du vieux Blois: lettre au dessinateur A. Queyroy, 148-156.

Le Moniteur publie la nomination, par ordonnance spéciale, de Lamartine et de Victor Hugo au grade de chevaliers de la Légion d'honneur, 157-158.

Victor Hugo invité au sacre, 158.

Lettres à J.-B. Soulié, à Alfred de Vigny et à Adolphe de Saint-Valry, 159, 162, 167.

Quelques jours à la Miltière, 169-173.

Victor n'a reçu encore ni croix, ni brevet: il craint de ne pouvoir porter la croix au sacre, ce qui serait inconvenant, 171.

Le sacre, 174.

L'Ode sur le Sacre, 174, 177-178.

Nouveau séjour à Gentilly, 176.

Compliments au Lieutenant général, comte Hugo, 177.

Toujours la négligence de Ladvocat, 176.

Une dette d'honneur: ce qui reste dû à M. de la Rivière, l'ancien maître d'Eugène et de Victor, rue Saint-Jacques. Victor fait, pour payer sa quote-part, le sacrifice d'une montre qu'il comptait s'acheter et plaide joliment auprès de son père la cause du vieil homme, 180-183.

[Pg 234]

Le Voyage poétique et pittoresque, avec le ménage Nodier, au Mont Blanc et dans la vallée de Chamonix, ce qui en est paru, 183.

Séjour à Montfort-l'Amaury: Victor vient d'user du peu d'influence qu'il peut avoir sur M. l'évêque d'Hermopolis, pour obtenir une bourse à un de ses cousins Trébuchet, 187.

La naissance de Charles Hugo, 189.

D'autres lettres de Victor Hugo existent, sans doute, dans une étude blaisoise, 190.

Une succession difficile; les débris d'une grande fortune: «l'Adversaire», 193-199.

Les exemplaires des œuvres de Victor Hugo offerts par lui à son père. Leurs dédicaces, 196-198 en note.

Hugo (Mme Victor). Adèle Foucher.

Ecrit sous l'inspiration de son mari: Victor Hugo raconté par un Témoin de sa Vie, 10.

Ses lettres au général et à Mme Hugo, 65, 67, 87-88, 99, 109, 114-116, 117-118, 121, 129-131, 132-133, 142-143, 185-186.

Semble à nouveau enceinte, 76.

Se porte aussi bien que sa situation le permet, 82.

Elle appellera son petit garçon Léopold, pour faire la cour à sa belle-mère, 88.

Plaisanterie de Victor à laquelle prêtent les rondeurs de sa signature, 87, 88-89.

La naissance du petit Léopold; des couches laborieuses, 102-103.

Léopold mourant: les angoisses d'une mère, 121.

Feint de se consoler un peu, dessine et cherche à cacher sa tristesse à son mari, 128, 130-131.

Est à nouveau enceinte: les médecins lui interdisent l'usage de la voiture, 136.

[Pg 235]

Sa fille Léopoldine Hugo, en donne des nouvelles au général et à sa «bonne mère», 142-143.

Nourrit Léopoldine et accompagne son mari à Blois, 147.

Victor la quitte pour se rendre au sacre de Charles X, 161-162.

Le voyage poétique et pittoresque au Mont Blanc et dans la vallée de Chamonix: ses doutes sur l'éclosion du livre dont Urbain Canel supporte à l'avance les frais, 179, 183.

Une lettre à la femme du général, «ma chère maman», où elle la prie de lui envoyer de Blois, si elle en trouve, un beau poisson qui pût arriver frais à Paris, 185-186.

Un accouchement difficile: Charles Hugo, 189.

Hugo (Le petit Léopold): Sa naissance, il est mis en nourrice, 102-104.

Le général est chargé de lui trouver une nourrice à Blois, 105-107.

Il en trouve et en envoie une, 107-108.

Est emmené dans la maison du grand-père, 112.

Une lettre charmante, à son sujet, d'Adèle Hugo à sa belle-mère, 114-115.

Il va de mal en pis, 120.

Le cri de la mère, 121.

Sa mort, son acte de décès, 121-122.

La résignation de Victor Hugo: l'ode qui va suivre, 123-124, 124-125.

Hugo (Léopoldine): Sa naissance, épouse Charles Vacquerie, sa mort tragique à Villequier, 142.

Hugo (Charles-Victor): Sa naissance, ses œuvres, 188-189.

Hugo (François-Victor): Sa traduction des Œuvres complètes de Shakespeare, 193.

[Pg 236]

Hugo de Lorraine (Les) et les Hugo de Spitzemberg: leurs armes, 74-75 en note.

Hurault (La famille des), 152 en note.

Hurbal (L'introuvable général), 36, 40.

I

Illustration (L'), 192.

Indépendance belge (L'), 170 en note.

Indépendant de Loir-et-Cher (L'), 79 en note.

Inez de Castro, drame en trois actes de Victor Hugo, 10 en note.

Innocent XII institue le diocèse de Blois, 60 en note.

Inspirations poétiques, par Gaspard de Pons, 69 en note.

Intermédiaire des Chercheurs et Curieux (L'), 167 en note, 168 en note.

Intrigue de cour (L'), comédie. Manuscrit du général Hugo, 14 en note.

Isaétony de Compolor (Lina), mère de la seconde femme du général Hugo, 24.

J

Jardins du château de Blois.

Louis XII, goutteux, s'y fait promener sur son petit mulet, 153.

Jardins du château de Blois (Les), étude architectonique, par Pierre Lesueur, 153 en note.

Jaupître (notaire à Chabris), 1821, 25 en note.

Jay (Antoine), sa Conversion d'un Romantique, 69 en note.

[Pg 237]

Jeanne d'Arc, par A. Soumet, 62 en note.

Je vous aime, comédie de Charles-Victor Hugo, 188 en note.

Joseph, ou l'Enfant trouvé, manuscrit du général Hugo, 14 en note.

Journal d'Evariste Boulay-Paty, 69-70 en note.

Journal des Goncourt, 13 en note.

Journal historique du blocus de Thionville, en 1814, et de Thionville, Sierck et Rodemach en 1815, contenant quelques détails sur le siège de Longwy (par le général Hugo), 13 en note, 16, 39, 41.

Juju, Julie Foucher, 172.

K

Kallenborenne (Nicolas), tailleur d'habits à Chabris, et témoin du second mariage du général Hugo, 26.

Katzenberger (La banque), 83, 84, 97.

L

La Chaise (Le père) et l'évêché de Blois, 60 en note.

(Le cimetière du Père): le lieutenant général, comte Hugo, y est enterré à côté de sa première femme, 192-193.

Lacroix (Paul), 159 en note.

Ladvocat (l'éditeur) imprime les Mémoires du général Hugo, 116, 119.

Achète 2.000 francs, pour deux ans, la propriété des Odes, 130.

Son édition des Odes, 130, 198 en note.

[Pg 238]

Sa négligence: le général ni sa femme ne reçoivent les exemplaires qui leur sont destinés, 134, 135.

Lahorie (le général), sa condamnation, 63.

Lamartine (Alphonse de): Ne fait point partie du cénacle de la Muse française, 9.

Une ordonnance spéciale de Charles X le nomme ainsi que Victor Hugo, chevalier de la Légion d'honneur, 157-158.

N'assiste point au sacre, 173-174.

Nommé secrétaire d'ambassade à Florence, ne prend pas part à l'excursion des ménages Nodier et Hugo, 184.

Lambert (M.), 184, 187.

(La banque): le général Hugo s'en occupe et figure au moment de son décès parmi ses administrateurs, 184 en note, 191.

Lamennais (M. de), 48, 167 en note.

La Rivière (M. de), ancien maître d'école d'Eugène et de Victor Hugo, rue Saint-Jacques, 173.

Sa délicatesse: un vieux compte dont il n'osait réclamer le règlement, 179-180.

Une dette sacrée, la montre de Victor, 180-183.

Le général semble se faire tirer l'oreille pour payer, 183.

La Rochefoucauld (Le vicomte Sosthènes de), aide de camp du roi chargé du département des Beaux-Arts, 55 en note, 178.

Sa délicatesse vis-à-vis de Lamartine et de Victor Hugo, 160-161.

Jupes longues et feuilles de vigne. Le nu semblait moins l'effrayer lorsque c'était celui de Mme du Cayla, 161 en note.

La Rochelle (La conspiration des Quatre sergents de), 33.

[Pg 239]

La Saussaye (L. de): Histoire du château de Chambord, 169 en note.

Laudinière (La locature de), dépendant de la Miltière, propriété, en Sologne, du général Hugo, 169 en note.

Lauriston (Le marquis de), ministre de la Maison du roi, 55 en note.

Lebarbier (M.), 82, 89.

Lefèvre-Deumier (Jules), sa collaboration au Conservateur littéraire et à la Muse française, ses œuvres, 164.

Fut avec Arsène Houssaye, copropriétaire de l'Artiste, 164 en note.

Adolphe de Saint-Valry lui fait vendre son Clocher de Saint-Marc, 168.

Lelarge de Lourdoueix (M.), président de la division des Beaux-Arts, sciences et belles-lettres à la direction de la police, 33, 35, 38, 42, 47.

Lemaignen (Henry), témoin, à l'état civil de Blois, de la mort du petit Léopold Hugo, 119.

Lemaire (M.), 127.

Lescale (M. de), 59.

Lesueur (Pierre), Les jardins du château de Blois, 153 en note.

Lettres à la Fiancée, lettres de Victor Hugo à Adèle Foucher, 27.

Lettres champenoises (Les), 62 en note.

Lettres (Les) de Victor Hugo à son père conservées à la Bibliothèque de Blois, 7.

Leur écriture, 31.

La suscription des adresses, 32, 74, 79, 132, 143, 178.

D'autres lettres existeraient dans une étude blaisoise, 190.

Ligny Tomat (Nicolas de), le père de l'Étrangère, 24.

Limeuil (Isabelle de): Une vengeance un peu salée et une délivrance plutôt inopportune. Scipion Sardini[Pg 240] n'y regarde point de si près: «Financier épouserait demoiselle avec tache»,... et il l'épousa, 152, 153 en note.

Littérature et Philosophie mêlées, de Victor Hugo, 20 en note.

Longueville (Prince de), 155.

Lopez de Vega, 91 en note.

Louis IX, tragédie d'Ancelot, lui vaut une pension de Louis XVIII, 61 en note.

Louis XII: Se promène, goutteux, sur un petit mulet dans les jardins du château de Blois, 153.

Son côté bonhomme, 153.

Quelques anecdotes, 153-154.

Quatre-vingt-trois nuits mortelles. Cadeau qu'il fit, le 1er janvier 1515, à Marie d'Angleterre pour ses étrennes, 154.

Louis XIV, 60 en note.

Louis XVIII: Son attitude vis-à-vis de Chateaubriand, 43 en note.

Accorde une pension à M. Ancelot, pour son Louis Neuf, 61 en note.

Sa pension à Victor Hugo, 55 en note.

Lui alloue une gratification de 500 francs pour son Ode sur la mort du duc de Berry, 81.

Souscrit à vingt-cinq exemplaires de la seconde édition des Odes, 81.

Sa mort, 158.

Lourdoueix (M. de). Voir Lelarge de Lourdoueix.

[Pg 241]

M

Macchabées (Les), par Alexandre Guiraud, 164 en note.

Mac Keat (Augustus): Auguste Maquet, 8.

Madame, duchesse de Berry, (voir Berry, duchesse de).

Maintenon (Mme de), 60 en note.

Maire du Palais (Le), par Ancelot, 61 en note.

Malitourne (André), l'un des auteurs du Traité du Mélodrame, 90 en note.

Mariage (Le second mariage) du général Hugo à Chabris, 22.

Mariage de Victor Hugo et d'Adèle Foucher, 50.

Le général Hugo n'y assiste pas, 49, 51.

Est célébré, à Saint-Sulpice, le 12 octobre 1822; l'acte de mariage; les témoins, 60-63.

Le repas de noces chez M. Foucher, la folie d'Eugène Hugo, 63, 68.

Les lettres de faire-part envoyées par le général et la comtesse A. de Salcano, son épouse, 65.

Marie d'Angleterre, seconde femme de Louis XII, son veuvage, 154.

Marie de Frehaut (Les prétentions de la veuve et des enfants du général), 198-199.

Marmont, duc de Raguse, sans nommer la dame, fait allusion à la liaison de Chateaubriand et de Mme Boni de Castellane. Les dessous d'une... disgrâce, 139 en note.

Martignac (M. de), 95, 98.

Son ministère, 33 en note, 34 en note.

Martyrs d'Arezzo (Les), par Jules Lefèvre-Deumier, 164 en note.

Matin (Le) n'est pas seul à tout dire, 70 en note.

[Pg 242]

Méditations (Les) de Lamartine, 9.

Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, 7, 149 en note.

Mémoires du comte Horace de Viel Castel sur le règne de Napoléon III (1851-1864), 161 en note, 169 en note.

Mémoires du duc de Raguse, 139 en note.

Mémoires du général Hugo, 11, 13 en note, 92, 94, 116, 119, 164 en note.

Mémoires inédits sur la guerre de Vendée, par le général Aubertin, 11 en note.

Mémoire sur les moyens de suppléer à la traite des nègres par des individus libres, et d'une manière qui garantisse pour l'avenir la sûreté des colons et la dépendance des colonies; par le général Hugo, 13 en note.

Mémoire sur les Buttes dans le département de Loir-et-Cher, par le Dr H. Chauveau, 149 en note.

Mémorial bordelais (Le), 159 en note.

Menars (Le château de), ancienne résidence de Mme de Pompadour, puis du marquis de Marigny, 147 en note.

Mercure de France (Le).

Série moderne, 62 en note.

Mercure du XIXe siècle (Le).

Quelques collaborateurs: A. Soumet, 62 en note.

E. Deschamps, 163 en note.

A. Guiraud, 164 en note.

Méricourt (Théroigne de), sa folie, sa déchéance. Navrant tableau qu'en fait le Dr Esquirol, 90 en note.

Mérimée (Prosper): Son jugement sur Charles Nodier, 160 en note.

[Pg 243]

Mérimée (Prosper), l'homme, l'écrivain, l'artiste, 160 en note.

Méry: la vente d'un roman du général Hugo, 13 en note.

Michaud (Marguerite), mère du général Hugo, 24, 133 en note.

Michaud, jeune cousin dont s'occupe Victor Hugo, à la recommandation du général, 131, 132, 133.

Michel-Ange, 163.

Milleville (Henri J.-G. de): Armorial historique de la Noblesse de France, 75 en note.

Miltière (La), propriété en Sologne du général Hugo, 169-170, 176, 195.

Difficultés qu'éprouvent ses héritiers à vendre ce domaine, 197, 199.

Minutes (antérieures à 1826) de la défense des nations, et de leurs grands intérêts maritimes et coloniaux.

Manuscrits du général Hugo, 14 en note.

Misérables (Les): Charles-Victor Hugo en tire un drame souvent représenté, 188 en note.

Mme de Mably, roman, par Adolphe de Saint-Valry, 168 en note.

Moïse sur le Nil, de Victor Hugo, obtient, en 1820, une amarante d'or réservée de l'Académie des Jeux Floraux, 20 en note.

Molé (Louis-Mathieu, comte) aurait succédé à Chateaubriand auprès de Mme Boni de Castellane, 139.

A voté la mort de Ney, 139 en note.

Moniteur Universel (Le): Le major du génie, M. de Féraudy, est nommé chevalier de Saint-Louis (7 novembre 1814), 76 en note. Promotion du général et du colonel Hugo au grade d'officiers de la Légion d'honneur (19 février 1815), 16. Un prix de poésie accordé à Abel Hugo, 21.

[Pg 244]

Son jugement sur Victor Hugo et sur Alfred de Vigny, 31 en note.

Publie l'Ode, de Victor Hugo, sur la mort de Louis XVII (13 décembre 1822), 81.

Ordonnance spéciale nommant Alphonse de Lamartine et Victor Hugo chevaliers de la Légion d'honneur (29 avril 1825), 157-158.

La promotion du général Hugo au grade de lieutenant-général (5 juin 1825), 175.

Sa mort et ses obsèques (31 janvier et 1er février 1828), 191, 192.

Monnières (pseudonyme d'Abel Hugo).

Pierre et Thomas Corneille, en collaboration avec Romieu, 91 en note.

Montaiglon (Anatole de): L'Hôtel de Scipion Sardini et ses médaillons en terre cuite, 152 en note.

Montferrier (Duvidal, marquis de) assiste au mariage de Victor Hugo, 61.

Abel Hugo épouse Mlle de Montferrier, 61, en note.

Montfort-l'Amaury: propriété qu'y possède Adolphe de Saint-Valry, 10.

Séjours qu'y fait Victor Hugo, 167, 187.

Les ruines de Montfort-l'Amaury, 167 en note.

Montmorency (M. de) au Congrès de Vérone.—Chateaubriand l'y accompagne, 43 en note.

Mon vieux Paris, par Edouard Drumont, 153 en note.

Moreau (Le tailleur), «fournisseur de leurs altesses sérénissimes les princes de Holstein-Augustenbourg»: comment on engraisse une note, 193-194.

Morville (M.), adjoint au maire de Nancy (1821), 25.

Muse française (La): 8, 9. Notes bibliographiques, 106 en note.

Ses «dieux inconnus» (le Figaro, 1829), 31 en note.

Ses sept fondateurs: E. Deschamps, A. Guiraud,[Pg 245] A. Soumet, Victor Hugo, Adolphe de Saint-Valry, Alfred de Vigny et Desjardins, 167 en note. Autres collaborateurs: M. Ancelot, 61 en note. Jules Lefèvre-Deumier, 164 en note.

A. Guiraud y rend compte des Mémoires du général Hugo, et y publie Nos Doctrines, 164 en note.

Victor Hugo en envoie le premier numéro à son père, 106.

Musset (Alfred de), est amené, enfant, par Paul Foucher, chez ses parents à Gentilly.—Comment il imitait l'ivrogne, 30.

Paul Foucher et Mme Waldor, 170 en note.

N

Naissance (La) de Henri IV, par Abel Hugo, 90 en note.

Napoléon (Joseph), roi d'Espagne, 11 en note, 16, 21.

Naudin (M.), notaire à Blois, 77 en note.

Ney (Le maréchal), 139 en note.

Nodier (Charles): Doit se rendre avec Victor Hugo au sacre de Charles X, 160, 162.

Leurs relations, 160 en note.

«C'était», au dire de Mérimée, «un gaillard très taré», 160 en note.

Le voyage des ménages Hugo et Nodier au Mont-Blanc et dans la vallée de Chamonix, 179, 183.

Nodier (Mme Ch.), 183.

Noilly (M. J.) Catalogue de (sa) bibliothèque romantique, 15 en note.

Nouvelles Odes (Les), de Victor Hugo. A. Soumet en rend compte dans le Conservateur littéraire, 62 en note.

L'édition Ladvocat.

[Pg 246]

Victor Hugo en surveille l'impression, 132, 133.

Le Journal des Débats en annonce l'apparition puis en rend compte, 134 en note.

Une lettre de Victor Hugo en réponse aux critiques de M. Hofman, 134 en note.

L'exemplaire offert par Victor Hugo à son père, 198 en note.

O

Odes (Les): Leur première édition: Odes et poésies diverses, 8, 20, 196 en note.

Elle s'épuise, 35, 37.

La seconde: Louis XVIII souscrit à vingt-cinq exemplaires, 81.

La troisième, Ladvocat (1827), 130, 134, 135, 198 en note.

Odes et Ballades, 81 en note, 125 (en note), 130 en note, 167 en note.

Ode sur la bataille de Denain, d'Abel Hugo, 21.

Ode sur la mort du duc d'Enghien, (Eugène Hugo), 21.

Ode sur la mort de S. A. R. Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, (Eugène Hugo), 21.

Ode sur la mort de S. A. R. Charles-Ferdinand d'Artois, duc de Berry. Publiée dans le Conservateur littéraire, elle vaut à Victor Hugo une gratification de 500 francs de Louis XVIII, 81.

Ode: Louis XVII, lue à la Société des Bonnes lettres et publiée dans le Moniteur, 81.

Ode: La guerre d'Espagne: M. de Clermont-Tonnerre engage Victor Hugo à la remettre au duc d'Angoulême, 129, 130.

Ode: A l'ombre d'un enfant, 124-125.

[Pg 247]

Ode sur le Sacre, 174, 177-178. Déjà reproduite par sept ou huit journaux, Charles X la fait tirer sur les presses de l'imprimerie royale, 178.

Ode sur la mort du général Foy (Jules Lefèvre-Deumier), 164 en note.

Olga, ou l'orpheline moscovite, par M. Ancelot, 61 en note.

O'Neddy (Philothée), 8.

Oratoire (L') de la reine Anne, à Blois, 153.

Orfèvres (Une vieille maison de la rue des), à Blois, 151.

Oriflamme (L'), Victor Hugo doit y rendre compte des derniers volumes de M. de Féraudy, 77.

P

Pardessus (Me), notaire à Blois, frère du jurisconsulte, 22 en note, 77 en note, 169 en note, 195 en note.

Parricide (Le), par Jules Lefèvre-Deumier, 164 en note.

Pasquier (Le chancelier), son opinion sur le marquis de Talaru, 139 en note.

Patrigeon (Le Dr G.): Le père de Victor Hugo (Général Joseph-Léopold-Sigisbert Hugo), à propos de son second mariage à Chabris, 23 en note, 24 en note, 25 en note.

Les causes de la folie d'Eugène Hugo: il aimait Adèle Foucher, 70 en note.

Paul (Emile): Catalogue de la Bibliothèque romantique de M. J. Noilly, 15 en note.

Pauvre fille (La), élégie d'A. Soumet, 62 en note.

Pélicier (Le libraire) édite les Odes et Poésies diverses de Victor Hugo, 20 en note, 30 en note.

Pension mensuelle (La), faite par le général Hugo à ses fils, 12, 48, 51.[Pg 248] Victor le supplie de la continuer à ses frères, 51, 64.

Pensions des veuves de militaires (Notes manuscrites du général Hugo sur les), 14 en note.

Pensions de Victor Hugo.—Sa pension sur la cassette royale:

Il l'attend pour se marier, 39, 45, 47, 51.

La vérité sur cette première pension, 55 en note.

Il écrit à son oncle, le colonel Hugo, qu'il en attend une nouvelle, comme membre de l'Académie des Jeux Floraux, 57.

Une rectification nécessaire, 54-55 en note.

Gratification de 500 francs accordée au poète, par Louis XVIII, pour son ode sur la mort du duc de Berry, 81

On lui en fait espérer une nouvelle sur les fonds du ministère de l'Intérieur, 81, 82-83.

Perceval (M.), 59.

Père (Le) de Victor Hugo (Général Joseph-Léopold-Sigisbert Hugo), à propos de son second mariage à Chabris, par le Dr G. Patrigeon, 23, 24, 25; 70 en note.

Périé (M. Raphaël), un universitaire resté fidèle aux lettres, 79.

Le Roman de Berte aux grands pieds, 79 en note.

Victor Hugo poète civique, 79 en note.

Permission (La), manuscrit du général, 14 en note.

Perrine ou La Nouvelle Nina, autre manuscrit du général, 14 en note.

Persan (Le marquis de), devenu libraire, publie la seconde édition des Odes de Victor Hugo, 81.

Pétigny (M. J. de), proteste dans une lettre adressée à la France Centrale contre la sévérité du jugement de Victor Hugo sur Gaston d'Orléans, 155 en note.

Peyronnet (M. Charles-Ignace de), 47.

[Pg 249]

Pharamond, par A. Guiraud et M. Ancelot, 164 en note.

Philosophie catholique de l'Histoire, par A. Guiraud, 165 en note.

Phocéen (Le journal Le), 144 en note.

Pierre de Blois: la gloire d'un mot, 155.

Pierre de Blois (Vieilles maisons de la rue), à Blois, 151.

Pierre et Thomas Corneille, par Abel Hugo (sous le pseudonyme de Monnières, en collaboration avec Romieu), 91 en note.

Pinel (Le Dr Esquirol continue et complète ses travaux), 89 en note.

Pinlevé (Mme), amie du général et de Mme Hugo à Blois, 182.

Poèmes, par Alfred de Vigny, 31 en note.

Poèmes et Chants élégiaques, par A. Guiraud, 164 en note.

Poèmes dédiés à la jeunesse, par A. Guiraud, 164-165 en note.

Poésies de Charles d'Orléans: édition qu'en donna Augustin Soulié, 159 en note.

Polignac (Le cabinet), 47 en note.

Pompadour (Mme de), son château de Menars, 147 en note.

Pons (Gaspard de): sa collaboration au Conservateur littéraire et à la Muse française, 10, 69.

Ses œuvres, 69 en note.

Ses Adieux poétiques: lève une partie du voile qui recouvrait le secret de la folie d'Eugène Hugo, 70-71.

Pradel (Le chansonnier Eugène de), condamné à trois mois de prison, 33.

Précis historique des Événements qui ont conduit Joseph Napoléon sur le trône d'Espagne, par Abel Hugo, 11 en note, 91 en note.

[Pg 250]

Presse (Le journal La), 157.

Presse littéraire sous la Restauration (La), par Ch.-M. Des Granges, 18 en note, 19 en note, 63 en note, 69 en note, 168 en note.

Procès de Paul-Louis Courier, vigneron de la Chavonnière, condamné le 28 août 1821, à l'occasion de son Discours sur la souscription de Chambord, 100 en note.

Q

Quelques Fables, ou Mes Loisirs, par M. de Féraudy, 77 en note.

Queyroy (Le dessinateur A.): ses Rues et Maisons du vieux Blois. Lettre que lui adressa, de Guernesey, Victor Hugo pour le remercier de l'envoi de ses eaux-fortes, 147, 148-156.

Quotidienne (Le journal La), 159, 160 en note.

R

Rabbe (Alphonse), 144, sa laideur, ne veut pas se laisser voir par Mme Victor Hugo enceinte, 144 en note.

Ses œuvres, 144 en note.

Est recommandé par Victor Hugo au baron d'Eckstein, 165.

Rabelais, sa gaîté comparée à la plaisanterie de Victor Hugo, 88.

Rappel (Le journal Le), 188 en note, 193 en note.

[Pg 251]

Raymond d'Ascoli, élégie de Victor Hugo ayant figuré dans les Odes et Poésies diverses, 20 en note.

Reggio (Mme la maréchale, duchesse de), 55 en note.

Relation du Voyage de S. A. R. Madame, duchesse de Berry, dans la Touraine, l'Anjou, la Bretagne, la Vendée et le midi de la France en 1828; par le vicomte Walsh, 168-169 en note.

Renée de Bretagne (La vaillante), 154.

Rességuier (Jules de), les espérances qu'il donnait, 10, 166 en note.

Résumé de l'Histoire de Russie, par Alphonse Rabbe, 144 en note, 165.

Rétablissement de la statue de Henri IV (L'ode de Victor Hugo sur le), lui vaut le lis d'or de l'Académie des Jeux Floraux, 20 en note.

Révérend (Le vicomte A.): son Armorial du Premier Empire, 21 en note.

La Révolte des Enfers (La), poème du général Hugo, 41, 42, 46.

Revue de Paris (La), 79 en note, 183 en note.

Revue des Deux Mondes (La), 92 en note, 183 en note.

Revue du Berry (La), 23 en note.

Revue universelle des Arts (La), 153 en note.

Richelieu (Le second ministère), 20 février 1820, 129 en note.

Riestap donne bien, dans son Armorial général, au général Hugo, les armes qui figurent sur le cachet commandé par Victor pour son père, 74 en note.

Riffault (M. Eugène), maire de Blois, 200, 201 en note.

Robertet (Florimond), baron d'Alluye: son hôtel à Blois, 153 en note.

Rochas (A. de): Les Buttes et la Télégraphie optique 149 en note.

Roger de Damas (comte), 17 en note, 137 en note.

[Pg 252]

Roman de Berte aux grands pieds (Le), renouvelé par Raphaël Périé, 79 en note.

Romances historiques traduites de l'espagnol, par Abel Hugo, 30 en note, 91 en note.

L'exemplaire qu'il en offrit à son père, 198 en note.

Romantisme (Le) et la Critique.—La Presse littéraire sous la Restauration, par Ch.-M. Des Granges, 18 en note, 19 en note, 63 en note, 69 en note, 168 en note.

Romieu, collaborateur d'Abel Hugo (Monnières), dans Pierre et Thomas Corneille, 91 en note.

Rousseau (J.-J.), 163.

Rousseau (Jacques), adjoint au maire de Chabris, témoin du second mariage du général Hugo, 25.

Royer-Collard (Le Docteur), médecin de l'Asile de Charenton, 94.

Ruche d'Aquitaine (La), 159 en note.

Ruche politique (La), 159 en note.

Rues et maisons du vieux Blois, eaux-fortes de A. Queyroy, 147, 148-156.

S

Saint-Dyé (Loir-et-Cher), sur la rive gauche de la Loire, 147 en note.

Sainte-Luce (Les demoiselles de), 34.

Saint-Lubin (La rue), à Blois, 151.

Saint-Laumer (L'ancienne abbaye de), aujourd'hui église Saint-Nicolas, à Blois, 150, 153, 163, 165.

Saint-Lazare (Le domaine de), à Blois. Ancien prieuré, est acheté et habité par le général Hugo, 22.

[Pg 253]

Il le revend au Dr Gay, 77.

Aujourd'hui transformé en maison de santé, 22.

Saint-Martin (rue), à Blois, 152 en note.

Saint-Maurice (maison de). Voir: Charenton.

Saint-Valry (Adolphe Souillard de). L'un des amis d'enfance et de jeunesse de Victor Hugo, 10.

Sa collaboration au Conservateur littéraire et aux Annales de la Littérature et des Arts où il rendit compte des Odes et Poésies diverses, 166 en note.

Fut un des sept fondateurs de la Muse française, 167 en note.

Y rend hommage à Chateaubriand disgracié, 167 en note.

Sa propriété de Montfort-l'Amaury, 167.

Chante, ainsi que Victor Hugo, les ruines de Montfort, 167 en note.

Mme de Mably (roman), 168 en note.

Sardini (Scipion), gentilhomme lucquois et petit poisson italien. Isabelle de Limeuil lui apporte la fortune et le souvenir de quelques aventures que célèbre Brantôme. Ses hôtels à Blois et à Paris, 152, 153 en note.

Sarrut (Germain), 167 en note.

Satan (Le) d'Alfred de Vigny, 163 en note.

Saül, tragédie d'A. Soumet, 62 en note.

Saumur (La conspiration de), 33.

Sbogar (Jean), par Charles Nodier, 160 en note.

Schiésingeyer (Jacob), cocher du marquis de Béthune-Sully et témoin du second mariage du général Hugo, 26.

Schiller (M. Ancelot donne une imitation de son Fiesque), 61 en note.

Séché (Léon): Alfred de Vigny et son temps, 31 en note, 161, 162 en note.

Séché (Léon): Hortense Allart de Meritens. Une passade[Pg 254] de Chateaubriand: Mme Boni de Castellane, 138.

Séché (Léon): Etudes d'histoire romantique.—Le Cénacle de la Muse française, 62 en note, 165 en note, 168 en note.

Sémiramis la grande, drame «en cinq coupes d'amertume», de Desjardins, 167 en note.

Serre (Le comte de), Ministre de la justice dans les cabinets Dessolle et Decazes et sous le second ministère Richelieu (1818-1819-1820), 129.

Serrurerie (La rue de la) à Blois, 152 en note.

Shakespeare (La traduction de), François-Victor Hugo, 193 en note.

Sigisbert, l'un des prénoms du général Hugo, dont il se sert comme pseudonyme, 13 en note.

Siguenza (Le général Hugo créé par Joseph Napoléon comte de), 21.

Simple discours de Paul-Louis, vigneron de la Chavonnière, aux membres du Conseil de Véretz, à l'occasion de l'acquisition de Chambord, 99.

Sir Lionel d'Arquenay, par Jules Lefèvre-Deumier, 164 en note.

Société d'Emulation de Cambrai (La), accorde le prix de poésie à Abel Hugo, pour son Ode sur la bataille de Denain, 21.

Société des Bonnes Lettres, 61 en note, 62 en note, 91 en note.

Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher.

Le général Hugo avait fondé à Blois une première Société littéraire: vains efforts du père et du fils pour la faire autoriser, 33, 35-36, 40, 41, 44-45, 86.

L'intervention plutôt platonique des députés de Loir-et-Cher, 45.

[Pg 255]

Un biais administratif: la Société ne comptant pas vingt membres n'a pas besoin d'autorisation, 44.

Solitaire (Le) du lac, manuscrit du général Hugo, 14 en note.

Souillard (Adolphe)—Voir: Saint-Valry (Adolphe Souillard de).

Soulié (J.-B.): dévoile à Évariste Boulay-Paty la cause de la folie d'Eugène Hugo, 69-70 en note.

Une lettre de Victor Hugo au bon Soulié, 159-161.

Fonde et dirige le Mémorial bordelais, la Ruche d'Aquitaine et la Ruche politique. Sa collaboration à la Quotidienne, 159 en note.

Soumet (Alexandre): assiste au mariage de Victor Hugo, mais ne fut pas son témoin, 61-62.

Sa collaboration aux Lettres champenoises, au Conservateur littéraire, au Mercure du XIXe siècle, 62 en note.

Fait partie de la Société des Bonnes Lettres et y lit sa Jeanne d'Arc, 62 en note.

Ses œuvres, 62 en note.

Souvenirs du baron de Frénilly, 138-140.

Souvenirs sur Joseph Napoléon, roi d'Espagne, par Abel Hugo, 92 en note.

Stapfer (Extrait d'une lettre de Prosper Mérimée à Albert), 160 en note.

T

Tablettes romantiques (Les), 91 en note.

Tablettes universelles (Les), 144 en note.

Talaru (Le marquis de), ambassadeur à Madrid: ses titres à la faveur royale, 139 en note.

[Pg 256]

Chateaubriand le charge d'une mission assez spéciale auprès du roi Ferdinand, 139-140.

Talon (Zoé), par son mariage, comtesse du Cayla, 47 en note, 137, 161 en note.

Tambour Robin (Le), manuscrit du général Hugo, 14 en note.

Tardieu (M. Pierre), 197 en note.

Thionville (La défense de), par le général Hugo, 16.

Thionville (Journal historique du blocus de), par le général Hugo, 13 en note, 16, 39, 41.

Thomas y Saêtoni (Marie-Catherine), comtesse de Salcano, veuve Anaclet d'Almeg, épouse, à Chabris, le 6 septembre 1821, le général Hugo, 23.

Les liens religieux (?) qu'ils régularisaient ainsi, 26.

Etait, depuis 1816, propriétaire, à Blois, de la maison de la rue du Foix chantée par Victor Hugo dans les Feuilles d'automne, 24 en note, 77.

Ses beaux-fils l'ignorent, 26.

Fait donner par le général sur les doigts de Victor comment il s'en tire, 38, 39.

Ne le gêne point pour son mariage, 66.

La situation semble se détendre, 66.

Une nouvelle explication entre le père et le fils, 110-111.

Son second veuvage, 191.

Son âpreté, 195.

Elle tire son épingle du jeu et survit trente ans au général Hugo, 199.

Sa mort (21 avril 1858), les témoins de son décès à l'état civil de Blois, 79, 200.

Tombeaux de Saint-Denis (Les), par Abel Hugo, 91 en note.

Toulouse (L'Hôtel), rue du Cherche-Midi, siège du Conseil de guerre et habitation de la famille Foucher, 30, 63.

[Pg 257]

Tour d'Argent (La), à Blois, 152.

Traité du Mélodrame, par A. A. A. (Abel Hugo, André Malitourne et Ader), 90 en note.

Trébuchet (Sophie), première femme du général Hugo et mère de ses enfants, 11, 193, 201-202.

Abandonnée par son mari, comment elle les élève, leur amour pour elle, sa mort, 11, 12.

Gêne extrême qui suivit, 180, 181.

Trébuchet (le «malheureux oncle»), 188.

Trébuchet (Le cousin Adolphe), vient à Blois et désire visiter Chambord, 99, 100, 101.

Semble y revenir, 128.

Victor Hugo cherche à obtenir une bourse pour un de ses frères, 187.

Tribune (Le journal La), de Germain Sarrut, 167 en note.

Trois Clefs (La rue des), à Blois, 152.

U

Un Financier du XVIe siècle (Edouard Drumont; Mon vieux Paris), 153 en note.

V

Vacquerie (Charles), épouse Léopoldine Hugo, avec qui il se noie à Villequier, 142.

Val-de-Grâce (Eugène Hugo transféré au). Il n'y fait qu'un court séjour, 94, 96.

Variante des Amants ennemis, manuscrit du général Hugo, 14 en note.

[Pg 258]

Vengeance de la Madone (La), par Abel Hugo, 90 en note.

Vérone (Le Congrès de), 43 en note.

Victor, duc de Bellune, 59.

Victor Hugo à Gentilly, par Fernand Bournon, 30.

Victor Hugo à Guernesey, par Paul Chenay, 172 en note, 196-197 en note.

Victor Hugo avant 1830, par Edmond Biré, 20, 23 en note, 26, 55 en note, 69 en note, 71 en note, 81 en note, 173, 174 en note.

Victor Hugo et son père, le général Hugo à Blois, par Louis Belton, 7, 14 en note, 22 en note, 169 en note, 193 en note, 195-196 en note.

Victor Hugo poète civique, par Raphaël Périé, 79 en note.

Victor Hugo raconté par un témoin de sa Vie (par Mme Victor Hugo), 10, 29, 30, 47, 48, 61, 90 en note, 144 en note, 157, 173 en note, 179 en note, 183 en note.

Vie anecdotique de Monsieur, comte d'Artois, aujourd'hui S. M. Charles X, roi de France et de Navarre, depuis sa naissance jusqu'à ce jour, par Abel Hugo, 92 en note.

Viel Castel (comte Horace de): Ses Mémoires. Mme du Cayla et le vicomte de la Rochefoucauld, 161 en note.

Son jugement sur le vicomte Walsh, 169 en note.

Vierges de Verdun (L'ode: Les) obtient en 1819, une amarante réservée de l'Académie des Jeux Floraux, 20 en note.

Vierge du Monastère (La), par le général Hugo, 14 en note.

Vigny (Alfred de): Sa liaison avec Victor Hugo, 9.

Est témoin de son mariage, 61, 63.

[Pg 259]

Ses Poèmes paraissent la même année et chez le même éditeur (Pélicier, 1822), que les Odes et Poésies diverses, 31 en note.

Figure parmi les fondateurs—«les dieux inconnus» spécifiera le Figaro de 1829,—de la Muse française, 9, 31 en note.

«Malgré ses titres de noblesse et les autres», n'est pas invité au sacre de Charles X, 161.

Sa répugnance pour les à-propos rémunérateurs: «il n'avait jamais su faire ces choses-là», 162 en note.

Sa Lydia, 162.

Villèle (M. de): son ministère, ses démélés avec Chateaubriand, 33 en note, 34 en note, 43 en note, 47 en note, 95, 98, 137.

Violettes (La rue des), à Blois, 152.

Virginie, par A. Guiraud, 164 en note.

Vosdey (M.), notaire à Blois, 77 en note.

Voyage de Paris à Saint-Cloud par mer, 32.

Voyage poétique et pittoresque au Mont Blanc et dans la Vallée de Chamonix. Ce qui en est paru, 183.

Vulpian (Alphonse): Les Français en Espagne, à-propos, vaudeville en collaboration avec Abel Hugo, 1 en note.

W

Waldor (Mme Mélanie): comment elle s'accrochait à Paul Foucher; le tartre de ses dents, 170 en note.

Walsh (Le vicomte): Relation du voyage de S. A. R. Madame, duchesse de Berry, dans la Touraine, l'Anjou, la Bretagne, la Vendée et le midi de la France, en 1828, 168-169 en note.

Woymouth (La maison des musiciens de), 152.


[Pg 263]

TABLE DES MATIÈRES

I
LA JEUNESSE ET LES DÉBUTS.—Mme HUGO.—LE GÉNÉRAL HUGO.—PREMIERS SUCCÈS ACADÉMIQUES.—LE Conservateur littéraire.—LES Odes et Poésies diverses.—LA SECONDE FEMME DU GÉNÉRAL: MARIE-CATHERINE THOMAS Y SAÊTONI, VEUVE ANACLET D'ALMEG. 7
II
LES FIANÇAILLES ET LE MARIAGE.—LES LETTRES DE VICTOR A SON PÈRE.—LA Société littéraire de Blois.—UNE PENSION LONGUE A TOUCHER.—LE COLONEL LOUIS HUGO.—La Révolte des Enfers.—UN BAN A RACHETER.—UN MARIAGE D'AMOUR. 28
III
UN ROMAN EN PARTIE DOUBLE.—LA FOLIE D'EUGÈNE HUGO.—LES ARMES DU GÉNÉRAL COMTE HUGO.—«LA RECOMMANDATION DE M. DE CLERMONT-TONNERRE».—LA MAISON DE LA RUE DU FOIX, A BLOIS.—LA GROSSESSE D'ADÈLE HUGO.—LE PAUVRE EUGÈNE 68
IV
LÉOPOLD HUGO.—SA NAISSANCE.—DES ENNUIS DE NOURRICE.—La Muse française.—LE PETIT LÉOPOLD A BLOIS.—LE CRI DE LA MÈRE.—SA MORT.—A l'Ombre d'un Enfant 102
V
LE CACHET DU GÉNÉRAL.—ODE SUR la guerre d'Espagne.—LES Nouvelles Odes.—LA NÉGLIGENCE DE LADVOCAT. LES BONNES DISPOSITIONS DU DUC D'ANGOULÊME VIS-A-VIS DU GÉNÉRAL.—LES DESSOUS D'UNE DISGRACE: CHATEAUBRIAND ET Mme BONI DE CASTELLANE 126
VI
LE VOYAGE A BLOIS.—UNE LETTRE DE VICTOR HUGO AU DESSINATEUR QUEYROY.—DEUX POÈTES NOMMÉS CHEVALIERS DE LA LÉGION D'HONNEUR.—LES SABLES DE LA MILTIÈRE.—LE SACRE DE CHARLES X 147
VII
L'ODE SUR le Sacre.—UNE PROMOTION DÉSIRÉE: LE LIEUTENANT GÉNÉRAL COMTE HUGO.—UNE DETTE SACRÉE.—CE BON M. DE LA RIVIÈRE.—LE voyage au Mont Blanc et dans la Vallée de Chamonix.—NAISSANCE DE CHARLES-VICTOR HUGO 175
VIII
LE GÉNÉRAL HUGO A PARIS.—SA MORT ET SES OBSÈQUES.—UNE SUCCESSION DIFFICILE.—UN TAILLEUR QUI ENTEND LE PETIT JEU DES INTÉRÊTS.—LA VENTE DU MOBILIER, A BLOIS ET A LA MILTIÈRE.—LES ŒUVRES DÉDICACÉES DU FILS AU PÈRE.—LA MORT DE LA VEUVE D'ALMEG 190
IX
INDEX ANALYTIQUE ET ALPHABÉTIQUE 203

[Pg 266]


[Pg 267]

ACHEVÉ D'IMPRIMER

le vingt-trois décembre mil neuf cent huit

PAR

Ch. COLIN

à Mayenne

pour le

MERCVRE

DE

FRANCE