The Project Gutenberg eBook of Chroniques de J. Froissart, tome 06/13

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Title: Chroniques de J. Froissart, tome 06/13

1360-1366 (Depuis les préliminaires du traité de Brétigny jusqu'aux préparatifs de l'expédition du Prince de Galles en Espagne)

Author: Jean Froissart

Editor: Siméon Luce

Release date: June 4, 2024 [eBook #73768]

Language: French

Original publication: Paris: Vve J. Renouard, 1869

Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))

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Table

CHRONIQUES
DE
J. FROISSART


9924—PARIS.—TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleurus, 9


CHRONIQUES
DE
J. FROISSART

PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
PAR SIMÉON LUCE


TOME SIXIÈME
1360-1366

(DEPUIS LES PRÉLIMINAIRES DU TRAITÉ DE BRÉTIGNY JUSQU’AUX PRÉPARATIFS DE L’EXPÉDITION DU PRINCE DE GALLES EN ESPAGNE)

[Logo: SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE]

A PARIS
CHEZ Mme VE JULES RENOUARD
(H. LOONES, SUCCESSEUR)
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, Nº 6


M DCCC LXXVI

EXTRAIT DU RÈGLEMENT.

Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable chargé d’en surveiller l’exécution.

Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d’être publié.


Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome VI de l’Édition des Chroniques de J. Froissart, préparée par M. Siméon Luce, lui a paru digne d’être publié par la Société de l’Histoire de France.

Fait à Paris, le 1er décembre 1876.

Signé L. DELISLE.

Certifié,
Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,
J. DESNOYERS.

SOMMAIRE.


CHAPITRE LXXXIV.

1360. TRAITÉ DE BRÉTIGNY (§§ 474 à 490).

Édouard III et son armée sont toujours campés à Montlhéry[1]. Charles, duc de Normandie, régent du royaume, et les principaux de son Conseil, les ducs d’Anjou et de Berry ses frères, Gilles Aycelin de Montagu, évêque de Thérouanne, chancelier de France, se décident à faire des ouvertures de paix au roi d’Angleterre. Androuin de la Roche, abbé de Cluny, Simon de Langres, maître des Frères Prêcheurs, Hugues de Genève, seigneur d’Anthon[2], sont chargés de ces négociations[3]. Édouard III, indigné au plus haut point de la descente des Français à Winchelsea[4] dont il vient d’être informé, repousse d’abord, malgré les avis du duc de Lancastre, toutes les propositions d’accommodement. IV Il ne veut à aucun prix renoncer au titre de roi de France, et son projet est, après être allé se rafraîchir deux ou trois mois en Normandie et en Bretagne, de revenir devant Paris au moment de la moisson et des vendanges. Il lève donc son camp de Montlhéry[5] et se dirige vers le pays chartrain, pendant que les trois envoyés du régent, duc de Normandie, reviennent sans cesse à la charge pour le presser de conclure la paix. Au moment où le monarque anglais et ses gens passent à Gallardon, un orage effroyable éclate tout à coup accompagné d’éclairs, de tonnerre, d’une trombe de vent, de grêle et de pierres d’une grosseur énorme, qui terrifie les Anglais et leur tue hommes et chevaux[6]. Édouard y voit un signe de la volonté de Dieu en faveur de la paix; en même temps, le regard fixé sur l’église Notre-Dame de Chartres[7] qu’il aperçoit dans le lointain, il fait un vœu et se consacre à la Sainte Vierge. Après avoir campé la nuit suivante sur le bord de la rivière de Gallardon[8], il n’en continue pas moins le lendemain sa route vers Bonneval[9] et la marche de Vendôme. Toutefois, il finit par céder aux supplications de l’abbé de Cluny, et des négociations[10] s’engagent à Brétigny[11] près V de Chartres entre ses délégués et ceux du régent: les pourparlers durent plusieurs jours et aboutissent à la conclusion d’un traité de paix. P. 1 à 5, 237 à 241.

Édouard III confirme[12] le traité de paix conclu à Brétigny-lez-Chartres le 8 mai 1360 entre Édouard, prince de Galles, au nom du roi d’Angleterre, et Charles, duc de Normandie, au nom de Jean, roi de France. Dans la rédaction définitive, un peu différente du texte primitif du traité qui fut quelques mois plus tard ratifié par les deux rois, les conseillers français eurent soin d’insérer une clause réservant le droit de suzeraineté de leur maître et pouvant servir de point de départ à des revendications ultérieures[13]. P. 5 à 17, 241 à 243.

VI Une trêve est conclue entre les belligérants qui doit durer jusqu’au terme de Saint-Michel prochain et de là en un an[14]. Charles, duc de Normandie, ratifie[15] le traité de paix conclu à Brétigny entre ses plénipotentiaires et ceux d’Édouard, prince de Galles. Cette ratification et la publication de la trêve sont accueillies par tout le royaume avec une joie unanime. Le roi d’Angleterre envoie quatre[16] de ses barons à Paris et les charge de prêter serment[17] en son nom sur le fait du traité de paix. Les Parisiens font à ces envoyés une réception triomphale, sonnent les cloches à leur venue, jonchent les rues de draps d’or sur leur passage; et le duc Charles, après avoir reçu leur serment, leur fait fête et donne à chacun un beau coursier ainsi qu’une épine de la VII couronne du Sauveur conservée à la Sainte-Chapelle. P. 17 à 21, 243 à 245.

Édouard III fait diriger ses gens d’armes sur Calais par Pont-de-l’Arche où ils doivent traverser la Seine et par Abbeville[18]. Il passe une nuit à Chartres où il fait ses dévotions et présente une offrande à Notre-Dame[19], puis il se rend à Harfleur[20] où il s’embarque avec ses enfants pour l’Angleterre. Il annonce à Jean son prisonnier la fin de sa captivité, et les deux rois ratifient[21] de concert les conventions arrêtées entre les députés et procureurs de leurs deux fils aînés. De grandes fêtes ont lieu à cette occasion à Londres où Jacques de Bourbon vient rejoindre les deux souverains, puis à Windsor où Jean fait ses adieux à sa cousine la VIII reine, enfin à Douvres où il prend congé d’Édouard III[22]. Le roi de France met à la voile pour retourner dans son royaume en compagnie du prince de Galles, du duc de Lancastre, du comte de Warwich, de Jean Chandos et débarque à Calais vers la Saint-Jean-Baptiste[23]. Il doit rester dans cette ville jusqu’à ce qu’on ait payé la première échéance de sa rançon qui est de six cent mille francs. Le duc de Normandie et ses deux frères[24] se rendent à Amiens[25] pour être plus rapprochés du roi leur père et aviser de concert avec lui aux mesures[26] à prendre pour assurer sa mise en liberté. Sur ces entrefaites, Galéas Visconti, sire de Milan[27], IX demande en mariage pour un de ses fils une des filles du roi de France[28], moyennant quoi il s’engage à fournir à Jean les six cent mille francs dont celui-ci à besoin; mais les pourparlers relatifs à ce mariage entraînent des lenteurs qui empêchent Galéas de verser la somme convenue en temps opportun[29]. Le roi de France doit attendre que ses gens des comptes aient recueilli la première échéance de sa rançon au moyen d’une aide extraordinaire levée sur ses sujets. P. 21 à 24, 245 à 248.

Le prince de Galles et le duc de Lancastre, lassés d’attendre en vain à Calais le versement des six cent mille francs promis, retournent en Angleterre. Ils laissent le roi de France sous la garde de quatre chevaliers dont Jean paye les frais de séjour, en même temps qu’il a à sa charge les siens propres[30]. Depuis 1357 et 1358, un grand nombre de chevaliers et d’hommes d’armes anglais ont occupé des forteresses[31] en France d’où ils rançonnent X les habitants du plat pays; Édouard III leur enjoint de vider ces forteresses. Quelques-uns obéissent à cette injonction et vendent les lieux forts qu’ils occupent; mais d’autres refusent de déloger, surtout ceux qui se tiennent sur les marches de Normandie et de Bretagne, et continuent de faire la guerre sous le couvert du roi de Navarre. Eustache d’Auberchicourt vend bien cher la forteresse d’Attigny[32] aux gens du pays, mais il ne parvint jamais dans la suite à se faire payer. Les lieux forts du Laonnais, du Soissonnais, de la Picardie, de la Brie, du Gâtinais et de la Champagne, sont évacués les premiers. Les capitaines qui les occupaient retournent dans leur pays après fortune faite, ou bien ils vont grossir les garnisons navarraises de Normandie[33]. Pendant ce temps, on est parvenu à recueillir de quoi faire face au payement des six cent mille florins. On met cet argent en dépôt provisoire à Saint-Omer[34] dans le trésor de l’abbaye de Saint-Bertin, car les princes et les hauts barons de France, désignés comme otages du traité, prennent des atermoiements et font des difficultés pour se remettre entre les mains des Anglais[35]. P. 24 à 26, 248 et 249.

Le roi de France séjourne à Calais depuis le mois de juillet jusqu’à la fin d’octobre[36]; il crée son fils Louis, auparavant comte XI d’Anjou et du Maine, duc d’Anjou et du Maine[37], et son fils Jean, auparavant comte de Poitiers, duc de Berry et d’Auvergne[38]. Une fois le payement du premier terme prêt et les otages venus à Saint-Omer, Édouard III repasse la mer et vient à Calais[39]. Là, les deux rois de France et d’Angleterre, qui dès lors s’appellent frères, se font lire et ratifient définitivement[40] tous les articles du traité de Brétigny. Ils se donnent à dîner tous les jours l’un à l’autre, à tour de rôle, ainsi que leurs enfants[41]. Ils passent le temps en fêtes, pendant que leurs gens achèvent de régler toutes les conventions relatives au traité de paix. Chaque clause, chaque article du traité fait l’objet d’une charte spéciale et distincte à laquelle les deux rois et leurs enfants apposent leurs sceaux[42]. P. 26, 249, 250.

Suit le texte de l’une de ces chartes, datée de Calais le 24 octobre 1360, par laquelle Édouard et Jean contractent une alliance offensive et défensive envers et contre tous, excepté le pape et l’empereur de Rome[43]. P. 27 à 33.

XII Les deux rois se font lire cette charte, dite de confédération et d’alliance, et la ratifient solennellement en présence de leurs enfants et de leurs conseillers. L’évêque de Thérouanne, chancelier de France[44], invite ensuite le roi d’Angleterre à faire les renonciations auxquelles il s’était engagé par le traité de Brétigny. Les commissaires des deux rois se réunissent en conférence et préparent de concert la charte destinée à régler ces renonciations. P. 33, 34, 250.

Suit le texte[45] de cette charte, dite des renonciations, datée de Calais le 24 octobre 1360, par laquelle Édouard III, en confirmation du traité conclu à Brétigny et en retour de la cession qui lui est faite par Jean des provinces y désignées, renonce au nom, au droit, aux armes et à la revendication de la couronne et du royaume de France[46], à tous droits de possession et de souveraineté sur la Normandie, la Touraine, l’Anjou et le Maine, à tous droits de souveraineté et d’hommage sur le duché de Bretagne et le comté de Flandre. P. 34 à 46.

Les deux rois se font lire cette charte et la ratifient en présence de leurs conseillers; ils jurent sur les saints Évangiles et sur une hostie consacrée de l’observer de point en point. Puis, XIII on se réunit de nouveau en conférence, à la requête du roi Jean, pour préparer un mandement destiné à assurer l’évacuation des villes, châteaux et lieux forts du royaume de France par les gens d’armes qui les détiennent sous le couvert du roi d’Angleterre. P. 46, 47, 250, 251.

Suit le texte de ce mandement, daté de Calais le 24 octobre 1360, par lequel Édouard III enjoint sous les peines les plus sévères à ses capitaines, gardiens de villes et de châteaux, adhérents et alliés, de vider, dans le délai d’un mois après qu’ils en auront été requis, les lieux qu’ils occupent ès parties de France, en Picardie, en Bourgogne, en Anjou, en Berry, en Normandie, en Bretagne, en Auvergne, en Champagne, dans le Maine et en Touraine. P. 47 à 50.

Édouard et Jean, après avoir réglé toutes les questions qui les concernent, s’occupent de la lutte toujours ouverte entre Jean de Montfort et Charles de Blois au sujet de la succession de Bretagne, mais ils ne s’arrêtent à rien de définitif par suite du peu d’empressement du roi d’Angleterre[47]. Celui-ci est, au fond, bien aise que les deux partis continuent de rester en armes dans le duché; il voit dans cette guerre un débouché pour bon nombre de ses soudoyers, forcés, en vertu du traité de Brétigny, de vider les forteresses qu’ils occupent en France, et dont il redoute le retour en Angleterre où ils pourraient être tentés de transporter les habitudes de pillage contractées en pays conquis. A l’instigation du duc de Lancastre, tout dévoué à Jean de Montfort[48], on se borne à proroger jusqu’à la Saint-Jean-Baptiste (24 juin[49] 1361) les trêves qui duraient depuis le siége de Rennes et qui XIV devaient expirer le 1er mai de l’année suivante. P. 50 à 52, 251.

Le roi Jean, voulant faire participer les seigneurs anglais aux témoignages d’amitié qu’il échange avec leur maître, fonde quatre rentes annuelles et viagères, de deux mille francs chacune, au profit de quatre chevaliers de l’entourage d’Édouard[50], et le roi d’Angleterre accorde, de son côté, la même faveur à quatre grands personnages[51] de la suite de son frère de France. Jean confirme aussi, à la prière de son allié, la donation de la terre de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en Cotentin, faite par celui-ci à Jean Chandos, terre que Godefroi de Harcourt a cédée naguère à Édouard III, et dont le revenu annuel s’élève à seize mille francs[52]. On expédie encore beaucoup d’autres chartes dont je ne puis faire mention, car on emploie à ce travail les quinze jours que les deux rois et leurs enfants passent ensemble à Calais. Ces pièces annexes ne font pas double emploi et ne s’abrogent nullement les unes les autres; on a soin, d’ailleurs, de les dater d’une manière uniforme[53], afin de leur donner à toutes le même caractère d’authenticité: j’en ai pris depuis copie sur les registres de la chancellerie des deux rois. P. 52, 53, 251, 252.

Après la remise des otages[54] et le versement des six cent mille XV florins[55], Édouard III donne à Jean, en son château de Calais, un magnifique souper où ses enfants, le duc de Lancastre et les plus hauts barons d’Angleterre servent à table tête nue; là, les deux rois prennent congé l’un de l’autre. Le lendemain, veille de Saint-Simon et Saint-Jude[56], Jean et les gens de sa suite quittent Calais pour se rendre à pied en pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne, en compagnie du prince de Galles et de ses deux frères, Lionel et Aymon. Le duc de Normandie, qui les attend, fête le retour de captivité de son père en lui offrant, ainsi qu’aux princes anglais, un somptueux festin dans l’abbaye de Boulogne. Le lendemain, le prince de Galles et ses frères retournent à Calais. La veille de la Toussaint[57] 1360, Édouard III, les princes ses fils et les otages remis par le roi de France s’embarquent ensemble pour l’Angleterre. P. 53 à 55, 252.

Noms de trente otages, tant princes du sang que grands seigneurs[58], emmenés en Angleterre.—Noms des dix-huit villes qui fournissent chacune deux otages bourgeois, outre Paris qui en fournit quatre.—Les otages bourgeois peuvent s’ébattre dans les rues de Londres, et l’on permet aux seigneurs français de chasser dans la campagne à une certaine distance de cette ville et pendant un laps de temps déterminé[59]. P. 55, 56, 253, 254.

Le roi Jean part de Boulogne-sur-Mer après la fête de la XVI Toussaint[60] et va à Saint-Omer[61], puis à Montreuil et à Hesdin[62], et de là à Amiens[63], où il reste jusqu’à Noël. Il se rend ensuite à Paris[64], où ses sujets de toutes les classes lui offrent des cadeaux de bienvenue et lui font une réception enthousiaste. P. 56, 57, 254.

Les commissaires d’Édouard III passent la mer et viennent en France pour se faire délivrer les provinces cédées au roi d’Angleterre en vertu du traité de Brétigny[65]. Cette délivrance demande beaucoup de temps[66], parce que plusieurs seigneurs de Guyenne, XVII notamment les comtes de Périgord[67], d’Armagnac[68] et de Comminges[69], les vicomtes de Caraman[70] et de Castelbon[71], prétendent que le roi de France leur suzerain n’a pas le droit de les transporter sans leur aveu, eux et leurs fiefs, sous une autre souveraineté que la sienne. Les seigneurs et les bonnes villes du Poitou et de la Saintonge ne font pas moins de difficultés pour passer sous la domination anglaise. Il faut plus d’un an pour vaincre la résistance des habitants de la Rochelle. Ils disent qu’ils aiment mieux rester Français et être taillés tous les ans de la moitié de leur chevance, ou encore qu’ils se soumettront aux Anglais des lèvres, mais de cœur jamais[72]. Jean Chandos, nommé lieutenant-général XVIII du roi d’Angleterre dans ses possessions d’outre-mer[73], vient prendre la saisine des provinces cédées et recevoir au nom de son maître le serment de fidélité des comtes, vicomtes, barons et chevaliers, ainsi que des cités, villes et forteresses: il établit partout de nouveaux officiers, et fixe sa résidence ordinaire à Niort, où il tient grand état. P. 57 à 59, 254 à 256.

CHAPITRE LXXXV.

1360 ET 1361. FORMATION DE LA GRANDE COMPAGNIE.—1360, 28 DÉCEMBRE. PRISE DU PONT-SAINT-ESPRIT.—1362, 6 AVRIL. BATAILLE DE BRIGNAIS (§§ 491 à 498.)

Le roi d’Angleterre nomme des commissaires chargés de faire évacuer les forteresses occupées en France par des hommes d’armes à sa solde. Parmi les capitaines de garnisons, quelques chevaliers et écuyers[74], Anglais de nation, obéissent au mandement XIX royal; d’autres y résistent sous prétexte de guerroyer pour le roi de Navarre. Mais les bandes de soudoyers étrangers, allemands, brabançons, gascons, flamands, hainuyers, bretons, gascons ou de mauvais Français ruinés par les guerres, loin de se disperser, exploitent à l’envi le royaume et continuent leur vie de pillage. Les capitaines des garnisons ont beau congédier leurs soudoyers, ceux-ci mettent à leur tête les pires d’entre eux et reforment de nouvelles bandes. Les aventuriers qui infestent la Champagne et la Bourgogne se donnent le surnom de Tard-Venus. En Champagne, ils s’emparent du château de Joinville où ils font un butin considérable que l’on évalue à cent mille francs; en outre, ils ne consentent à le rendre que moyennant une rançon de vingt mille francs[75]. Après avoir couru toute la province de Champagne, ils dévastent les évêchés de Langres[76], de Toul et de Verdun. Ils entrent ensuite en Bourgogne où ils sont appelés et soutenus par certains chevaliers et écuyers de ce pays[77]; ils se XX tiennent longtemps aux alentours de Besançon, de Dijon et de Beaune. Ils prennent et pillent Vergy[78], Gevrey[79] en Beaunois, et s’attardent dans cette région plantureuse. La réunion de ces bandes constitue la Grande Compagnie dont l’effectif s’élève, pendant le carême de 1362, à quinze mille combattants. Seguin de Badefol[80], le plus puissant de ces capitaines d’aventuriers, n’a pas sous ses ordres moins de deux mille soudoyers. On compte encore parmi ces chefs de bandes Talbart Talbardon[81], Guiot du XXI Pin[82], Espiote[83], le Petit Meschin[84], Bataillé[85], Frank Hennequin[86], le XXII bour Camus[87], le bour de Lesparre[88], le bour de Breteuil[89], Naudon de Bageran[90], Lamit[91], Hagre l’Escot, Albrest, Ourri l’Allemand, Bourdeille[92], Bernard[93] et Hortingo de la Salle, Robert Briquet[94], XXIII Creswey[95], Amanieu d’Ortigue[96], Garciot du Castel[97], Guyonnet de Pau[98]. Vers la mi-carême, les Compagnies se mettent en mesure de marcher sur Avignon en passant par le comté de Mâcon, le Lyonnais et le comté de Forez. P. 59 à 62, 256 à 258.

XXIV Le roi Jean mande à son cousin Jacques de Bourbon[99] de marcher contre les Compagnies. Le comte de la Marche, qui se tient alors en Languedoc où il vient de livrer à Jean Chandos les cités, villes, seigneuries et forteresses de Guyenne cédées aux Anglais par le traité de Brétigny[100], se rend par Montpellier et Avignon dans le comté de Forez auprès de la comtesse de Forez, sa sœur[101], et de Renaud de Forez[102], beau-frère de la comtesse. Il appelle sous les armes les seigneurs d’Auvergne, de Limousin, de Provence, de Savoie, du Dauphiné, du duché et du comté de Bourgogne[103], et il les concentre entre Lyon et Mâcon. Louis, comte de Forez[104] et Jean de Forez[105], son frère, neveux de Jacques de Bourbon, se rendent les premiers à l’appel de leur oncle. P. 62 à 64, 259.

Les chefs des Compagnies, après avoir concentré leurs bandes aux environs de Chalon[106] et de Tournus, prennent la résolution XXV d’envahir le Forez et de marcher contre les gens d’armes du roi de France[107]. Ils ravagent le Beaujolais[108], le Lyonnais, assiégent en vain Charlieu[109], passent par Montbrison et s’emparent du château de Brignais[110], à trois lieues de Lyon, où ils attendent les Français qui les poursuivent sous les ordres de Jacques de Bourbon. Noms XXVI des principaux seigneurs qui ont répondu à l’appel du comte de la Marche. P. 64, 65, 259 à 261.

Jacques de Bourbon[111], après avoir rassemblé ses gens d’armes à Lyon, quitte cette ville et s’avance dans la direction de Brignais. Les Compagnies dissimulent le gros de leurs forces derrière de hautes collines[112] et ne font montre que de cinq à six mille hommes postés sur un mamelon[113] appuyé à ces collines et surplombant le chemin que suivent les Français. Jacques de Bourbon, trompé par ce stratagème, fait nouveaux chevaliers son fils, XXVII Pierre de Bourbon, ainsi que son neveu, le comte de Forez, et donne l’ordre à l’Archiprêtre, qui commande son avant-garde, à Jean de Chalon et à Robert de Beaujeu, d’attaquer les gens des Compagnies. Ceux-ci, des hauteurs où ils se tiennent et où sont entassés d’énormes monceaux de cailloux[114], font pleuvoir une grêle de pierres sur les assaillants, et jettent ainsi le désordre dans les rangs des chevaliers français[115]. Pendant ce temps, les mieux armés et les mieux montés des gens des Compagnies contournent la montagne et viennent tomber à l’improviste sur les derrières de l’ennemi. Les Français sont mis en pleine déroute. L’Archiprêtre[116], le vicomte d’Uzès[117], Renaud de Forez, Robert et XXVIII Louis de Beaujeu[118], Jean et Louis de Chalon, les seigneurs de Tournon, de Roussillon, de Chalançon et de Groslée sont faits prisonniers. Le jeune comte de Forez et le seigneur de Montmorillon sont tués[119]. Jacques de Bourbon et son fils Pierre, blessés mortellement et rapportés à Lyon, succombent peu de jours après l’action[120]. Cette bataille de Brignais se livre le vendredi après XXIX les Grandes Pâques (ou le 12 avril 1361[121]). P. 65 à 69, 261 à 265.

Les habitants de Lyon recueillent les victimes et les fuyards de Brignais. Jacques de Bourbon meurt de ses blessures dans cette ville trois jours après la bataille, et Pierre de Bourbon ne survit que peu de temps à son père. Après leur victoire, les Compagnies mettent au pillage le comté de Forez[122]. Seguin de Badefol, qui a sous ses ordres trois mille combattants, s’empare d’Anse, château situé sur la Saône, à une lieue[123] en amont de Lyon, d’où XXX il rançonne le comté de Mâcon, l’archevêché de Lyon, la terre du seigneur de Beaujeu et tout le pays environnant jusqu’à Marcigny-les-Nonnains. Les autres chefs de bandes, Naudon de Bageran, Espiote[124], Creswey, Robert Briquet, Ortingho et Bernardet de la Salle, Lamit, Bataillé, le bour Camus, le bour de Breteuil[125], le bour de Lesparre, marchent sur Avignon pour mettre à rançon le pape et les cardinaux. Apprenant qu’on vient de déposer une somme considérable dans la forteresse du XXXI Pont-Saint-Esprit[126], située sur le Rhône, à sept lieues en amont d’Avignon, Bataillé, Guyot du Pin, Espiote, les bours Camus et de Lesparre, XXXII Lamit et le Petit Meschin font une chevauchée de quinze lieues pendant la nuit; ils arrivent au point du jour devant le Pont-Saint-Esprit qu’ils prennent par escalade, et où ils trouvent d’immenses richesses. Ils tiennent dès lors à discrétion les deux rives du Rhône, le côté de l’Empire comme celui du royaume de France et courent jusqu’aux portes d’Avignon. P. 69 à 72, 265 à 267.

A la nouvelle de la prise du Pont-Saint-Esprit[127], beaucoup de Compagnies, cantonnées en Champagne et en Brie, en Orléanais, dans le Chartrain, le comté de Blois, l’Anjou, le Maine et la Touraine, prennent à leur tour le chemin de la vallée du Rhône, envahissent le Comtat et la Provence[128]. P. 72, 73, 267, 268.

Le pape Innocent VI, affamé dans Avignon ainsi que le sacré XXXIII collége, prêche la croisade contre ces brigands. Le cardinal d’Ostie[129], mis à la tête de l’expédition projetée, convoque à Carpentras ceux qui en veulent faire partie; mais comme on ne donne à ces croisés que des indulgences, ils retournent bientôt chez eux et quelques-uns vont même grossir les bandes des Compagnies. P. 73, 74, 268, 269.

L’avortement complet de cette croisade oblige le pape[130] à faire remettre une somme considérable à Jean, marquis de Montferrat, à charge de prendre à ses gages les gens des Compagnies, maîtres du Pont-Saint-Esprit, pour les emmener en Italie[131]. Les principaux chefs de ces bandes se laissent enrôler, sauf Seguin de Badefol qui tient Anse, et vont faire la guerre à Galéas et à XXXIV Barnabo, seigneurs de Milan. Pendant ce temps, Seguin de Badefol s’empare de Brioude[132] d’où il ravage tout le pays d’Auvergne. Ses gens d’armes font des excursions jusqu’au Puy, à la Chaise-Dieu[133], à Clermont, à Montferrant[134], à Chilhac[135], à Riom, à Nonette[136], à Issoire, à Vodables[137], à Saint-Bonnet-l’Arsis[138] et sur toutes les XXXV terres du comte dauphin[139] alors otage en Angleterre. Après une occupation de plus d’une année, Seguin de Badefol évacue Brioude[140] moyennant finance et se retire avec ses trésors en Gascogne, son pays natal. J’ai ouï dire depuis que cet aventurier eut une fin tout à fait tragique[141]. P. 74 à 76, 269 à 271.

XXXVI CHAPITRE LXXXVI.

1361. MORT DU DUC DE LANCASTRE.—MORT DU DUC DE BOURGOGNE ET PARTAGE DE SA SUCCESSION.—1362. MORT DU PAPE INNOCENT VI ET ÉLECTION D’URBAIN V.—VOYAGE ET SÉJOUR DU ROI JEAN A LA COUR D’AVIGNON.—CRÉATION DE LA PRINCIPAUTÉ D’AQUITAINE EN FAVEUR DU PRINCE DE GALLES ET ARRIVÉE D’ÉDOUARD DANS SA NOUVELLE PRINCIPAUTÉ (§§ 499 à 502).

Mort de Henri, duc de Lancastre[142]. Ce duc laisse deux filles, l’aînée, Mathilde, mariée au comte Guillaume de Hainaut, et la jeune Blanche, à Jean, comte de Richmond, fils d’Édouard III, qui devient duc de Lancastre du chef de sa femme.—Mort de XXXVII Philippe, dit de Rouvre, duc de Bourgogne[143], marié à la jeune Marguerite, fille de Louis, comte de Flandre. Marguerite[144], mère du comte de Flandre, succède à Philippe, son petit neveu, dans la possession des comtés d’Artois et de Bourgogne. Jean de Boulogne a pour sa part les comtés d’Auvergne et de Boulogne[145]. Enfin, Jean, roi de France, hérite à titre de plus proche parent[146], du duché de Bourgogne, au grand déplaisir du roi de Navarre[147] qui prétend avoir des droits sur cette succession ainsi que sur la Champagne et la Brie. P. 76, 77, 271 et 272.

Le roi de France entreprend de visiter son nouveau duché[148] et XXXVIII d’aller voir le pape à Avignon; il part de Paris vers la Saint-Jean-Baptiste 1362[149], après avoir nommé Charles son fils aîné régent pendant son absence, et arrive à Avignon aux approches de Noël suivant[150]. Innocent VI meurt sur ces entrefaites[151]. Les XXXIX cardinaux de Boulogne et de Périgord se disputent les voix du conclave. Ne pouvant réunir la majorité, parce qu’ils se tiennent en échec l’un l’autre, ils prennent le parti de faire élire un simple moine, abbé de Saint-Victor de Marseille, qui devient pape sous le nom d’Urbain V[152]. Informé que Pierre de Lusignan, roi de Chypre, doit venir bientôt à Avignon, Jean passe l’hiver à Villeneuve et dans ses villes du midi, en attendant l’arrivée du vainqueur des Sarrasins, du conquérant de Satalie[153]. P. 77 à 79, 272 à 274.

Édouard III crée Édouard, prince de Galles, son fils aîné, prince d’Aquitaine[154]; Lionel, son second fils, naguère comte d’Ulster, duc de Clarence; Jean, son troisième fils, auparavant comte de Richmond, duc de Lancastre[155]; et il demande pour son quatrième fils Aymon, comte de Cambridge, la main[156] de Marguerite, XL fille du comte de Flandre et veuve de Philippe de Rouvre.—Mort d’Isabelle de France[157], fille de Philippe le Bel et mère d’Édouard III. Après avoir assisté aux obsèques de sa grand’mère, Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, qui vient de se marier à Jeanne de Kent, veuve de Thomas de Holland[158], quitte l’Angleterre et fait voile vers le continent[159] où il se rend pour prendre possession de sa nouvelle principauté; il débarque à la Rochelle et y reste quatre jours. P. 79 à 81, 274, 275.

Jean Chandos, gouverneur d’Aquitaine pour le roi d’Angleterre, va de Niort où il réside à la Rochelle au-devant du prince; il l’accompagne à Poitiers où tous les feudataires de Poitou[160] et de Saintonge viennent rendre hommage à leur nouveau suzerain. Le prince d’Aquitaine se dirige ensuite vers Bordeaux. Il fait en compagnie de la princesse un long séjour dans cette ville et y XLI reçoit le serment des seigneurs de Gascogne[161]. Grâce à sa médiation, la paix est conclue[162] entre les comtes de Foix et d’Armagnac qui sont depuis longtemps en guerre. Il fait Jean Chandos connétable, et Guichard d’Angle maréchal, d’Aquitaine. Il distribue les meilleurs offices de la principauté aux chevaliers de son entourage et à des Anglais, au grand mécontentement des gens du pays. P. 81, 82, 275 à 277.

CHAPITRE LXXXVII.

1363. ARRIVÉE ET SÉJOUR DE PIERRE 1er, ROI DE CHYPRE, A AVIGNON.—PROJET DE CROISADE.—TRAITÉ CONCLU ENTRE ÉDOUARD III ET LES QUATRE OTAGES DES FLEURS DE LIS.—VOYAGES DU ROI DE CHYPRE A PARIS, EN NORMANDIE ET EN ANGLETERRE.—1364. RETOUR DE JEAN II A LONDRES.—VOYAGE DE PIERRE 1er EN AQUITAINE.—MORT DU ROI DE FRANCE A LONDRES ET AVÉNEMENT DE CHARLES V (§§ 503 à 510).

Arrivée de Pierre Ier, roi de Chypre, à Avignon[163]. Les rois de France et de Chypre prennent la croix[164] à l’instigation d’Urbain V. P. 82 à 84, 277 et 278.

XLII Après Pâques 1363, départ d’Avignon des rois de Chypre[165] et de France[166]. Voyages de Pierre Ier à Prague[167] auprès de l’empereur Charles IV, roi de Bohême, en Allemagne, dans le duché de Juliers, en Brabant, en Flandre où il rencontre à Bruges le roi de Danemark qui a quitté son royaume pour le venir voir, en Hainaut. Le roi de Chypre s’efforce de recruter dans tous ces pays des adhérents à la croisade projetée. P. 84 à 86, 278 à 280.

Traité conclu entre Édouard III et les quatre ducs d’Orléans, d’Anjou, de Berry et de Bourbon, otages en Angleterre[168]. Édouard XLIII s’engage à mettre en liberté ces quatre otages sous certaines conditions; et, en attendant que ces conditions soient remplies, les ducs sont internés à Calais[169]. L’embarras des finances vient se joindre au projet de croisade pour faire traîner en longueur les négociations relatives à ce traité, au grand mécontentement du duc d’Anjou. D’un autre côté, le roi de Navarre se prépare à recommencer les hostilités et prend à sa solde les Compagnies qui reviennent de Lombardie, pour faire la guerre au royaume[170]. P. 86, 87, 280, 281.

Au retour de son voyage en Allemagne, le roi de Chypre va voir le roi de France à Paris[171], le dauphin duc de Normandie à XLIV Rouen[172] et le roi de Navarre à Cherbourg[173]; il essaye en vain de réconcilier les enfants de Navarre avec le roi Jean et le dauphin Charles. De Cherbourg, Pierre Ier revient à Caen, passe par Pont-de-l’Arche, Abbeville, Rue, Montreuil et arrive à Calais où il ne trouve que les ducs d’Orléans, de Berry et de Bourbon, car le duc d’Anjou a rompu son otagerie et est retourné en France[174]. P. 87 à 89, 281 à 283.

XLV Pierre Ier va rendre visite à Londres[175] au roi d’Angleterre qui, pressé de participer à la croisade projetée, refuse de prendre un engagement formel.—Entrevue des rois de Chypre et d’Écosse[176].—Édouard III fait cadeau à son hôte d’une nef nommée Catherine, construite en vue d’un voyage à Jérusalem, ancrée alors dans le havre de Sandwick, qui avait coûté douze mille francs. «Un fait que je ne m’explique pas, ajoute Froissart, c’est que, deux ans après le départ du roi de Chypre, cette nef était encore à Sandwick, où je la vis. Je suis porté à croire que ce prince la laissa dans ce port pour s’éviter l’embarras de la traîner après lui plutôt que pour d’autres motifs[177]. Je demandai la XLVI raison de ce fait, lors de mon passage à Sandwich, mais personne ne put me renseigner à cet égard.» P. 89 à 92, 283 à 285.

Le roi de Chypre retourne d’Angleterre[178] en France par Boulogne et va rejoindre à Amiens le roi de France, les ducs de Normandie, d’Anjou et de Touraine. Ensuite, il passe par Beauvais, Pontoise, Poitiers, Niort, et va voir le prince de Galles à Angoulême[179].—Sur ces entrefaites, le roi de France, qui se tient alors à Amiens[180], se décide malgré l’opposition de son conseil, à retourner XLVII en Angleterre, pour faire des excuses à Édouard III au sujet du départ du duc d’Anjou. Il nomme le duc de Normandie régent et gouverneur du royaume pendant son absence, promet le duché de Bourgogne à Philippe, son plus jeune fils[181], et se dirige vers Boulogne par Hesdin[182], où il a une entrevue avec le comte de Flandre, et où il s’arrête du 22 au 28 décembre, et par Montreuil-sur-Mer. P. 92 à 94, 285 à 287.

Jean s’embarque à Boulogne[183] et débarque à Douvres dans l’après-midi, la veille de l’Apparition des trois Rois. Il passe à Canterbury, à Eltham[184], qui est alors la résidence de la cour d’Angleterre, et arrive à Londres, où il va se loger à l’hôtel de Savoie[185]. Les deux rois et leurs enfants se donnent des fêtes et échangent sans cesse des visites en allant en barque l’un chez l’autre par la Tamise, qui coule au pied du manoir de Savoie et du palais de Westminster. P. 94 à 96, 287 à 289.

XLVIII Pierre Ier passe un mois à Angoulême à la cour du prince d’Aquitaine; il fait un voyage à la Rochelle et prêche partout la croisade[186]. A son retour à Paris, il apprend que le roi Jean est tombé malade à Londres[187], d’où le maréchal Boucicaut vient d’en apporter la nouvelle au dauphin.—Charles le Mauvais, qui se tient à Cherbourg[188], mande en Normandie son cousin, le captal de Buch, alors hôte du comte de Foix[189], pour lui donner la direction de la guerre qu’il veut faire à la France.—Sur ces entrefaites, le roi Jean meurt à l’hôtel de Savoie[190]. Le dauphin Charles, qui hérite de la couronne par suite du décès de son père, redouble ses préparatifs pour tenir tête aux Navarrais[191]. P. 97 à 99, 289, 290.

XLIX CHAPITRE LXXXVIII.

1364. PRISE DE MANTES ET DE MEULAN (7 ET 11 AVRIL).—BATAILLE DE COCHEREL (16 MAI).—COURONNEMENT DE CHARLES V (19 MAI).—CAMPAGNE DU DUC DE BOURGOGNE EN BEAUCE (JUIN).—SIÉGE ET REDDITION DE LA CHARITÉ (§§ 510 à 529).

En ce temps s’armait[192] pour le roi de France un chevalier breton nommé Bertrand du Guesclin, dont jusqu’alors la renommée n’avait guère dépassé la Bretagne où il avait toujours tenu le parti de Charles de Blois contre Jean de Montfort.—Aussitôt qu’il est informé de la mort de Jean son père, le duc de Normandie, devenu le roi Charles V, charge le maréchal Boucicaut d’aller rejoindre du Guesclin devant Rolleboise afin d’aviser de concert avec Bertrand aux moyens de reprendre Mantes et Meulan au roi de Navarre[193]. P. 100, 290.

Rolleboise[194] est un beau et fort château, situé sur le bord de la L Seine, à une lieue de Mantes. Les gens de Compagnie qui occupent ce château sous les ordres d’un capitaine nommé Wauter [Straël][195], originaire de Bruxelles, font la guerre pour leur propre compte et mettent au pillage les possessions du roi de Navarre aussi bien que le royaume de France. Le duc d’Anjou, Bertrand du Guesclin, le comte d’Auxerre, Antoine, sire de Beaujeu, assiégent Rolleboise depuis quelques semaines au moment où Boucicaut vient apporter à Bertrand l’ordre de s’emparer à tout prix de Mantes et de Meulan. Voici le stratagème que ces deux capitaines imaginent. Boucicaut se présente un jour à l’une des portes de Mantes à la tête de cent chevaux seulement. Il fait semblant d’être poursuivi par les brigands de Rolleboise et prie instamment les gardiens de lui donner entrée dans l’enceinte. Ceux-ci consentent à ouvrir la porte, et Bertrand, qui s’est posté dans le voisinage avec ses Bretons, profite de cette circonstance pour pénétrer dans Mantes dont il se rend maître et qu’il met au pillage. Le jour même de la prise de cette ville, une troupe de Bretons chevauche en toute hâte vers Meulan où ils se disent envoyés par Guillaume de Gauville, capitaine d’Évreux pour le roi de Navarre. On les croit sur parole, on leur ouvre les portes et Meulan a le même sort que Mantes. Les maisons sont livrées au pillage et une partie de la population est massacrée[196]. P. 100 à 105, 290 à 292.

LI Le captal de Buch débarque au havre de Cherbourg à la tête de quatre cents hommes d’armes. Le roi de Navarre le met[197] à la tête des forces qu’il rassemble pour faire la guerre au roi de France, et lui adjoint un chevalier anglais nommé Jean Jouel, qui dispose de trois cents combattants de la même nation.—Le duc de Normandie, de son côté, ne reste pas inactif. A la nouvelle de la maladie dont le roi son père vient d’être atteint à Londres, il redouble ses préparatifs militaires[198]. Du Guesclin et Olivier de Mauny son neveu[199] reçoivent l’ordre de quitter Mantes où ils se tiennent avec leurs Bretons et de s’avancer dans la direction de Vernon pour y faire frontière contre les Navarrais. Philippe, duc de Bourgogne[200], Arnaud de Cervolle, dit l’Archiprêtre, marié à la LII veuve du seigneur de Châteauvillain tué à la bataille de Poitiers[201], conseiller et compère du duc de Bourgogne, le comte d’Auxerre, le vicomte de Beaumont[202], Antoine, seigneur de Beaujeu, Louis de Chalon, Amanieu de Pommiers[203], Petiton de Curton, le soudic de [la Trau[204]], le sire de Mussidan[205], chef et conducteur des gens du seigneur d’Albret, sont les principaux chevaliers qui figurent LIII dans l’armée de du Guesclin.—[Brumor[206]] de Laval, chevalier breton du parti français, est fait prisonnier par Gui de Gauville, jeune chevalier de la garnison d’Évreux, au retour d’une chevauchée contre les Navarrais de cette ville. P. 105 à 108, 292, 293.

Retour du roi de Chypre d’Aquitaine à Paris[207].—Funérailles du roi Jean à l’abbaye de Saint-Denis[208].—Préparatifs pour le couronnement de Charles V à Reims.—Arrivée du captal de Buch à Évreux. P. 108 à 110, 293 à 295.

Jean de Grailly part d’Évreux[209] et s’avance vers Pont-de-l’Arche pour couper le passage de la Seine à du Guesclin et aux Français. Les principaux chevaliers de l’armée du captal sont le sire de Sault[210], banneret du royaume de Navarre, l’anglais Jean Jouel, Pierre de Sacquenville, Guillaume de Gauville, Bertrand du Franc, le bascle de Mareuil[211].—Sur son chemin, le LIV captal rencontre un héraut nommé le Roi Faucon qui arrive du camp français; dialogue échangé entre ce héraut et le captal.—Jean de Grailly refuse de recevoir un autre héraut appelé Prie envoyé vers lui par l’Archiprêtre, le mercredi de la Pentecôte[212]. P. 110 à 112, 295 à 297.

Marche, dispositions et ordre de bataille des Navarrais. P. 113 à 115, 297 à 299.

Marche, dispositions et ordre de bataille des Français. P. 115 et 116, 299, 300.

Ruse de guerre imaginée par les Gascons du parti français: trente hommes d’armes des plus hardis et des mieux montés sont chargés spécialement d’attaquer le captal dès le début de l’action, de le prendre et de l’emporter de vive force loin du champ de bataille. P. 116, 117, 300.

Sur le refus du comte d’Auxerre, les barons français mettent du Guesclin à leur tête et adoptent d’un commun accord comme cri de ralliement le cri d’armes de Bertrand: Notre Dame! Guesclin! Cependant la matinée s’avance, et les Français commencent à souffrir de la faim et de la chaleur. On délibère sur la conduite à tenir: les uns sont d’avis d’aller offrir la bataille à l’ennemi sur les hauteurs[213] où il s’est retranché; toutefois on finit LV par se ranger à l’opinion des plus sages qui conseillent d’attendre en bon ordre l’attaque des Navarrais. P. 117 à 121, 300 à 302.

Du Guesclin a recours à un stratagème pour faire descendre l’ennemi en rase campagne. Il donne l’ordre à ses gens de battre en retraite et de retourner sur leurs pas avec armes et bagages de l’autre côté de la rivière. L’anglais Jean Jouel, en voyant ce mouvement, croit que ses adversaires cherchent à s’échapper et veut leur donner la chasse. Le captal s’y refuse; mais son lieutenant, qui brûle d’en venir aux mains, ne se peut plus contenir: il s’élance à la poursuite des Français. Force est alors à Jean de Grailly, qui ne peut ni ne veut laisser Jean Jouel[214] se mesurer seul contre les Français, d’abandonner ses positions et de descendre de la colline. L’ennemi une fois pris au piège, les Français font volte-face, reprennent l’offensive, et la bataille commence. Sous prétexte qu’il ne peut porter les armes contre certains chevaliers de l’armée navarraise, l’Archiprêtre quitte le champ de bataille dès le début de l’action, mais il ordonne à ses gens de rester pour prêter main forte aux Français. P. 121 à 125, 302 à 305.

Les Navarrais, quoique surpris, ne se déconcertent pas. Ils font passer en avant leurs archers; mais les Français sont si bien LVI protégés par leurs pavois que le trait de l’ennemi ne leur fait presque aucun mal. Les Bretons et les Gascons se couvrent de gloire. Les trente hommes d’armes d’élite, montés sur fleur de coursiers, que l’on a spécialement chargés de s’assurer de la personne du généralissime de l’armée navarraise, vont droit au captal, l’enlèvent après une résistance désespérée, l’emportent loin du champ de bataille et le mettent en lieu sûr[215]. P. 125 à 127, 305 et 306.

Les Gascons[216] et notamment les gens du seigneur d’Albret, ayant à leur tête Amanieu de Pommiers, Petiton de Curton, le soudic de la Trau, parviennent à s’emparer du pennon du captal que défendent le bascle de Mareuil et Geffroi de Roussillon. Le bascle de Mareuil est tué, et Geffroi de Roussillon est fait prisonnier par Amanieu de Pommiers. En revanche, le sire de Mussidan[217] est blessé grièvement et perd trois de ses écuyers; le LVII soudic de la Trau, de son côté, a un bras cassé. Du Guesclin vient au secours de la bataille ou division du comte d’Auxerre, qui commence à plier, mais le vicomte de Beaumout périt dans cette rescousse. Bertrand accourt ensuite prêter main-forte aux Picards qui ont affaire à la division anglaise de l’armée du captal. Jean Jouel, chef de cette division, est terrassé et fait prisonnier par Olivier de Mauny, neveu de du Guesclin, qui le remet à un de ses écuyers nommé Guyon de Saint-Pern[218]; le capitaine anglais LVIII meurt des suites de ses blessures le soir même de la bataille. Cet engagement coûte la vie à deux chevaliers picards, Baudouin, sire d’Annequin[219], maître des arbalétriers de France, et Louis de Haverskerque. Finalement, les Français restent maîtres du champ de bataille. Guillaume de Gauville[220], Pierre de Sacquenville, Bertrand du Franc tombent entre les mains des vainqueurs[221]. Le reste de l’armée navarraise se débande et gagne la forteresse d’Acquigny[222]. Cette bataille de Cocherel se livre le jeudi 16 mai 1364. P. 127 à 130, 306 à 310.

LIX Gui de Gauville, fils de Guillaume de Gauville, arrive sur le champ de bataille à la tête de la garnison navarraise de Conches; à la nouvelle de la défaite des siens, il reprend en toute hâte le chemin de sa forteresse. Les trente qui ont enlevé le captal le transportent à Vernon[223] et de là à Rouen. P. 130 à 132, 310, 311.

Charles V reçoit la nouvelle de cette victoire à Reims[224] où il est allé se faire couronner roi de France.—Noms des principaux personnages qui assistent au couronnement.—Retour de Charles V à Paris. P. 132 à 134, 311 à 313.

Charles V investit Philippe son plus jeune frère du duché de Bourgogne[225], et, à la prière de celui-ci, pardonne à l’Archiprêtre LX sa conduite à Cocherel. Il fait couper la tête à Pierre de Sacquenville à Rouen[226]. Guillaume de Gauville, fait prisonnier à Cocherel, est échangé contre Brumor de Laval, captif à Évreux. Le captal de Buch est transféré de Paris à Meaux[227] où il doit tenir prison. Bertrand du Guesclin rachète au prix de cinq ou six mille francs le château de Rolleboise à Wauter [Straël], capitaine de cette forteresse.—Charles V met sur pied trois armées. La première, sous les ordres du duc de Bourgogne, va mettre le siége devant Marchelainville, en Beauce; la seconde, dont Bertrand du Guesclin est le chef, opère dans la direction du Cotentin et sur les marches de Cherbourg; la troisième enfin, commandée par Jean de la Rivière, assiége le château d’Acquigny[228]. P. 134 à 137, 313 à 315.

Louis de Navarre, frère puîné de Charles le Mauvais, Robert LXI Knolles, Robert Ceni, Robert Briquet, Creswey, à la tête de douze cents combattants, ravagent le pays compris entre Loire et Allier, le Bourbonnais et surtout les environs de Moulins, de Saint-Pierre-le-Moutier[229] et de Saint-Pourçain. Bernard et Hortingo de la Salle, ayant sous leurs ordres quatre cents compagnons, s’emparent par surprise de la Charité-sur-Loire[230] dont les LXII habitants se réfugient à Nevers. A la nouvelle de la prise de cette ville, Louis de Navarre envoie aux vainqueurs un renfort de trois cents armures de fer sous les ordres de Robert Briquet et de Creswey. P. 137 à 139, 315, 316.

Prise de Marchelainville[231] par le duc de Bourgogne et d’Acquigny par Jean de la Rivière. P. 139 à 141, 316, 317.

Siége, prise et rasement du fort de Chamerolles[232] par le duc LXIII de Bourgogne.—Siége et prise du château de Dreux et du fort de Preux[233].—Reddition du fort de Couvay[234].—Le duc de Bourgogne quitte la Beauce[235], et, après avoir eu une entrevue avec le LXIV roi son frère à Vaux-la-Comtesse en Brie, accourt à la tête de toutes ses forces en Bourgogne où il force le comte de Montbéliard et ses alliés d’Allemagne, qui ont profité de l’absence de Philippe pour envahir le duché, à rebrousser chemin et à repasser précipitamment le Rhin[236]. P. 141 à 143, 317 à 320.

Le connétable[237] et les deux maréchaux[238] de France mettent le siége devant la Charité; ils sont bientôt rejoints par le duc de Bourgogne[239], revenu de sa chevauchée dans le comté de Montbéliard. LXV Bertrand du Guesclin[240] lui-même, après une campagne dans le Cotentin, Jean de la Rivière[241], après la levée du siége d’Évreux, viennent renforcer les assiégeants. La garnison de la Charité fait souvent des sorties, et, dans une de ces escarmouches, Robert d’Alençon, fils du comte d’Alençon, Louis d’Auxerre, fils et frère des deux comtes d’Auxerre[242], sont faits chevaliers. Louis de LXVI Navarre, cantonné sur la frontière d’Auvergne, appelle au secours des assiégés Robert Knolles, Gautier Hewet et Mathieu de Gournay; mais le comte de Montfort a pris ces chevaliers anglais à son service pour assiéger le fort château d’Auray, et il a besoin plus que jamais de leur aide pour tenir tête à Charles de Blois son concurrent, qui se prépare à lui faire la guerre à la tête d’une puissante armée. P. 145, 146, 320 à 322.

Louis de Navarre, en qui la garnison de la Charité met toute son espérance, évacue l’Auvergne pour se rendre en Normandie dans la région de Cherbourg[243]. Charles V est obligé de rappeler ses gens d’armes de la Charité pour les enrôler au service de son cousin Charles de Blois[244], et il invite le duc de Bourgogne son LXVII frère à traiter avec les assiégés. On permet à ceux-ci de se retirer où bon leur semblera, après leur avoir fait prêter serment de ne point s’armer contre le royaume pendant trois ans. Les habitants de la Charité rentrent dans leurs foyers, et le duc de Bourgogne retourne en France[245]. P. 147, 148, 322.

CHAPITRE LXXXIX.

1364, 29 SEPTEMBRE. BATAILLE D’AURAY.—1365, 12 AVRIL. TRAITÉ DE GUÉRANDE (§§ 530 à 545.)

Le roi de France, apprenant que la guerre va se rallumer entre Jean de Montfort et Charles de Blois, envoie à ce dernier un secours de mille lances sous les ordres de Bertrand du Guesclin[246]. LXVIII Charles, après avoir rassemblé une armée à Nantes[247], quitte cette ville pour marcher contre le comte de Montfort qui a mis le siége devant Auray. Noms des principaux chevaliers, tant bretons que LXIX français, qui ont répondu à l’appel du duc de Bretagne. Au moment du départ, Jeanne de Penthièvre exhorte son mari à repousser toute proposition d’accommodement. Charles de Blois se met en marche et arrive à Rennes[248] avec son armée. P. 148 à 152, 323 à 327.

Huit lieues de pays séparent Rennes d’Auray[249]. Charles de Blois part de Rennes un vendredi[250] et se vient loger à trois lieues d’Auray. L’armée franco-bretonne s’avance dans le plus bel ordre. A cette nouvelle, Jean de Montfort et ses principaux capitaines, Jean Chandos, Robert Knolles, Eustache d’Auberchicourt, Hugh de Calverly, Gautier Hewet, Mathieu de Gournay, tiennent conseil. On décide qu’on ira à la rencontre de l’ennemi, et le lendemain samedi la plus grande partie de l’armée assiégeante exécute un mouvement rétrograde et vient se placer en travers du côté par où s’avance Charles de Blois, pour lui barrer le chemin d’Auray[251]. Arrivés en présence des forces anglo-bretonnes, LXX Charles et les siens s’arrêtent dans une position avantageuse au milieu de grandes bruyères[252]. P. 152 à 154, 327, 328.

Par le conseil de Bertrand du Guesclin, Charles de Blois partage son armée en trois batailles ou divisions, chacune de mille combattants[253], et une arrière-garde. Bertrand commande la première de ces batailles, les comtes d’Auxerre et de Joigny la seconde, Charles de Blois la troisième. Les seigneurs de Rais, de Rieux, de Tournemine, du Pont forment l’arrière-garde. Le duc chevauche de rang en rang, excitant chacun à faire son devoir; il affirme sur son âme et sa part de paradis[254] que c’est pour son bon et juste droit que l’on va combattre. P. 154, 155, 328, 329.

LXXI Jean Chandos, chargé dans l’autre camp de la direction suprême, divise aussi l’armée de Montfort en trois batailles et une arrière-garde. Il met à la tête de la première bataille Robert Knolles, Gautier Hewet et Richard Burleigh; la seconde a pour chefs Olivier de Clisson, Eustache d’Auberchicourt et Mathieu de Gournay; enfin, Chandos s’est réservé pour lui-même le commandement de la troisième où il doit combattre aux côtés du comte de Montfort. Chacune de ces batailles se compose de cinq cents hommes d’armes et de trois cents archers[255]. Après beaucoup de difficultés, Hugh de Calverly consent à être le chef de la réserve ou arrière-garde qui compte cinq cents combattants. P. 155 à 157, 329 à 331.

Le samedi [28 septembre[256]] 1364, les deux armées sont en face l’une de l’autre dans l’ordre que nous venons d’indiquer. Le sire de Beaumanoir, qui ne se peut armer parce qu’il est prisonnier des Anglo-Bretons, va en parlementaire d’un camp à l’autre et parvient à obtenir un répit entre les deux parties jusqu’au lendemain, à l’heure de soleil levant. Le châtelain d’Auray profite de ce répit pour se rendre auprès de Charles de Blois, son maître, qui l’assure que l’ennemi lèvera le siége le lendemain par accord ou par bataille[257]. Les Anglais, de leur côté, sachant que leurs LXXII adversaires sont à bout de ressources, ont pris la résolution de ne se prêter à aucun accommodement. P. 157 à 159, 331 à 333.

Le dimanche, de grand matin, les chevaliers des deux armées assistent à la messe et communient et, un peu après soleil levant, se mettent en ordre de bataille comme le jour précédent. Le sire de Beaumanoir revient au camp de Jean de Montfort où il porte des propositions de paix. Chandos, qui veut à tout prix livrer bataille, ne le laisse pas venir jusqu’au comte et prend sur lui de répondre à ce parlementaire: «Messire Jean de Montfort sera aujourd’hui duc de Bretagne ou il mourra à la peine.» Puis il va trouver Montfort et, pour l’exciter, il met dans la bouche de Charles de Blois les paroles qu’il vient lui-même de prêter auparavant au compétiteur de Charles[258]. Grâce à cette ruse mensongère, les deux prétendants sont également exaspérés, et leurs partisans se disposent à en venir aux mains, les Franco-Bretons en invoquant Dieu et saint Yves, les Anglo-Bretons en se recommandant à Dieu et à saint Georges. P. 159 à 162, 333 à 335.

LXXIII Du côté des Français, chaque homme d’armes est muni d’une lance retaillée à la longueur de cinq pieds et d’une hache qui pend à la ceinture ou qu’on porte suspendue au cou. La bataille de Bertrand du Guesclin vient attaquer celle de Robert Knolles et de Gautier Hewet. Les archers anglais commencent à tirer, mais leurs adversaires sont si bien protégés par leurs pavois que les traits ne les atteignent pas. Ces archers jettent alors leurs arcs, et quelques-uns d’entre eux parviennent à s’emparer des haches des hommes d’armes de du Guesclin. Pendant ce temps, la bataille de Charles de Blois en vient aux mains avec celle de Jean de Montfort. Les gens de ce dernier ont d’abord le dessous, mais Hugh de Calverly, qui se tient sur aile, accourt leur prêter main-forte et parvient à rétablir le combat. P. 162, 163, 335 à 337.

Olivier de Clisson, Eustache d’Auberchicourt, Richard Burleigh, Jean Boursier, Mathieu de Gournay[259], ont affaire à la bataille des comtes d’Auxerre et de Joigny. La mêlée devient telle que toutes les batailles ou divisions des deux armées se confondent, excepté l’arrière-garde de Hugh de Calverly, qui se tient toujours en réserve du côté des Anglo-Bretons. Olivier de Clisson, une hache de guerre à la main, fait merveille d’armes; mais il a un œil crevé par la pointe d’une hache ennemie qui a rompu la visière de son bassinet. Les comtes d’Auxerre et de Joigny sont blessés grièvement et faits prisonniers sous le pennon de Jean Chandos; le sire de [Trie[260]], grand banneret de Normandie, est tué; les Franco-Bretons, qui combattaient aux côtés de ces seigneurs, se laissent alors entraîner à une panique et à une débandade générales. P. 164 à 166, 337 à 339.

Les deux batailles de du Guesclin et de Charles de Blois soutiennent encore la lutte. Toutefois les Anglo-Bretons de Montfort maintiennent mieux leurs lignes et gagnent du terrain, grâce LXXIV surtout à l’appui de la réserve commandée par Hugh de Calverly[261]. Jean Chandos, à la tête d’une troupe nombreuse d’Anglais, accourt prêter main-forte à la division opposée à celle de Bertrand du Guesclin. Après une résistance désespérée, Bertrand et le seigneur de Rais sont faits prisonniers par les gens de Jean Chandos. Le reste des forces franco-bretonnes se rallie autour de Charles de Blois qui se bat comme un lion. Bientôt la bannière de Charles est jetée par terre et conquise, et Charles lui-même est tué[262]. On a prétendu que, le matin de la bataille, les chevaliers des deux armées s’étaient donné le mot de ne pas prendre à rançon le chef de l’armée opposée, s’il venait à tomber entre leurs mains, mais de le mettre à mort. Parmi les bannerets de Bretagne, Charles de Dinan, les seigneurs de Léon, d’Ancenis, d’Avaugour, de Lohéac, de Kergorlay, de Malestroit, du Pont, sont tués. Le vicomte de Rohan, les seigneurs de Léon, de Rochefort, de Rais, de Rieux, de Tournemine, Henri de Malestroit, Olivier de Mauny, les seigneurs de Riville, de Fréauville et d’Esneval, outre les comtes d’Auxerre, de Joigny et Bertrand du Guesclin, sont faits prisonniers. Cette bataille se livre dans les environs d’Auray le [29 septembre[263]] 1364. P. 166 à 169, 339 à 342.

LXXV Les principaux seigneurs anglo-bretons, laissant à leurs gens le soin de poursuivre les fuyards, viennent se désarmer à l’ombre d’une haie et font compliment à Jean de Montfort de sa victoire. Celui-ci en reporte tout l’honneur sur Jean Chandos qu’il invite à boire après lui dans son hanap. Et, quand il apprend la mort de son adversaire Charles de Blois, il se fait conduire auprès du cadavre de son cousin dont la vue excite ses regrets et lui arrache des larmes[264]. Jean Chandos s’empresse de mettre fin à cette scène attendrissante. Les restes de Charles de Blois sont portés à Rennes et de là à Guingamp. P. 169 à 171, 342 à 344.

Le comte de Montfort donne trêve pour enterrer les morts, et Charles V envoie en Bretagne Louis, duc d’Anjou, son frère, pour réconforter Jeanne de Penthièvre, veuve de Charles de Blois.—La nouvelle de la victoire d’Auray est apportée à Édouard III à Douvres, cinq jours après la bataille[265], par un varlet poursuivant armes que le roi d’Angleterre fait sur le champ héraut sous le nom de Windsor, et c’est de ce héraut ainsi que de certains chevaliers des deux partis que Froissart tient son récit de cette journée mémorable[266]. P. 171 à 174, 344 à 346.

Cette nouvelle comble de joie Édouard III et Louis, comte de LXXVI Flandre, qui se sont donné rendez-vous à Douvres pour traiter, moyennant dispense du pape Urbain V, du mariage d’Aymon, comte de Cambridge, l’un des fils du roi d’Angleterre, avec Marguerite, fille du comte de Flandre et veuve du dernier duc de Bourgogne, Philippe de Rouvre[267]. P. 174, 175, 346 à 348.

Siége d’Auray, de Jugon et de Dinan[268], par le comte de Montfort; reddition de ces trois places.—Siége de Quimper-Corentin. P. 175 à 177, 348 à 350.

De l’avis de ses conseillers, frappés des progrès croissants et des conquêtes du vainqueur d’Auray, Charles V envoie Jean de Craon, archevêque de Reims, le seigneur de Craon et le maréchal Boucicaut[269] à Quimper-Corentin[270] en qualité de plénipotentiaires et les charge de traiter avec Jean de Montfort[271]. Celui-ci demande du temps pour en référer à Édouard III, son beau-père et son protecteur, d’après les inspirations duquel il règle toute sa politique; puis, il pose ses conditions que les ambassadeurs français soumettent à leur tour au roi leur maître et au duc d’Anjou. Finalement, la paix est conclue aux conditions suivantes: 1º Jean de Montfort sera reconnu duc de Bretagne, mais s’il meurt sans héritiers légitimes, le duché retournera aux enfants de Charles de Blois. 2º Jean fera hommage du duché au roi de France, son suzerain. 3º Jeanne de Penthièvre, veuve de Charles de Blois, sera maintenue en possession du comté de Penthièvre dont le LXXVII revenu est évalué à vingt mille francs[272]. Jean de Montfort interviendra de tout son pouvoir auprès d’Édouard III pour faire mettre en liberté ses cousins Jean et Gui, les deux fils aînés de Charles de Blois, qui sont encore détenus prisonniers en Angleterre. P. 177 à 181, 350 à 352.

Charles V rend à Olivier, sire de Clisson, ses terres sises dans le royaume, que Philippe de Valois avait autrefois confisquées, et le rallie ainsi au parti français[273].—Jean de Montfort se marie à la fille de la princesse de Galles que Jeanne de Kent avait eue de son premier mariage avec Thomas de Holland[274], et les noces sont célébrées à Nantes.—Les reines Jeanne d’Évreux et Blanche de Navarre, la première tante et la seconde sœur de Charles le Mauvais, font mettre en liberté le captal de Buch à qui le roi de France donne le château de Nemours[275] dont le revenu est évalué LXXVIII à trois mille francs. Le prince de Galles ayant témoigné son mécontentement de l’acceptation de ce don, le captal renvoie son hommage à Charles V et renonce à la donation faite en sa faveur.—En vertu d’un traité conclu entre les rois de France et de Navarre, Charles V conserve Mantes et Meulan et assigne en dédommagement à son beau-frère d’autres châteaux en Normandie[276].—Louis de Navarre emprunte soixante mille florins[277] au roi de France pour passer en Lombardie où il va épouser la reine de Naples, mais il ne survit que peu de temps à ce mariage[278]. P. 181 à 183, 352, 353.

LXXIX CHAPITRE XC.

1365, OCTOBRE-1366, MAI. EXPÉDITION DE DU GUESCLIN ET DES COMPAGNIES EN ESPAGNE.—1366, 5 AVRIL. DON PÈDRE EST DÉTRÔNÉ ET DON HENRI, COMTE DE TRASTAMARE, EST PROCLAMÉ ROI DE CASTILLE.—14 AOUT. VICTOIRE REMPORTÉE PAR LES COMPAGNIES ANGLO-GASCONNES PRÈS DE MONTAUBAN.—23 SEPTEMBRE. TRAITÉ D’ALLIANCE ENTRE LE PRINCE D’AQUITAINE ET DE GALLES, DON PÈDRE ET LE ROI DE NAVARRE; PRÉPARATIFS MILITAIRES DU PRINCE DE GALLES ET DÉMÊLÉS AVEC LE SIRE D’ALBRET (§§ 546 à 559).

Redoublement des ravages des Compagnies dans le royaume de France à la suite des traités qui ont mis fin aux guerres de Navarre et de Bretagne; la principauté d’Aquitaine seule est à l’abri du fléau; plaintes et récriminations contre le roi d’Angleterre[279] et le prince de Galles son fils. Charles V et Urbain V essayent en vain d’envoyer les gens des Compagnies en Hongrie faire la guerre contre les Turcs[280]. P. 183 à 185, 353, 354.

Lutte entre don Pèdre, roi de Castille et Henri, comte de Trastamare, frère naturel de don Pèdre[281].—Griefs du roi de LXXX France et du pape contre don Pèdre, meurtrier de sa femme Blanche de Bourbon[282] et excommunié par le Saint-Père[283]. Bertrand du Guesclin, fait prisonnier par Jean Chandos à Auray, dont Charles V, Urbain V et don Henri de Trastamare ont payé la rançon fixée à cent mille francs[284], se met à la tête des gens des Compagnies pour les emmener en Espagne au secours de don Henri contre don Pèdre. A du Guesclin se joignent plusieurs LXXXI chevaliers anglais ou à la solde du prince de Galles, Hugh de Calverly[285], Gautier Hewet, Mathieu de Gournay, Eustache d’Auberchicourt[286], Bertucat d’Albret[287]. De cette expédition font aussi LXXXII partie un certain nombre de seigneurs français, en première ligne le jeune comte de la Marche qui veut venger la mort de sa cousine Blanche de Bourbon[288], Antoine, sire de Beaujeu[289], Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France[290], le Bègue de Villaines[291], LXXXIII le Bègue de Villiers[292], le sire d’Antoing[293], en Hainaut, Alard de Briffœuil[294], Jean de Neuville[295], Gauvain de Bailleul, Jean de Berguette, Lallemand de Saint-Venant[296]. Le rassemblement général a lieu à Perpignan[297], sur les confins de l’Aragon. L’effectif de toutes ces bandes s’élève à trente mille hommes. Là sont tous les chefs des Compagnies, Robert Briquet[298], Jean Creswey, Naudon LXXXIV de Bageran, Lami, Maleterre, le Petit Meschin, les bours Camus, de Lesparre et de Breteuil, Bataillé, Espiote, Amanieu d’Ortigue, Perrot de Savoie. Le roi d’Aragon, allié de don Henri, fait le meilleur accueil aux Compagnies[299] avec l’aide desquelles il reconquiert les villes et forteresses de son royaume, occupées naguère par don Pèdre. Celui-ci se voit bientôt abandonné de l’immense majorité de ses sujets qui se déclarent pour le comte de Trastamare. Accompagné de don Fernand de Castro[300], le seul de ses LXXXV courtisans qui lui soit resté fidèle, de sa femme[301] et de ses deux filles Constance[302] et Isabelle[303], il s’enferme avec ses trésors dans le château de Séville[304] d’où il fait voile[305] bientôt vers la Galice et se réfugie à la Corogne. P. 185 à 192, 354 à 360.

LXXXVI Gomez Carrillo[306], les grands maîtres de Calatrava[307] et de Saint-Jacques[308] prennent parti pour le comte de Trastamare devant qui toutes les villes ouvrent leurs portes[309]. Don Henri est couronné roi, fait comtes ses deux frères don Sanche[310] et don Tello[311], sans oublier les chefs des Compagnies[312] auxiliaires qu’il comble de faveurs. P. 192, 193, 360.

LXXXVII Après le couronnement de don Henri, le comte de la Marche, Arnoul, sire d’Audrehem, et le sire de Beaujeu retournent en France[313]; mais Bertrand du Guesclin[314] et Olivier de Mauny[315] avec les Bretons, Hugh de Galverly et Eustache d’Auberchicourt LXXXVIII avec les Anglais, restent en Espagne pour aller faire la guerre contre les Sarrasins de Grenade.—Retiré à la Corogne avec sa femme, ses deux filles et don Fernand de Castro, don Pèdre envoie des messagers vers le prince d’Aquitaine et de Galles pour le prier de venir à son secours contre le bâtard Henri. Le prince, après en avoir délibéré avec les gens de son conseil, accueille favorablement cette demande, et cinq chevaliers anglais partent pour la Corogne afin de ramener à Bordeaux le roi détrôné de Castille. Sur ces entrefaites, don Pèdre se rend lui-même à Bayonne. P. 193 à 199, 360 à 365.

Arrivée et séjour de don Pèdre à Bordeaux[316]. Il promet de faire roi de Castille Édouard, le jeune fils du prince de Galles, et de distribuer ce qu’il a conservé de ses trésors[317] aux gens d’armes du prince. Celui-ci, malgré les avis de ses conseillers qui le détournent d’une intervention armée en faveur du roi détrôné, est disposé à prendre parti pour ce dernier, d’abord parce que, souverain légitime, don Pèdre a été supplanté par un bâtard, ensuite, parce que l’adversaire de don Henri de Trastamare a été de tout temps pour l’Angleterre un allié fidèle. Toutefois, avant LXXXIX de mettre ce dessein à exécution, le prince d’Aquitaine veut avoir l’avis de ses vassaux et des grands feudataires de sa principauté. P. 199 à 204, 365.

Le prince d’Aquitaine convoque à un parlement à Bordeaux les seigneurs et barons, tant de Poitou, de Saintonge, de Rouergue, de Quercy, de Limousin, que de Gascogne. On lui conseille d’en référer au roi d’Angleterre, son père, et quatre chevaliers sont envoyés à cette fin à Londres. Édouard III, après avoir consulté les gens de son Parlement, est d’avis que son fils donne suite à son projet et entreprenne une expédition pour remettre don Pèdre sur le trône. Les barons d’Aquitaine, convoqués de nouveau, demandent qui payera leur solde. Don Pèdre promet d’employer tous ses trésors, qui sont immenses, au payement de cette solde; et le prince anglais, de son côté, se charge de pourvoir aux frais de l’expédition et de faire les avances nécessaires jusqu’à l’arrivée en Castille. Jean Chandos et Thomas de Felton vont à Pampelune inviter Charles le Mauvais à se rendre à Bayonne, afin qu’on s’entende avec lui sur les conditions du passage à travers ses états; car l’armée du prince ne peut pénétrer en Espagne sans traverser la Navarre en franchissant les défilés de Roncevaux[318]. P. 204 à 209, 366, 367.

Le prince d’Aquitaine, don Pèdre et le roi de Navarre ont ensemble à Bayonne[319] des conférences qui durent plusieurs jours. Moyennant le payement d’une somme de cent vingt mille francs[320] et la cession de Logroño[321], de Salvatierra[322] et de Saint-Jean-Pied-de-Port[323], XC Charles le Mauvais consent à laisser passer à travers son royaume l’armée qui doit se rendre en Espagne pour rétablir don Pèdre sur le trône de Castille. L’allié de don Pèdre s’empresse de rappeler près de lui ceux de ses hommes d’armes que du Guesclin a enrôlés sous la bannière du comte de Trastamare. Eustache d’Auberchicourt, Hugh de Calverly, Gautier Hewet, Mathieu de Gournay[324], Jean Devereux, répondent les premiers à l’appel du prince et quittent l’Espagne pour retourner à Bordeaux. Bientôt après le départ de ces chevaliers, quelques-uns des principaux capitaines d’aventure, Robert Briquet, Jean Creswey, Robert Ceni, Bertucat d’Albret, Garciot du Castel, Naudon de Bageran, les bours de Lesparre, Camus et de Breteuil, reprennent aussi le chemin de la Gascogne pour aller offrir leurs services au prince d’Aquitaine.—Du Guesclin, de son côté, se rend auprès du roi d’Aragon, du duc d’Anjou qui se tient alors à Montpellier, et du roi de France[325], afin d’engager ces princes à prendre parti pour Henri de Trastamare et à lui envoyer des renforts. P. 209 à 213, 367 à 369.

A la nouvelle de l’expédition projetée par le prince d’Aquitaine et de Galles pour rétablir don Pèdre sur le trône de Castille, Pierre, roi d’Aragon, fait alliance avec don Henri de Trastamare[326], et interdit aux Compagnies anglo-gasconnes, qui veulent XCI quitter l’Espagne pour rejoindre la bannière du prince, le passage à travers l’Aragon et la Catalogne. Ces Compagnies sont enrôlées définitivement au service du prince d’Aquitaine par Jean Chandos envoyé en mission dans le pays basque auprès de leurs chefs; et à la prière de ce chevalier, Gaston Phœbus, comte de Foix, consent à laisser passer les routiers et leurs bandes sur son territoire. P. 213 à 216, 369, 370.

Par le conseil de Jean Chandos et de Thomas de Felton, le prince de Galles, non content d’avoir fait fondre les deux tiers de son argenterie, sollicite et obtient d’Édouard III cent mille francs[327] pour subvenir aux frais de l’expédition projetée. P. 216 à 218, 371, 372.

Le sire d’Albret s’engage à servir le prince d’Aquitaine et de Galles à la tête de mille lances. Apprenant que les gens des Compagnies, au nombre de trois mille, après avoir franchi les Pyrénées, doivent passer entre Toulouse et Montauban, Gui d’Azay, sénéchal de Toulouse, les sénéchaux de Carcassonne[328], de Nîmes[329] et le [vicomte[330]] de Narbonne marchent à la poursuite de ces XCII pillards[331] à la tête de cinq cents lances et de quatre mille bidaus. P. 218 à 220, 372 à 374.

Traquée par les Français, une des bandes anglo-gasconnes se réfugie dans Montauban; et Jean Trivet, capitaine anglais de cette forteresse, dans une entrevue qu’il a avec Gui d’Azay et le vicomte de Narbonne, refuse de livrer des gens d’armes qui viennent rallier la bannière du prince son maître[332]. P. 220 à 223, 374 à 376.

Une bataille se livre sous les murs de Montauban entre les Français et les gens des Compagnies commandés par Robert Ceni[333] XCIII et Bertucat d’Albret[334]. Les Français sont bien trois contre un; mais Jean Trivet et les soudoyers de la garnison viennent à la rescousse des routiers, et les habitants de la ville eux-mêmes font pleuvoir sur les Français une grêle de pierres[335]. En outre, le bour de Breteuil, Naudon de Bageran amènent aux Anglo-gascons pendant l’action un renfort de quatre cents combattants de troupes fraîches[336]. Les Français sont mis en pleine déroute. Gui d’Azay, les vicomtes de Narbonne et d’Uzès, le seigneur de Montmorillon, les sénéchaux de Carcassonne, de Beaucaire et plus de cent chevaliers sont faits prisonniers. Cet engagement a lieu devant de Montauban la veille de la mi-août 1366. P. 223 à 226, 376 à 379.

Bertucat d’Albret, Robert Ceni, Jean Trivet, Robert XCIV d’Aubeterre[337], le bour de Breteuil et Naudon de Bageran se partagent le butin. Les prisonniers s’engagent à payer rançon à Bordeaux dans un délai convenu et sont mis en liberté à cette condition; mais le pape Urbain V leur défend sous peine d’excommunication de verser les sommes promises et déclare nuls tous engagements pris envers les gens des Compagnies[338]. Ceux-ci adressent des réclamations à Jean Chandos, connétable d’Aquitaine, qui élude leurs plaintes pour ne pas froisser le Saint-Père. P. 226 à 228, 379, 380.

L’effectif des Compagnies anglo-gasconnes s’élève à douze mille soudoyers: le prince de Galles les prend à ses gages depuis la fin d’août 1366 jusqu’à l’entrée de février 1367. D’un autre côté, don Henri de Trastamare retient à son service les soudoyers français et surtout les bandes bretonnes dont les principaux chefs sont, après Bertrand du Guesclin, Silvestre Budes[339], Alain de Saint-Pol, Guillaume du Bruel et Alain de Lakouet[340].—Sur ces entrefaites, XCV Jean, duc de Lancastre[341], vient amener au prince de Galles son frère un renfort de quatre cents hommes d’armes et de quatre cents archers. Le roi de Majorque, dépouillé de ses états par le roi d’Aragon, se rend aussi, vers la même époque, à la cour de Bordeaux où il expose ses griefs, et on lui donne l’assurance qu’au retour de l’expédition d’Espagne on l’aidera à recouvrer son royaume[342]. Le prince d’Aquitaine reçoit continuellement des plaintes au sujet des désordres de tout genre commis par les gens des Compagnies qu’il a enrôlés à son service; mais il attend la délivrance de la princesse sa femme, qui est sur le point d’accoucher, et on lui conseille de laisser passer la fête de Noël avant de s’engager dans les défilés de Roncevaux[343]. Le 7 décembre, il écrit au sire d’Albret de lui amener deux cents lances, au lieu de mille, comme il avait été convenu d’abord. Le sire d’Albret se XCVI fâche et répond qu’il renonce à servir le prince, car il ne saurait trier ces deux cents lances parmi les mille qu’il avait retenues pour faire partie de l’expédition. Le prince d’Aquitaine est outré de dépit d’une telle réponse et se montre bien résolu à ne pas laisser cette insolence impunie; toutefois, le comte d’Armagnac accourt à Bordeaux et réussit à obtenir la grâce du sire d’Albret, son neveu[344], grâce à l’entremise de Jean Chandos et de Thomas de Felton. Cet incident n’en doit pas moins être considéré comme le point de départ de la brouille entre le prince de Galles et le sire d’Albret[345]. P. 228 à 234, 380 à 382.


CHRONIQUES
DE J. FROISSART.


LIVRE PREMIER.

§ 474 Li intention dou roy Edowart d’Engleterre

estoit tèle que il enteroit en ce bon pays de Biausse

et se trairoit tout bellement sus celle belle, douce et

bonne rivière de Loire, et se venroit tout cel esté

5jusques apriès aoust rafreschir en Bretagne. Et tantost

sus les vendenges, qui estoient moult belles apparans,

il retourroit en France et venroit de rechief

mettre le siège devant Paris, car point ne voloit retourner

en Engleterre, pour ce qu’il en avoit au

10partir parlé si avant, si aroit eu se intention dou dit

royaume, et lairoit ses gens par ses forterèces, qui

guerre faisoient pour lui, en France, en Brie, en Campagne,

en Pikardie, en Pontieu, en Vismeu, en Vexin

et en Normendie, guerriier et heriier le royaume de

15France, et si taner et fouler les cités et les bonnes

villes que de leur volenté il s’acorderoient à lui.

Adonc estoient en Paris li dus de Normendie et si

[2] 2 doy frère, et li dus d’Orliiens, leurs oncles, et tous li

plans consaulz de France, qui imaginoient bien

le voiage dou roy d’Engleterre, et comment il et ses

gens fouloient et apovrissoient le royaume de France,

5et que ce ne se pooit longement tenir ne souffrir,

car les rentes des signeurs et des eglises se perdoient

generaument partout. Adonc estoit canceliers de

France uns moult sages et vaillans homs messires

Guillaumes de Montagut, evesques de Tieruane, par

10qui conseil on ouvroit en partie en France, et bien

le valoit, en tous estas, car ses consaulz estoit bons et

loyaus. Avoecques lui estoient encores doi clerc de

grant prudense, dont li uns estoit abbes de Clugni,

et li autres mestres des Frères Preeceurs, et le appelloit

15on frère Symon de Lengres, mestres en divinité.

Cil doi clerch darrainnement nommet, à le priière,

[requeste[346]] et ordenance dou duc de Normendie et

de ses frères et dou duch d’Orliiens, leur oncle, et

de tout le grant conseil de France entirement, se partirent

20de Paris sus certains articles de pais, et messires

Hughes de Genève, signeur d’Antun, en leur compagnie,

et s’en vinrent devers le roy d’Engleterre

qui cheminoit en Biausse par devers Gaillardon. Si

parlèrent cil doi prelat et li chevaliers au dit roy

25d’Engleterre, et commencièrent à trettier pais entre

lui et ses alliiés et le royaume de France et ses alliiés,

asquelz trettiés li dus de Lancastre et li princes de

Galles, li contes de le Marce et pluiseur hault baron

[d’Engleterre[347]] furent appellé.

[3] 3 Si ne fu mies cilz trettiés si tost acomplis, quoiqu’il

fust entamés, mès fu moult longement demenés. Et

toutdis aloit li rois [d’Engleterre] avant, querant le cras

pays. Cil trettieur, comme bien consilliet, ne voloient

5mies le roy lassier ne leur pourpos anientir; car il

veoient le royaume de France en si povre estat et si

grevé que en trop grant peril il estoit, se il attendoient

encores un esté. D’autre part, li rois d’Engleterre demandoit

[et requeroit[348]] les offres si grandes et si prejudiciales

10pour tout le royaume de France, que à envis

s’i acordoient li signeur pour leur honneur. Et si couvenoit

par pure necessité qu’il fust ensi ou auques priès,

se il voloient venir à pais: siques tous leurs trettiés

et leurs parlemens durèrent dixsept jours, toutdis en

15poursievant le roy d’Engleterre. Li dessus nommet

prelat et li sires d’Antun, messires Hughes de Genève,

qui moult bien estoit et volentiers oys en le court

dou roy d’Engleterre, renvoioient tous les soirs ou de

jour à aultre leurs trettiés et leurs procès devers le

20duch de Normendie et ses frères en le cité de Paris,

et sus quel fourme ne estat il estoient, pour avoir

response quel cose en estoit bon à faire, et dou

sourplus comment il se maintenroient. Cil procet et

ces parolles estoient consilliet secretement et examiné

25souffissamment en le cambre dou duch de Normendie,

et puis estoit rescrit justement et parfaitement li intention

dou duch de Normendie et li advis de son

conseil as dis trettieurs: par quoi riens ne se passoit,

de l’un costé ne d’autre, qu’il ne fust bien specefiiet

30et justement cancelé.

[4] 4 Là estoient, en le cambre dou roy d’Engleterre

sus son logeis, ensi comme il cheoit à point et qu’il

se logoit sus son chemin, tant devant le cité de

Chartres comme ailleurs, des dessus dis trettieurs

5françois grans offres mises avant, pour venir à conclusion

et à fin de guerre et à ordenance de pais,

asquelz coses li rois d’Engleterre fu trop durs à entamer;

car li intentions de lui estoit tèle que il voloit

demorer rois de France, comment que il ne le

10fust mies, et morir rois de France, et voloit ostoiier

en Bretagne, en Blois, en Tourainne cel esté, si com

ci dessus est dit. Et, se li dus de Lancastre ses cousins,

que moult amoit et creoit, li euist otant desconsilliet

le pais à faire que il li consilloit, il ne s’i fust

15point acordés; mais il li remoustroit moult sagement

et disoit: «Monsigneur, ceste guerre que vous tenés

au royaume de France, est moult mervilleuse et trop

fretable pour vous. Vos gens y gaagnent, et vous y

perdés et alewés le temps. Tout consideret, se vous

20guerriiés selonch vostre oppinion, vous y userés vostre

vie, et c’est fort que vous en venés ja à vostre

entente. Si vous conseille que, entrues que vous en

poés issir à vostre honneur, vous en issiés et prendés

les offres que on vous presente; car, monsigneur,

25nous poons plus perdre sus un jour que nous n’avons

conquis dedens vingt ans.»

Ces parolles et pluiseurs aultres belles et soubtieves,

que li dus de Lancastre remoustroit fiablement en

istance de bien au roy d’Engleterre, convertirent si le

30dit roy, parmi le grasce dou Saint Esperit qui y ouvra

ossi; car il avint à lui et à toutes ses gens ossi, lui

estant devant Chartres, un grant miracle qui moult le

[5] 5 humilia et brisa son corage, car entrues que cil trettieur

[franchois[349]] aloient et preeçoient le dit roy et

son conseil et encores nulle response agreable n’en

avoient, uns orages, uns tempès et uns effoudres si

5grans et si horribles descendi dou ciel en l’ost le roy

d’Engleterre, que il sambla bien proprement à tous

ceulz qui là estoient, que li siècles deuist finer, car il

cheoient de l’air pières si grosses que elles tuoient

hommes et chevaus, et en furent li plus hardi tout

10eshidé. Et adonc regarda li rois d’Engleterre devers

l’eglise Nostre Dame de Chartres, et se voa et rendi

devotement à Nostre Dame, et prommist, si com il

dist et confessa depuis, que il s’accorderoit à le pais.

A ce donc estoit il logiés en un village assés priès de

15Chartres qui s’appelle Bretegni, et là fu li certainne

ordenance et compositions faite et jettée de le pais,

sus certains poins et articles qui ci ensievant sont

ordonné. Et pour ces coses plus enterinement faire

et poursievir, li trettieur d’une part, et d’autre grant

20clerch en droit dou conseil le roy d’Engleterre, ordonnèrent

sus le fourme de la pais, par grant deliberation

et par bon avis, une lettre qui s’appelle la

chartre de la pais, dont la teneur s’ensieut ensi.

§ 475. «Edowart, par le grasce de Dieu roy d’Engleterre,

25signeur d’Irlande et d’Aquitainne, à tous ceulz

qui ces presentes lettres veront, salut. [Savoir faisons

que,] comme pour les dissentions, debas, descors et

estris, meus et esperés à mouvoir entre nous et nostre

très chier frère le roy de France, certains tretteurs

[6] 6 et procureurs de nous et de nostre très chier fil

ainsnet Edouwart, prince de Galles, aians à ce souffissant

pooir et auctorité pour nous et pour lui et nostre

royaume, d’une part, et certains aultres trettieurs et

5procureurs de nostre dit frère et de nostre très chier

neveu Charle, duch de Normendie, [dalphin de

Vienne], fil ainsné de nostre dit frère de France, aiant

pooir et auctorité de son dit père en ceste partie,

pour son dit père et pour lui, soient assamblé à Bretegni

10priès de Chartres, ouquel lieu est trettié, parlé

et acordé finable pais et concorde des trettieurs et

procureurs de l’une et l’autre partie sus les dissentions,

debas, guerres et descors devant dis, lesquelz

trettiés et paix les procureurs de nous et de nostre

15dit fil, pour nous et pour lui, et les procureurs de

nostre dit frère et de nostre dit neveu, pour son père

et pour lui, jurront sus saintes Ewangiles, tenir,

garder et acomplir ce dit trettié, [et ossi le jurerons

et nostre dit filz ossi, ainsi comme dessus est dit

20et que il s’en sievra ou dit trettié[350]]: parmi lequel

acort, entre les aultres coses, nostre frère de France

et son filz devant dis sont tenu et ont prommis baillier

et delivrer et delaissier à nous, nos hoirs et successeurs

à tous jours, les cités, contés, villes, chastiaus,

25forterèces, terres, isles, rentes et revenues et aultres

coses qui s’ensievent, avoech ce que nous tenons en

Ghiane et en Gascongne, à tenir et possesser perpetuelment,

à nous et à nos hoirs et à nos successeurs,

ce qui est en demainne, en demainne, et ce

30qui est en fief, en fief, et par le temps et manière chi

[7] 7 apriès esclarcis: c’est à savoir, la cité, le chastiel et

la conté de Poitiers et toute la terre et le pays de

Poito, ensamble le fief de Thouwart et la terre de

Belleville, le cité et le chastiel de Saintes et toute la

5terre et le pays de Saintonge par deçà et par delà la

Charente, avoech la ville, chastiel et forterèce de le

Rocelle et leurs appertenances [et appendances]; la

cité et le chastiel d’Agens et la terre et le pays d’Aginois;

la cité, la ville et le chastiel et toute la terre de

10Pieregorch, la terre et le pays de Piereguis; la cité et

le chastiel de Limoges, la terre et le pays de Limozin;

la cité et le chastiel de Chaours et la terre et le

pays de Caoursin; la cité, le chastiel et le pays de

Tarbe, et la terre, le pays et la conté de Bigorre; la

15conté, la terre et le pays de Gauvre; la cité et le chastiel

d’Angouloime, et la conté, la terre et le pays

d’Angoulesmois; le chastiel, le ville et la cité de Rodais,

et la conté, la terre et le pays de Roerge. Et se

il y a, en la ducé d’Aquitainne, aucuns signeurs,

20comme le conte de Fois, le conte d’Ermignach, le

conte de Laille, les visconte de Quarmaing, le conte

de Pieregorch, le visconte de Limoges ou aultres qui

tiennent aucunes terres ou lieus dedens les mètes des

dis lieus, il en feront hommage à nous et tous aultres

25services et devoirs deus à cause de leurs terres et

lieus, en le manière qu’il les ont fais dou temps

passé, tout soit ce que nous ou aucuns des rois d’Engleterre

anciennement n’i aions rien eu; en apriès, la

visconté de Moustruel sus mer, en le manière que

30dou temps passé aucun roy d’Engleterre l’ont tenu,

et, se en la ditte terre de Moustruel ont esté aucun

debat dou partage de la terre, nostre frère de France

[8] 8 nous a prommis que il le nous fera esclarcir au plus

hasteement comme il pora, lui revenu en France; la

conté de Pontieu tout entierement, sauf et excepté

que, se aucunes coses y ont esté alienées par les

5rois d’Engleterre qui ont regné pour le temps et ont

ancienement tenu la ditte conté et appertenances, [en[351]]

aultres personnes que as rois de France, nostre dit

frère ne si successeur ne seront pas tenus de le rendre

à nous. Et, se les dittes allienations ont esté faites

10des rois de France qui ont esté pour le temps, sans

aucun moiien, et nostre dit frère le tiegne en present

en sa main, il les laissera à nous entierement, excepté

que, se les rois de France les ont eus par escange à

aultres terres, nous deliverons ce qu’il en a eu par

15escange, ou nous laisserons à nostre dit frère les

coses ensi alienées. Mès, se li roy d’Engleterre qui

ont esté pour le temps de lors, en avoient aliené ou

transporté aucune cose en autres personnes que ès

rois de France, et ossi depuis il soient venus ès

20mains de nostre dit frère, espoir par partage, nostre

dit frère ne sera pas tenus de les nous rendre. Et

ossi, se les coses dessus dittes doient hommage, nostre

dit frère les baillera à aultres qui en feront hommage

à nous et à nos successeurs; et, se les dittes

25coses ne doient hommage, il nous baillera un teneur

qui nous en fera le devoir, dedens un an proçain

apriès ce que il sera partis de Calais. Item, le chastiel

et le ville et la signourie de Calais, le chastiel, le

ville et la signourie de Merk, les villes, chastiaus et

30signouries de Sangates, Coulongne, Hames, Walle et

[9] 9 Oye, avoech tières, bois, marès, rivières, rentes, signouries,

advoesons d’eglises, et toutes aultres apertenances

et lieus entregisans dedens les mètes et

bondes qui s’ensievent, c’est à savoir de Calais

5jusques au fil de le rivière par devant Gravelines,

et ossi par le fil meismes de la rivière [tout entour

Lengle, et aussi par la rivière qui va par delà Poil,

et aussi par mesme la rivière[352]] qui chiet ou grant

lay de Ghines, jusques à Fretin, et d’illuech par le

10vallée entour le montagne de Calkuli, encloant

meisme la montagne, et ossi jusques à la mer, avoech

Sangate et toutes ses appertenances; le chastiel et le

ville et tout entirement la conté de Ghines avoech

toutes les terres, villes, chastiaus, forterèces, lieus,

15hommes, hommages, signouries, bois, foriès, droitures

d’icelles, ossi entierement comme li contes de

Ghines darrainnement mort les tenoit au temps de

sa mort. Et obeiront les eglises et les bonnes gens

estans dedens les limitations de la ditte conté de

20Ghines, de Calais et de Merk et des aultres lieus dessus

dis, à nous, ensi comme il obeissoient à nostre

dit frère et au conte de Ghines qui fu pour le temps:

toutes lesquelz coses, comprises en ce present article

et l’article proçain precedent de Merk et de Calais,

25nous tendrons en demainne, excepté les hiretages

des eglises, [qui demourront as dites eglises[353]] entierement,

quel part qu’il soient assis, et ossi excepté les

hyretages des aultres gens des pays de Merk et de

Calais assis hors de le ville et fremeté de Calais

[10] 10 jusques à le value de cent livrées de terre par an, de la

monnoie courant ou pays, et en desous, [lesquels

hiretages leur demourront jusques à le value dessus

dite et en desous[354]]; mès [les] habitations et hyretages

5assis en la ditte ville de Calais avoech leur apertenances

demorront [en demaine à nous pour en

ordenner à nostre volunté. Et ossi demorront[355]] as

habitans en la terre, ville et conté de Ghines, tous

leurs demainnes entierement et y [revenront[356]] plainnement,

10sauf ce qui est dit par avant des confortacions,

mètes et bondes dessus dittes en l’article de Calais,

et tous les isles adjacens as terres, pays et lieus avant

nommés, ensamble avoech tous les aultres isles, lesquelz

nous tenions ou temps dou dit trettié. Et euist

15esté pourparlé que nostre dit frère et son ainsnet fil

renonçassent as [dis] ressors et souverainnetés et à

tout le droit qu’il poroient avoir as coses dessus

dittes, et que nous les tenissions comme voisins, sans

nul ressort et souverainneté de nostre dit frère ou

20royaume de France, et que tout le droit que nostre dit

frère avoit ès coses dessus dittes, il nous cedast et

transportast perpetuelement et à tous jours. Et ossi

euist esté pourparlé que samblablement nous et

nostres dit filz renoncissions expresseement à toutes

25les coses qui ne doient estre baillies ou delivrées à

nous par le dit trettié, et par especial au nom et au

droit de la couronne et dou royaume de France, et

hommage, souverainneté et demainne de la ducée de

[11] 11 Normendie, de la conté de Tourainne, des contés d’Angou

et du Mainne, de la souverainneté et hommage de

la conté et dou pays de Flandres, de la souverainneté

et hommage de la ducée de Bretagne, excepté que le

5droit dou conte de Montfort, tel qu’il le poet et doit

avoir en la ducé [et pais[357]] de Bretagne, nous reservons

et metons par mos exprès hors de nostre trettié, sauf

tant que nous et nostre dit frère de France venu à

Calais en ordenerons si à point, par le bon avis et

10conseil de nos gens à ce deputés, que nous metterons

à pais et à acord le dit conte de Montfort et nostre

cousin messire Charle de Blois, qui demande et calenge

droit à l’iretage de Bretagne. Et renonçons à

toutes aultres demandes que nous faisions ou faire

15porions, pour quelque cause que ce soit, exceptet les

coses dessus dittes qui doient demorer et estre baillies

à nous et à nos hoirs, et que nous leur transportissions,

cessissions et delaississions tout le droit que

nous porions avoir à toutes les coses qui à nous ne

20doient estre baillies: sus lesquelz coses, apriès pluiseurs

altercations eues sur ce, et par especial pour ce

que les dittes renunciations [ne se font pas de present,

avons finablement accordé avec nostre dit

frère par la manière qui s’ensuit, c’est assavoir que

25nous et nostre dit ainsné filz renoncerons et ferons

et avons promis à faire les renunciations[358]], transpors,

cessions et delaissemens dessus dis, quant et si tost

que nostre dit frère ara bailliet à nous ou à nos

gens especialment de par nous deputés, la cité et le

[12] 12 chastiel de Poitiers et toute la terre et le pays de

Poito, ensamble le fief de Touwart et la terre de Belleville,

le cité et le chastiel d’Agen, et toute la terre

et le pays d’Aginois, la cité et le chastiel de Pieregorch

5et toute la terre et le pays de Piereguis, la

chité et le chastiel de Caours et toute la terre et le

pays de Quersin, la chité et le chastiel de Rodais et

toute la terre et le pays de Roerge, la cité et le chastiel

de Saintes et toute la terre et le pays de Saintonge,

10le chastiel et le ville de le Rocelle et toute la

terre et le pays de Rocellois, le cité et le chastiel de

Limoges et toute la terre et le pays de Lymozin, le

cité et le chastiel d’Angouloisme, la terre et le pays

d’Angoulesmois, la terre et le pays de Bigorre, la

15terre de Gauvre, la conté de Pontieu et la conté de

Ghines: lesquelz coses nostre dit frère nous a prommis

à baillier, en le fourme que ci dessus est contenu,

ou à nos especiaus deputés, dedens un an ensievant,

lui parti de Calais pour retourner en France.

20Et tantos ce fait, devant certainnes personnes que

nostre dit frère deputera, nous et nostre dit ainsnet

fil ferons en nostre royaume en Engleterre ycelles

renunciations, transpors, cessions et delaissemens,

par foy et par sierement solenelment, et d’icelles ferons

25bonnes lettres ouvertes seelées de nostre grant

seel, par [la] manière et fourme comprises en nos

aultres lettres sur ce faites, et que compris est ou dit

trettiet, lesquèles nous envoierons à la feste de l’Assumption

Nostre Dame proçainnement ensiewant, en

30l’eglise des Augustins en le ville de Bruges, et les ferons

baillier à ceulz que nostre dit frère y envoiera

lors pour les recevoir. Et, se dedens le terme qui mis

[13] 13 y est, nostre dit frère ne pooit baillier ne delivrer

aisiement à nous ou à nos deputés les cités, villes,

chastiaus, lieus, forterèces et pays ci dessus nommés,

comment que il en doie faire son plain pooir sans

5nulle dissimulation, il les nous doit delivrer et baillier

ou faire delivrer et baillier dedens le terme de

quatre mois ensievant l’an acomplit. Avoech toutes

ces coses et aultres qui s’ensievront chi apriès, est

dit et acordé par le teneur dou trettié que nous,

10renvoiié et ramené nostre frère de France en le ville

de Calais, six sepmainnes apriès ce que il y sera venus,

nous devons recevoir, ou nos gens à ce especialment

de par nous deputés, six cens mille frans, et par quatre

ans ensievant cescun an six cens mille frans, et de

15ce delivrer et mettre en ostage et envoiier demorer en

nostre cité de Londres en Engleterre des plus nobles

dou royaume de France, qui point ne furent prisonnier

à le bataille de Poitiers, et de dix neuf cités et

villes des plus notables dou royaume de France, de

20çascune deux ou quatre hommes, ensi comme il

plaira à nostre conseil. Et tout ce acompli, les hostages

venus à Calais et le premier paiement paiiet, ensi

que dit est, nous devons nostre frère de France et

Phelippe son jone fil delivrer quittement en le ville

25de Boulongne sus mer, et tous ceulz qui avoech yaus

furent prisonnier à le bataille de Poitiers, qui ne seroient

rançonné à nous ou à nos gens, sans paiier

nulles raençons. Et pour ce que nous savons de verité

que nostres cousins messires Jakemes de Bourbon,

30qui pris fu à le bataille de Poitiers, a tousjours

mis et rendu grant painne à ce que pais et acord

fuissent entre nous et nostre dit frère de France, en

[14] 14 quelconque estat qu’il soit, rançonnés ou à rançonner,

nous le deliverons sans coust et sans fret avoecques

nostre dit frère en le ville de Boulongne, mès

que cilz trettiés soit tenus ensi que nous esperons

5qu’il le sera. Et ossi nous a prommis nostre dit frère

que il et son ainsnet fil renonceront et feront samblablement

lors et par le manière dessus ditte les renonciations,

transpors, cessions et delaissemens, acordés

par le dit trettié à faire de leur partie, si comme

10est dit dessus. Et envoiera nostre frère ses lettres

patentes seelées de son grant seel as dis lieus et termes,

pour les baillier et delivrer as gens qui de par

nous y seront deputé, samblablement, comme dit est.

Et ossi nous a prommis et acordé nostre dit frère

15que li et si hoir surserront, jusques as termes des

dittes renunciations dessus esclarcis, de user de

souverainnetés et ressors en toutes les cités, contés, villes,

chastiaus, forterèces, pays, terres, isles et lieus que

nous tenions ou temps dou dit trettié, lesquelz nous

20doient demorer par le dit trettié, et as aultres qui à

cause des dittes renunciations et dou dit trettié nous

seront baillies et doient demorer à perpetuité à nous

et à nos hoirs, sans ce que nostre dit frère ou ses

hoirs ou aultres, à cause de le couronne de France,

25jusques as termes dessus esclarcis et yceulz [durans[359]],

puissent user d’aucuns services de souverainneté ne

demander subjection sur nous, nos hoirs, nos subjès

d’icelles, presens et à venir, ne querelles ou appiaus

en leur court recevoir, ne rescrire à ycelles, ne de

30juridition aucune user à cause des cités, contés,

[15] 15 chastiaus, villes, terres, islez et lieus proçainnement

nommez. Et nous a ossi acordé nostre dit frère que

nous, nos hoirs ne aucuns de nos subgès, à cause

des dittes cités, contés, chastiaus, villes, pays, terres,

5isles et lieus proçains avant dis, comme dit est, soions

tenus ne obligiés del recognoistre nostre souverain,

ne de faire aucune subjection, service ne devoir à lui

ne à ses hoirs ne à le couronne de France jusques as

termes des renunciations devant dittes. Et ossi acordons

10et prommetons à nostre dit frère que nous et

nos hoirs [surserrons[360]] de nous appeller et porter title

et nommer roy de France, par lettres ou aultrement,

jusques as termes dessus nommés et yceulz [durans[361]].

Et combien que ès articles dou dit acord et trettié de

15le pais, ces presentes lettres ou aultres dependans des

dis articles ou de ces presentes ou aultres quelconques

que elles soient, soient ou fuissent aucunes [pareilles[362]],

ou fait aucun que nous ou nostre dit frère

deissions ou feissions, [qui[363]] sentesissent translation

20ou renunciations taisibles ou expresses des ressors et

souverainnetés, est li intentions de nous et de nostre

dit frère que les avant dis souverainnetés et ressors

que nostre dit frère se dit avoir ens ès dittes terres

qui nous seront baillies, comme dit est, demorront

25en l’estat ouquel elles sont à present; mais toutesfois

il surserra de en user et demander subjection, par

le manière dessus ditte, jusques as termes dessus

esclarcis. Et ossi volons et acordons à nostre dit frère

[16] 16 que, apriès ce que il ara baillies les dittes cités, contés,

chastiaus, villes, forterèces, terres, pays, isles et

lieus dessus nommés, ensi que baillier les nous doit

ou à nos deputés, parmi sa delivrance et renunciations,

5transpors et cessions qui sont à faire de se

partie par lui et par son ainsné fil, faites et envoiiés

as dis lieus et jour à Bruges les dittes lettres, et bailliés

as deputés de par nous, que la renunciation,

cession, transport et delaissement à faire de nostre

10partie soient tenues pour faites. Et par habundant

nous renunçons dès lors par exprès au nom, au droit

et au calenge de le couronne et dou royaume de France

et à toutes les coses où nous devons renuncier par

force dou dit trettié, si avant comme pourfiter pora

15à nostre dit frère et à ses hoirs. Et volons et acordons

que par ces presentes le dit trettiet de pais et

acord fait entre nous et nostre dit frère, [ses[364]] subgès,

alliiés et adherens d’une part et d’autre, ne soit,

quant as aultres coses contenues en ycelli, empiré et

20afoibli en aucune manière; mais volons et nous plaist

que il soient et demeurent en leur plainne force et

virtu. Toutes lesquèles coses en ces presentes lettres

escriptes, nous, rois d’Engleterre [dessus dit[365]], volons,

octroions et prommetons loyaument et en bonne foy,

25et par nostre sierement fait sus le corps de Dieu et

sur saintes Ewangiles, tenir, garder, enteriner et

acomplir sans fraude et sans mal engin de nostre

partie. Et à ce et pour ce faire, obligons à nostre dit

frère de France nous et nos hoirs, presens et à venir,

[17] 17 en quelque lieu qu’il soient. Et renonçons par nos

dis fois et sieremens, à toutes exceptions de fraude, de

decevance, de crois [prinse[366]] et à prendre, et à impetrer

dispensation de pape ou d’autre au contraire,

5laquèle, se impetrée estoit, nous volons estre nulle et

de nulle valeur, et que nous ne nous en puissions

aidier, et as drois disans que royaume ne pora estre

devisé et general renonciation [non[367]] valloir fors en

certainne manière, et à tout ce que nous porions faire,

10dire ou opposer au contraire en jugement et dehors.

En tesmoing desquèles coses, nous avons fait mettre

nostre grant seel à ces presentes lettres, données à

Bretegni dalés Chartres, le vingt cinquime jour dou

mois de may, l’an de grasce Notre Signeur mil trois

15cens et soixante.»

§ 476. Quant ceste lettre, qui s’appelle li une des

chartres de le paix, car encores en y eut des aultres

faites et seelées en celle anée en le ville de Calais, si

com je vous en parleray, quant temps et lieus seront,

20fu jettée, on le moustra au roy d’Engleterre et à son

conseil. Liquelz rois et ses consaulz, quant il l’eurent

oy lire, respondirent as trettieurs qui de ce s’estoient

ensonniiet et en istance de bien cargié: «elle nous

plaist moult bien ensi.»

25Dont fu ordonné que li abbes de Clugni et frères

Jehans de Lengres et messires Huges de Genève, sires

d’Antun, qui pour le duch de Normendie y estoient

commis, partesissent de là, la chartre grossée et seelée

[18] 18 avoech eulz, et venissent à Paris devers le duch

et son conseil et leur remoustrassent l’ordenance

dessus ditte et en fesissent au plus briefment qu’il

peuissent relation.

5Li dessus nommé s’i acordèrent volentiers et retournèrent

à Paris où il furent receu à grant joie. Si

se traisent devers le duch de Normendie et ses frères,

le duch d’Orliiens present et le plus grant partie dou

conseil de France. Là remoustrèrent li dessus dit

10moult couvignablement sus quel estat il avoient parlé

et quel cose fait et esploitié; il furent volentiers oy,

car la pais estoit moult desirée. Là fu la dessus ditte

lettre leute et bien examinée, ne onques n’i fu de

point ne d’article debatue; mais seela li dus de Normendie

15comme ainsnés filz dou roy de France et

hoirs dou roy son père. Et furent assés tost apriès li

dessus dit trettieur renvoiiet devers le roy d’Engleterre

qui les attendoit en son host priès de Chartres.

Quant il furent venu, il n’i eut mies grans parlemens,

20car il disent que à toutes ces coses li dus de

Normendie, si frère, leurs oncles et tous li consaulz

de France estoient doucement et benignement

acordé.

Ces nouvelles plaisirent grandement bien au roy

25d’Engleterre et à son conseil. Adonc, pour le mieulz

faire que laissier, et pour plus grant seurté, fu en

l’ost le roy d’Engleterre une triewe criée à durer jusques

à le Saint Michiel en un an à tenir fermement

et establement entre le royaume de France et le

30royaume d’Engleterre et tous leurs adherens et alliés,

d’une part et d’aultre, et dedens ce terme, bonne

pais entre les dis rois et leurs parties. Et tantost

[19] 19 furent ordonné sergant d’armes de par le roy de

France, commis et envoiiet de par le duch de Normendie,

qui se esploitièrent parmi le royaume de

France de chevaucier et de noncier publikement ens

5es cités, villes, chastiaus, bours et forterèces, ceste

triewe et esperance de pais, lesquèles nouvelles furent

partout volentiers oyes.

Encores revenu les dessus dis trettieurs en l’ost le

roy d’Engleterre, il requisent au dit roy et à son conseil,

10que quatre baron d’Engleterre, comme procureur,

à lui venissent avoech yaus en le cité de Paris

pour venir jurer le pais en son nom, pour mieulz

apaisier le peuple: laquel cose li rois d’Engleterre

acorda moult volentiers. Et y furent ordonné et envoiié

15li sires de Stanfort, messires Renaulz de Gobehem,

messires Guis de Briane et messires Rogiers de

Biaucamp, banereth. Cil quatre signeur, à l’ordenance

de leur signeur, se partirent et se misent au

chemin avoecques l’abbé de Clugni et monsigneur

20Hughe de Genève, et chevaucièrent tant qu’il vinrent

au Montleheri.

Quant cil de Paris sceurent leur venue, par le

commandement dou duch de Normendie, toutes les

religions et li clergiés, en grant reverense et à pourcessions,

25widièrent de le cité et vinrent bien avant

sus les camps contre les barons d’Engleterre dessus

nommés, et les amenèrent ensi moult honnourablement

dedens Paris. Et encores vinrent contre yaus

pluiseur hault signeur et grant baron de France, qui

30lors se tenoient dedens Paris, et sonnèrent toutes les

cloches de Paris à leur venue. Et furent, à ce donc

qu’il entrèrent en le cité, toutes les grans rues

[20] 20 jonchies et parées de draps d’or, ossi honnourablement

comme on pooit aviser et deviser; et ensi

furent il amené au palais qui richement estoit appareilliés

pour eulz recevoir. Là estoient li dus de Normendie,

5si frère, leurs oncles li dus d’Orliiens et

grant fuison de prelas et de signeurs dou royaume

de France, qui les recueillièrent bellement et reveramment.

Là fisent au palais, present tout le peuple, cil

10quatre baron d’Engleterre sierement et jurèrent ou

nom dou roy leur signeur et de ses enfans, sus le

corps Jhesu Cris sacré et sus saintes Ewangiles, à tenir

et à acomplir le dit trettié de le pais, si com ci dessus

est esclarcis. Ces coses faites, il furent mené ou

15palais, et là festiié et honnouré très grandement dou

duch de Normendie, de ses frères et des haus barons

de France qui là estoient. Apriès ce, il furent mené

en le Sainte Chapelle dou palais, et lor furent moustrées

les plus belles reliques et li plus digne jeuiel

20dou monde qui là estoient et sont encores, et meismement

la sainte couronne dont Diex fu couronnés

à son saintisme traveil. Et en donna li dus de Normendie

à çascun des chevaliers une des plus grandes

espines de la ditte couronne, laquèle cose cescuns

25des chevaliers prisa moult et le tint au plus noble

jeuiel que on li peuist donner. Et furent là ce jour

et le soir et l’endemain, jusques apriès disner; et

quant il prisent congiet, li dus de Normendie fist à

çascun donner un moult biel et bon coursier richement

30paré et ensellé, et pluiseurs aultres biaus jeuiaus,

desquelz je me passerai assés briefment, et dont il

remerciièrent grandement le duc de Normendie.

[21] 21 Apriès ce, il se partirent dou dit duc et des signeurs

qui là estoient, moult amiablement, et s’en

retournèrent devers le roy lor signeur, et y vinrent

l’endemain assés matin en grant compagnie de gens

5d’armes qui les convoiièrent jusques à là, et qui devoient

ossi le roy d’Engleterre et ses gens conduire

jusques à Calais, et faire ouvrir cités, villes et chastiaus,

pour yaus laissier passer [parmy[368]] paisieulement

et aministrer tous vivres.

10 § 477. Quant il furent parvenu jusques en l’ost le

roy d’Engleterre leur signeur, il li recordèrent com

honnourablement il avoient esté receu, et li remoustrèrent

les dignes jeuiaus que li dus de Normendie

lor avoit donnés. De quoi li rois eut grant joie et

15festia grandement le connestable de France et les

signeurs qui là estoient venu, et leur donna biaus

dons et grans jeuiaus et assés.

Adonc fu ordonné que toutes manières de gens se

deslogassent et traisissent bellement et en pais devers

20le Pont de l’Arce, [pour[369]] là passer le Sainne, et puis

vers Abbeville, pour passer le Somme, et puis aller

tout droit à Calais. Dont se deslogièrent toutes manières

de gens et se misent au chemin. Et avoient

ghides et chevaliers de France envoiiés de par le

25duch de Normendie qui les conduisoient et les menoient

ensi comme il devoient aler.

Li rois d’Engleterre, quant il se parti, passa parmi

la cité de Chartres et y herbega une nuit. A l’endemain,

[22] 22 il vint moult devotement et si enfant en l’eglise

de Nostre Dame, et y oïrent messe; et y fisent grande

offrande et puis s’en partirent et montèrent à cheval.

Si entendi que li rois et si enfant vinrent à Harflues

5en Normendie, et là passèrent il le mer et retournèrent

en Engleterre. Li demorant de l’host vinrent

au mieulz qu’il peurent sans damage et sans

peril, et partout leur estoient vivre appareillié pour

leur argent jusques en le ville de Calais. Et là prisent

10li François congiet d’yaus qui les avoient aconvoiiés.

Si passèrent li Englès depuis, au plus bellement qu’il

peurent, sans damage et sans peril et retournèrent en

Engleterre.

Sitost que li rois d’Engleterre fu retournés arrière

15en son pays, qui y vint auques des premiers, il se

traist à Londres. Et fist mettre hors de prison le roy

de France et le fist venir secretement au palais à

Wesmoustier; et se trouvèrent en le chapelle dou

dit palais. Là remoustra li rois d’d’Engleterre au roy

20de France tous les trettiés de le pais, et comment ses

filz li dus de Normendie, ou nom de lui, avoit juret

et seelé à savoir quel cose il en disoit. Li rois de

France, qui ne desiroit aultre cose fors sa delivrance,

à quel meschief que ce fust, et issir hors de prison,

25ne l’euist jamais contredit ne mis empeecement à ces

ordenances; mès respondi que Diex en fust loés

quant pais estoit entre yaus. Quant messires Jakemes

de Bourbon seut ces nouvelles, si en fu durement

resjoys; et vint à Londres au plus tost qu’il peut

30devers l’un roy et l’autre qui li fisent grant cière.

Depuis chevaucièrent il tout ensamble et li princes

de Galles en leur compagnie; et vinrent à Windesore

[23] 23 là où madame la royne estoit, qui moult fu resjoie de

leur venue et de la pais dou roy son signeur et dou

roy de France son cousin. Si eut là grans approcemens

d’amours entre ces parties, et donnés et rendus

5grans dons et biaus jeuiaus. Depuis fu il acordé que

li rois de France et ses filz et li baron de France, qui

là estoient pour le temps, se partesissent et se traisissent

devers Calais. Adonc prisent il congiet à la royne

d’Engleterre et à ses filles, qui moult estoit lie de le

10pais et dou departement dou roy de France. Si

aconvoia li rois d’Engleterre le roy de France jusques

à Douvres, et là le tint tout aise ens ou chastiel de

Douvres deux jours, et tous les François ossi. Au

tierch jour, il entrèrent en mer, li princes de Galles,

15li dus de Lancastre, li contes de Warvich, messires

Jehans Chandos et pluiseur aultre signeur en leur

compagnie, et arrivèrent à Calais environ le Saint

Jehan Baptiste. Si se tinrent en le ditte ville de

Calais tout aisiement, et attendirent là un terme les

20messagiers dou duch de Normendie qui devoient

aporter le finance de six cens mille frans [de France[370]].

Mais li paiemens ne vint mies si tost comme on esperoit

que il deuist venir, car il ne fu pas si tost recueilliés

des officiiers dou roy de France. Si vinrent li dus de

25Normendie et si doi frère en le cité d’Amiens, pour

mieulz oïr tous les jours nouvelles dou roy leur père

et attendre à ses besongnes et à sa delivrance. Et

entrues se coeilloit li paiemens parmi le dit royaume.

Si entendi et oy recorder adonc que messires Galeas,

30sires de Melans et de pluiseurs cités en Lombardie,

[24] 24 fist ce premier paiement, parmi un trettiet qui se

mist avant adonc, car il avoit un sien fil à marier;

si rouva au roy de France que il li vosist donner et

acorder une sienne fille: parmi tant il paieroit ces

5six cens mille frans. Li rois de France qui se veoit

en dangier, pour avoir l’argent plus appareilliet, s’i

acorda legierement. Or ne fu mies cilz mariages si

tost fais ne acordés ne confremés, pour quoi la

finance ne fu mies si tost apparillie ne ne vint avant.

10Si couvint ce dangier souffrir au roy de France et

attendre l’ordenance de ses gens.

§ 478. Quant li princes de Galles et li dus de Lancastre,

qui se tenoient à Calais dalès le roy de France,

veirent que li termes passoit et que li paiemens point

15ne s’approçoit, si eurent volenté de retourner en

Engleterre. Et misent ordenance [en ce[371]], et laissièrent

le roy de France en le garde de quatre moult

souffissans chevaliers, monsigneur Renault de Gobehem,

monsigneur Gautier de Mauni, monsigneur Gui

20de Briane et monsigneur Rogier de Biaucamp. Et

paioit li rois de France ses frès et les frès de ces

signeurs et de leurs gens: si montèrent grant fuison

le terme de quatre mois qu’il furent à Calais.

Or vous parlerons d’aucuns chevaliers englès, chapitains

25de garnisons, qui se tenoient en France et

estoient tenus deux ans ou trois en avant, ançois

que pais se fesist. Cil qui avoient apris à guerriier et

à heriier le pays, furent moult courouciés de ces

nouvelles, quant il eurent commandement dou roy

[25] 25 d’Engleterre qu’il partesissent; mès amender ne le

peurent. Si vendirent li pluiseur leurs forterèces à

chiaus dou pays environ, et en reçurent grant argent.

Et puis s’en partirent li aucun; et li aucun ne s’en

5veurent mies partir ensi, qui avoient apris à pillier.

Et fisent guerre comme en devant, en l’ombre dou

roy de Navare; et ce furent cil qui se tenoient sus

les marces de Normendie et de Bretagne. Mès messires

Eustasses d’Aubrecicourt, qui se tenoit dedens

10le ville de Athegni, quant il s’en parti, le vendi bien

et chier à chiaus dou pays. Or prist il simplement

ses couvens, dont il fu depuis mal paiiés, et si n’en

eut aultre cose. Si se partirent tout cil qui tenoient

forterèces en Laonnois, en Soissonnois, en Pikardie,

15en Brie, en Gastinois et en Campagne. Si retournoient

li aucun, qui avoient assés gaegniet, en leurs

pays, ou qui estoient tanet de guerriier, et li pluiseur

se retraioient en Normendie devers les forterèces

navaroises.

20Or vint cilz paiemens de ces six cens mille florins en

le ville de Saint Omer et fu tous quois, mis et arestés

en l’abbeye c’on dist de Saint Bertin, sans porter

adonc plus avant, car li aucun hault baron de France,

qui esleu et nommé estoient pour estre ostagiier et

25entrer en Engleterre, refusoient et ne voloient venir

avant et en faisoient grant dangier. De quoi, se li

argens fust paiiés et delivrés en le ville de Calais as

Englès, et li signeur de France ne volsissent entrer

en ostagerie, ensi que couvens et ordenance de

30trettié se portoient, la ditte somme des florins fust

perdue, la pais fust brisie, et li rois Jehans de France

fust remenés arrière en Engleterre. Sus ces coses

[26] 26 avoit bien manière et avis de regarder comment on

en peuist user.

§ 479. Ensi demora li rois de France à Calais, dou

mois de jullet jusques en le fin dou mois d’octembre.

5Quant ces coses furent si approcies que li paiemens

premiers tous pourveus, si com chi dessus est dit,

et venu à Saint Omer cil qui devoient entrer en ostagerie

pour le roy de France, et li rois d’Engleterre

enfourmés de toutes ces coses, il rapassa le mer à

10grant quantité de signeurs et de barons et vint de

rechief à Calais. Là eut grans parlemens de l’une

partie et l’autre dou conseil des deux rois qui par

l’ordenance de le paix s’appelloient frère. Là furent

de rechief leutes, avisées et bien examinées les lettres

15qui s’appellent chartre de le pais, à savoir se

riens y avoit à mettre ne à oster ne nul article à

corrigier. Et tous les jours donnoient li doy roy l’un

à l’autre à disner, et leurs enfans, si grandement et

si estoffeement que merveilles seroit à penser. Et estoient

20en reviaus et en recreations ensamble si ordonneement

que grant plaisance y prendoient toutes

manières de gens au regarder. Et laissoient li doi

roy leurs gens et leurs consaulz couvenir dou sourplus:

siques entre yaus il fu là avisé et regardé pour

25le milleur et pour le plus grant seurté que aultres

lettres, comprendans tous les articles de le pais, fuissent

escriptes et seelées les deux rois presens et leurs

enfans. Et pour tant que li certains arrès de le pais

venoit et descendoit dou roy d’Engleterre, ces lettres

30qui furent là faites dient ensi.

[27] 27 § 480. «Edouwars, par le grasce [de] Dieu roy d’Engleterre,

signeur d’Irlande et d’Acquitainne, à tous

ceulz qui ces presentes lettres veront, salut. Savoir faisons

que nous, pensans et considerans que les rois et

5princes crestiiens, qui voelent bien gouvrener le peuple

qui leur est subget, doient fuir et eschiewer guerres,

dissentions et discors, dont Diex est offendus, et

querre et amer, pour eulz et pour leurs subgès, pais,

unité et concorde, par laquèle l’amour dou souverain

10roy des roys poet estre acquise, li subget sont gouvrené

en transquilité et as perilz des guerres est obvié,

et recordans les grans maulz, damages et afflictions

que nostre royaume et no subget ont soustenu par

lonch tamps, pour cause et occasion des guerres et

15descors qui ont duré longement entre nous et nostre

très chier frère le roy de France, et les royaumes,

subgès, amis et aidans et alliiés d’une part et d’autre,

sur laquèle entre nous et nostre dit frère finablement

est fais bons accors, et bonne pais refourmée, et desirans

20ycelle garder [et] tenir, et perseverer en vraie

amour perpetuelment par bonnes et fermes alliances

entre nous et nostre dit frère, nos hoirs et les royaumes

voisins et les subgès de l’un et de l’autre, par

quoi justice en soit mieuls gardée et exersée, les

25drois et les signouries de l’un et de l’autre mieulz

deffendus, les rebelles, malfaiteurs, desobeissans [à]

l’un [et] à l’autre estre plus aisiement constrains à obéir

[et cesser des rebellions et excès[372],] et toute crestienté

estre maintenue en plus paisieule estat, et la Terre

30Sainte en poroit estre mieus secourue et aidie; et

[28] 28 toutes ces coses et aultres attendans, et considerans

que nostre Saint Père le pape ait dispensé, par grant

deliberation avoech nous et nostre dit frère de France,

c’est à savoir avoec nous et tous nos subgès, tant de

5gens d’eglise comme de seculers, sus toutes les

confederations, alliances, couvenances, obligations,

liens et sieremens qui [pourroient[373]] iestre entre nous,

nostre royaume et nos subgès, d’une part, et le pays

et les bonnes villes, [gens et subgès[374]] de le conté de

10Flandres, d’autre part; comme le bien et l’effect de la

ditte pais entre nous et nostre dit frère de France,

les royaumes [et] subgès de France et d’Engleterre,

poeent estre empeeciet par ycelles, et pour ce les ait

le dit nostre Saint Père cassées, ostées, anullées et

15irritées dou tout, si comme en ses lettres et procès

sur ce fait est plus plainnement contenu: pour

consideration des cessions et causes dessus dittes, et

ossi [voulliantz[375]] acomplir, en tant comme touchier

nous poet, le dit acort fait sus les dittes alliances, si

20comme ottriié l’avons comme dit est, et [eue[376]] sur

ce très grande et meure deliberation, avons fait et

par ces presentes faisons pour nous, nos enfans, nos

hoirs et successeurs, nostre roialme, noz terres quelconques

et nos subjiz, d’une part, et le royaume de

25France, ses terres et ses subgès, d’autre part, perpetuelles

alliances, confederations, amistés, pactions et

couvenances qui apriès s’ensievent: c’est assavoir

que nous, nos enfans, nos hoirs et successeurs, nostre

[29] 29 royaume, no terre et nos subgès quelconques,

presens et à venir, nés et à nestre, serons à tousjours

mès à nostre dit frère de France, ses hoirs, ses enfans

et successeurs, le royaume de France, ses terres et

5ses subgès quelconques, bons, vrais et loyaus amis et

alliiés, et les garderons à nostre loyal pooir, leurs

honneurs et leurs drois. Et où nous sarions ne porions

savoir leur deshonneur, leur vitupère et leur

damage, nous leur noncerions ou ferions noncier. Et

10empeecerons et greverons de tout nostre pooir leurs

ennemis [presens et advenir[377]], nés et à nestre, quelz

qu’il soient; ne nul [conseil[378]], confort ne ayde encontre

eulz ne soufferons ne ne donrons, par quelque

cause et occasion que ce soit ou puist estre, en appert

15ou en repost, ne ne dirons ne ferons; ne yceulz

ennemis, au damage et prejudisse de nostre dit frère,

ses hoirs ou le royaume de France, secretement ne

receptrons ne recevrons, ne recepter ne recevoir ferons

ou soufferons en aucune manière, en nostre

20royaume ou aultres nos terres et nos signouries; ne

par yceulz royaume et terres ou aucun d’eulz, ou prejudisce

et damage de nostre dit frère, ses hoirs successeurs,

le royaume de France, ses terres et ses subgès,

leurs dis ennemis passer ne demorer sciamment soufferons;

25ne aultrement yceulz ennemis, pour nous ou

pour aultres, en appert ou en repost, sour quelque

title ou couleur que ce soit, contre nostre frère, ses

hoirs ou ses subgès et le royaume de France et aultres

terres, ne porterons ne soustendrons; nos amis

[30] 30 et nos alliiés à leur amour et alliances, se il nous en

requièrent, de nostre pooir enduirons. Et ne soufferons

aucuns de nos subgès ne aultres quelconques

aler ne entrer ou royaume de France ou aultres terres

5de nostre dit frère, ses enfans, hoirs et successeurs,

pour y faire guerre, damage ou offense aucune,

as gages ou au service d’autrui ou aultrement, par

quelconques cause et manière que ce soit; ançois les

empeecerons et destourberons de tout nostre pooir.

10Et, se aucun de nos subgès faisoient le contraire ou

aucune guerre villainne ou damage à nostre dit frère

ou royaume de France, par terre ou par mer, à

ses enfans, hoirs et successeurs ou subgès, nous les

en punirons ou ferons punir si grandement qu’il sera

15exemples à tous aultres. Et de tout nostre pooir ferons

reparer et radrecier tous les damages, attemptes ou

emprises fais contre ces presentes alliances, se nous

en sommes requis. Et toutes fois que nostre dit frère,

ses hoirs et successeurs aront mestier de nostre ayde,

20et il nous en requerront ou feront requerre, nous,

encontre toute personne qui puisse vivre et morir,

leur aiderons et donrons tout le bon conseil, confort

et ayde, à leurs propres frès et despens, que nous

ferions ou porions faire pour nostre propre fait et

25besongne, et sans fraude et mal engin, non contrestant

quelconques aultres alliances, amistés et confederations

que nous et nostre predicesseur avons

eues ou temps passé à quelconques aultres persones,

asquèles toutes et çascune d’icelles nous renonçons

30dou tout pour nous, nos successeurs, royaume, terres

et subgès à tous jours mès par ces presentes, reservé

toutesvoies et exepté le pape et le saint collège de

[31] 31 Romme, et l’empereur de Romme qui ores est, lesquels

nous ne volons estre compris en ces presentes

alliances, en aucune manière. Et pour ce que les

alliances, confederations, couvenances, pactions et

5aultres coses dessus dittes et çascune d’icelles soient

plus fermement tenues, gardées et acomplies, nous

avons juré sus le saint corps Jhesu Cris sacré, et encore

jurons et prommetons par le foy de nostre corps

et en parolle de roy, les coses dessus dittes et çascune

10d’icelles tenir fermement et acomplir à tous

jours, sans les enfraindre en tout ou en [partie, en]

aucune manière, par quelconques cause et occasion

que ce soit. Et, se nous faisions, procurions ou souffrions

sciamment le contraire estre fait, ce que Diex

15ne voeille, nous volons estre tenu et reputé en tous

liex et en toutes places et en tous cas, pour faulz,

mauvais et desloyaus parjure, et encourre en tel

blasme et tel diffame comme roy sacré doit encourir

en tel cas. Par ces presentes alliances, nous n’entendons

20ne volons que aucun prejudice se face à nous

ne à nos hoirs et subgès, par quoi nous [et] eulz ne

porions et porons recepter, porter et tenir tous les

banis dou royaume de France et afuis, presens et à

venir, nés et à nestre, par quelconques cause et occasion

25que ce soit, par manière qui a esté fait et

acoustumé de faire ou temps passé. Et soumettons,

quant à toutes ces coses, nous, nos hoirs et successeurs,

à le juridition et cohertion de l’eglise de Romme.

Et volons et consentons, tant comme en nous, que

30nostre Saint Père le pape conferme toutes ces coses,

en donnant monitions et mandemens generaulz sour

l’acomplissement d’icelles contre [nous], nos hoirs et

[32] 32 successeurs et contre tous nos subgès, soient communes,

collèges, universités ou personnes singulères

quelconques, et en donnant sentenses generaulz

d’escumeniement, de suspention et de [interdiction[379]],

5pour estre encourut par nous et par eulz, sitost que

nous et euls ferons ou attempterons, en occupant

ville, chastiel et forterèce, ou aultre cose quelconque

faisant, ratefiant ou aggrevant, en donnant conseil,

confort, faveur ou aide, celeement ou en appert,

10contre la ditte pais et ces certainnes alliances. Et

avons fait samblablement jurer toutes les devant

dittes coses par nostre très chier fil ainsné le prince

de Galles, et nos filz puisnés, Leonniel, conte de

Dulnestre, Jehan, conte de Ricemont, Aymon, conte

15de Langlée, et nos cousins, monsigneur Phelippe de

Navare, et les dus de Lancastre et de Bretagne, le

conte de Stanfort et le conte de Sallebrin, le signeur

de Mauni, Gui de Briane, Renault de Gobehem, le

captal de Beus, le signeur de Montferrant, Jame

20d’Audelée, Rogier de Biaucamp, Jehan Chandos,

Raoul de Ferrières, chapitainne de Calais, Edowart

le Despensier, Thomas et Guillaume de Felleton,

Eustasse d’Aubrecicourt, Franke de Halle, Jehan de

Montbray, Bietremieus de Bruwes, Henri de Persi,

25Nicole de Tambourne, Richart de Stafort, Guillaume

de Grantson, Jehan de Gommegnies, Raoul Spigreniel,

Gastonnet de Graili et Guillaume Bourtonne,

chevaliers. Et ferons ossi jurer samblablement, au

plus tost que faire porons bonnement, nos aultres

30enfans et la plus grant partie des prelas, des eglises,

[33] 33 contes, barons et aultres nobles de nostre royaume.

En tesmoing de laquel cose, nous avons fait mettre

nostre seel à ces presentes lettres, données en nostre

ville de Calais, le vingt quatrime jour dou mois d’octembre,

5l’an de grasce Nostre Signeur mil trois cens

et soixante.»

§ 481. Quant ceste lettre, qui s’appelle confederation

et alliance entre le roy de France et le roy

d’Engleterre, fu grossée et seelée sus le fourme et

10manière que vous avés oy, on le lisi et publia devant

les deux rois et tous leurs enfans et consaulz qui là

estoient present. Si sambla à çascun estre belle et

bonne et grant conjonction d’amour et de pais.

Adonc se traisent d’un lés li consaulz dou roy de

15France, et consillièrent une longhe espasse ensamble

sus les renonciations que li rois d’Engleterre devoit

faire et avoit prommis à faire par le trettié de le

pais donné et ordonné à Bretegni priès de Chartres,

lui venut à Calais.

20Quant il en eurent parlé ensamble, il se traisent

devers le roy d’Engleterre et son conseil, le roy de

France present qui avoit toutdis parlé à lui, tant que

ses gens avoient consilliet. Et là requist li evesques

de Tieruane, canceliers de France et promeus à estre

25cardinaulz, au dit roy d’Engleterre que il volsist

acomplir de point en point le dit trettié de le pais

et tous les articles, à le cautèle dou temps à venir.

Li rois d’Engleterre respondi qu’il en estoit tous

desirans, mès que on li desist de quoi et comment.

30Là fu aportée la ditte chartre de le pais et leute

generalment. Et apriès ce li consauls dou roy de

[34] 34 France requisent que une chartre auques samblable

à ceste, faisans mention plainnement des renunciations,

fust grossée pour mieus confermer leurs ordenances

et apaisier toutes gens as quelz la pais pooit

5touchier. Li rois d’Engleterre et ses consaulz l’acordèrent

legierement et volentiers. Dont furent li trettieur

et li plus grant partie dou conseil de l’un roy

et de l’autre mis ensamble. Et là fu une grosse lettre

jettée de rechief et puis escripte notablement et

10grossée sus la date de la precedent alliance et

confederation: laquèle chartre des renunciations dist

ensi.

§ 482. «Edowars, par le grasce de Dieu roy d’Engleterre,

signeur d’Irlande et d’Acquitainne, à tous

15ceulz qui ces presentes veront, salut. Savoir faisons

que nous avons prommis et prommetons baillier ou

faire baillier et delivrer realment et de fait au roy

de France nostre très chier frère ou à ses deputés

especiaus en celle partie as frères Augustins dedens

20la ville de Bruges, au jour de la feste Saint Andrieu

proçain venant en un an, lettres seelées de nostre

grant seel en las de soie, en cire vert, ou kas que

nostre dit frère ara fait les renonciations qu’il doit

faire de se partie et nostre très chier neveu son fil

25ainsné, et ycelles baillier à nos gens ou deputés au

dit lieu et terme, par le manière que obligié y sont:

desquèles lettres la teneur de mot en mot s’ensieut

ensi.

Edowars, par le grace de Dieu roi d’Engleterre,

30signeur d’Irlande et d’Acquitainne, savoir faisons à

tous presens et à venir que, comme guerres mortèles

[35] 35 aient longement duret entre nous, qui avons

reclamé avoir droit au royaume et à le couronne de

France, d’une part, et le roy Phelippe de France

lui vivant, et après son decès entre nostre très chier

5frère son fil le roy Jehan de France, d’autre part,

et aient porté moult grans damages, non pas seulement

à nous et à tout nostre royaume, mès as

royaumes voisins et à toute crestienté; car par les

dittes guerres sont maintes fois avenues batailles

10mortèles, occisions de gens, pillemens, arsures et

destruction de peuple et perilz de ames, defloration

de pucelles et de viergenes, deshonnestemens de

femmes mariées et veves, et arsures de villes, de abbeies

et de manoirs et de edefisses, roberies et [oppressions[380]],

15guettemens de voies et de chemins, justice

en est fallie et la foy crestiienne refroidie et

marchandise perie, et tant d’autres malefisces et horribles

fais s’en sont ensievoit qu’il ne poeent estre dit,

nombret ne escript, par lesquèles nostre dit royaume

20et li aultre royaume par crestienneté ont soustenu

moult d’afflictions et de damages inreparables. Pour

quoi, nous, considerans et pensans les maulz dessus

dis et que vraisamblable estoit que plus grant s’en

poroient venir ou temps à venir, et aians grant pité

25et grant compassion de nostre peuple qui, en le

[prosecucion[381]] de nos guerres, ont exposé leurs corps et

leurs biens à tous perilz, sans eskiewer despens et

mises, dont nous devons bien avoir perpetuèle memore,

avons pour ce soustenu par pluiseurs fois

[36] 36 trettié de pais, premierement par le moiien de honnourables

pères en Dieu pluiseurs cardinaulz et messages

de nostre Saint Père le pape, qui à grant diligense

[et instance[382]] y travillièrent pour le temps de

5lors, et depuis ce y ait eu pluiseurs trettiés pourparlés

et pluiseurs voies touchies entre nous et nostre

dit frère de France. Finablement, ou mois de may

darrainnement passet, vinrent en France messages

10de par nostre Saint Père le pape, nostre très chier et

feal l’abbet de Clugni, frères Symons de Lengres,

mestre en divinité, mestre de l’ordene des Frères

Preeceurs, et Hughe de Genève, chevalier, signeur

d’Antun, où nous estions lors en nostre host. Et tant

alèrent et vinrent li dit message devers nous et

15devers nostre très chier neveu Charle duc de Normendie,

dalphin de Viane et regent pour le temps

dou royalme de France, que en pluiseurs lieus se

assamblèrent trettieurs d’une partie et d’aultre, pour

parler et trettiier de pais entre nous et nostre dit frère

20de France et les royaumes de l’un et de l’autre. Et

au darrainnier se assamblèrent li dit trettieur et procureur

de par nous et de par nostre ainsné fil le

prince de Galles, as coses dessus escriptes par especial

deputés, et li procureur et trettieur de nostre dit

25frère et son ainsné fil, aiant à ce pooir et auctorité

de l’un et de l’autre, à Bretegni priès de Chartres, ouquel

lieu fu parlé, trettié et acordé des trettieurs et

procureurs de l’une partie et l’autre, sus tous les

discors, dissentions et guerres que nous et nostre dit

30frère avions l’un contre l’autre: lequel trettié et pais

[37] 37 li procureur d’une partie et d’autre, pour l’une partie

et pour l’autre, jurèrent sus saintes Ewangiles tenir

et garder; et apriès le jurèrent nostres dis filz

[solempnelment[383]] pour nous et pour lui, et le dit nostre

5neveu le duch de Normendie, aiant à ce pooir, pour

son dit père nostre frère et pour lui. Apriès ces coses

ensi faites et à nous raportées et exposées, consideret

que nostre dit frère de France s’acordoit et consentoit

au dit trettiet et voloit ycelui et la pais tenir,

10garder et acomplir de sa partie, yceulz trettiés et

pais, dou conseil et consentement de pluiseurs de

nostre sanch et linage, dus, contes, chevaliers et

gens d’eglise, de [barons[384]] et aultres nobles, bourgois

et aultres sages de nostre royaulme, pour apaisier

15les guerres, les maulz et les doleurs dessus

dis dont le peuple estoit si malement mené, si com

dessus est dit et escript, à l’onneur et la glore dou

roy des roys, et pour reverense de Sainte Eglise,

de nostre Saint Père le pape et de ses messages,

20avons consenti et consentons, et le rattefions, greons

et approuvons, comme, par le teneur dou dit trettié

et pais, nostre dit frère de France doit delivrer et

delaissier, et a baillié, delivré et delaissié, si comme

il est contenu en ses lettres sur ce faites plus plainnement,

25à perpetuité à nous, pour nous et pour nos

hoirs et successeurs, à tenir perpetuelment [et] à

tous jours toutes les coses qui s’ensievent, par le manière

que nostre dit frère et ses filz et leurs ancisseurs

rois de France les ont tenu dou temps passé,

[38] 38 c’est à savoir, ce qui est en souverainneté, à tenir en

souverainneté [et ce qui est en demaine, tenir en

demaine[385], et ce qui est en fief, à tenir en fief,

et sans rappiel à tous jours mès pour lui ne pour ses

5hoirs, quelzconques qu’il soient, presens et à venir:

c’est à savoir la cité et le chastiel et toute [la conté

de Poitiers, et toute[386] la terre et le pays de Poito,

ensamble le fief de Towart et la terre de Belleville,

la cité et le chastiel de Saintes et toute la terre et le

10pays de Saintonge par deçà et par delà le Charente,

la cité et le chastiel d’Agen, la terre et le pays d’Aghinois,

la chité, le chastiel et toute la conté de

Pieregorch et la terre et le pays de Piereguis, le cité

et le chastiel de Limoges et toute la terre et le pays

15de Limozin, la chité et le chastiel de Chaours et toute

la terre et le pays de Quersin, le ville, le chastiel et

[tout] le pays de Tarbe, et la terre, pays et conté de

Bigorre, la conté, la terre et le pays de Gauvre, le

cité et le chastiel d’Angouloisme et toute la terre

20et le pays d’Angoulesmois, la cité et le chastiel

de Rodais et toute la terre et le pais de Roerge,

et ce que nous ou aultres rois d’Engleterre anciennement

tindrent en le ville de Moustruel sus mer

et ès apertenances. Item, la conté de Pontieu tout

25entierement, sauf et excepté et selonch la teneur

de l’article contenu ou dit trettié qui de la ditte

conté fait mention. Item, le chastiel et le ville

[de Calais, le chastiel et ville[387] et la signourie de

Merk, les villes, chastiaus et signouries de Sangattes,

[39] 39 Coulongne, Hames, Walle et Oye, avoec les terres,

bois, marès, rivières, rentes, signouries et aultres

[choses[388] contenues en l’article dou trettiet faisant de

ce mention. Item, le chastiel, le ville et tout entierement

5la conté de Ghines, avoech toutes les terres,

villes, chastiaus, forterèces, lieus, hommes, hommages,

signouries, bois, foriès et droitures, selonc la

teneur de l’article faisant de ce mention plus plainnement

ou dit trettié, et avoech les isles et adjacens

10tierres, pays et lieus avant nommés, ensamble avoech

tous les aultres isles et adjacens tierres, pays et

lieus avant nommés, ensamble avoech tous les autres

isles, lesquels nous tenions à present et tenons,

c’est à entendre ou temps dou dit trettié. [Et

15comme par la forme et manière du dit traictié[389]] et

de le pais, nous et nostre dit frère le roy de France

devons et avons prommis, par foy et par sierement,

l’un à l’autre, yceulz trettiés et pais tenir et garder et

acomplir et non venir encontre, et soions tenu, nous

20et nostre dit frère et nos fils ainsnés dessus dis,

par obligation et prommesse, par fois et par sieremens

fais d’une partie et d’aultre, certainnes renunciations

l’un pour l’autre, selonch la fourme et teneur

dou dit article entre les aultres ou dit trettié de le

25pais, dont la fourme est tèle: Item, est acordé que le

roy de France et son ainsnet fil le regent, pour eulz

et pour leurs hoirs et pour tous les rois de France et

leurs successeurs à tous jours, et au plus tost qu’il se

pora faire, sans mal engin, et au plus tart dedens le

[40] 40 Saint Michiel prochain venant en un an, renderont

et bailleront au dit roy d’Engleterre et à tous ses

hoirs et successeurs, et transporteront en eulz tous

les honneurs et regalités, obedienses, hommages,

5ligeautés, vassaus, fiés, services, recognissances, sieremens,

droitures, mère et mixte impare, toutes manières

de juriditions, hautes et basses, ressors, sauvegardes,

signouries et souverainnetés qui apertenoient,

apertiennent et poront en aucune manière apertenir

10as rois et [à] la couronne de France ou à aucune aultre

personne, pour cause dou roy et de la couronne

de France, hoirs ne successeurs, tant de signeurs

comme de subgès nobles ou non nobles, en quelque

temps que ce soit, ès cités, contés, chastiaus, terres,

15pays, isles et lieus avant nommés, ou en aucun

d’iceulz, et à leur apertenances et apendances quelconques,

ou ès personnes, vassaus et subgès quelconques

d’iceulz, soient prince, duc, conte, visconte,

arcevesque, evesque et aultres prelas d’eglise, barons,

20nobles et aultres quelconques, sans riens à eulz,

leurs hoirs et successeurs, la couronne de France ou

aultre que ce soit, retenir ne reserver en yceulz, pour

quoi il ne leurs hoirs ou successeurs ou aucuns rois

de France, ou aultres que ce soit, à cause dou roy et

25de la couronne de France, aucune cose y poront calengier

ou demander ou temps à venir sus le roy

d’Engleterre, ses hoirs et ses successeurs, ou sus aucuns

des vassaus et subgès avant dis pour cause des

pays et lieus avant nommés, ensi que toutes les avant

30nommées personnes et leurs hoirs et successeurs

[perpetuelment seront hommes lieges et subgiz du

roi d’Engleterre et à touz ses heirs et successours[390],

[41] 41 et que le dit roy d’Engleterre, ses hoirs et ses

successeurs, toutes les personnes, cités, contés, terres,

pays, isles, chastiaus et lieus avant nommés et toutes

leurs apertenances et leur appendances aront et tenront,

5et à eulz demorront plainnement, perpetuelment

et franchement en leur signourie, souverainneté,

obeissance, ligeauté et subjection, comme les

rois de France les avoient et tenoient ens ou temps

passé, et que li dis rois d’Engleterre, ses hoirs et ses

10successeurs, aront et tendront perpetuelment et paisieulement

tous les pays avant nommés, avoech leurs

apertenances et appendances et les aultres coses

avant nommées, en toute francise et liberté perpetuèle,

comme signeur souverain et lige et voisin au

15roy de France et au dit royaume de France, sans y

recognoistre souverainneté ou faire obeissance, hommage,

ressort, subjection et sans faire ou temps à

venir aucun service et recognissance au roy ne à le

couronne de France, des contés, cités, chastiaus,

20terres, pays, isles, lieus et personnes avant nommées

ou pour aucune d’icelles. Item, est acordé que li

rois de France et ses ainsnés filz renonceront expressement

as dis ressors et souverainnetés et à tout le

droit qu’il ont ou poront avoir à toutes les coses

25qui par ce present trettié doient appertenir au roy

d’Engleterre. Et samblablement li rois d’Engleterre

et ses ainsnés filz renonceront expressement à toutes

les coses qui par ce present trettié ne doient estre baillies

ne données au roy d’Engleterre, et à toutes les

30demandes qu’il faisoit au roy de France, et par especial

[42] 42 au nom, au droit, as armes et au calenge de la

couronne de France et dou royaume, à l’ommage et

souverainneté et demainne de la ducé de Normendie,

de la ducé de Tourainne, des contés d’Ango et

5du Mainne, et à la souverainneté et hommage de la

ducé de Bretagne, et à la souverainneté et hommage

de la conté et dou pays de Flandres, et à toutes aultres

demandes que li rois d’Engleterre faisoit en devant

ou temps dou dit calenge ou faire poroit ou

10temps à venir au dit royaume de France, par quelconque

cause que ce soit, oultre et excepté ce qui

par ce present trettié doit demorer ou estre bailliés

[au roy d’Engleterre et à ses hoirs. Et transporteront,

cesseront et delaisseront li un roy à l’autre, perpetuelement

15tout le droit que chascuns d’eulx a ou peut

avoir en toutes les choses qui par ce present trettiet

doivent demourer ou estre baillies[391]] à çascun d’eulz;

et dou temps et lieu où et quant les dittes renonciations

se feront, [parleront et ordeneront les deus

20rois à Calays ensemble[392]]. Et pour ce que nostre dit

frère de France et son ainsnet fil, pour tenir et

acomplir les articles de la pais et accors dessus dis,

ont renonciet expressement as ressors et souverainnetés

compris ès dis articles, et à tout le droit qu’il

25avoient ou avoir pooient en toutes les coses dessus

dittes que nostre dit frère nous a à baillier, delivrer

et delaissier et ès aultres qui d’or en avant nous doient

demorer ou apertenir par les dis trettiés et pais:

[nous, parmi les dittes choses, renonchons expressement

[43] 43 à toutes les choses qui par les dis traitteurs et

pais] ne doivent estres baillies ne demorer à nous,

pour nous ne pour nos hoirs, et à toutes les demandes

que nous faisions ou porions faire envers nostre

5dit frère de France, et par especial, au nom et au

droit de la couronne et dou royaume de France, à

l’ommage, souverainneté et demainne de la ducé de

Normendie, dou ducé de Tourainne, des contés

d’Ango et du Mainne, et à la souverainneté et hommage

10dou pays et de la conté de Flandres, et à la

souverainneté et hommage de la ducé de Bretagne,

et à toutes aultres demandes que nous faisions ou

faire porions à nostre dit frère, pour quelque cause

que ce fust, oultre et excepté ce que par ce present

15trettié doit demorer à nous et à nos hoirs. Et en lui

transportons, cessons et delaissons, et il en nous, et

li uns en l’autre, au mieulz que nous poons, tout le

droit que cescuns de nous poroit ou poet avoir en

toutes les coses qui par le dit trettiet et pais doient

20demorer ou estre baillies à çascun de nous, sauf et

reservé as eglises et gens d’eglises ce qui à eulz apertient

ou poet apertenir, et que tout ce qui a esté

occuppé et est detenu dou leur pour ocquison des

guerres leur soit [recompensé, restitué[393] et] rendu et

25delivré, et que les villes et forterèces et tous les habitans

en ycelles seront et demorront en tèles libertés

et francises comme elles estoient par devant en

nostre main et signourie, et leur seront confremés

par nostre dit frère de France, se il en est requis, se

30contraires ne sont as coses devant dittes. Et soumetons,

[44] 44 quant à toutes ces coses, nous et nos hoirs et

successeurs à le juridition et cohertion de l’eglise de

Romme. Et volons et consentons que nostre Saint

Père le pape conferme toutes ces coses, en donnant

5monitions et mandemens generauls sus l’acomplissement

d’icelles contre nous, nos hoirs et successeurs,

et contre tous nos subgès, soient communes, collèges,

universités ou personnes singulères quelconques,

en donnant sentenses generauls d’escumeniement,

10de suspention et d’entredit, pour estre encheut

par nous ou par eulz par ce fait et si tost que nous ou

eulz ferons ou attempterons, en occuppant ville ou

chastiel, cité ou forterèce, ou aultre quelconque cose

faisant, ratefiant ou [aggreant[394]], en donnant conseil,

15confort, faveur ne ayde, celeement ou en appert,

contre la ditte pais: desquèles sentenses il ne puissent

estre absols jusques qu’il aient fait plenière satisfacion

à tous ceulz qui par celui fait aront soustenu

ou soustendront damage. Et avoech ce volons et

20consentons que nostre Saint Père le pape, pour ce

que plus fermement soit tenue et gardée la ditte pais

à perpetuité, toutes pactions, confederations, alliances

et couvenances, comment que elles puissent estre

nommées, qui poront estre prejudiciales ou obviier

25par quelque voie à la ditte pais ou temps present ou

à venir, supposé que elles fuissent fermes ou vallées

par painnes et par sieremens ou confremées de nostre

Saint Père le pape ou d’autres, soient quassées,

irritées et mises au noient, comme contraire au bien

[45] 45 commun et au bien de [paix commune[395]] et pourfitable

à toute crestienté, et desplaisans à Dieu, et

tous sieremens [fais en tel cas soient relaciés, et

diserné par le dit nostre Saint Père le pape, que

5nuls ne soit tenus à tels seremens[396]], alliances et

couvenances tenir ou garder, et deffendre que ou temps

à venir ne soient [faites[397]] tèles ou samblables; et, se

de fait aucuns attemptoit et faisoit le contraire, que

dès maintenant les casse et irrite, et rende nulles et

10de nulle vertu, et nientmains nous les en punirons,

comme violateurs de pais, par painne de corps et de

biens, si comme li cas le requerra et que raisons le

vodra. Et, se nous faisions, procurions ou souffrions

estre fait le contraire, que Diex ne voeille! nous

15volons estre tenu et reputé pour desloyal et mençongier,

et volons encourir en tel blasme et diffame

comme rois sacrés doit encourir en tel cas. Et jurons

sus le corps Jhesu Cris sacré les coses dessus dittes

tenir, garder et acomplir et encontre non venir par

20nous ou par aultre, par quelque cause ou manière

que ce soit. Et pour ce que les dittes coses et çascune

d’icelles soient, de point en point et par le fourme

et manière dessus ditte, tenues et acomplies, nous

obligons nous, nos hoirs et tous les biens de nous et

25de nos hoirs, à nostre dit frère le roy de France et

à ses hoirs, et jurons sus saintes Ewangiles, par

nous corporelment touchies, que nous parlerons,

attenderons et acomplirons, ou cas dessus dit, toutes

[46] 46 les devant dittes coses par nous prommises et

acordées, comme devant est dit. Et volons que, ou

cas que nostre dit frère et nostre dit neveu aroient

faites les renonciations et envoiies et baillies, comme

5dit est, et les dittes lettres ne fuissent baillies à nostre

dit frère ou à ses deputés, au lieu, au terme et

par le [fourme et[398] manière que dessus est dit, dès

lors ou cas dessus dit, nos presentes lettres et quanques

compris est dedens, aient tant de vigheur, d’effect

10et fermeté comme aroient nos aultres lettres par

nous prommises et baillies, comme dessus est dit,

sauf toutesvoies et reservé pour nous, nos hoirs et

successeurs, que les dittes lettres dessus encorporées

n’aient aucun effect, ne ne nous puissent porter aucun

15prejudisse ou damage jusques à ce que nostre

dit frère et nostre dit neveu aront faites, envoiies et

baillies les dittes renunciations par le manière dessus

ditte, et si souffissamment baillies et delivrées en

temps et en liu que il souffisse à nous et à nostre

20especial conseil, et ossi qu’il ne s’en puissent aidier

contre tous nous, nos hoirs et successeurs, en aucune

manière, se non ou cas dessus dit. En tiesmoing

de laquel cose, nous avons fait mettre nostre seel à

ces presentes lettres, données à Calais, le vingt quatrime

25jour dou mois de octembre, l’an de grasce

Nostre Signeur mil trois cens et soissante.»

§ 483. Quant ceste arrière chartre, qui s’appelle

lettre des renonciations tant d’un roy comme de

l’autre, fu escripte, grossée et seelée, on le lisi et

[47] 47 publia generaument en le cambre dou Conseil, presens

les deux rois dessus nommés et leurs consauls: si

sambla à çascun à estre belle et bonne, bien dittée et

bien ordenée. Et là de rechief jurèrent li doy roy et

5leur doy ainsnet fil, sus les saintes ewangiles corporelment

touchies et sus le corps Jhesu Cris sacré, à

tenir, garder et acomplir et non enfraindre tous les

coses dessus dittes. Depuis encores, par l’avis et regard

dou roy de France et de son estroit conseil et

10sus le fin de leur parlement, fu requis li rois d’Engleterre

que il volsist donner et acorder une commission

general qui s’estendesist sus tous ciaulz qui

pour le temps tenoient en l’ombre de se guerre

villes, chastiaus ou forterèces ou royaume de France,

15par quoi il euissent cause, commandement et cognissance

de vuidier et partir.

Li rois d’Engleterre, qui ne voloit que tout bien

et bonne pais nourir entre lui et son frère le roy de

France, ensi que juré et prommis l’avoit, descendi à

20ceste requeste legierement, et li sambla de raison.

Et commanda à ses gens que elle fust faite sus le

milleur fourme que on poroit, à l’entente et discretion

dou roy de France son frère et de son conseil.

Adonc de rechief se remisent li plus especial dou

25conseil des deux rois dessus nommés ensamble, et

fu là jettée, escripte et puis grossée, par l’avis de

l’un et de l’autre, une commission dont la teneur

s’ensieut ensi.

§ 484. «Edouwars, par le grasce de Dieu roy d’Engleterre,

30signeur d’Irlande et d’Acquitainnes, à tous

nos chapitainnes, gardes de villes et de chastiaus,

[48] 48 adherens et alliiés estans ès parties de France, tant

en Pikardie, en Bourgongne, en Ango, en Berri, en

Normendie, en Bretagne, en Auvergne, en Campagne,

en [Mainne[399]] et en Tourainne et en toutes les

5mètes et limitations dou demainne et de le tenure

de France, salut. Comme paix et acord soient fait

entre nous, nos alliiés, aidans et adherens, d’une

part, et nostre très chier frère le roy de France, ses

alliiés et adherens, d’autre part, sus tous les debas

10et descors que nous avons eu dou temps passet ou

porions avoir ensamble, et aions juré sus le corps

Jhesu Cris la ditte pais, et ossi nostre très chier fil et

ainsné et aultres enfans, et cil de nostre sanch avoec

pluiseurs prelas, barons, chevaliers et des plus notables

15de nostre royaume; et ossi ont juré nostre dit

frère et nostre dit neveu le duch de Normendie et

nos aultres neveus ses enfans et pluiseur de leur

sanch avoech pluiseurs prelas, barons, chevaliers dou

dit royaume de France; comme ensi soit ou aviegne

20que aucun guerrieur de nostre royaume et de nos

subgès se poront efforcier de faire ou d’entreprendre

aucune cose contre la ditte pais, en prenant ou detenant

forterèces, villes, cités ou chastiaus, ou faisant

pillage ou prenant gens ou arrestant leurs corps,

25leurs biens ou marchandises, ou aultres coses faisant

contre la ditte pais, de quoi il nous desplairoit très

grandement et ne le porions nullement ne vorrions

passer sus l’ombre de dissimulation en aucune manière,

nous volons obviier de tout nostre pooir ès

30coses dessus dittes. Si volons, desirons et ordonnons

[49] 49 par deliberation de notre conseil, de certainne sieute,

que, se nulz de nos subgès, de quelconques estat ne

condition qu’il soit, face ou efforce de faire contre

le pais, en faisant pillages, prenant ou detenant forterèces,

5personne ou biens quelconques dou royaume

de France ou aultres de nostre dit frère, de ses subgès,

alliiés et adherens ou aultres quelconques facent

contre la ditte pais, et il n’est delaissié, cessé et deporté

de ce faire et rendre les damages que fais ara

10dedens un mois apriès ce que il ara esté sur ce requis

par aucuns de nos officiiers, sergans, persones

publiques, [que[400]] par tel fait seulement et sans aultres

procès, condempnation ou declaration il soient dès

lors tous reputés pour banis de nostre royaume et

15de tout nostre pooir et ossi dou royaume et terre de

nostre dit frère, et tous leurs biens confisqués et

obligiés à nous et à nostre demainne. Et se il pooient

estre trouvé en nostre royaulme, nous commandons

et volons expressement que punitions en soit faite

20comme de traittes et rebelles à nous, par le manière

qu’il est acoustumé à faire en crime de l’estat majestal,

sans faire sur ce grace, remission, souffrance ne

pardon. Et samblablement le volons faire de nos

subgès, de quelconque estat qu’il soient, qui en

25nostre royaume deçà et delà la mer prenderont, occuperont

et detenront forterèces quelconques contre

le volenté à ceulz de qui elles seront, ou qui bouteront

feus, ranceneront villes ou personnes, en facent

pillages ou roberies, ou feront ou esmouveront

[50] 50 guerre en nostre pooir et sous nos subgès. Si mandons,

commandons et enjoindons destroitement et

expressement à tous nos seneschaus, baillieus, prevos,

chastellains ou aultres nos officiiers, sur quanque

5il se poeent fourfaire envers nous, et sus painne

de perdre leurs offisses, qu’il publient et facent publiier

ces presentes par tous les lieus notables de

leurs senescaudies, baillietés, prevostés et chastelleries,

et que nulz, ce mandement oy et veu, ne demeure

10en forterèce qu’il tiegne ou dit royaume de

France hors de l’ordenance et dou trettiet de le

pais, sus à estre ennemis à nous et à nostre dit frère

le roy de France, et toutes les coses dessus dittes

gardent et facent garder enterinement et acomplir

15de point en point. Et sacent tout que, se il en sont

negligent ou defallant, avoech le painne dessus ditte,

nous leur ferons rendre les damages à tous ceulz qui

par leur deffaute ou negligense aront esté grevés ou

damagiés. Et avoech ce les en punirons par tel manière

20qu’il sera exemples à tous aultres. En tesmoing desquèles

coses, nous avons fait faire cestes nos lettres

patentes, données à Calais le vingtquatrime jour dou

mois d’octembre, l’an de grasce Nostre Signeur mil

trois cens et soissante.»

25§ 485. Apriès toutes ces coses faites et devisées et

ces lettres et commissions baillies et delivrées, et si

bien tout ordonné par l’avis adonc de l’un et de l’autre

que les parties se tenoient pour content, voirs est

qu’il fu parlé de monsigneur Charle de Blois et de

30monsigneur Jehan de Montfort sus l’estat de Bretagne,

car cescuns reclamoit avoir grant droit à l’iretage

[51] 51 de Bretagne. Et quoique là en fust parlementé

et regardé comment on poroit couchier les coses et

yaus apaisier, riens n’en fu diffiniement fait; car, si

com je fui depuis enfourmés, li rois d’Engleterre et

5li sien n’i avoient mies trop grant affection. Car il

presumoient le temps à venir, pour ce que il couvenoit

toutes manières de gens d’armes de leur costé

partir et vuidier des garnisons et forterèces qu’il tenoient

à present et avoient tenu ou royaume de

10France, et retraire quel part que fust; et mieulz valoit

et plus pourfitable estoit que cil guerrieur et

pilleur se retraisissent en la ducé de Bretagne, qui est

uns des cras pays dou monde et bons pour tenir

gens d’armes, que donc qu’il revenissent en Engleterre,

15car leur pays en poroit estre perdus et robés.

Ceste imagination fist assés briefment passer les Englès

le parlement et l’article de Bretagne, dont ce fu

pechiés et mal fait que on n’en esploita aultrement;

car, se li doy roy volsissent bien acertes par l’avis

20de leurs consaulz, pais euist là esté entre les parties

dessus dittes, et se fust cescuns tenus à ce que on li

euist donné et departi, et si euist messires Charles de

Blois reus ses enfans qui gisoient prisonnier en Engleterre,

et si euist plus longement vescu qu’il ne

25fist. Et pour ce qu’il n’en fu riens fait, onques les

guerres ne furent si grandes en la ducé de Bretagne,

en devant l’ordenance de la pais des deux rois dont

nous parlons maintenant, que elles ont estet depuis,

si com vous orés avant en l’ystore et par les signeurs,

30barons et chevaliers dou pays de Bretagne qui ont

soustenu l’une opinion et l’autre: siques li dus

Henris de Lancastre, qui fil vaillans sires, sages et

[52] 52 imaginatis, et qui trop durement amoit le conte de

Montfort et son avancement, dist au roy Jehan de

France, present le roy d’Engleterre et le plus grant

partie de leurs consaulz: «Sire, encores ont les

5triewes de Bretagne, qui furent prises et données

devant Rennes, à durer jusques au premier jour de

may qui vient. Là en dedens envoiera li rois nos

sires, par le regard de son conseil, gens de par lui

et de par son fil le jone duch monsigneur Jehan de

10Montfort, en France devers vous, et cil aront pooir

et auctorité d’entendre et de prendre tel droit que li

dis messires Jehans poet avoir de le succession son

signeur de [père] à la ducé de Bretagne, et que vous

et vos consaulz et li nostres mis ensamble en ordonneront.

15Et pour plus grant seurté, c’est bon que les

triewes soient ralongies jusques à le Saint Jehan

Baptiste ensievant.» Ensi fu il fait comme li dessus

dis dus de Lancastre le parlementa, et puis parlèrent

li signeur d’aultre cose.

20§ 486. Li rois Jehans de France, qui avoit grant

desir de retourner en son royaume, et c’estoit raisons,

moustroit au roy d’Engleterre de bon corage

tous les signes d’amour qu’il pooit et ossi à son neveu

le prince de Galles, et li rois d’Engleterre otant bien

25à lui. Et par plus grant conjonction d’amour, li doi

roy, quoique il s’appelassent par l’ordenance de le

pais frère, donnèrent à quatre chevaliers, cescuns de

son costé, le somme de huit mil frans françois de

revenue par an, c’est à entendre cescun deux mil.

30Et pour ce que la terre de Saint Salveur le Visconte

en Constentin, qui venoit au roy d’Engleterre dou

[53] 53 costé monsigneur Godefroy de Harcourt, par don et

par vendage que li dis messires Godefrois en avoit

fait au dit roy d’Engleterre, si com il est contenu ci

dessus en ce livre, et que la ditte terre estoit hors

5de l’ordenance dou trettié de le pais, et couvenoit

que, quiconques tenist la terre, qu’il en fust homs de

fief et d’ommage au roy de France, et pour celi cause

li rois d’Engleterre l’avoit donné et reservé à monsigneur

Jehan Chandos, qui pluiseurs biaus services li

10avoit fais et à ses enfans. De quoi li rois de France,

par grant deliberation de corage et d’amour, le conferma

et seela, à le priière dou roy d’Engleterre, au

dit monsigneur Jehan Chandos, à tenir et possesser

ensi comme son bon hyretage. Si es ce une moult

15belle terre et rendable, car elle vault bien une fois

l’an seize mil frans. Encores avoech toutes ces coses

furent pluiseurs aultres lettres faites et alliances,

desquèlez je ne puis mies dou tout faire mention; car

quinze jours ou environ que li doy roy et leur enfant

20et leurs consaulz furent en le ville de Calais, tous les

jours y avoit parlemens et nouvelles ordenances, en

reconfermant et alloiant le paix. Et d’abundant

renouvelloient lettres, sans brisier ne corrompre les

premières, et les faisoient toutes sus une datte pour

25estre mieulz seures et plus approuvées, desquèles je

euch depuis le copie par les registres de le cancelerie

de l’un roy et l’autre.

§ 487. Quant toutes ces coses furent si bien devisées

et ordonnées que nulz n’i savoit ne pooit par raison

30riens amender ne corrigier, et que on ne cuidoit

mies, par les grandes alliances et obligations où li doy

[54] 54 roy et leur enfant estoient loiiet et avoient juret, que

ceste pais se deuist brisier, mais si fist, si com vous

orés avant ens ou livre, et que tout cil qui devoient

estre ostagiier pour le redemption dou roy de France

5furent venu à Calais, et que li rois d’Engleterre

leur eut juré à tenir et garder paisieulement en son

royaume, et que li sis cens mil florin furent paiiet

as deputés le roy d’Engleterre, li dis rois d’Engleterre

donna au roy de France en son chastiel de Calais un

10moult grant souper et bien ordonné. Et servirent si

enfant et li dus de Lancastre et li plus grant baron

d’Engleterre à nus chiés. Apriès ce souper, prisent finablement

li doy roy congiet li un à l’autre moult amiablement,

et retourna li rois de France à son hostel.

15A l’endemain, qu’il fu la vigile Saint Symon et Saint

Jude, se parti li rois de France de Calais, et tout cil de

son costet qui partir se devoient. Et se mist li rois de

France tout à piet en istance que pour venir en pelerinage

à Nostre Dame de Boulongne, et li princes

20de Galles et si doi frère en se compagnie, monsigneur

Leonniel et monsigneur Aymon. Et ensi vinrent il

tout de piet et devant disner jusques à Boulongne,

où il furent receu à grant joie. Et là estoit li dus de

Normendie, qui les attendoit. Si vinrent li dessus dit

25signeur tout à piet en l’eglise Nostre Dame de Boulongne,

et fisent leurs offrandes moult deuement, et

puis tournèrent en l’abbeye de laiens, qui estoit appareillie

pour le roy recevoir et les enfans dou roy

d’Engleterre. Si furent là ce jour et la nuit ensievant

30dalés le roy en grant revel; et l’endemain bien

matin il retournèrent à Calais devers le roy leur père,

qui les attendoit. Si repassèrent tout cil signeur

[55] 55 ensamble le mer et li ostagiier de France: ce fu la

vigile de Toussains l’an mil trois cens et soissante.

§ 488. Or est raisons que je vous nomme tous les

nobles dou royaume de France qui entrèrent en Engleterre

5pour le roy de France: premierement monsigneur

Phelippe duc d’Orliiens jadis filz dou roy

Phelippe de France, en apriès ses deux neveus, le

duch d’Ango et le duch de Berri, et puis le duch de

Bourbon, le conte d’Alençon, monsigneur Jehan

10d’Estampes, Gui de Blois pour le conte Loeis de

Blois son frère, le conte de Saint Pol, le conte de

Harcourt, le conte daufin d’Auvergne, monsigneur

Engherant signeur de Couci, monsigneur Jehan de

Lini, le conte de Porsiien, le conte de Brainne, le

15signeur de Montmorensi, le signeur de Roie, le

signeur de Praiiaus, le signeur d’Estouteville, le signeur

de Clères, le signeur de Saint Venant, le

signeur de la Tour d’Auvergne, le signeur d’Englure,

le signeur de Trainiel, le signeur de Maulevrier,

20le signeur de Bouberk et le signeur d’Andresel

et encores des aultres que je ne puis ou sai

tous nommer. Ossi de la bonne cité de Paris, de

Thoulouse, de Roem, de Rains, de Bourges en Berri,

de Tours en Touraine, de Lyons sus le Rosne, de

25Sens en Bourgongne, d’Orliiens, de Troies, de Chaalons

en Champagne, d’Amiens, de Biauvais, d’Arras,

de Tournay, de Kem en Normendie, de Saint Omer,

de Lille et de Douay, de çascune deux ou quatre

bourgois. Si passèrent finablement tout le mer et

30s’en vinrent amanagier en le bonne cité de Londres.

Là les recarga li rois d’Engleterre au maieur de Londres

[56] 56 et à ses officiiers, et leur commanda et enjoindi,

sur quanqu’il se pooient meffaire envers lui, que il

fuissent à ces signeurs et à ces gens courtois, et les

fesissent yaus et leurs gens tenir en pais, car il estoient

5en se garde. Li commandemens dou roy fu

tenus et bien gardés en toutes manières. Et aloient

cil hostagier jeuer sans peril et sans rihote aval le

cité de Londres et environ. Et li signeur aloient cachier

et voler à leur volenté et yaus esbatre et deduire

10sus le pays et veoir les dames et les signeurs

ensi comme il leur plaisoit; ne onques ne furent

constraint, mais trouvèrent le roy d’Engleterre moult

amiable et moult courtois. Or parlerons un petit dou

roy de France qui estoit venus à Boulongne.

15§ 489. Li rois de France ne sejourna gaires à Boulongne

sus mer, mès s’en parti tantost apriès le fieste

de le Toussains, et vint à Moustruel et puis à Hedin,

et fist tant que il entra en le bonne cité d’Amiens, et

partout estoit il receus grandement et noblement.

20Quant il eut esté à Amiens, où il se tint priès jusques

au Noel, il s’en parti et vint à Paris. Là fu il solennelment

et reveramment receus, et à grans pourcessions

de tout le clergié de Paris amenés et aconvoiiés

jusques au palais là où il descendi, et messires Phelippes

25ses filz ossi, et tout li signeur qui avoecques

le roy estoient. Et là fu li disners grans et nobles et

bien estoffés. Je ne vous aroie jamais devisé com

poissamment li rois de France fu recueilliés, à ce retour

en son royaume, de toutes manières de gens,

30car il y estoit moult desirés. Se li donna on des biaus

dons et fist on des riches presens, et le vinrent veoir

[57] 57 et viseter li prelat et li baron de son royaume, et le

festioient et conjoissoient ensi comme il apertenoit,

et li rois les recevoit doucement et bellement, car

moult bien le savoit faire.

5§ 490. Assés tost apriès ce que li rois Jehans fu

retournés en France, passèrent le mer li commis et

establi de par le roy d’Engleterre pour prendre le

possession de[s] terres, des pays, des contés, des

seneschaudies, des cités, des villes, des chastiaus et des

10forterèces qui li devoient estre baillies et delivrées

par le trettiet de le pais. Si ne fu mies si tost fait,

car pluiseurs signeurs en le Langue d’och ne veurent

mies de premiers obeir ne yaus rendre au roy d’Engleterre,

quoique li rois de France les quittast de foy

15et d’ommage, et leur venoit à trop grant contraire et

diversité ce que estre englès les couvenoit, et especialment

ens ès lontainnes marces, le conte de Pieregorch,

le conte de Comminges, le visconte de

Chastielbon, le visconte de Quarmain, le signeur de

20Taride, le signeur de Pincornet et pluiseur aultre.

Et s’esmervilloient trop dou ressort dont li rois de

France les quittoit. Et disoient li aucun que il n’apertenoit

mies à lui à quitter et que par droit il ne le

pooit faire, car il estoient en le Gascongne trop anciiennement

25chartret et privilegiiet dou grant Charlemainne,

qui fu rois de France et d’Alemagne et emperères

de Romme, que nuls rois de France ne pooit

mettre le ressort en aultre court qu’en le sienne, et

pour ce ne veurent mies cil signeur de premiers legierement

30obeir. Mais li rois de France, qui voloit

tenir et à son pooir acomplir ce qu’il avoit juret et

[58] 58 seelet, y envoia monsigneur Jakemon de Bourbon,

son chier cousin, liquelz apaisa le plus grant partie

de ces signeurs. Et devinrent homme cil qui devenir

le devoient au roy d’Engleterre, li contes d’Ermignach,

5li sires de Labreth et moult d’aultres qui à le

priière dou roy de France et de monsigneur Jakemon

de Bourbon obeirent, com envis que ce fust.

A l’autre costé, ossi sus le marine, en Poito et en

Rocellois et tout en Saintonge, vint il à trop grant

10desplaisir as barons, as chevaliers et as bonnes villes

dou pays, quant il les couvint estre englès. Et par

especial cil de le ville de le Rocelle ne s’i voloient

acorder et s’escusèrent par trop de fois, et detriièrent

plus d’un an que onques il ne veurent laissier entrer

15Englès en leur ville. Et se poroit on esmervillier des

douces, amiables et piteuses parolles qu’il escrisoient

et rescrisoient au roy de France, en suppliant pour

Dieu que il ne les volsist mies quitter de leurs fois

ne eslongier de son demainne ne mettre en mains

20estragnes, et que il avoient plus chier à estre tailliet

tous les ans de le moitiet de leur chavance que donc

que il fuissent ens ès mains des Englès. Sachiés que

li rois de France, qui veoit leur bonne volenté et

loyauté et ooit leurs escusances moult souvent, avoit

25grant pité d’yaus; mais il leur mandoit et rescrisoit

affectueusement et songneusement que il les couvenoit

obeir: aultrement la pais seroit enfrainte et brisie,

par lequel coupe ce seroit trop grant prejudisse

au royaume de France. Siques quant cil de le Rocelle

30veirent le destroit, et que escusances ne moustrances

ne priières que il fesissent ne valloient riens,

il obeirent, mès ce fu à trop grant dur. Et disent bien

[59] 59 li plus notable de le ville de le Rocelle: «Nous aourrous

les Englès des lèvres, mais li coers ne s’en mouvera

ja.»

Ensi eut li rois d’Engleterre le saisine et possession

5de la ducé d’Aquitainnes, de la conté de Pontieu et de

Ghines et de toutes les terres que il devoit avoir par

deçà la mer, c’est à entendre ou royaume de France,

qui li estoient données et acordées par l’ordenance

dou trettié. Et proprement en ceste anée passa messires

10Jehans Chandos, comme regens et lieutenans de

par le roy d’Engleterre, et vint prendre le possession

de toutes les terres dessus dittes, les fois et les hommages

des contes, des viscontes, des barons et des

chevaliers, des cités, des villes et des forterèces, et

15mist et institua partout seneschaus, baillieus, officiiers

à sen ordenance, et vint demorer à Niorth. Si

tenoit li dis mesires Jehans Chandos grant estat et

noble, et bien avoit de quoi, quant li rois d’Engleterre

qui moult l’amoit le voloit, et certes il en estoit

20bien merites, car il fu doulz chevaliers, courtois et

amiables, larges, preus; sages et loyaus en tous estas

et qui vaillamment se savoit estre et avoir entre tous

signeurs et toutes dames, onques chevaliers de son

temps mieus de li.

25§ 491. Entrues que li commis et deputé de par le

roy d’Engleterre prendoient les saisines et possessions

des terres dessus dittes, si com ordenance de

trettié et de pais se portoit, estoient aultre commis et

establi ossi de par le roy d’Engleterre ens ès mètes

30et limitations de France avoecques les gens dou roy

de France, qui faisoient vuidier et partir toutes

[60] 60 manières de gens d’armes des fors et des garnisons qu’il

tenoient. Et leur commandoient et enjoindoient

estroitement, sus à perdre corps et avoir et estre

ennemi au roy d’Engleterre, que il baillassent et delivrassent

5les forterèces qu’il tenoient as gens dou

roy de France. Là avoit aucuns chapitainnes, chevaliers

et escuiers de le nation et dou ressort d’Engleterre

qui obeissoient et qui rendoient ou faisoient rendre

par leurs compagnons les dis fors qu’il tenoient.

10Et s’en y avoit ossi de telz qui ne voloient obeir;

et disoient qu’il faisoient guerre en l’ombre et nom

dou roy de Navarre. Et encores en y avoit assés d’estragnes

nations qui estoient grant chapitainne et

grant pilleur qui ne s’en voloient mies partir si legierement

15telz que Alemans, Braibençons, Flamens,

Haynuiers, Bretons, Gascons, mauvais François qui

estoient apovri des guerres: se voloient recouvrer au

guerriier le dit royaume de France. De quoi telz manières

de gens perseverèrent en leur mauvaisté et

20fisent depuis moult de mauls ou dit royaume, oultre

tous chiaus qui grever les voloient. Et quant les

chapitainnes des dis fors estoient parti courtoisement

et avoient rendu ce qu’il tenoient et il se trouvoient

sus les camps, il donnoient leurs gens congiet. Cil

25qui avoient apris à pillier et qui bien savoient que

de retourner en leur pays ne lor estoit point pourfitable,

ou espoir n’i osoient il retourner pour les villains

fais dont il estoient acusé, se cueilloient ensamble

et faisoient nouviaus chapitainnes et prendoient

30par droite election tout le pieur des leurs, et

puis chevauçoient oultre en sievant l’un l’autre. Si

se recueillièrent premierement en Champagne et en

[61] 61 Bourgongne, et fisent là grandes routes et grandes

compagnies qui s’appelloient les Tart Venus, pour

tant que il avoient encores peu pilliet ens ou

royaume de France. Si vinrent et prisent soudainnement

5en Campagne le fort chastiel de Genville et très

grant avoir dedens que on y avoit assamblé de tout

le pays d’environ sus le fiance dou fort lieu. Et quant

ces Compagnes eurent trouvé ce grant avoir, qui bien

estoit prisiés à cent mil frans, il le departirent entre

10yaus tant qu’il peut durer. Et tinrent le chastiel un

temps; et coururent et gastèrent tout le pays de

Champagne, l’evesqué de Vredun, de Toul et de

Lengres. Et quant il eurent assés pilliet, il passèrent

oultre, mès il vendirent ançois le chastiel de Genville

15à chiaus dou pays et en eurent vingt mil

frans.

Et puis entrèrent en Bourgongne et là s’en vinrent

esbatre et reposer et rafreschir, en attendant l’un

l’autre; et y fisent moult de mauls et de villains fais,

20car il avoient de leur acord aucuns chevaliers et escuiers

dou pays qui les menoient et conduisoient. Si

se tinrent un grant temps entours Besençon, Digon

et Biaune et robèrent tout celi pays, car nulz n’aloit

au devant. Et prisent le bonne ville de Givri en

25Biaunois et le robèrent et pillièrent toute, et se tinrent

là un temps et entours Vregi pour le cause dou

cras pays. Et toutdis accroissoit leurs nombres, car

cil qui se partoient des forterèces et lesquels leur

mestre donnoient congiet, se traioient tous celle part.

30Si furent bien dedens le quaresme quinze mil combatans.

Quant il se trouvèrent si grant nombre, il ordonnèrent

et establirent entre yaus pluiseurs chapitainnes

[62] 62 à qui il obeirent dou tout. Si vous en

nommerai aucuns. Li plus grans mestres entre yaus

estoit uns chevaliers de Gascongne, qui s’appelloit

messires Segins de Batefol: cilz avoit de se route

5bien deux mil combatans. Encores y estoient Talbart

Talbardon, Guios dou Pin, Espiote, le Petit Meschin,

Batillier, Hanekin François, le Bourch Camus,

le Bourc de Lespare, Naudon de Bagherant, le

Bourch de Bretueil, Lamit, Hagre l’Escot, Albrest,

10Ourri l’Alemant, Bourduelle, Bernart de la Sale, Robert

Briket, Carsuelle, Ainmenion d’Ortige, Garsiot

dou Chastiel, Guionet de Paus, Hortingo de la Salle

et pluiseurs aultres.

Si se avisèrent ces Compagnes, environ le mi quaresme,

15qu’il se trairoient vers Avignon et iroient

veoir le pape et les cardinaulz. Si passèrent oultre et

entrèrent en le conté de Mascons et s’adrecièrent

pour venir en le conté de Forès, ce bon cras pays,

et vers Lyons sus le Rosne.

20§ 492. Li rois de France entendi ces nouvelles

que ces Compagnes monteplioient ensi, qui gastoient

et essilloient son royaume: si en fu durement courouciés;

car il li fu dit et remoustré par grant especialité

de conseil que ces Compagnes poroient si

25montepliier que ilz feroient plus de mauls et de villains

fais ou royaume de France, ensi que ja faisoient,

que li guerre des Englès n’euist fait. Si eut avis et

conseil li dis rois que d’envoiier contre yaus et combatre.

Si en escrisi li rois de France especiaument et

30souverainnement devers son cousin, monsigneur

Jakemon de Bourbon, qui se tenoit adonc en le ville

[63] 63 de Montpellier; et avoit mis nouvellement monsigneur

Jehan Chandos en le saisine et possession de

pluiseurs terres, cités, villes et chastiaus de la ducé

de Ghiane, si comme ci dessus est contenu. Et li

5mandoit li dis rois que il se fesist chiés contre ces

Compagnes et presist tant de gens d’armes de tous

costés que il fust fors assés pour yaus combatre.

Quant messires Jakemes de Bourbon entendi ces

nouvelles, il s’avala incontinent vers Avignon sans

10faire nulle part point d’arrest. Et envoioit partout

lettres et messages en priant et commandant les nobles,

chevaliers et escuiers, ou nom dou roy de

France, que il traisissent avant devers Lyons sus le

Rosne, car il voloit ces males gens combatre. Li dis

15messires Jakemes de Bourbon estoit tant amés des

gentilz hommes parmi le royaume de France que

cescuns obeissoit à lui très volentiers. Si le sievoient

chevalier et escuier de tous costés, d’Auvergne, de

Limozin, de Prouvence, de Savoie et de le daufiné

20de Viane. Et d’autre part ossi revenoient grant fuison

de chevaliers et d’escuiers de la ducé et de la conté

de Bourgongne, que li jones dus de Bourgongne y

envoioit. Si se traioient toutes ces gens d’armes et

passoient oultre, ensi qu’il venoient, devers Lyons sus

25le Rosne et en le conté de Mascons. Si s’en vint messires

Jakemes de Bourbon en le conté de Forès dont

la contesse de Forès sa suer estoit dame de par ses

enfans, car li contes de Forès ses maris estoit nouvellement

trespassés. Et gouvrenoit pour le temps

30d’adonc messires Renaulz de Forès, frères au dit

conte, la conté de Forès, liquelz recueilla le dit

monsigneur Jakemon et ses gens moult liement. Et

[64] 64 là estoient si doi neveu, et neveu ossi à monsigneur

Jakemon, à qui il les representa moult doucement.

Li dis messires Jakemes les reçut moult bellement et

les mist dalés lui pour chevaucier et yaus armer et

5pour aidier à deffendre leur pays, car les Compagnes

tiroient à venir celle part.

§ 493. Quant ces routes et ces Compagnes, qui se

tenoient vers Chalon sus la Sone et environ Tournus

et tout là en ce bon pays et cras, entendirent que li

10François se recueilloient et assambloient pour yaus

combatre, si se traisent les chapitainnes tout ensamble

pour avoir avis et conseil comment il se maintenroient.

Si nombrèrent entre yaus leurs gens et

leurs routes et trouvèrent qu’il estoient environ seize

15mil combatans, uns c’autres. Si disent ensi entre

yaus: «Nous irons contre ces François qui nous desirent

à trouver et les combaterons à nostre avantage,

se nous poons, ne mies aultrement. S’aventure donne

que li fortune soit pour nous, nous serons tout riche

20et recouvré pour un grant temps, tant en bons prisonniers

que nous prenderons que en ce que nous

serons si redoubté où nous irons que nus ne se mettera

contre nous; et se nous perdons, nous serons

paiiet de nos gages.»

25Cilz pourpos fu entre yaus tenus et arrestés. Si se

deslogièrent et montèrent contremont par devers les

montagnes pour entrer en le conté de Forès et venir

sus le rivière de Loire. Et trouvèrent en leur chemin

une bonne ville qui s’appelle Chierleu, dou bailliage

30de Mascons; si l’environnèrent et assallirent fortement

et se misent en grant painne dou prendre. Et

[65] 65 y furent à l’assaut un jour tout entier, mès riens n’i

fisent, car elle fu bien gardée et bien deffendue des

gentilz hommes dou pays qui s’i estoient retrait:

aultrement elle euist esté prise. Il passèrent oultre et

5s’espardirent parmi la terre le signeur de Biaugeu

qui marcist illuech, et y fisent moult de maulz. Et

puis tantost entrèrent en l’arcevesquié de Lyons; et

ensi qu’il aloient et cheminoient, il prendoient petis

fors où il se logoient et fisent moult de destourbiers

10partout où il conversèrent. Et prisent un chastiel, et

le signeur et la dame dedens, qui s’appelle Brinay, à

trois liewes de Lyons sus le Rosne. Là se logièrent il

et arrestèrent, car il entendirent que li François estoient

tout trait sus les camps et apparillié pour yaus

15combatre.

§ 494. Ces gens d’armes, assamblés avoech monsigneur

Jakemon de Bourbon qui se tenoit à Lyons

sus le Rosne et là environ, entendirent que les Compagnes

approçoient durement et avoient pris le ville

20de Brinay et encores des aultres fors, et gastoient et

exilloient tout le pays. Si despleurent moult ces nouvelles

à monsigneur Jakemon de Bourbon, pour tant

que il avoit en gouvrenance le conté de Forès, la

terre à ses neveus, et ossi fist il à tous les aultres. Si

25se misent as camps, et se trouvèrent grant fuison de

bonnes gens d’armes, chevaliers et escuiers, et

chevaucièrent par devers les ennemis et envoiièrent

leurs coureurs devant pour savoir quels gens il trouveroient.

30Or vous dirai le grant malisse des Compagnes: il

estoient logiet sus une montagne et avoient envoiiet

[66] 66 desous, [en lieu[401]] où on ne les pooit aviser ne approcier,

la droite moitié de leurs gens et les mieus à

harnas, et laissièrent ces coureurs françois, tout de

fait aviset, approcier si priès d’yaus que il les euissent

5bien, se il volsissent. Et retournèrent cil sans

damage devers monsigneur Jakemon de Bourbon et

le viconte d’Usès et messire Renault de Forès et les

signeurs qui là les avoient envoiiés. Si en recordèrent

au plus priès qu’il peurent de ce que il avoient

10veu et disent ensi: «Nous avons veu les Compagnes

rengies et ordenées sus un tertre, et bien avisé à

nostre loyal pooir; mais, tout consideré, il ne sont

non plus de cinq ou de six mil hommes là environ,

et encores sont il si mal armé que merveilles.»

15Quant messires Jakemes de Bourbon oy ce raport,

si dist à l’Arceprestre qui estoit assés priès de lui:

«Archeprestre, vous m’aviés dit qu’il estoient bien

quinze mil combatans, et vous oés tout le contraire.»

—«Sire, respondi li Arceprestres, encores n’en y

20cuide jou mies mains; et se il n’i sont, Diex y ait

part! C’est tout pour nous, si regardés que vous

volés faire.»—«En nom Dieu, respondi messires

Jakemes de Bourbon, nous les irons combatre ou

nom de Dieu et de saint Jorge.»

25Là fist li dis messires Jakemes arrester sus les

camps toutes ses banières et ses pennons et ordonna

ses batailles et mist en très bon arroy ensi que pour

tantost combatre, car il veoient leurs ennemis devant

yaus. Et fist là pluiseurs nouviaus chevaliers: premierement

30son ainsné fil messire Pière, et leva banière,

[67] 67 et son neveu le jone conte de Forès, et leva

banière ossi, et le signeur de Villars et de Rousseillon,

et leva banière, et li sires de Tournon, et li sires

de Montelimar et li sires de Groulée, de le Daufiné.

5Là estoient messires Robers et messires Loeis de

Biaugeu, [messires Loys[402]] de Chalon, messires Huges

de Viane, li vicontes d’Uzès et pluiseurs bons chevaliers

et escuiers de là environ, qui tout se desiroient

à avancier pour honneur, et ruer ces Compagnes

10jus qui vivoient sans nul title de raison. Si fu

ordonnés li Arceprestres, qui s’appelloit messires Renaulz

de Cervole, à gouvrener la première bataille et

l’entreprist volentiers, car il fu hardis et appers chevaliers

durement et avoit en se route plus de quinze

15cens combatans.

Ces gens de Compagnes, qui estoient en une montagne,

veoient trop bien l’ordenance et le couvenant

des François, mès on ne pooit veoir le leur ne yaus

approcier, fors à meschief et à dangier. Et estoient sus

20une montagne où il avoit plus de mil charetées de

rons cailliaus: ce leur fist trop d’avantage et de pourfit,

je vous dirai par quel manière. Ces gens d’armes de

France, qui les desiroient et voloient combatre, comment

qu’il fust, ne pooient venir à yaus ne approcier,

25s’il ne costioient celle montagne où il estoient tout

aresté. Siques, quant il vinrent par desous yaus, cil

d’amont qui estoient tout avisé de leur fait et pourveu

cescuns de grant fuison de cailliaus, car il ne les

couvenoit que baissier et prendre, commencièrent à

30jetter si fort et si ouniement et si roit sus ciaus qui

[68] 68 les approçoient, qu’il effondroient bacinès, com fors

qu’il [fussent, et navroient et mehaignoient telement

gens d’armes que nuls ne pooit ne osoit aler ne

passer avant, com bien que targiés il[403] fust. Et fu ceste

5première bataille si foulée que onques depuis ne se

peut bonnement aidier. Adonc au secours approcièrent

les aultres batailles, messires Jakemes de Bourbon,

ses filz et ses neveus, et leurs banières et grant

fuison de bonnes gens qui tout s’aloient perdre, dont

10ce fu damages et pités que il n’ouvrèrent par plus

grant avis et milleur conseil.

Bien avoient dit li Arceprestres et aucun chevalier

anciien qui là estoient que on aloit combatre

les Compagnes en trop grant peril ou parti où il

15se tenoient et que on se souffresist tant que on les

euist eslongiés de ce fort où il estoient mis, si les

aroit on plus aise; mais il n’en peurent onques

estre oy. Ensi que messires Jakemes de Bourbon et

li aultre signeur, banières et pennons devant yaus,

20approçoient et costioient celle montagne, li plus

nice et li pis armé des Compagnes les afoloient, car

il jettoient si roit et si ouniement ces pières et ces

cailliaus sus ces gens d’armes qu’il n’i avoit si

hardi ne si bien armé qui ne les ressongnast. Et

25quant il les eurent tenus en tel estat et bien batus

une grande espasse, leur grosse bataille fresce et

nouvelle vinrent autour de celle montagne et trouvèrent

une aultre voie, et estoient ossi drut et ossi

serré comme une brousse. Et avoient leurs lances

30toutes recopées à le mesure de six piés ou environ,

[69] 69 et puis s’en vinrent en cel estat de grant volenté,

en escriant d’une vois: «Saint George!» ferir en

ces François. Si en reversèrent à celle première

empainte pluiseurs par terre. Là eut grant riflic et

5grant touellis des uns et des aultres. Et se abandonnoient

et combatoient ces Compagnes si très hardiement

que merveilles seroit à penser, et reculèrent les

François. Et là fu li Arceprestres bien bons chevaliers

et vaillamment se combati, mès il fu si entrepris

10et si menés par force d’armes que durement fu

navrés et bleciés et retenus à prisonnier, et pluiseur

chevalier et escuier de se route.

Que vous feroi je lonch parlement de celle besongne?

Li François en eurent le pieur, et y fu durement

15navrés messires Jakemes de Bourbon, et ossi

fu messires Pières ses filz. Et y fu mors li jones

contes de Forès et pris messires Renaulz de Forès

ses oncles, li vicontes d’Usès, messires Robers de Biaugeu,

messires Loeis de Chalon et plus de cent chevaliers.

20Encores à grant dur furent raporté en le

cité de Lyons sus le Rosne messires Jakemes de

Bourbon et messires Pières ses filz. Ceste bataille de

Brinay fu l’an de grasce Nostre Signeur mil trois

cens soissante et un, le venredi apriès les Grandes

25Paskes.

§ 495. Trop furent cil des marces où ces Compagnes

se tenoient esbahi, quant il oïrent recorder que

leurs gens estoient desconfi. Et n’i eut si hardi, ne

tant euist bon chastiel et fort, qui ne fremesist; car

30li sage supposèrent et imaginèrent tantost que grans

meschiés en nesteroit et mouteplieroit, se Diex

[70] 70 proprement n’i metoit remède. Cil de Lyons furent

moult effraé quant il entendirent que la journée estoit

pour les Compagnes; toutes fois, il recueillièrent

moult doucement toutes manières de gens qui de le

5bataille retournoient. Et furent par especial moult

couroucié et destourbé de le navrure monsigneur

Jakemon de Bourbon et de monsigneur Pière son fil;

et les vinrent moult bellement viseter, et les dames

et les damoiselles de le ville, dont il estoit bien amés.

10Messires Jakemes de Bourbon trespassa de ce siècle

trois jours apriès ce que la bataille eut esté, et messires

Pières ses filz ne vesqui nient longhement puissedi.

Si furent de tout plaint et regreté. De la mort

dou dit monsigneur Jakemon fu li rois de France ses

15cousins moult courouciés, mais amender ne le peut,

se li couvint passer.

Or vous parlerons de ces Compagnes comment il

perseverèrent ensi que gens tout resjoy et reconforté

de leurs besongnes, pour le belle journée qu’il avoient

20eu, dont il eurent grant pourfit tant ou grant gaaing

qu’il eurent sus le place comme en bons prisonniers.

Ces dittes Compagnes menèrent bien le temps à leur

volenté en celui pays, car nulz n’aloit à l’encontre.

Tantost apriès le desconfiture de Brinay, il entrèrent

25et s’espardirent parmi le conté de Forès et le gastèrent

et pillièrent toute, excepté les forterèces. Et pour

ce que il estoient si grans routes que uns petis pays

ne leur tenoit nient, il se partirent en deux pars. Et

retint messires Seguis de Batefol le mendre part;

30toutes fois, il avoit bien en se part trois mil combatans.

Si s’en vint sejourner et demorer en Anse,

une ville sus le Sone à une liewe de Lyons, et le fist

[71] 71 fortement remparer et fortefiier. Et se tenoient ses

gens environ celle marce, où il y a un des cras pays

dou monde. Si couroient et rançonnoient à leur aise

et volenté tout le pays par deçà et par delà le Sonne,

5le conté de Mascons, l’arcevesquié de Lyons, le tière

le signeur de Biaugeu et tout le pays jusques à Marcelli

les Nonnains et le conté de Nevers. Li aultre

partie des Compagnes, Naudon de Bagherant, Espiote,

Carsuelle, Robert Briket, Ortingho et Bernardet

10de la Salle, Lamit, le bourch Camus, le bourch

de Bretuel, le bourch de Lespare et pluiseur, tout

d’une sorte et alliance, s’avalèrent devers Avignon et

disent que il iroient veoir le pape et les cardinaus

et aroient de leur argent, ou il seroient heriiet de

15grant manière; et se tenroient là en ce contour et

tout l’esté, tant pour attendre les raençons de leurs

prisonniers que pour veoir comment la paix des

deux rois se tenroit. En alant ce chemin d’Avignon,

il prendoient villes et fors, ne riens ne se tenoit

20devant yaus, car li pays estoit durement effraés, et

là en celle marce il n’avoient onques eu point de

guerre: si ne se savoient li homme des petis fors

tenir ne garder contre telz gens d’armes.

Si entendirent ces Compagnes que au Pont Saint

25Esperit, à sept liewes priès d’Avignon, il y avoit grant

avoir et grant tresor dou pays d’environ, qui là

estoit recueilliés et rassamblés et mis sus le fiance

de le forterèce. Si avisèrent entre yaus li compagnon,

se il pooient prendre le Pont Saint Esperit,

30il lor vaurroit trop, car il seroient mestre et signeur

dou Rosne et de chiaus d’Avignon. Si estudiièrent

tant et jettèrent leur avis que, à ce que j’ai depuis

[72] 72 oy recorder, Batillier, Guiot dou Pin, Lamit et Petit

Meschin chevaucièrent et leurs routes une nuit toute

nuit bien quinze liewes et vinrent sus le point dou

jour à le ditte ville dou Pont Saint Esperit, et

5l’eschiellèrent et le prisent et tous chiaus et toutes celles

qui dedens estoient, dont ce fu pités et damages, car

il y occirent tamaint preudomme, et violèrent tamainte

dame et damoiselle. Et y conquisent si grant

avoir que sans nombre, et grandes pourveances pour

10vivre un an tout entier. Et pooient par celi pont

courir à leur aise et sans dangier, une heure ou

royaume de France et l’autre en l’Empire. Si se ravalèrent

et rassamblèrent là tout li compagnon, et

couroient tous les jours jusques ens ès portes d’Avignon.

15De quoi li papes et tout li cardinal estoient

en grant angousse et en grant paour. Et avoient ces

Compagnes dou Pont Saint Esperit fait un chapitainne

souverain entre yaus, qui se faisoit adonc

communement appeller amis à Dieu et anemis à

20tout le monde.

§ 496. Encores avoit adonc en France grant fuison

de pilleurs englès, gascons et alemans, qui voloient,

ce disoient, vivre, et y tenoient des forterèces et des

garnisons. Quoique li commis de par le roy d’Engleterre

25leur euissent commandé à vuidier et partir, il

n’avoient pas tout obei, dont moult desplaisoit au

roy de France et à son conseil. Mais quant li pluiseur

de ces pillars, qui se tenoient en divers lieus ou

royaume de France, entendirent que leur compagnon

30avoient ruet jus monsigneur Jakemon de Bourbon

et bien deux mil chevaliers et escuiers et pris

[73] 73 tamaint bon et riche prisonnier, et de rechief pris et

conquis le ville dou Pont Saint Esperit et si grant

avoir dedens que sans nombre, et esperoient encores

que il conquerroient Avignon où il metteroient à

5merci le pape et les cardinaulz et tout le pays de

Prouvence, cescuns eut en pourpos d’aler celle part

en convoitise de pluiseurs maulz faire et plus gaegnier.

Ce fu la cause pour quoi pluiseur pilleur et

guerrieur laissièrent leurs fors et s’en alèrent devers

10leurs compagnons, en esperance de plus pillier.

§ 497. Quant li papes Innocens VIe et li collèges

de Romme se veirent ensi vexé et guerriiet par ces

maleoites gens, si en furent durement esbahi et ordonnèrent

une croiserie sus ces mauvais crestiiens

15qui se mettoient en painne de destruire crestienneté,

ensi comme les Wandeles fisent jadis, sans title de

nulle raison, et gastoient tous les pays où il conversoient

sans cause, et roboient sans deport quanqu’il

pooient trouver, et violoient femmes vielles et jones

20sans pité, et tuoient hommes et femmes et enfans

sans merci qui riens ne leur avoient mefait. Et qui

plus de villains fais y faisoit, c’estoit li plus preus et

li mieulz parés. Si fisent li papes et li cardinal sermonner

de le crois partout publikement, et absoloient

25de painne et de coupe tous chiaus qui prendoient le

crois et qui s’abandonnoient de corps et de volenté

pour destruire celle mauvaise gent et leur compagnie.

Et eslisirent li dit cardinal monsigneur Pière

dou Moustier cardinal d’Arras, dit d’Ostie, à estre

30chapitainne de celle ditte croiserie, liquelz se traist

tantost hors d’Avignon et s’en vint demorer et

[74] 74 sejourner à Carpentras, à quatre liewes d’Avignon, et

retenoit toutes manières de gens et de saudoiiers qui

venoient devers li et qui voloient sauver leurs ames

et acquerre les pardons de le croiserie. Pluiseur s’en

5alèrent celle part, chevaliers et escuiers et aultres,

qui cuidoient avoir grans bienfais dou pape, avoech

les pardons deseure dis; mès on ne leur voloit riens

donner. Si s’en partoient et aloient li aucun en Lombardie.

Li aultre retournoient en leurs pays, et li

10aultre se mettoient en le mauvaise compagnie qui

toutdis accroissoit de jour en jour. Si se departirent

en pluiseurs lieus et pluiseurs compagnies, et fisent

otant de chapitainnes comme de compagnies.

§ 498. Ensi herriièrent il le pape et les cardinaulz

15et les marces d’environ Avignon et y fisent moult de

maulz jusques bien avant en l’esté l’an mil trois cens

soissante et un. Or avint que li papes et li cardinal

s’avisèrent d’un moult gentil chevalier et bon guerrieur,

le markis de Montferrat, qui avoit grant temps

20tenu guerre contre les signeurs de Melans et encores

faisoit. Si le mandèrent, et il vint en Avignon. Si fu

moult festiiés et honnourés dou pape et de tous les

cardinaus. Là fu trettié devers lui que, parmi une

grande somme de florins qu’il devoit avoir, il metteroit

25hors de le terre dou pape et de là environ les

Compagnes et les menroit en Lombardie. Si trettia li

dis markis de Montferrat devers les chapitainnes des

Compagnes et les amena à ce que, parmi soissante

mil florins qu’il eurent pour departir entre yaus, et

30ossi grans gages que li dis markis leur ordonna, il

s’acordèrent à ce qu’il iroient en Lombardie, et

[75] 75 avoecques tout ce il seroient absols de painne et de

coupe. Tout ce fait, acompli et acordé et les florins

paiiés, il rendirent le ville dou Pont Saint Esperit et

laissièrent le marce d’Avignon et passèrent oultre

5avoecques le dit markis, dont li rois Jehans et tous

ses royaumes furent grandement resjoy quant il se

veirent quitte de telz gens; mès encores en retournèrent

assés en Bourgongne. Et ne se parti mies

adonc messires Seghins de Batefol qui tenoit Anse,

10pour trettié ne cose que on li seuist prommettre.

Mais li dis royaumes, en pluiseurs lieus, fu plus à pais

que devant, quant les plus grans routes des Compagnes

en furent parties et passées oultre avoecques le

dit markis en le tière de Pieumont. Liquelz markis

15en fist trop bien se besongne sus les signeurs de Melans,

et conquist villes, chastiaus et forterèces et pays

sus yaus. Et eut pluiseurs rencontres et escarmuces sus

yaus à sen honneur et pourfit. Et le misent les Compagnes

dedens un an ou environ tout au dessus de

20sa guerre, et li fisent en partie avoir sen entente des

deux signeurs de Melans, monsigneur Galeas et monsigneur

Bernabo, qui depuis regnèrent en grant prosperité.

Et quant pais fu entre yaus et le markis, li

aucun de ces compagnons, qui avoient assés gaagniet

25et qui estoient tanet de guerriier, retournèrent

en leurs nations; mais li plus grant partie se misent

encores au malfaire et retournèrent en France.

Dont il avint que messires Seghins de Batefol, qui

s’estoit tenus tout le temps en le garnison de Anse sus

30le rivière de Sone, prist, embla et esciella une bonne

cité en Auvergne, c’on dist Brude, et siet sus le rivière

d’Aillier. Si se tint là dedens plus d’un an et le

[76] 76 fortefia telement qu’il ne doubtoit nul homme. Et

couroit tout le pays d’environ jusques au Pui, jusques

à la Casse Dieu, jusques à Clermont, jusques à

Tillath, jusques à Montferr[a]nt, à Rion, à le Nonnète,

5à Ysoire, à Oudable, à Saint Bonnet l’Arsis et toute

la terre le conte daufin qui estoit pour le temps ostagiers

en Engleterre, et y fist trop durement de

grans damages. Et quant il eut honni et apovri le

pays de là environ, il s’en parti par acord et par trettié

10et enmena tout son pillage et son grant tresor, et

se retraist en Gascongne dont il estoit issus. Dou dit

monsigneur Seghin ne sçai je plus avant, fors tant

que j’ay oy depuis compter qu’il morut assés mervilleusement.

Diex li pardoinst tous ses meffais!

15§ 499. En ce temps trespassa de ce siècle en Engleterre

li gentilz dus Henris de Lancastre, de quoi

li rois et tout li hault baron dou pays furent durement

courouciet, se amender le peuissent. De lui

demorèrent deux filles, madame Mehaut et madame

20Blance. Li ainsnée eut le conte Guillaume de Haynau,

filz à monsigneur Loeis de Baivière et à madame

Margherite de Haynau, et la mainsnée eut monsigneur

Jehan, conte de Ricemont, fil au roy d’Engleterre,

qui fu depuis dus de Lancastre de par madame

25sa femme. Par le mort dou duc Henri de Lancastre

et monsigneur Jakemon de Bourbon demora

li trettiés à poursievir de monsigneur Jehan de Montfort

qui s’appelloit dus de Bretagne et de monsigneur

Charle de Blois, qui avoient esté pourparlé

30en le ville de Calais, si com ci dessus est dit, dont

grans maulz et grans guerres avinrent depuis ens

[77] 77 ou pays de Bretagne, si com vous orés avant en

l’ystore.

Auques en celle saison ossi trespassa de ce siècle

li jones dus de Bourgongne qui s’appelloit messires

5Phelippes, par laquèle mort vaghièrent pluiseur pays,

car il estoit grans sires durement: premierement

dus de Bourgongne, contes de Bourgongne, contes

d’Artois, [d’Auvergne[404]] et de Boulongne, palatins [et

seigneur de Salins[405]]. Et avoit à femme une jone

10damoiselle, fille au conte Loeis de Flandres de l’une

des filles le duch Jehan de Braibant. Dont il avint

que par proismeté madame Margherite, mère au dit

conte de Flandres, se traist à le conté d’Artois et à

le conté de Bourgongne et en fist foy et hommage

15au roy de France. Ossi messires Jehans de Boulongne

[fut conte d’Auvergne, et lui vint par droite

succession[406]] la conté de Boulongne et en devint homs

au roy de France. Avoech tout ce, li rois Jehans de

France par proismeté retint et prist la ducé de Bourgongne

20et tous les drois de Campagne, dont il desplaisi

grandement au roy de Navare, se amender le

peuist, car il s’en disoit hoirs et successères de la

ditte conté de Campagne. Mais ses demandes ne li

vallirent onques nulle cose; car li rois Jehans le

25haioit durement: se dist bien que ja il ne tenroit

piet de terre en Brie ne en Champagne.

§ 500. En ce temps vint en pourpos et en devotion

[78] 78 au roy de France qu’il iroit en Avignon veoir le

pape et les cardinaus, tout jeuant et esbatant et visetant

la ducé de Bourgongne qui nouvellement li

estoit escheue. Si fist li dis rois faire ses pourveances

5et se parti de le cité de Paris entours le Saint Jehan

Baptiste l’an mil trois cens soissante et deux, et laissa

monsigneur Charle, son ainsnet fil le duch de Normendie,

regent et gouvreneur dou royaume de France.

Si enmena li dis rois avoecques li monsigneur Jehan

10d’Artois, comte d’Eu, son cousin germain, que moult

amoit, le conte de Tankarville et le conte de Dammartin,

monsigneur Boucicau, mareschal de France,

et monsigneur Ernoul d’Audrehen, monsigneur Tristran

de Maignelers, le grant prieur de France et

15pluiseurs aultres. Et chemina tant li dis rois à petites

journées et à grans despens, et en sejournant de

ville en ville et de cité en cité en le ducé de Bourgongne,

que il vint environ [la feste de Noel] à Villenove

dehors Avignon. Là estoit ses hostelz appareilliés

20pour lui et pour ses gens et toutes ses grosses

pourveances faites. Si fu très grandement conjoïs et

festiiés dou pape et de tout le collège d’Avignon. Et

visetoient souvent l’un l’autre, li rois de France le

pape, et li cardinal le dit roy. Si se tint à Villenove

25tout le temps et toute le saison ensievant.

Environ le Noel, trespassa de ce siècle li papes

Innocens. Si furent li cardinal en grant discort de

faire pape, car çascuns le voloit estre, et par especial

li cardinaulz de Boulongne et li cardinaulz de Pieregorch,

30qui estoient li plus grant de tout le collège.

De quoy, par leur dissension, et qu’il furent grant

temps en conclave, li collèges se misent et arrestèrent

[79] 79 dou tout en l’ordenance et disposition des deux cardinaulz

dessus nommés. De quoi, quant il veirent

que il avoient falli à le papalité et qu’il ne le pooient

estre, il disent ensamble que nulz des aultres ossi ne

5le seroit. Si eslisirent l’abbé de Saint Victor de Marselle,

qui estoit moult sains homs et de belle vie,

grans clers et qui moult avoit travilliet pour l’eglise

en Lombardie et ailleurs. Si le mandèrent li doi cardinal

que il venist en Avignon. Il vint au plus tost

10qu’il peut: si reçut ce don en bon gré, et fu creés

papes et appellés Urbains Ve. Si regna depuis en

grant prosperité et augmenta moult l’eglise et y fist

pluiseurs biens à Romme et ailleurs. Assés tost apriès

sa creation, entendi li rois de France que messires

15Pières de Lusegnon, rois de Cippre et de Jherusalem,

devoit venir en Avignon et avoit apassé mer.

Si dist li rois de France qu’il attenderoit sa venue,

car moult grant desir avoit de lui veoir, pour les

biens qu’il en avoit oy recorder et le guerre qu’il

20avoit fait as Sarrasins, car voirement avoit li rois de

Cippre pris nouvellement le forte cité de Sathalie sus

les ennemis de Dieu et occis tous chiaus et celles

qui y furent trouvé.

§ 501. En ce meisme temps et en cel yvier eut

25grans parlemens en Engleterre sus les ordenances dou

pays et especialment sus les enfans dou roy d’Engleterre.

Car on regarda et considera que li princes

de Galles tenoit grant estat et noble, et bien le pooit

faire, car il estoit vaillans homs durement; mais il

30laioit ce biel et grant hyretage d’Aquitainne, où tous

biens et toutes habondances estoient. Se li fu

[80] 80 remoustré et dit dou roy son père que il se volsist

traire de celle part, car il y avoit bien terre en la

ducé pour tenir si grant estat comme il vorroit. Ossi

li baron et li chevalier dou pays d’Aquitainne le voloient

5avoir dalés yaus et en avoient priiet le roy son

père, quoique messires Jehans Chandos leur fust doulz,

amiables et bien courtois et compains en tous estas,

mais encores avoient il plus chier leur naturel signeur

que nul autre. Li princes descendi legierement

10à ceste ordenance et se apparilla grandement et estoffeement,

ensi comme il apertenoit à lui, à son estat

et à madame sa femme. Et quant tout fu pourveu,

il prisent congiet au roy et à la royne et à leurs frères

et se partirent d’Engleterre et nagièrent tant par mer,

15yaus et leurs gens, qu’il arrivèrent à le Rocelle.

Nous soufferons un petit à parler dou prince et

parlerons encores d’aucunes ordenances qui furent

en celle saison faites et instituées en Engleterre. Il

fu fait et ordonné, par l’avis dou roy premierement

20et de son conseil, que messires Lyonniaus, secons

filz dou roy d’Engleterre, qui s’appelloit contes de

Dulnestre, fust en avant nommés et escris dus de Clarense;

secondement, [que] messires Jehans, filz dou

dit roy puisnés, qui s’appelloit contes de Ricemont,

25fust en avant nommés et pourveus de la ducé de Lancastre,

laquèle terre li venoit de par madame Blance

sa femme, pour la succession dou bon duc Henri de

Lancastre. Encores fu adonc avisé et consideré entre

le roy d’Engleterre et son conseil que, se messires

30Aymons, qui s’appelloit contes de Cantbruge, pooit

venir par voie de mariage à le fille dou conte de

Flandres qui estoit veve, on ne le poroit miex mettre

[81] 81 ne assener. Et quoiqu’il en fust adonc proposé, il

n’en fu pas sitost trettié, car il couvenoit ceste cose

faire par moiiens, et si estoit la dame encores assés

jone.

5En ce temps trespassa la mère dou roy d’Engleterre,

madame Ysabiel de France, fille jadis au biau

roy Phelippe de France. Se li fist li rois d’Engleterre

ses filz faire son obsèque as Frères Meneurs à Londres

noblement et grandement et très reveramment. Et y

10furent tout li prelat et li baron d’Engleterre et li signeur

de France qui ostagier estoient. Et fu ce fait

ains le departement dou prince et de le princesse.

Et tantost apriès, si comme ci dessus [est] dit, il se

partirent d’Engleterre et nagièrent tant par mer qu’il

15arrivèrent en le Rocelle, où il furent receu à grant

joie, et là reposèrent par quatre jours.

§ 502. Sitost que messires Jehans Chandos, qui

grant temps avoit gouvrené la ducé d’Aquitainne,

entendi ces nouvelles et la venue dou prince et de

20la princesse, il se parti de Niorth où il se tenoit et

s’en vint à belle compagnie de chevaliers et d’escuiers

en le ville de le Rocelle. Si se conjoïrent et

festiièrent grandement li princes et ilz et madame la

princesse et tout li compagnon qui se cognissoient.

25Si fu li princes amenés à grant joie à Poitiers, et là

le vinrent veoir tout li baron et li chevalier de Poito

et de Saintonge qui pour le temps s’i tenoient, et li

fisent feaulté et hommage. Puis chevauça li princes

de cité en cité et de ville en ville et prist partout les

30fois et les hommages, ensi comme il apertenoit dou

faire, et vint à Bourdiaus et là se tint un grant temps,

[82] 82 et toutdis la princesse dalés lui. Si le vinrent là veoir

li conte, li visconte, li baron et li chevalier de Gascongne;

et li princes les reçut tous liement et s’acointa

si bellement d’yaus que tout s’en contentèrent.

5Et meismement li contes de Fois le vint veoir auquel

li princes fist grant feste. Et fu adonc la pais faite de

lui et dou conte d’Ermignach, qui un grant temps

s’estoient heriiet et guerriiet. Assés tost après fu fais

connestables de tout le pays d’Aquitainne messires

10Jehans Chandos, et mareschaus messires Guiçars

d’Angle. Si pourvei li princes les chevaliers de son

hostel et chiaus qu’il amoit de ces biaus et grans

offisces parmi la ducé d’Aquitainne; et raempli ces

seneschaudies et ces bailliages de chevaliers d’Engleterre

15qui tantost tinrent grant estat et poissant, espoir

plus grant que cil dou pays ne volsissent, mais

point n’en aloit par leur ordenance. Nous lairons à

parler dou prince d’Aquitainnes et de Galles et de la

princesse et parlerons dou roy Jehan de France qui

20se tenoit à Villenove dehors Avignon.

§ 503. Environ le Candeler l’an de grasce mil trois

cens soissante et deux, descendi li rois Pierres de Cipre

en Avignon, de laquèle venue la cours fu moult resjoïe.

Et alèrent pluiseur cardinal contre lui et l’amenèrent

25au palais devers le pape Urbain qui liement

et doucement le reçut, et ossi fist li rois de France

qui là estoit presens. Et quant il eurent là esté une

espasse et pris vin et espisses, li doi roy se partirent

dou pape, et se retraist çascuns à son hostel. Ce

30terme pendant, se fist uns gages de bataille devant le

roy de France, à Villenove dehors Avignon, de deux

[83] 83 moult apers chevaliers de Gascongne, monsigneur Aymeniou

de Pumiers et monsigneur Fouque d’Arciac.

Quant il se furent combatu bien et chevalereusement

assés ensamble, li dis rois de France fist trettier de

5le pais et les acorda de leur rihote. Ensi se tinrent

cil doi roy tout ce temps et le quaresme en Avignon

ou priès de là: si visetoient souvent le pape qui les

recueilloit doucement.

Or avint pluiseurs fois en ces visitations que li

10rois de Cippre remoustra au pape, present le roy

de France et les cardinaulz, comment pour sainte

crestiennetet ce seroit noble cose et digne qu’i[l] ouveroit

le saint voiage d’oultre mer et qu’i[l] iroit sus

les ennemis de Dieu. A ces parolles entendoit li

15rois de France volentiers et bien proposoit en soi

meismes qu’il iroit, se il pooit vivre trois ans tant

seulement, pour deux raisons. Li une estoit que

li rois Phelippes ses pères l’avoit jadis voé et prommis;

la seconde, pour traire hors dou royaume de

20France toutes manières de gens d’armes, nommés

Compagnes, qui pilloient et destruisoient sans nul

title de raison son royaume et pour sauver leurs

ames. Ce pourpos garda et reserva li rois de France

en soi meismes, sans parler à nullui, jusques au jour

25dou saint venredi que papes Urbains preeça en sa

chapelle en Avignon, present les deux rois de France

et de Cipre et le saint collège.

Apriès la predicacion faite qui fu moult humle et

moult devote, li rois Jehans de France par grant devotion

30emprist la crois et le voa et pria doucement au

pape que il li volsist acorder et confremer. Li papes li

acorda volentiers et benignement. Là presentement

[84] 84 l’emprisent et encargièrent messires Tallerans, cardinal

de Pieregorch, messires Jehans d’Artois, contes

d’Eu, li contes de Dammartin, li contes de Tankarville,

messire Ernoulz d’Audrehen, li grans prieur

5de France, messires Boucicaus et pluiseur aultre chevalier

qui là estoient present et dedens le cité d’Avignon

pour le jour. De ceste emprise fu durement

liés li rois de Cipre et en regratia grandement Nostre

Signeur et le tint à grant vertu et mistère.

10§ 504. Tout ensi que vous poés oïr, emprisent et

enchargièrent, dessus leur deseurain vestement, la vermelle

crois, li rois Jehans de France et li dessus nommet.

Avoech tout ce, nos sains pères li papes le confrema

et l’envoia preecier en pluiseurs lieus, et non pas par

15universe monde: je vous dirai cause pour quoi. Li

rois de Cipre, qui là estoit venus en istance de ce

esmouvoir et qui avoit empris et en plaisance de

venir veoir l’empereour de Romme et tous les haus

signeurs de l’Empire, le roi d’Engleterre ossi et en

20sievant tous les chiés des signeurs crestiens, ensi

comme il fist, si com vous orés avant en l’ystore, offri

au Saint Père et au roi de France corps, chevance et

parole pour dire et remoustrer, là partout où il venroit

et s’embateroit, le grasce et le devotion de leur

25voiage, pour faire y encliner et descendre tous signeurs

qui de ce aroient mention. Si estoit cilz dis

rois tant creus et honnourés et de raison que on

disoit que, parmi son travel et le certainneté qu’il

remousteroit à tous signeurs de ce voiage, avanceroit

30plus tous coers que aultres predicacions. Si s’en

souffri on à preecier hors dou royaume de France,

[85] 85 et sus ce pourpos s’arrestèrent. Tantost apriès Paskes

qui furent l’an mil trois cens soissante trois, li rois

de Cipre parti d’Avignon et dist qu’il voloit aler

veoir l’Empereur et les signeurs de l’Empire, et puis

5revenroit par Braibant, par Flandres et par Haynau,

ou dit royaume de France. Si prist congiet au pape

et au roy de France qui en tous cas s’acquittèrent

trop bien devers lui en dons et en jeuiaus et en

grasces que li papes li fist et à ses gens. Assés tost

10apriès le departement dou roy de Cipre, li rois de

France prist congiet et s’en ala devers le ville de

Montpellier pour viseter la Langue d’och où il n’avoit

en grant temps esté.

Or parlerons dou roy de Cipre et dou voiage qu’il

15fist. Il chemina tant par ses journées qu’il vint en Alemagne,

en une cité que on appelle Prage, et là trouva

il l’empereur, monseigneur Charle de Behaigne, qui

le reçut liement et grandement, et tout li signeur de

l’Empire qui dalés lui estoient. Si fu li rois de Cipre à

20Praghe et là environ bien trois sepmainnes et enhorta

grandement en l’Empire ce saint voiage. Et partout,

ensi comme il ala et passa parmi Alemagne, li Emperères

le fist deffretiier. Puis vint li dis rois de Cipre en

le ducé de Jullers, où li dus li fist grant feste. Et de là

25s’avala il en Braibant, où li dus ossi et la duçoise le

reçurent grandement et liement en le bonne ville de

Brouxelles en disners, en soupers, en joustes, en reviaus

et en esbatemens, car bien faire le savoient;

et li donnèrent au departement grans dons et biaus

30jeuiaus. Puis s’en parti li dis rois de Cipre et s’en ala

en Flandres veoir le conte Loeis, qui ossi le reçut

et festia grandement. Et trouva à ce donc li rois de

[86] 86 Cipre le roy de Danemarke en le bonne ville de

Bruges; et disoit on là communement que cilz rois

avoit passet mer pour venir veoir le roy de Cipre. Si

se conjoïrent et festiièrent assés. Et par especial li

5contes Loeis de Flandres conjoy et festia très

honnourablement en le ville de Bruges le dit roy de

Cipre, et fist tant que li dis rois se contenta grandement

de lui et des barons et des chevaliers de sa

terre. Si se tint tout cel estet li dis rois de Cipre, en

10faisant son voiage depuis le departement d’Avignon,

en l’Empire et sus ces frontières pour enhorter ce

saint voiage empris: de quoi pluiseur signeur avoient

grant joie et desiroient bien que il se fesist.

§ 505. En ce temps avoit li rois d’Engleterre fait

15grasce à quatre dus qui estoient hostagier en Engleterre

pour le roy de France, c’est à savoir le duch

d’Orliens, le duch d’Ango, le duch de Berri et le

duch de Bourbon, et se tenoient cil quatre signeur à

Calais. Et pooient chevaucier quel part qu’il voloient

20trois jours hors de Calais, et au quatrime dedens

soleil esconsant revenir. Et l’avoit fait li rois d’Engleterre

en istance de bien, et pour ce qu’il fuissent

plus proçain de leur pourcach de France et que il

songnassent de leur delivrance ensi qu’il faisoient.

25Les quatre signeurs dessus dis estans à Calais, il envoiièrent

pluiseurs fois grans messages de par yaus

au roy de France et au duch de Normendie son

ainsné fil qui là les avoient mis, en yaus remoustrant

et priant qu’il entendesissent à leur delivrance,

30ensi que juré et prommis leur avoient, quant il entrèrent

en Engleterre; ou aultrement il y entenderoient

[87] 87 eulz meismes et ne se tenroient point pour

prisonnier. Quoique cil signeur, ensi que vous savés,

fuissent très proçain dou roy, leur messagier et

promoteur n’estoient mies oy ne delivré à leur aise,

5dont grandement en desplaisoit as signeurs dessus

dis et par especial au duch d’Ango, et disoit bien

qu’il y pourveroit de remède, comment qu’il s’en

presist. Or estoit adonc li royaumes et li consaulz

dou roy et dou duch de Normendie durement chargiés

10et ensonniiés, tant pour le crois que li rois de

France avoit adonc encargiet que pour le guerre dou

roy de Navarre, qui guerrioit et herioit fortement le

royaume de France et avoit remandé aucuns des

chapitainnes des Compagnes en Lombardie pour

15mieulz faire sa guerre. Ce estoit la principal cause

pour quoi on ne pooit legierement entendre as quatre

dus dessus nommés ne leurs messagiers delivrer,

quant il estoient venu en France.

§ 506. Quant li rois de Cipre eut visetés et veus

20les signeurs et les pays dessus nommés, il retourna

en France et trouva à Paris le roy Jehan et le duc de

Normendie et grant fuison de signeurs, barons et

chevaliers de France que li rois y avoit mandés pour

le roy de Cipre mieulz festier. Si y eut une espasse

25de temps grans reviaus et grans esbatemens et ossi

grans parlemens et grans consaulz comment ceste

croiserie, à savoir estoit, se poroit parfurnir à honnour

tant dou roy de France comme de son royaume. Et

pour ce en parloient et proposoient li aucun leur avis

30que il veoient le dit royaume grevé et occupé de

guerres, de Compagnes, de pilleurs et de reubeurs

[88] 88 qui y descendoient et venoient de tous pays. Si ne

sambloit pas bon as pluiseurs que cilz voiages se

fesist jusques à tant que li royaumes fust en milleur

estat ou à tout le mains on euist pais au roy de Navare.

5Non obstant ce et toutes guerres, nulz ne pooit

abrisier ne oster le devotion dou roy de France que

il ne fesist le pelerinage; et l’acorda et jura au roy

de Cipre à estre à Marselle dou march qui venoit en

un an que on compteroit l’an mil trois cens soissante

10quatre, et que sans faute adonc il passeroit et liveroit

passage et pourveances à tous chiaus qui passer

vorroient.

Sus cel estat, se parti li rois de Cipre dou roy

de France et vei que il avoit bon terme encores

15de retraire en son pays et de faire ses pourveances.

Si dist et considera en soi meismes que il voloit aler

veoir le roy Charle de Navare son cousin et trettiier

bonne pais et acord entre lui et le roy de France. Si

se mist à voie en grant arroy et issi de Paris et prist

20le chemin à Roem et fist tant qu’il y parvint. Là le

reçut li arcevesques de Roem, messires Jehans

d’Alençon ses cousins, moult grandement et le tint

dalés li moult aisiement trois jours. Au quatrime, il

s’en parti et prist le chemin de Kem et esploita tant

25qu’il passa les gués Saint Clement et vint en la forte

ville de Chierebourc. Là trouva il le roy de Navare

et monsigneur Loeis son frère à bien petit de gens.

Cil doi signeur de Navare recuellièrent le roy de

Cipre liement et grandement et le festiièrent selonc

30leur aisement moult honnourablement, car bien le

pooient et savoient faire.

En ce termine que li rois de Cipre se tenoit dalés

[89] 89 yaus, il s’avança de trettiier pour pais, se trouver le

peuist, entre ces signeurs, d’une part, et le roy de

France, d’autre; et en parla par pluiseurs fois moult

ordonneement, car il fu sires de grant avis et bien

5enlangagiés. A toutes ses parolles respondirent cil doi

signeur de Navare ossi moult gracieusement et se excusèrent

en ce que point n’estoit leur coupe que il n’estoient

bon ami au roy de France et au royaume, car

grant desir avoient de l’estre, mès que on leur rendesist

10leur hiretage que on leur tenoit et empeeçoit à

tort. Li rois de Cipre euist volentiers amoienet ces

besongnes, se il peuist, et veu que li enfant de Navare

se fuissent mis sus lui, mès leurs trettiés ne s’estendirent

mies si avant. Quant li rois de Cipre eut esté à

15Chierebourc environ quinze jours, et que li dessus

dit signeur l’eurent festiiet selonch leur pooir moult

grandement, il prist congiet d’yaus et dist qu’il ne

cesseroit jamais si aroit esté en Engleterre et là preecié

et enhorté au dit roy d’Engleterre et à ses enfans

20le crois à prendre. Si se parti de Cierebourch et fist

tant par ses journées qu’il vint à Kem et passa outre

et vint au Pont de l’Arce et là passa le Sainne. Et

puis chevauça tant par ses journées qu’il entra en

Pontieu et passa le rivière de Somme à Abbeville et

25puis vint à Rue et à Moustruel et puis à Calais où il

trouva trois dus, le duch d’Orliens, le duch de Berri

et le duch de Bourbon, car li dus d’Ango estoit retournés

en France, je ne sçai mies sus quel estat.

§ 507. Cil troi duch dessus nommet reçurent, ensi

30comme prisonnier en la ditte ville de Calais, le roy

de Cipre moult liement, et li rois ossi s’acointa

[90] 90 d’yaus moult doucement. Si furent là ensamble plus

de douze jours. Finablement, quant li rois de Cipre

eut vent à volenté, il passa le mer et arriva à Douvres.

Si se tint là et rafreschi par deus jours, entrues

5que on descarga ses vaissiaus et mist hors ses chevaus.

Puis chevauça li dis rois de Cipre à petites

journées à sen aise et s’en vint devers le bonne cité

de Londres. Quant il y parvint, il y fu grandement

bien festiiés et conjoïs des barons de France qui là

10se tenoient et ossi de chiaus d’Engleterre qui chevaucièrent

contre lui, car li rois d’Engleterre y envoia

ses chevaliers, le conte de Herfort, monsigneur

Gautier de Mauni, le signeur Despensier, monsigneur

Raoul de Ferrières, monsigneur Richart de Pennebruge,

15monsigneur Alain de Boukeselle et monsigneur

Richart Sturi, qui l’acompagnièrent et amenèrent

jusques à son hostel parmi la cité de Londres.

Je ne vous poroie mies dire ne compter en un jour

les nobles disners, les soupers, les festiemens et les

20conjoïssemens, les dons, les presens, les jouiaus c’on

fist, donna et presenta, especialment li rois d’Engleterre

et la royne Phelippe, sa femme, au gentil roy

Pière de Cipre. Et, au voir dire, bien y estoient tenu

dou faire, car il les estoit venus veoir de loing et à

25grant fret, et tout pour enhorter et enditter le roy

que il volsist prendre la vermeille crois et aidier à

ouvrir ce passage sus les ennemis de Dieu. Mais li

rois d’Engleterre s’escusa bellement et sagement et

dist ensi: «Certes, biaus cousins, j’ay bien bonne

30volenté d’aler en ce voiage, mais je sui en avant trop

vieulz, si en lairai convenir mes enfans. Et je croi que,

quant li voiages sera ouvers, que vous ne le ferés pas

[91] 91 seulz; ains arés des chevaliers et des escuiers de ce

pays qui vous y serviront volentiers.»—«Sire, dist li

rois de Cipre, vous parlés assés, et croy bien que

voirement y venront il pour Dieu servir et yaus avancier,

5mès que vous leur acordés, car li chevalier et li

escuier de ceste terre traveillent volentiers.»—«Oil,

dist li rois d’Engleterre, je ne leur debateroie

jamès, se aultres besongnes ne me sourdent et à mon

royaume, dont je ne me donne de garde.»

10Onques li rois de Cipre ne peut aultre cose impetrer

au roy d’Engleterre ne plus grant clarté de

son voiage, fors tant que toutdis fu il liement et

honourablement festiiés en disners et en grans soupers.

Et avint ensi en ce termine que li rois David

15d’Escoce avoit à besongnier en Engleterre devers le

roy, siques, quant il entendi sus son chemin que li

rois de Cipre estoit à Londres, il se hasta durement

et se prist moult priès de lui trouver. Et vint li dis

rois d’Escoce si à point à Londres que encores n’estoit

20il point partis. Si se recueillièrent et conjoïrent

grandement cil doi roy ensamble, et leur donna de

recief li rois d’Engleterre deux fois à souper ou palais

de Wesmoustier. Et prist là li rois de Cipre congiet

au roy d’Engleterre et à le royne, qui li donnèrent

25à son departement grans dons et biaus jeuiaus. Et

donna li rois d’Engleterre au roy de Cipre une nef

qui s’appelloit Katherine trop belle et trop grande

malement. Et l’avoit li rois d’Engleterre meismement

fait faire et edefiier ou nom de lui pour passer oultre

30en Jherusalem, et prisoit on ceste nef nommée Katherine

douze mil frans, et gisoit adonc ou havene

de Zanduich. De ce don remercia li rois de Cipre le

[92] 92 roy d’Engleterre moult grandement, et l’en sceut

grant gret. Depuis ne sejourna il gaires ens ou pays,

mès eut volenté de retourner en France. Encores

avoech toutes ces coses li rois d’Engleterre deffretia

5le roy de Cipre de tout ce qu’il et ses gens despendirent,

alant et venant, en son royaume. Mais je ne sçai

que ce fu, car il laissa le vaissiel dessus nommé à

Zanduic, ne point ne l’enmena avoecques lui, car

depuis deux ans apriès je le vi là arester à l’ancre.

10§ 508. Or se parti li rois de Cipre d’Engleterre et

rapassa le mer à Boulongne. Si oy dire sus son chemin

que li rois de France, li dus de Normendie, li

dus d’Ango et messires Phelippes ses mainsnés frères

et li grans consaulz de France devoient estre en le

15bonne cité d’Amiens. Si tira li rois de Cipre celle part

et y trouva le roy de France voirement nouvellement

venu et une partie de son conseil. Si fu d’yaus grandement

festiiés et conjoïs, et leur recorda la grigneur

partie de ses voiages, liquel l’oïrent et l’entendirent

20volentiers. Quant il eut là esté une espasse, il dist

que il n’avoit riens fait jusques à tant que il aroit veu

le prince de Galles son cousin et dist, se il plaisoit à

Dieu, que il l’iroit veoir ains son retour et les barons

de Poito et d’Aquitainne. Tout ce li acorda li rois de

25France assés bien. Mais il li pria chierement à son

departement que il ne presist nul aultre voiage à son

retour, fors parmi France. Li rois de Cipre li eut en

couvent.

Si se parti li rois de Cipre d’Amiens et chevauça

30vers Biauvais et passa le Sainne à Pontoise et fist

tant par ses journées que il vint à Poitiers. A ce donc

[93] 93 estoient li princes et la princesse en Angouloime. Et

là devoit avoir moult proçainnement une très grant

feste de quarante chevaliers et de quarante escuiers,

attendans dedens que madame la princesse devoit

5bouter hors de ses cambres à sa relevée, car elle

estoit acoucie d’un biau fil qui s’appelloit Edouwars

ensi com son père. Sitost que li princes sceut la

venue dou roy de Cipre, il envoia devers lui par especial

monsigneur Jehan Chandos et grant fuison

10des chevaliers de son hostel, qui l’amenèrent en grant

reviel et moult honnourablement devers le prince,

qui le reçut ossi humlement et grandement en tous

estas que il avoit esté nulle part receus sus tout son

voiage.

15Nous lairons un petit à parler dou roy de Cipre et

parlerons dou roy de France et vous compterons en

quel istance ilz et ses consaulz estoient venu à Amiens.

Je fui adonc enfourmés, et voirs estoit, que li rois

Jehans avoit pourpos et affection d’aler en Engleterre

20veoir le roy Edouwart son frère et la royne

d’Engleterre sa suer. Et pour ce avoit il là assamblé

une partie de son conseil, et ne li pooit nulz brisier

ne oster ce pourpos. Si estoit il fort consilliés dou

contraire. Et li disoient pluiseur prelat et baron de

25France que il entreprendoit une grant folie, quant il

se voloit mettre encores ou dangier dou roy d’Engleterre.

Il respondoit à ce et disoit que il avoit trouvé

ou roy d’Engleterre son frère, en le royne et en ses

neveus leurs enfans, tant de loyauté, d’onneur, d’amour

30et de courtoisie que il ne s’en pooit trop loer

et que en riens il ne se doubtoit d’yaus qu’il ne li

fuissent courtois, loyal et ami en tous cas. Et ossi il

[94] 94 voloit excuser son fil le duch d’Ango qui estoit retournés

en France.

A ceste parolle n’osa nulz parler dou contraire,

puisque il l’avoit ensi arresté et affremé en lui. Si

5ordonna là de recief son fil le duch de Normendie

à estre regens et gouvrenères dou royaume de

France jusques à son retour. Et prommist bien à

son mainsné fil, monsigneur Phelippe, que, lui revenu

de ce voiage où il aloit, il le feroit duch de

10Bourgongne et le ahireteroit de le ducé. Quant

toutes ces coses furent bien faites et ordonnées à sen

entente et ses pourveances en le ville de Boulongne,

il se parti de le cité d’Amiens et se mist à voie et

chevauça tant qu’il vint à Hedin. Là s’arresta il et

15tint son Noel. Et là le vint veoir li contes Loeis de

Flandres qui moult l’amoit, et li rois lui, et furent

ensamble ne sai trois jours ou quatre. Le jour des

Innocens, se parti li dis rois de Hedin et prist le chemin

de Moustruel sus Mer. Et li contes de Flandres

20retourna arrière en son pays.

§ 509. Tant esploita li rois Jehans qu’il vint à

Boulongne, et se loga en l’abbeye, et tant i sejourna

qu’il eut vent à volenté. Si estoient avoecques

li et de son royaume pour passer le mer, messires

25Jehans d’Artois, contes d’Eu, li contes de Dammartin,

li grans prieur de France, messires Boucicaus,

mareschaus de France, messires Tristrans de

Maignelers, messires Pierres de Villers, messires Jehans

de Ainville, messires Nicolas Brake et pluiseur

30aultre. Quant leurs nefs furent toutes chargies et li

maronnier eurent bon vent, il le segnefiièrent au roy.

[95] 95 Si entra li rois en son vaissiel environ mienuit, et

toutes ses gens ens ès aultres, et furent à l’ancre celle

première marée jusques au jour devant Boulongne.

Quant il se desancrèrent, il eurent vent à volenté:

5si tournèrent devers Engleterre. Si arrivèrent à Douvres

environ heure de vespres; ce fu l’avant vigile

de l’Apparition des trois Rois.

Ces nouvelles vinrent au roy d’Engleterre et à

la royne qui se tenoient adonc à Eltem, un moult

10bel manoir dou roy à sept liewes de Londres, que

li rois de France estoit arivés et descendus à Douvres.

Si envoia tantost des chevaliers de son hostel

celle part, monsigneur Bietremiu de Bruwes, monsigneur

Alain de Boukeselle et monsigneur Richart

15de Pennebruge. Chil se partirent dou roy et chevaucièrent

devers Douvres, et trouvèrent là encores

le roy de France; si le conjoïrent et bienvegnièrent

grandement et li disent que li rois leurs sires

estoit moult liés de sa venue. Li rois de France les

20en crut legierement. L’endemain au matin monta

li dis rois à cheval, et montèrent tout cil qui avoecques

lui estoient, et chevaucièrent devers Cantorbie,

et vinrent là au disner. A entrer en l’eglise de

Saint Thumas, fist li rois de France grant reverense

25et donna au corps saint un moult riche jeuiel

et de grant valeur. Si se tint là li dis rois deux

jours: au tierch jour il s’en parti et chevauça le chemin

de Londres, et fist tant par ses journées qui

estoient petites, qu’il vint à Eltem où li rois d’Engleterre

30et la royne et grant fuison de signeurs,

de dames, de damoiselles estoient tout appareilliet

pour lui recevoir. Ce fu un dimence à heure de

[96] 96 relevée qu’il vint là: si i eut entre celle heure et le

souper grans danses et grans caroles, et là estoit li

jones sires de Couci, qui s’efforçoit de bien danser et

de canter quant son tour venoit. Et volentiers estoit

5veus des François et des Englès; car trop bien li

affreoit à faire quanqu’il faisoit.

Je ne vous puis mies de tout parler ne recorder

com honourablement li rois d’Engleterre et la

royne reçurent le roy de France; et quant il se

10parti de Eltem, il vint à Londres. Si vuidièrent

toutes manières de gens par connestablies contre lui

et le recueillièrent en grant reverense. Et ensi fu

amenés, en grant fuison de menestraudies, jusques

en l’ostel de Savoie qui estoit ordenés et appareilliés

15pour lui. Ens ou dit hostel avoecques le roy

estoient herbergiet cil de son sanch, li ostagier de

France: premierement, ses frères li dus d’Orliens,

ses filz li dus de Berri; si cousin, li dus de Bourbon,

li contes d’Alençon, Guis de Blois, li contes

20de Saint Pol et moult d’aultres. Si se tint là li

rois de France une partie de l’ivier entre ses gens

liement et amoureusement, et le visetoient souvent

li rois d’Engleterre et si enfant, li dus de Clarense, li

dus de Lancastre et messires Aymons. Et furent par

25pluiseurs fois en grans reviaus et recreations ensamble,

en diners et en soupers et aultres manières en

cel hostel de Savoie et ou palais de Wesmoustier, qui

siet priès de là, où li rois de France aloit secretement,

quant il voloit, par le rivière de le Tamise. Si regretèrent

30pluiseurs fois cil doy roy monsigneur Jakemon

de Bourbon, et disoient bien que ce fu grans damages

de lui, car trop bien li affreoit à estre entre signeurs.

[97] 97 § 510. Nous lairons un petit à parler dou roy

Jehan de France, et parlerons dou roy de Cipre qui

vint en Angouloime devers le prince de Galles, son

cousin, qui le reçut liement. Ossi fisent tout li baron

5et li chevalier de Poito et de Saintonge qui dalés le

prince estoient, li viscontes de Touwars, li jones

sires de Pons, li sires de Partenai, messires Loeis de

Harcourt, messires Guiçars d’Angle; et des Englès,

messires Jehans Chandos, messires Thumas de Felleton,

10messires Neel Lorinch, messires Richars de Pontchardon,

messires Symons de Burlé, messires Bauduins

de Fraiville, messires d’Aghorisses et li aultre.

Si fu li rois de Cipre moult festiés et bien honnourés

dou prince, de la princesse, des barons et des chevaliers

15dessus dis, et se tint illuech plus d’un mois.

Et puis le mena messires Jehans Chandos jewer et

esbatre parmi Saintonge et parmi Poito, et veoir le

bonne ville de le Rocelle, où on li fist grant feste. Et

quant il eut partout esté, il retourna en Angouloime

20et fu à celle grosse feste que li princes y tint, où il

eut grant fuison de chevaliers et d’escuiers.

Assés tost apriès la feste, li rois de Cipre prist

congiet dou prince et des chevaliers dou pays; mès

ançois leur eut il remoustré pourquoi il estoit là

25venus, et pourquoi especialment il portoit la crois

vermeille, et comment [li papes li avoit confirmé,

et la dignité du voiaige, et comment[407]] li rois de

France, par devotion, et pluiseur grant signeur

l’avoient empris et juré. Li princes et li chevalier

30li respondirent moult courtoisement que c’estoit

[98] 98 voirement uns voiages où toutes gens d’onneur et

de bien par raison devoient bien entendre, et que,

s’il plaisoit à Dieu que li passages fust ouvers, il

ne le feroit mies seuls, mès en aroit de chiaus qui

5se desirent à avancier. De ces responses se tint

li rois de Cipre tous contens, et se parti dou dit

prince et de la princesse et des barons dou pays.

Mès messires Jehans Chandos le veult acompagnier,

ensi qu’il fist, et li tint toutdis compagnie tant qu’il

10fu hors de le prinçauté.

Si me samble que li rois de Cipre retourna arrière

par devers France pour revenir à Paris, en istance de

ce que pour trouver le roy revenu: mais non fera,

car li rois de France estoit, en l’ostel de Savoie, en

15Engleterre, acouciés malades; et aggrevoit tous les

jours, dont trop grandement desplaisoit au roy d’Engleterre

et à le royne, car li plus sage medecin dou

pays le jugoient en grant peril. Et de ce estoit tout

enfourmés li dus de Normendie, qui se tenoit à Paris

20et qui avoit le gouvrenement de France, comment

li rois de France ses pères estoit fort grevés de maladie;

car messires Boucicaus estoit rapassés le mer

et en avoit enfourmé le dit duch.

Se ceste nouvelle estoit sceue en France, li rois de

25Navare, qui se tenoit en Chierebourch, en savoit ossi

toute la certainneté, dont il n’estoit mies courouciés;

car il esperoit que, se li rois de France moroit,

sa guerre en seroit plus belle. Si escrisi secretement

devers monsigneur le captal de Beus son cousin, qui

30se tenoit adonc dalés le conte de Fois, son serourge,

en lui priant chierement que il volsist venir parler à

lui en Normendie, et il le feroit signeur et souverain

[99] 99 par dessus tous ses chevaliers. Li captaus, qui desiroit

les armes et qui estoit par linage tenus de servir son

cousin monsigneur de Navare, obei et se parti dou

conte de Fois, et s’en vint par le prinçauté, et pria

5aucuns chevaliers et escuiers sus son chemin. Mès

petit en eut, car point ne se voloient adonc armer li

Englès, ne li Gascon, ne li Poitevin, pour le fait dou

roy de Navare, contre le couronne de France; car il

sentoient les alliances, jurées à Calais entre le roy

10d’Engleterre leur signeur et le roy de France, si grandes et

si fortes qu’il ne les voloient mies blecier ne brisier.

Siques, ce terme pendant et le captal de Beus

venant en Normendie devers le roy de Navare, li rois

Jehans de France trespassa de ce siècle, en Engleterre,

15en l’ostel de Savoie, dont li rois d’Engleterre

et la royne et tout leur enfant et pluiseur baron

d’Engleterre furent moult courouciet, pour l’onneur

et la grant amour que li rois de France, depuis la

pais faite, leur avoit moustré. Li dus d’Orliens, ses

20frères, et li dus de Berri, ses filz, qui de le mort le

roy de France leur signeur estoient moult courouciet,

envoiièrent ces nouvelles en grant haste devers

le duch de Normendie, qui se tenoit à Paris. Quant li

dis dus en sceut la verité de la mort le roy son père,

25fu il moult courouciés, ce fu raisons; mès ilz, comme

cilz qui se sentoit successères de l’iretage de France

et de la couronne, et qui estoit enfourmés aucunement

dou roy de Navare, comment il avoit pourveu

et pourveoit encores tous les jours ses garnisons en

30le conté d’Evrues, et qu’il metoit sus gens d’armes

pour lui guerriier, s’avisa que il y pourveroit de remède

et de conseil, se il pooit.

[100] 100 En ce temps s’armoit et estoit toutdis armés françois

uns chevaliers de Bretagne qui s’appelloit messires

Bertrans de Claiekin. Li biens de lui, et la

proèce n’estoit mies encores grandement renommée

5ne cogneue, fors entre les chevaliers et escuiers qui

l’antoient et ens ou pays de Bretagne, où il avoit

demoré et toutdis tenu la guerre pour monsigneur

Charle de Blois contre le conte de Montfort. Cilz

messires Bertrans estoit et fu toutdis durement ewireus

10chevaliers et bien amés de toutes gens d’armes,

et ja estoit il grandement en le grasce dou duc de

Normendie, pour les vertus qu’il en ooit recorder.

Dont il avint que, sitos que li dus de Normendie seut

le trespas dou roy son père, ensi que cilz qui se

15doubtoit grandement dou roy de Navare, il dist à

monsigneur Boucicau, mareschal de France: «Messire

Boucicau, partés de ci, avoech ce que vous avés

de gens, et chevauciés vers Normendie. Vous i trouverés

messire Bertran de Claiekin; si vous prendés

20priès, je vous pri, vous et lui, de reprendre sus le

roy de Navare la ville de Mantes, par quoi nous

soions signeur de la rivière de Sainne.» Messires

Boucicaus respondi: «Sire, volentiers.» Adonc se

parti il, et emmena avoecques lui grant fuison de

25bons compagnons, chevaliers et escuiers, et prist le

chemin de Normendie par devers Saint Germain en

Laie, et donna à entendre à tous chiaus qui avoecques

lui estoient, qu’il aloit devant le chastiel de Roleboise,

que manière de gens nommés Compagnes

30tenoient.

§ 511. Roleboise est un chastiaus biaus et fors

[101] 101durement, seans sus le rivière de Sainne, à une liewe

priès de Mantes, et estoit à ce temps garnis et raemplis

de compagnons gens d’armes qui faisoient

guerre d’yaus meismes, et couroient otant bien sus

5le terre le roy de Navare que sus le royaume de

France. Et avoient un chapitainne à qui il obeissoient

dou tout, et qui les retenoit et paioit parmi

certains gages qu’il leur donnoit. Et estoit cilz nés de

le ville de Brouxelles, et s’appelloit Wautre Obstrate,

10apert homme d’armes et outrageus durement. Cilz et

ses gens avoient le pays de là environ tout pilliet et

robet, et n’osoit nulz aler de Paris à Mantes, ne de

Mantes à Roem ne à Pontoise, pour chiaus de le

garnison de Roleboise. Et n’avoient cure à qui: otant

15bien les gens le roy de Navare ruoient il jus, quant

il les trouvoient, que les François; et par especial il

constraindoient si chiaus de Mantes, qu’il n’osoient

issir hors de leurs portes, et se doubtoient plus

d’yaus que des François.

20Quant messires Boucicaus se parti de Paris, quoiqu’il

donnast à entendre que il alast celle part, il

se faindi de prendre le droit chemin de Roleboise,

et attendi monsigneur Bertran de Claiekin et se route,

qui avoit en devant chevauciet devant le cité d’Evrues

25et parlementé à chiaus de dedens; mès on ne li

avoit volu ouvrir les portes: ançois avoient cil d’Evrues

fait samblant que de lui servir de pierres et

de mangonniaus, et de traire à lui et à ses gens, se

il ne se fust si legierement partis des barrières où il

30estoit arrestés. Et estoit messires Bertrans de Claiekin

retrais arrière devers le mareschal Boucicau, qui l’attendoit

sus un certain lieu assés priès de Roleboise.

[102] 102Quant il se furent trouvé, il estoient bien cinq cens

hommes d’armes.

Si eurent li doi chapitainne, messires Bertrans et

messires Bouchicaus, sus les camps là, moult grant

5parlement ensamble, à savoir comment il se maintenroient,

ne par quel manière il poroient avoir le ville

de Mantes, où il tiroient. Si consillièrent entre yaus que

messires Boucicaus, lui centime de chevaus tant seulement,

chevauceroit devant et venroit à Mantes, et

10feroit l’effraé, et diroit à chiaus de le ville que cil de

Roleboise le cacent et que il le laissent [entrer] ens. Se

il y entre, tantost il se saisira de le porte, et messires

Bertrans et se grosse route tantost venront ferant batant,

et enteront en le ville et en feront leur volenté:

15se il ne l’ont par celle voie, il ne poeent mies veoir

comment il l’aient. Toutesfois pour le milleur cilz

consaulz fu tenus, et le tinrent entre yaus li signeur en

secré, et se parti messires Boucicaus et le route qu’il

devoit mener, et chevaucièrent à le couverte par devers

20Mantes, et messires Bertrans d’autre part, et

se misent il et li sien en embusche assés priès de

Mantes.

Quant messires Boucicaus et se route deurent

approcier la ville de Mantes, il se desroutèrent ensi

25comme gens desconfis et mis en cace. Et s’en vint li

dis mareschaus, espoir lui dixime, et li aultre petit à

petit le sievoient. Si s’arresta devant la barrière, car

toutdis y avoit gens qui le gardoient, et dist: «Harou,

bonnes gens de Mantes, ouvrés vos [portes et

30nous laissez entrer dedens[408]] et nous recueilliés; car

[103] 103veci ces mourdreours et pillars de Roleboise qui nous

encaucent et nous ont desconfis par grant mesaventure.»

—«Qui estes vous, sire?» dient cil qui là estoient

et qui la barrière et le porte gardoient.—«Signeur,

5je sui Boucicaus, mareschaus de France, que li

dus de Normendie envoioit devant Roleboise, mais

il m’en est trop mal pris; car li larron de dedens

m’ont ja desconfi, et me couvient fuir, voelle ou non,

et me prenderont à mains et ce que j’ai de remanant

10de gens, se vous ne nous ouvrés le porte bien

tost.» Cil de Mantes respondirent, qui cuidièrent

bien que il leur desist verité: «Sire, nous savons

bien voirement que cil de Roleboise sont nostre ennemi

et li vostre ossi, et n’ont cure à qui il aient la

15guerre, et d’autre part que li dus de Normendie vos

sires nous het pour le cause dou roy de Navare

nostre signeur: si sommes en grant doubte que nous

ne soions deceu par vous qui estes mareschaus de

France.»—«Par ma foy, signeur, dist il, nennil;

20je ne sui ci venus en aultre entente que pour grever,

comment qu’il m’en soit mal pris, la garnison de

Roleboise.»

A ces parolles, ouvrirent cil de Mantes leur barrière

et leur porte, et laissièrent ens passer monsigneur

25Boucicau et se route, et toutdis venoient

gens petit à petit. Entre les darrainiers des gens

monsigneur Boucicau et les gens monsigneur Bertran,

n’eurent cil de Mantes nul loisir de refremer

leur porte; car quoique messires Boucicaus et li plus

30grant partie de ses gens se traissent tantost à hostel

et se desarmèrent pour mieuls apaisier chiaus de le

ville, li darrainnier qui estoient Breton, se saisirent

[104] 104des barrières et de le porte. Et n’en furent mies mestre

cil de le ville, car tantos messires Bertrans et se

route vinrent les grans galos, qui estoient mis en

embusche, et entrèrent en le ville, et escriièrent:

5«Saint Yve! Claiekin! A le mort, à le mort tous Navarois!»

Dont entrèrent cil Breton par ces hostels;

si pillièrent et robèrent tout ce qu’il trouvèrent, et

prisent des bourgois desquels qu’il veurent pour leurs

prisonniers, et en tuèrent ossi assés.

10Et tantos incontinent qu’il furent entré en Mantes,

ensi com vous oés recorder, une route de Bretons se

partirent et ferirent chevaus des esporons et ne cessèrent

si vinrent à Meulent une liewe par delà et entrèrent

en le ville assés soubtievement; car il disent que

15c’estoient gens d’armes que messires Guillaumes de

Gauville, chapitainne d’Evrues, envoioit là, et que

otant ou plus en estoient demoret à Mantes. Cil de

Meulent cuidièrent proprement que il deissent verité,

pour tant qu’il estoient venu le chemin de Mantes et

20ne pooient venir aultre voie que par là ne avoir

passé le Sainne fors au pont à Mantes. Si les crurent

legierement et ouvrirent leurs barrières et leurs portes

et misent en leur ville ces Bretons qui tantost se

saisirent des portes et escriièrent: «Saint Yve! Claikin!»

25Et commencièrent à occire et à decoper ces

gens qui furent tout esperdu et prisent à fuir et à

yaus sauver, cescuns qui mieuls mieulz, quant il se

veirent ensi deceu et trahi et n’eurent nul pooir

d’yaus recouvrer ne sauver.

30Ensi furent Mantes et Meulent prises, dont li dus

de Normendie fu moult joians, quant il en sceut les

nouvelles, et li rois de Navare moult courouciés,

[105] 105quant il en sceut la verité. Si mist tantost gardes et

chapitainnes especiaulz partout ses villes et ses chastiaus,

et tint à trop grant damage le perte de Mantes

et Meulent, car ce li estoit par là une trop belle

5entrée en France.

§ 512. En celle propre sepmainne arriva li captaus

de Beus ou havene de Chierebourch, à bien quatre

cens hommes d’armes. Se li fist li rois de Navare

grant feste, et le recueilla moult doucement, et li

10remoustra, en lui complaindant dou duch de Normendie,

comment on li avoit pris et emblé ses villes,

Mantes et Meulent, et se mettoient encores en painne

tous les jours li François de tollir le demorant. Li

captaus li dist: «Monsigneur, se il plaist à Dieu,

15nous irons au devant et esploiterons telement que

vous les rarés, et encores des aultres. On dist que li

rois de France est mors en Engleterre: si verra on

pluiseurs nouvelletés avenir en France temprement,

parmi ce que nous y renderons painne.» De la venue

20du captal de Beus fu li rois de Navare tous reconfortés,

et dist que il le feroit temprement chevaucier

en France. Si manda li dis rois gens de toutes pars,

là où il les pooit avoir. Adonc estoit en Normendie,

sus le marine, uns chevaliers d’Engleterre qui autrefois

25se estoit armés pour le roy de Navare, et estoit

apers homs d’armes durement, et l’appelloit on monsigneur

Jehan Jeuiel: cils avoit toutdis de se route

deux cens ou trois cens combatans. Li rois de Navare

escrisi devers lui et le pria que il le volsist venir servir

30à ce que il avoit de gens, et il li remeriroit grandement.

Messires Jehans Jeuiaus descendi à le priière

[106] 106dou roy de Navare et vint devers lui tost et apertement,

et se mist dou tout en son service.

Bien savoit et estoit enfourmés li dus de Normendie

que li rois de Navare faisoit son amas de gens

5d’armes et que li captaus de Beus en seroit chiés et

gouvrenères. Si se pourvei selonc ce et escrisi devers

monsigneur Bertran de Claiekin qui se tenoit à

Mantes, et li manda que il et si Breton fesissent frontière

contre les Navarois et se mesissent as camps,

10et il li envoieroit gens assés pour combatre le poissance

dou roy de Navare. Et ordonna encores li dis

dus de Normendie à demorer monsigneur Boucicau

en le ville de Mantes, et de garder là le frontière et

Mantes et Meulent, pour les Navarois. Tout ensi fu

15fait comme li dus ordonna. Si se parti messires Bertrans

à tout ses Bretons et se mist sus les camps par

devers Vernon. En briefs jours, envoia li dus de Normendie

devers lui grans gens d’armes en pluiseurs

routes, le conte d’Auçoirre, le visconte de Byaumont,

20le signeur de Biaugeu, monsigneur Loeis de Chalon,

monsigneur l’Arceprestre, le mestre des arbalestriers

et pluiseurs bons chevaliers et escuiers. Encores estoient

en ce temps issu de Gascongne et venu en

France, pour servir le duch de Normendie, li sires

25de Labreth, messires Aymenions de Pumiers, messires

Petitons de Courton, messires li soudis de Lestrade

et pluiseur aultre appert chevalier et escuier:

de quoi li dis dus de Normendie leur savoit grant

gret, et leur donna tantos grans gages et grans pourfis,

30et leur pria que il volsissent aler et chevaucier

en Normendie contre ses ennemis. Li dessus nommet,

qui ne desiroient ne demandoient aultre cose

[107] 107que les armes, obeirent volentiers et se misent en

arroi et en ordenance et vuidièrent de Paris, et

chevaucièrent devers Normendie, excepté le corps dou

signeur de Labreth. Cilz demora à Paris dalés le

5duch, mès ses gens alèrent en celle chevaucie.

En ce temps, issi des frontières de Bretagne, des

basses marces devers Alençon, uns chevaliers bretons

françois qui s’appelloit messires Braimons de Laval,

et vint sus une ajournée courir devant le cité d’Evrues;

10si avoit en se compagnie bien quarante lances,

tous Bretons. A ce donc estoit dedens Evrues uns

jones chevaliers qui s’appelloit messires Guis de

Gauville. Sitost qu’il entendi l’effroi de chiaus d’Evrues,

il se courut armer et fist armer tous les compagnons

15saudoiiers qui laiens ou chastiel estoient, et

puis montèrent sus leurs chevaus et vuidièrent par

une porte desous le chastiel et se misent as camps.

Messires Braimons avoit ja fait se emprise et se

moustre et s’en retournoit tout le pas. Evous venu

20monsigneur Gui de Gauville, monté sus fleur de

coursier, le targe au col et le glave ou poing, et escrie

tout en hault: «Braimon, Braimon, vous n’en

irés pas ensi, il vous fault parler à chiaus d’Evrues:

vous les estes venus veoir de si priès qu’il vous voelent

25aprendre à cognoistre.»

Quant messires Braimons se oy escrier, si retourna

son coursier et abaissa son glave, et s’adreça droitement

dessus monsigneur Gui. Cil doi chevalier se consievirent

de grant ravine telement sus les targes, que

30les glaves volèrent en tronçons; mès il se tinrent si

francement que onques ne se partirent des arçons, et

passèrent oultre. Au retour qu’il fisent, il sacièrent leurs

[108] 108espées, et tantost s’entremellèrent leurs gens. De premières

venues, il en y eut tamaint reversé, d’une part

et d’aultre. Là eut bon puigneis, et se acquittèrent

li Breton moult loyaument, et se combattirent vassaument;

5mès finablement il ne peurent obtenir le

place, ançois les couvint demorer, car gens croissoient

toutdis sus yaus. Et furent tout mort ou pris;

onques nuls n’en escapa, et prist messires Guis de

Gauville monsigneur Braimon de Laval, et l’enmena

10comme son prisonnier dedens le chastiel d’Evrues,

[et ossi y furent menés tous les aultres qui pris estoient.

Ensi eschei de ceste aventure, dont messires

Guis fu durement prisiés et amés dou roy de Navare

et de tous ceux de la ville d’Evrues[409].]

15§ 513. Auques en ce temps, retourna en France li

rois de Cipre qui revenoit d’Aquitainne, et s’en vint

droitement à Paris et se traist devers le regent le duc

de Normendie. A ce donc estoient dalés lui si doi

frère, li dus d’Ango et messires Phelippes, qui puis fu

20dus de Bourgongne, et attendoient le corps dou roy

leur père, que on raportoit d’Engleterre. Si leur aida

à complaindre li dis rois de Cipre leur duel, et il

meismes prist en grant desplaisance ceste mort dou

roy de France, pour le cause de ce que ses voiages

25en estoit arrierés, et s’en vesti de noir. Or vint li

jours que li corps dou dit roy de France, qui estoit

embausumés et mis en un sarcu, approça Paris, lequel

corps messires Jehans d’Artois, li contes de

Dammartin et li grans prieus de France raconduisoient.

[109] 109Si vuidièrent de Paris li dus de Normendie et

si frère et li rois de Cipre et la grigneur partie dou

clergiet de Paris, et alèrent tout à piet oultre Saint

Denis en France; et là fu il aportés et ensepelis en

5grant solennité. Et canta li arcevesques de Sens la

messe le jour de son obsèque.

Apriès le service fait et le disner qui fu moult grans

et moult nobles, li signeur et li prelat retournèrent

tout à Paris. Si eurent parlement et conseil ensamble

10à savoir comment il se maintenroient, car li royaumes

ne pooit longement estre sans roy. Si fu consilliet

par l’avis des prelas et des nobles que on se trairoit

devers le cité de Rains, pour couronner à roy

monsigneur Charle, duch de Normendie. Lors fist

15on appareillier moult grandes pourveances par tout

ensi que li nouviaus rois devoit aler, passer et demorer,

et par especial en le cité de Rains. Si en escrisi

cilz qui s’appelloit encores dus de Normendie

à son oncle, monsigneur Wincelart, duc de Braibant

20et de Lussembourc, et ossi au conte de Flandres,

en priant que il volsissent estre à son couronnement.

Et estoit li jours assignés au jour de le Trinité

proçain venant.

Entrues que ces besongnes, ces pourveances et cil

25signeur s’ordonnoient, s’approçoient ossi li François et

li Navarois en Normendie. Et ja estoit venus en le cité

de Evrues li captaus de Beus, qui là faisoit son amas

et sen assamblée de gens d’armes et de compagnons

tout partout où il les pooit avoir. Si parlerons de lui

30et de monsigneur Bertran de Claiekin, et d’une belle

journée de bataille qu’il eurent le joedi devant le

Trinité, que li dus de Normendie devoit estre couronnés

[110] 110et consacrés à roy de France, ensi qu’il fu en

l’eglise cathedral de Rains.

§ 514. Quant messires Jehans de Graili, dis et

nommés captaus de Beus, eut fait son amas et sen

5assamblée, en le cité de Evrues, de gens d’armes,

d’arciers et de brigans, il ordonna ses besongnes et

laissa en le ditte cité chapitainne, un chevalier qui

s’appelloit messires Legiers d’Orgesi, et envoia à Konces

monsigneur Gui de Gauville, pour faire frontière

10sus le pays, et puis se parti de Evrues à tout ses gens

d’armes et ses arciers, car il entendi que li François

chevauçoient, mais il ne savoit quel part. Si se mist

as camps, en grant desir que d’yaus combatre; si

nombra ses gens et se trouva sept cens lances, trois

15cens arciers et bien cinq cens aultres hommes aidables.

Là estoient dalés lui pluiseur bon chevalier et

escuier, et par especial uns banerès dou royaume de

Navare, qui s’appelloit li sires de Saus; et li plus

grans après et li plus apers et qui tenoit le plus

20grande route de gens d’armes et d’arciers, c’estoit uns

chevaliers d’Engleterre, qui s’appelloit messires Jehans

Jeuiel. Si y estoient messires Pierres de Sakenville,

messires Guillaumes de Gauville, messires

Bertrans dou Franc, le bascle de Maruel et pluiseur

25aultre, tout en grant volenté d’encontrer monsigneur

Bertran et ses gens et de combatre. Si tiroient à venir

devers Pasci et le Pont de l’Arce; car bien pensoient

que li François passeraient là le rivière de Sainne,

voires se il ne l’avoient ja passé.

30Or avint que, droitement le merkedi de le Pentecouste,

si com li captaus et se route chevauçoient au

[111] 111dehors d’un bois, il encontrèrent d’aventure un hiraut

qui s’appelloit le Roy Faucon, et estoit cilz au

matin partis de l’ost des François. Si tretost que li

captaus de Beus le vei, bien le recongneut et li fist

5grant cière, car il estoit hiraus au roy d’Engleterre,

et li demanda dont il venoit et se il savoit nulles nouvelles

des François. «En nom Dieu, monsigneur,

dist il, oïl: je me parti hui matin d’yaus et de leur

route, et vous quièrent ossi et ont grant desir de

10vous trouver.»—«Et quel part sont il? ce dist li

captaus; sont il deçà le Pont de l’Arce ou delà?»—«En

nom Dieu, dist Faucons, sire, il ont passé le

Pont de l’Arce et Vrenon, et sont maintenant, je

croi, assés priès de Pasci.»—«Et quelz gens sont

15il, dist li captaus, et quelz capitainnes ont il? Di le

moi, je t’en pri, doulz Faucon.»—«En nom Dieu,

sire, il sont bien mil et cinq cens combatans et toutes

bonnes gens d’armes. Si y sont messires Betran

de Claiekin, qui a le plus grant route de Bretons, li

20contes d’Auçoirre, li viscontes de Byaumont, messires

Loeis de Chalon, li sires de Biaugeu, monsigneur

le mestre des arbalestriers, monsigneur l’Arceprestre,

messires Oudars de Renti. Et si y sont

de Gascongne, vostre pays, les gens le signeur de

25Labreth, messires Petiton de Courton et messires

Perducas de Labreth; si y est messires Aymenions de

Pumiers et messires li soudis de Lestrade.»

Quant li captaus oy nommer les Gascons, si fu durement

esmervilliés, et rougia tous de felonnie, et

30replika sa parolle en disant: «Faucon, Faucon, es[t]

ce à bonne verité ce que tu dis que cil chevalier de

Gascongne, que tu nommes, sont là, et les gens le

[112] 112signeur de Labreth?»—«Sire, dist li hiraus, par

ma foi, oïl.»—«Et où est li sires de Labreth? dist li

captaus.»—«En nom Dieu, sire, respondi Faucons,

il est à Paris dalés le regent le duch de Normendie,

5qui s’appareille fort pour aler à Rains, car

on dist ensi partout communement que dimence qui

vient, il s’i fera sacrer et couronner.» Adonc mist li

captaus sa main à sa tieste, et dist ensi que par mautalent:

«Par le cap saint Antone, Gascon contre

10Gascon s’esprouveront.»

Adonc parla li Rois Faucons pour Prie, un hiraut

que li Arceprestres envoioit là, et dist au captal:

«Monsigneur, assés priès de ci m’attent uns hiraus

françois que li Arceprestres envoie devers vous, liquels

15Arceprestres, à ce que j’entens par le hiraut,

parleroit à vous volentiers.» Dont respondi li captaus

et dist à Faucon: «Faucon, dittes à ce hiraut

françois qu’il n’a que faire plus avant, et qu’il die à

l’Arceprestre que je ne voeil nul parlement à lui.»

20Adonc s’avança messires Jehans Jeuiel, et dist: «Sire,

pourquoi? Espoir est ce pour nostre proufit.» Dont

dist li captaus: «Jehan, Jehan, non est; mès est li

Arceprestres si grans baretères, que, se il venoit jusques

à nous, en nous comptant gengles et bourdes,

25il aviseroit et imaginerait nostre force et nos gens:

si nous poroit tourner à grant contraire. Si n’ai cure

de ses parlemens.» Adonc retourna li Rois Faucons

devers Prie son compagnon qui l’attendoit au coron

d’une haie, et escusa monsigneur le captal bien et

30sagement, tant que li hiraus en fu tous contens, et

raporta arrière à l’Arceprestre tout ce que Faucons li

avoit dit.

[113] 113 § 515. Ensi eurent li François et li Navarois cognissance

li uns de l’autre, par le raport des deux

hiraus; si se consillièrent et avisèrent sur ce et se

radrecièrent ensi que pour trouver l’un l’autre. Quant

5li captaus eut oy dire à Faucon quel nombre de gens

d’armes li François estoient et qu’il estoient bien

quinze cens, il envoia tantost certains messages en le

cité d’Evrues, devers le chapitainne, en lui segnefiant

que il fesist vuidier et partir toutes manières de jones

10compagnons armerés dont on se pooit aidier, et

traire devers Cocheriel; car il pensoit bien que là en

cel endroit trouveroit il les François, et sans faute,

quel part qu’il les trouvast, il les combateroit. Quant

ces nouvelles vinrent en le cité d’Evrues à monsigneur

15Legier d’Orgesi, il le fist criier et publiier, et

commanda estroitement que tout cil qui à ceval

estoient, incontinent se traissent devers le captal. Si

en partirent de recief plus de six vingt, tous jones

compagnons, de le nation de le ville.

20Ce merkedi, se loga à heure de nonne li captaus sus

une montagne, et ses gens tout environ; et li François

qui les desiroient à trouver, chevaucièrent avant

et tant qu’il vinrent sus une rivière que on claime ou

pays Yton, et keurt autour devers Evrues et nest de

25bien priès de Konces; si se logièrent ce merkedi tout

aisiement, à heure de relevée, ens uns biaus prés tout

dou lonch ceste rivière.

Le joedi au matin, se deslogièrent li Navarois, et

envoiièrent leurs coureurs devant, pour savoir se il

30oroient nulles nouvelles des François; et li François

envoiièrent ossi les leurs, pour savoir se il oroient

nulles telles nouvelles des Navarois. Si en raportèrent

[114] 114cescuns à se partie, en mains d’espasse que de deux

liewes, certainnes nouvelles; et chevauçoient li Navarois,

ensi que Faucons les menoit, droit à l’adrèce,

le chemin qu’il estoit venus. Si vinrent environ heure

5de prime sus les plains de Coceriel, et veirent les

François devant yaus, qui ja ordonnoient leurs batailles,

et y avoit grant fuison de banières et de pennons,

et estoient par samblant plus tant et demi qu’il

ne fuissent.

10Si se arrestèrent li dit Navarois tout quoi au dehors

d’un petit bos qui là siet, et puis se traisent avant les

chapitainnes et se misent en ordenance. Premierement,

il fisent trois batailles bien et faiticement tout

à piet, et envoiièrent leurs chevaus, leurs males et

15leurs garçons en ce petit bois qui estoit dalés yaus, et

establirent monsigneur Jehan Jeuiel en le première

bataille, et li ordonnèrent tous les Englès, hommes

d’armes et arciers. La seconde eut li captaus, et

pooient estre en se bataille environ quatre cens

20combatans, uns c’autres. Si estoient dalés le captal li

sires de Saus en Navare, uns jones chevaliers, et se

banière, et messires Guillaumes de Gauville et messires

Pierres de Sakenville. La tierce eurent troi

aultre chevalier, messires li bascles de Marueil, messires

25Bertrans dou Franc et messires Sanses Lopins,

et estoient ossi environ quatre cens armeures de fier.

Quant il eurent ordonné leurs batailles, il ne s’eslongièrent

point trop lonch l’un de l’autre, et prisent

l’avantage d’une montagne qui estoit à le droite

30main entre le bois et yaus, et se rengièrent tout de

front sus celle montagne par devant leurs ennemis.

Et misent encores, par grant avis, le pennon dou

[115] 115captal en un fort buisson espinerés, et ordonnèrent

là autour soissante armeures de fier pour le garder

et deffendre. Et le fisent par manière d’estandart

pour yaus ralloiier, se par force d’armes il estoient

5espars; et ordonnèrent encores que point ne se devoient

partir ne descendre de le montagne pour cose

qui avenist, mès, se on les voloit combatre, on les

alast là querre.

§ 516. Tout ensi ordonné et rengié se tenoient

10Navarois et Englès, d’un costé, sus le montagne que

je vous di. Entrues ordonnoient li François leurs batailles,

et en fisent trois et une arrière garde. La

première eut messires Bertrans de Claiekin à tout les

Bretons, et fu ordonnés pour assambler à le bataille

15dou captal. La seconde [eut li contes d’Auçoirre: si

estoient avecques lui gouverneurs de celle bataille[410]] li

viscontes de Byaumont et messires Bauduins d’Anekins,

mestres des arbalestriers, et eurent avoech yaus

les François, les Normans et les Pikars, monsigneur

20Oudart de Renti, monsigneur Engherant d’Uedin,

monsigneur Loeis de Haveskierkes et pluiseurs aultres

bons chevaliers et escuiers. La tierce eut li Arceprestres

et les Bourghegnons avoech lui, monsigneur

Loeis de Chalon, le signeur de Biaugeu, monsigneur

25Jehan de Viane, monsigneur Gui de Frelai, monsigneur

Hughe de Viane et pluiseurs aultres; et devoit

assambler ceste bataille au bascle de Marueil et à se

route. Et l’autre bataille qui estoit pour arrière garde,

[116] 116estoit toute purainne de Gascons, desquelz messires

Aymenions de Pumiers, messires li soudis de Lestrade,

messires Perducas de Labreth et messires Petiton

de Courton furent souverain et meneur.

5Or eurent là cil chevalier gascon un grant avis; il

imaginèrent tantost l’ordenance dou captal et comment

cil de son lés avoient mis et assis son pennon sus

un buisson, et le gardoient aucun des leurs, car il en

voloient faire leur estandart. Si disent ensi: «Il est de

10necessité que, quant nos batailles seront assamblées,

nous nos traions de fait et adreçons de grant volenté

droit au pennon le captal, et nous mettons en painne

dou conquerre; se nous le poons avoir, nostre ennemi

en perderont moult de leur force et seront en

15peril de estre desconfi.» Encores avisèrent cil dit

Gascon une aultre ordenance qui leur fu moult pourfitable

et qui leur parfist leur journée.

§ 517. Assés tost apriès que li François eurent ordonnées

leurs batailles, li chief des signeurs se misent

20ensamble et consillièrent [un grant temps[411]] comment il

se maintenroient; car il veoient leurs ennemis grandement

sus leur avantage. Là disent li Gascon dessus

nommet une parolle qui fu volentiers oye: «Signeur,

nous savons bien que ou captal a un ossi preu et seur

25chevalier et conforté de ses besongnes que on trouveroit

aujourd’ui en toutes terres, et tant comme il

sera sus le place et pora entendre au combatre, il

nous portera trop grant damage; si ordonnons que

nous mettons as chevaux trente des nostres, tous

[117] 117des plus appers et plus hardis par avis, et cil trente

n’entendent à aultre cose fors yaus adrecier devers

le captal. Et entrues que nous entenderons à conquerre

son pennon, il se metteront en painne, par

5le force de leurs coursiers et de leurs bras, à desrompre

le priesse et de venir jusques au dit captal; et de

fait [il prenderont le captal[412]] et tourseront et

l’emporteront entre yaus, et [menront[413]] à sauveté où que

soit, et ja n’i attenderont fin de bataille. Nous disons

10ensi que, se il [puet[414]] estre pris ne retenus par celle

voie, la journée sera nostre, tant fort seront ses gens

esbahi de sa prise.»

Li chevalier de France et de Bretagne, qui là estoient,

acordèrent ce conseil legierement et disent

15que c’estoit uns bons avis et que ensi seroit fait. Si

triièrent et eslisirent tantost, entre leurs batailles,

trente hommes d’armes des plus hardis et plus entreprendans

par avis, qui fuissent en leurs routes,

et furent monté cil trente cescun sus bons coursiers,

20les plus legiers et plus rades qui fuissent sus le place,

et se traisent d’un lés sus les camps, avisé et enfourmé

quel cose il devoient faire, et li aultre demorèrent

tout à piet sus les camps en [leur[415]] ordenance, ensi

qu’il [devoient[416]] estre.

25§ 518. Quant cil signeur de France eurent ordonné

à leur avis leurs batailles, et que cescuns savoit quel

[118] 118cose il devoit faire, il regardèrent entre yaus et

pourparlèrent longement quel cri pour le journée il crieroient,

et à laquèle banière [ou pennon[417]] il se retrairoient.

Si furent grant temps sus un estat que de

5criier: «Nostre Dame! Auçoirre!» et de faire pour

ce jour leur souverain dou conte d’Auçoirre. Mais li

dis contes ne s’i volt onques acorder, ançois s’escusa

moult bellement, en disant: «Signeur, grant mercis

de l’onneur que vous me portés et volés faire; mais

10tant comme à present je ne voeil pas ceste, car je

sui encores trop jones pour encargier si grant fais et

tèle honneur, et s’est la première journée arrestée où

je fui onques: pour quoi vous prenderés un aultre de

moi. Ci sont pluiseur bon chevalier, monsigneur

15Bertran [de Claquin[418]], monsigneur l’Arceprestre,

monsigneur le Mestre[419], monsigneur Loeis de Chalon

monsigneur Aymenion de Pumiers, monsigneur Oudart

de Renti, qui ont esté en pluiseurs grosses besongnes

et journées arrestées, et scèvent mieulz comment

20telz besongnes se doivent gouvrener que je ne

face: si m’en deportés, et je vous en pri.»

Adonc regardèrent tout li chevalier qui là estoient

l’un l’autre, et li disent: «Contes d’Auçoirre, vous

estes li plus grans de mise, de terre et de linage qui

25ci soit; si poés bien et de droit estre nos chiés.»—«Certes,

signeur, respondi il, vous dittes vostre

courtoisie: je serai aujourd’ui vos compains, et

morrai et viverai et attenderai l’aventure dalés vous;

[119] 119mès de souverainneté n’i voeil je point avoir.» Adonc

regardèrent il l’un par l’autre lequel donc il ordonneroient.

Si y fu avisés et regardés pour le milleur

chevalier de toute le place, et qui plus s’estoit combatus

5de le main et qui mieulz savoit ossi comment

telz coses se devoient maintenir, messires Bertrans

de Claiekin. Si fu ordonné de commun acord que

on crieroit: «Nostre Dame! Claiekin!» et que on

s’ordonneroit celle journée dou tout par le dit monsigneur

10Bertran.

Toutes ces coses faites et establies, et cescuns

sires desous se banière ou sen pennon, il regardoient

leurs ennemis qui estoient sus le tierne, et point ne

partoient de leur fort, car il ne l’avoient mies en

15conseil ne en volenté: dont moult anoioit as François,

pour tant que [il les veoient grandement en

leur avantage, et aussi que[420]] li solaus commençoit

hault à monter, qui leur estoit uns grans contraires;

car il faisoit malement chaut. Si le ressongnoient

20tout li plus seur; car encor estoient il tout enjun et

n’avoient toursé ne porté vin ne vitaille avoech

yaus, qui riens leur vausist, fors aucuns signeurs qui

avoient petis flaconciaus plains de vin, qui tantost

furent vuidiet. Et point ne s’estoient de ce pourveu ne

25avisé dou matin, pour ce que il se cuidoient tantost

combatre que il seroient là venu et sans arrest. Et

non fisent, ensi que il apparu; mès les detriièrent li

Englès et li Navarois par soutilleté ce qu’il peurent,

et fu plus de remontière ançois que il se mesissent

30ensamble pour combatre.

[120] 120Quant li signeur de France en veirent le couvenant,

il se remisent ensamble par manière de conseil,

à savoir comment il se maintenroient et se on

les iroit combatre ou non. A ce conseil n’estoient il

5mies bien d’acort, car li aucun voloient que on les

alast requerre et combatre, comment qu’il fust, et

que c’estoit grans blasmes pour yaus, quant tant y

mettoient. Là debatoient li aucun mieulz avisé ce

conseil, et disoient que, se on les aloit combatre

10ens ou parti où il estoient et ensi aresté sus leur

avantage, on se metteroit en très grant peril; car

des cinq il aroient les trois. Finablement, il ne pooient

estre d’acort que [de[421]] yaus aler combatre. Bien

veoient et consideroient li Navarois le manière d’yaus,

15et disoient: «V[e]és les ci: il venront tantost à nous

pour nous combatre; il en sont en grant frefel et

grant volenté.»

Là avoit aucuns chevaliers et escuiers normans, prisonniers

entre les Englès et Navarois, qui estoient recrus

20sus leurs fois; et les laissoient paisieulement lor

mestre aler et chevaucier, pour tant qu’il ne se pooient

armer, deviers les François. Se disoient cil as signeurs

de France: «Signeur, avisés vous, car, se la journée

d’ui se depart sans bataille, nostre ennemi seront demain

25trop grandement reconforté; car on dist entre

yaus que messires Loeis de Navare y doit venir à bien

trois cens lances.» Siques ces parolles enclinoient

grandement les chevaliers et les escuiers de France à

combatre, comment qu’il fust, les Navarois. Et en

30furent tout appareillié et ahati par trois ou par quatre

[121] 121fois; mès toutdis vaincoient li plus sage et disoient:

«Signeur, attendons encores un petit et veons comment

il se maintenront; car il sont bien si grant et

si presumptueus que il nous desirent otant à combatre,

5que nous faisons eulz.»

Là en y avoit pluiseur durement foulés et malmenés,

pour le grant caleur que il faisoit, car il estoit

sus l’eure de nonne; si avoient juné toute la matinée,

et estoient armé et feru dou soleil parmi leurs

10armeures qui estoient escaufées. Si disoient bien cil:

«Se nous nos alons combatre ne lasser contre celle

montagne, ou parti où nous sommes, nous serons

perdu d’avantage; mès retreons nous meshui en

nostres logeis, et de matin arons nous aultre conseil.»

15Ensi estoient il en diverses opinions.

§ 519. Quant li chevalier de France, qui ces gens

avoient sus leur honneur à conduire et à gouvrener,

veirent que li Navarois et li Englès d’une sorte ne

partiroient point de leur fort, et que il estoit [ja[422]] haute

20nonne, et si ooient les parolles que li prisonnier

françois qui venoient de l’ost des Navarois, leur disoient,

et si veoient le grigneur partie de leurs gens

durement foulé et travilliet pour le chaut, si leur

tournoit à grant desplaisance. Si se remisent ensamble

25et eurent aultre conseil, par l’avis de monsigneur

Bertran de Claiekin, qui estoit leurs chiés et à qui il

obeissoient. «Signeur, dist il, nous veons que nostre

ennemi nous detrient à combatre, et si en sont en

grant volenté, si com je l’espoir; mès point ne

[122] 122descenderont de leur fort, se ce ne n’est par un parti

que je vous dirai. Nous ferons samblant de nous retraire

et de non combatre meshui, ossi sont nos gens

durement foulé et travilliet pour le chaut; et ferons

5tous nos varlès, nos harnois et nos chevaus passer

tout bellement et ordonneement outre ce pont et

l’aigue et retraire à nos logeis, et toutdis nous tenrons

sus èle et entre nos batailles en agait, pour veoir

comment il se maintenront. Se il nous desirent à

10combatre, il descenderont de leur montagne et nous

venront requerre tout au plain. Tantost que nous

verons leur couvenant, se il le font ensi, nous serons

tout appareillié de retourner sus yaus, et ensi les

arons nous mieulz à nostre aise.» Cilz consaulz fu

15arestés de tous, et le tinrent pour le milleur entre yaus.

Adonc se retraist cescuns sires entre ses gens et dessous

se banière ou son pennon, ensi comme il devoit

estre, et puis sonnèrent leurs trompètes et fisent

grant samblant d’yaulz retraire; et commandèrent

20tout chevalier et escuier et gens d’armes, leurs varlès

et garçons à passer le pont et mettre oultre le rivière

leur harnas. Si en passèrent pluiseur en cel estat et

priès ensi que tout, et depuis aucunes gens d’armes

faintement.

25Quant messires Jehans Jeuiel, qui estoit appers

chevaliers et vighereus durement et qui avoit grant

desir des François combatre, perçut le manière comment

il se retraioient, si dist au captal: «Sire, sire,

descendons apertement; ne veés vous le manière

30comment li François s’enfuient?» Dont respondi li

captaus et dist: «Messire Jehan, messire Jehan, ne

creés ja que si vaillant homme qu’il sont là, s’enfuient

[123] 123ensi; il ne le font fors par malisse et pour nous

attraire.» Adonc s’avança messires Jehans Jeuiaus,

qui moult engrans estoit de combatre, et dist à ceulz

de sa route, et en escriant: «Saint Jorge! Passés

5avant! Qui m’aime, se me siewe: je m’en vois combatre.»

Dont se hasta il, son glave en son poing, par

devant toutes les batailles, et estoit ja avalés jus

de le montagne et une partie de ses gens, ançois

que li captaus se meuist. Quant messires li captaus

10veit que c’estoit acertes et que Jehans Jeuiel

s’en aloit combatre sans lui, se le tint à grant

presumption, et dist à chiaus qui dalés lui estoient:

«Alons, alons, descendons la montagne apertement;

messires Jehans Jeuiaus ne se combatera point sans

15mi.» Dont s’avancièrent toutes les gens dou captal,

et ils premierement, son glave en son poing.

Quant li François qui estoient en agait, les veirent

descendus et venus ou plain, si furent tout resjoy et

disent entre yaus: «Veci che que nous demandions

20hui tout le jour.» Adonc retournèrent il tout à un fais,

en grant volenté de recueillier leurs ennemis, et

escriièrent d’une vois: «Nostre Dame! Claiekin!» Si

drecièrent leurs banières devers les Navarois, et

commencièrent les batailles à assambler de toutes pars,

25et tout à piet. Evous monsigneur Jehan Jeuiel tout

devant, le glave ou poing, qui corageusement vint

assambler à le bataille des Bretons, desquels messires

Bertrans estoit chiés, et là fist tamainte grant apertise

d’armes, car il fu hardis chevaliers malement. Dont

30s’espardirent ces batailles, cil chevalier et cil escuier

sus ces plains, et commencièrent à lancier, à ferir et à

fraper de toutes armeures, ensi que il les avoient à

[124] 124main, et à entrer en l’un l’autre par vasselage, et yaus

combatre de grant volenté. Là crioient li Englès et li

Navarois d’un lés: «Saint Jorge! Navare!» et li

François: «Nostre Dame! Claiekin!» Là furent moult

5bon chevalier, dou costet des François: premierement

messires Bertrans de Claiekin, li jones contes d’Auçoirre,

li viscontes de Byaumont, messires Bauduins

d’Anekins, messires Loeis de Chalon, li jones sires de

Biaugeu messires Anthones, qui là leva banière, messires

10Loeis de Haveskierke, messires Oudars de Renti,

messires Engherans d’Uedins; et d’autre part, li Gascon,

qui avoient leur bataille et qui se combatoient à

par yaus: premierement messires Aymenions de Pumiers,

messires Perducas de Labreth, messires li soudis

15de Lestrade, messires Petiton de Courton et pluiseur

aultre, tout d’une sorte. Et s’adrecièrent cil

Gascon à le bataille dou captal et des Gascons: ossi

il avoient grant volenté d’yaus trouver. Là eut grant

hustin et dur puigneis, et fait tamainte grant apertise

20d’armes.

Et pour ce que en armes on ne doit point mentir

à son loyal pooir, on me poroit demander que li

Arceprestres, qui là estoit uns grans chapitains et

qui tenoit grant route, estoit devenus, pour ce que

25je n’en fai nulle mention. Je vous en dirai le verité.

Si tretost que li Arceprestres vei l’assamblement

de le bataille et que on se combateroit, il se

bouta hors des routes; mais il dist à ses gens et à

celui qui portoit se banière: «Je vous ordonne et

30commande, sur quanques vous poés fourfaire envers

moy, que vous demorés et attendés fin de journée.

Je me pars sans retourner, car je ne me puis hui

[125] 125combatre ne estre armés contre aucuns chevaliers

qui sont par delà; et, se on vous demande de mi, si

en respondés ensi à chiaus qui en parleront.» Adonc

se parti il, et uns siens escuiers tant seulement, et rapassa

5le rivière et laissa les aultres couvenir. Onques

François ne Breton ne s’en donnèrent garde, pour

tant que il veoient ses gens et se banière jusques en

le fin de le besongne, et le cuidoient dalés yaus. Or

vous parlerons de le bataille, comment elle fu perseverée,

10et des grans apertises d’armes qui y furent faites

celle journée, ensi que vous orés.

§ 520. Au commencement de le bataille, quant

messires Jehans Jeuiel fu descendus, et toutes gens le

sievirent dou plus priès qu’il peurent, et meismement

15li captaus et se route, et cuidièrent avoir le journée

pour yaus; mès il en fu tout aultrement. Quant li

Navarois veirent que li François estoient retournet

par bonne ordenance, il conçurent tantost qu’il s’estoient

fourfet. Nonpourquant, comme gens de grant

20emprise, il ne s’esbahirent de riens, mès eurent bien

intention de tout recouvrer par bien combatre. Si

reculèrent un petit et se remisent ensamble, et puis

se ouvrirent et fisent voie à leurs arciers qui estoient

derrière yaus, pour traire. Quant li arcier furent devant,

25si s’eslargirent et commencièrent à traire de

grant manière; mès li François estoient si fort armé

et si bien paveschié contre le tret, que onques il n’en

furent grevé, se petit non, ne pour ce n’en laissièrent

il point à combatre, mès entrèrent, et tout à piet, ens ès

30Navarois et Englès, et cil entre eulz de grant volenté.

Là eut grant bouteis et lanceis des uns as aultres, et

[126] 126tolloient à l’un l’autre, par force de bras et de luitier,

leurs lances et leurs haces et les armeures dont

il se combatoient; et se prendoient et fiançoient prisonniers

li un l’autre, et se approçoient de si priès

5que il se combatoient main à main si vaillamment

que nulles gens mieulz. Si poés bien croire que en

tel presse et en tel peril il en y avoit des mors et des

reversés grant fuison; car nulz ne s’espargnoit, d’un

costet ne d’aultre. Et vous di que li François n’avoient

10que faire de dormir ne de reposer sus leur

bride, car il avoient gens de grant fait et de hardie

emprise à le main: si couvenoit çascun acquitter

loyaument à son pooir et deffendre son corps, et

garder son pas et prendre son avantage, quant il venoit

15à point; aultrement il euissent esté tout desconfi.

Si vous di pour verité que li Breton et li

Gascon y furent là très bonnes gens, et y fisent pluiseurs

belles apertises d’armes.

Or vous voeil je compter des trente qui estoient

20esleu pour yaus adrecier au captal, et [estoient[423]] trop

bien monté sus fleurs de coursiers. Chil qui n’entendoient

à aultre cose que à leur emprise, si com cargié

en estoient, s’en vinrent tout serré là où li captaus se

combatoit moult vaillamment d’une hace et donnoit

25les cops si grans que nulz ne l’osoit approcier, et

rompirent le priesse par force de chevaus, et ossi

[parmi[424]] l’ayde des Gascons qui leur fisent voie. Cil

trente qui estoient trop bien monté, ensi que vous

savés, et qui savoient quel cose il devoient faire, ne

[127] 127veurent mies ressongnier le painne ne le peril; mès

vinrent jusques au captal et l’environnèrent, et s’arrestèrent

dou tout sur lui, et le prisent et embracièrent

de fait entre yaus par force, et puis vuidièrent

5le place et l’emportèrent en cel estat. Et en ce lieu

eut adonc grant abateis et dur puigneis, et se commencièrent

toutes les batailles à converser de celle

part, car les gens dou captal, qui sambloient bien

foursené, crioient: «Rescousse au captal! Rescousse!»

10Nientmains, ce ne leur peut valoir ne aidier: li captaus

en fu portés et ravis en le manière que je

vous di, et mis à sauveté; de quoi, en l’eure que ce

avint, on ne savoit encores de verité liquel en aroient

le milleur.

15§ 521. En ce toueil et en ce grant hustin et froisseis,

et que Navarois et Englès entendoient à sievir le

trace dou captal qu’il en veoient mener [et porter[425]]

devant yaus, dont il sambloient tout foursené, messires

Aymenions de Pumiers, messires Petiton de

20Courton, messires li soudis de Lestrade et les gens le

signeur de Labreth, d’une sorte, entendirent de grant

volenté à yaus adrecier au pennon le captal qui estoit

en un buisson et dont li Navarois faisoient leur estandart.

Là eut grant hustin et dur et forte bataille,

25car il estoit bien gardés et de bonnes gens, et par

especial messires li bascles de Marueil et messires

Joffrois de Rousseillon y estoient. Là eut fait tamainte

grant apertise d’armes, mainte prise et mainte rescousse,

et maint homme blecié et navré et reversé

[128] 128par terre, qui onques depuis ne se relevèrent. Toutesfois,

li Navarois, qui là estoient dalés ce buisson et

le pennon dou captal, furent ouvert et reculé par

force d’armes, et mors li bascles de Marueil et pluiseur

5aultre, et pris messires Joffrois de Rousseillon et

fianchiés prisons de monsigneur Aymenion de Pumiers,

et tout li aultre qui là estoient, mort ou pris

ou reculé si avant qu’il n’en estoit là nulle nouvelle

entours le buisson, quant li pennons dou dit captal

10fu pris et conquis et deschirés et rués par terre.

Entrues que li Gascon entendoient à ce faire, li Pikart,

li François, li Normant, li Breton et li Bourghegnon

se combatoient d’autre part moult vaillamment. Et

bien leur besongnoit, car li Navarois les avoient reculés,

15et [estoit demourez[426]] mort entre yaus, dou costé

des François, li viscontes de Byaumont, dont ce fu

damages; car il estoit à ce jour jones chevaliers et

bien tailliés de valloir encores grant cose. Si l’avoient

ses gens à grant meschief porté hors de le priesse

20ensus de le bataille, et là le gardoient. Je vous di,

si com je oy depuis recorder ceulz qui y furent d’un

costé et d’autre, que on n’avoit point veu la pareille

bataille de celle, de otèle quantité de gens, estre ossi

bien combatue comme celle fu; car il estoient tout à

25piet et main à main. Si s’entrelaçoient li un dedens

l’autre, et s’esprouvoient au bien combatre de telz

armeures qu’il portoient; et par especial de ces haces

donnoient il si grans horions que tout s’estonnoient.

Là furent navré et durement blecié messires Petitons

30de Courton et messires li soudis de Lestrade, et telement

[129] 129que depuis, pour le journée, ne se peurent aidier.

Messires Jehans Jeuiel, par qui la bataille commença

et qui de premiers moult vassaument avoit

assaillis et envaïs les François, y fist ce jour tamainte

5grant apertise d’armes, et ne daigna onques reculer, et

se embati si avant qu’il fu durement bleciés et navrés

en pluiseurs lieus ou corps et ou cief, et fu pris et

fianciés prisons d’un escuier de Bretagne desous le

banière monsigneur Bertran de Claiekin: adonc fu il

10portés hors de la presse. Li sires de Biaugeu, messires

Loeis de Chalon, les gens de l’Arceprestre, avoech

grant fuison de bons chevaliers et escuiers de Bourgongne,

se combatoient d’autre part moult vaillamment

et bien savoient à qui respondre; car une route

15de Navarois et les gens à monsigneur Jehan Jeuiel

leur estoient au devant. Et vous di que li François

ne l’avoient point d’avantage, car il trouvoient dures

gens merveilleusement contre yaus. Messires Bertrans

et si Breton se acquittèrent loyaument bien et

20se tinrent tousjours ensamble, en aidant l’un l’autre.

Et ce qui desconfi les Navarois et Englès, ce

fu la prise du captal, qui fu pris très le commencement,

et le conquès de son pennon, où ses gens

ne se peurent ralloiier. Li François obtinrent le

25place, mès il leur cousta grandement des leurs; et y

furent mort, de leur costé, li viscontes de Byaumont,

si com vous avés oy, messires Bauduins d’Anekins,

mestres des arbalestriers, messires Loeis de Haveskierke

et pluiseur aultre. Et des Navarois, mors uns

30banerès de Navare qui s’appelloit li sires de Saus, et

grant fuison de ses gens dalés lui, et mors messires

li bascles de Marueil, uns apers chevaliers durement,

[130] 130si com dessus est dit, et ossi morut ce jour prisonniers

messires Jehans Jeuiel. Si y furent pris messires

Guillaumes de Gauville, messire Pierres de Sakenville,

messires Joffrois de Roussellon, messires

5Bertrans dou Franch et pluiseur aultre: petit s’en

sauvèrent que tout ne fuissent ou mort ou pris

sus le place. Ceste bataille fu en Normendie assés

priès de Coceriel, par un joedi, le [seizième[427]] jour

de may, l’an de grasce mil trois cens soissante

10quatre.

§ 522. Apriès ceste desconfiture, et que tout li

mort estoient ja desvesti, et que cescuns entendoit à

ses prisonniers, qui les avoit, ou à lui mettre à point,

qui bleciés estoit, et que ja la grignour partie des

15François avoient rapasset le pont et le rivière et se

retraioient à leurs logeis, tout foulé et tout lassé, furent

il en aventure d’avoir aucun meschief, dont il

ne se donnoient garde. Je vous dirai comment.

Messires Guis de Gauville, filz à monsigneur Guillaume

20de Gauville, qui pris estoit sus le place, estoit

partis de Konces, une garnison navaroise; car

il avoit entendu que leurs gens se devoient combatre,

ensi qu’il fisent; et durement s’estoit hastés pour

estre à celle journée, ou à tout le mains il esperoit

25que à l’endemain on se combateroit. Si voloit estre

dalés le captal, comment qu’il fust, et avoit en se

route environ cinquante lances de bons compagnons

et tous bien montés. Li dis messires Guis et se route

s’en vinrent tout, à brochant les grans eslais, jusques

[131] 131en le place où la bataille avoit esté. Li François, qui

estoient derrière et qui nulle garde ne s’en donnoient

de celle sourvenue, sentirent la friente; si se reboutèrent

tantost tous ensamble et s’en vinrent

5contre les Navarois, en escriant: «Retournés! Retournés!

Veci les ennemis!» De cel effroi furent

li pluiseur moult effraé, et là fist messires Aymenions

de Pumiers à leurs gens un grant confort: encores

estoit il, et toute se route, sus le place. Sitos comme

10il vei ces Navarois approcier, il se retrest sus dextre

et fist desvoleper son pennon, et lever et mettre tout

hault sus un buisson, par manière d’estandart, pour

ralloiier leurs gens.

Quant messires Guis de Gauville, qui en haste

15estoit adreciés sus le place, en vei le manière et recognut

le pennon monsigneur Aymenion de Pumiers,

et oy escrier: «Nostre Dame! Claiekin!» et ne perçut

nullui de chiaus qu’il demandoit, mès en veoit

grant fuison tous mors gesir par terre, si cogneut

20tantost que leurs gens avoient estet desconfi, et li

François obtenu le place. Si fist tant seulement un

puigneis, sans faire nul samblant de combatre, et

passa oultre assés priès de monsigneur Aymenion de

Pumiers qui estoit tous appareilliés de lui recueillier,

25se il fust traist avant, et s’en rala son chemin ensi

comme il estoit venus: je croi bien que ce fu devers

le garnison de Conces.

Or parlerons nous des François comment il perseverèrent.

La journée, ensi que vous avés entendu,

30fu pour yaus, et rapassèrent le soir oultre le rivière,

et se traisent à leurs logeis, et se aisièrent de ce qu’il

eurent. Si fu li Arceprestres durement demandés et

[132] 132deparlés, quant on se perçut qu’il n’avoit point estet

a le bataille et qu’il s’en estoit partis sans parler. Si

l’escusèrent ses gens au mieulz qu’il peurent. Et sachiés

que li trente, qui le captal ravirent et emportèrent,

5ensi que vous avés oy, ne cessèrent onques de chevaucier,

si l’eurent amené ou chastiel de Vrenon et

là dedens mis à sauveté. Quant ce vint à l’endemain,

il se deslogièrent et toursèrent tout, et chevaucièrent

par devers Vrenon, pour venir en le cité de

10Roem, et tant fisent qu’il y parvinrent. En le cité et

ou chastiel de Roem laissièrent il une partie de

leurs prisonniers, et s’en retournèrent li pluiseur à

Paris, tout liet et tout joiant, c’estoit raisons; car il

avoient eu une moult belle journée pour yaus, et

15moult pourfitable pour le royaume de France. Car,

se li contraires fust avenus as François, messires li

captaus de Beus euist fait un grant escars en France;

car il avoit empris et en pourpos que de chevaucier

jusques à Rains, au devant dou duch de Normendie,

20qui ja y estoit venus pour lui faire couronner et

consacrer, et la duçoise sa femme o lui; mès Diex ne

le veult mies consentir: ce doit on moult bien

esperer.

§ 523. Ces nouvelles s’espardirent en pluiseurs

25lieus, que li captaus estoit pris et toutes ses gens rués

jus. Si en acquist messires Bertrans de Claiekin grant

grasce et grant renommée de toutes manières de

gens ou royaume de France, et en fu ses noms moult

eslevés. Si vinrent les nouvelles jusques au duch de

30Normendie qui estoit à Rains; si s’en resjoy grandement

et en loa Dieu pluiseurs fois. Si en fu sa cours

[133] 133et toutes les cours des signeurs qui là estoient venu

à son couronnement, plus liet et plus joiant.

Ce fu le jour de le Trinité l’an de grasce Nostre

Signeur mil trois cens soissante quatre que li rois

5Charles, ainsnés filz dou roy Jehan de France, fu

couronnés et consacrés à roy en le grant eglise Nostre

Dame de Rains, et ensi madame la royne sa femme,

fille au duch Pière de Bourbon, de reverent père en

Dieu monsigneur Jehan de Cran, arcevesque de

10Rains. Là furent li rois Pières de Cippre, li dus

d’Ango, li dus de Bourgongne, messires Wincélaus

de Behagne, dus de Lussembourch et de Braibant,

oncles au dit roy, li contes d’Eu, li contes de Dammartin,

li contes de Tankarville, li contes de Wedimont,

15messires Robers d’Alençon, li arcevesques de

Sens, li arcevesques de Roem et tant de prelas et de

signeurs que je ne les aroie jamais tous nommés: si

m’en passerai briefment. Si y furent adonc les festes

et les solennités grandes. Et demorèrent li rois de

20France et la royne en le cité de Rains cinq jours. Si

y eut grans dons et grans presens donnés et presentés

as signeurs estragniers, dont la plus grant

partie prisent là congiet au dit roy et retournèrent

en leurs lieus.

25Si retourna li rois de France devers Paris à petites

journées et à grans esbatemens, et grant fuison

de prelas et de signeurs avoecques lui, et toutdis li

fist li rois de Cippre compagnie. On ne vous poroit

mies dire ne recorder, en un jour d’esté, les solennités

30ne les grans reviaus que on li fist en le cité de

Paris, quant il y entra. Si estoient ja revenu à Paris

la grigneur partie des signeurs et chevaliers qui

[134] 134avoient esté à le besongne de Koceriel. Si leur fist

li rois grant fieste et les vei moult volentiers, et par

especial monsigneur Bertran de Claiekin et les chevaliers

de Gascongne, monsigneur Aymenion de Pumiers

5et les autres, car li sires de Labreth avoit esté

à son couronnement.

§ 524. A le revenue dou roy de France à Paris, fu

pourveus et ravestis dou duçainné de Bourgongne

messires Phelippes ses mainsnés frères. Et se parti de

10Paris à grant gent et en ala prendre le saisine et possession

et l’ommage des barons, chevaliers, cités,

chastiaus et bonnes villes de la ditte ducé. Quant li

dus de Bourgongne eut viseté tout son pays, il retourna

en France en grant solas, et ramena avoecques

15lui son compère monsigneur l’Arceprestre, et le rapaisa

au roy parmi bonnes escusances que li Arceprestres

moustra au dit roy de ce que adonc, à le journée

de Coceriel, il ne se pooit armer contre le captal. Et

meismement li captaus, qui estoit adonc amenés à

20Paris dalés le roy et qui avoit juret à là tenir prison,

et à le priière le signeur de Labreth et des Gascons li

avoit li dis rois eslargi celle grasce, aida le dit Arceprestre

à escuser devers le roy et les chevaliers de

France qui parloient villainnement sus se partie. Et

25ossi il avoit fait de nouviel aucuns biaus services au

roy de France et au duch de Bourgongne, car il

avoit en la ditte ducé de Bourgongne ruet jus, au

dehors de Digon, bien quatre cens pillars, des quelz

Guios dou Pin, Tallebart Tallebardon, Jehan de Caufour

30et Thiebaut de Caufour estoient meneur et chapitainne:

pour quoi li rois descendi plus legierement

[135] 135à lui faire grasce et de pardonner son mautalent.

Si fist li dis rois en ce temps coper le chief à

monsigneur Pière de Sakenville, en le cité de Roem,

5pour tant qu’il avoit esté navarois; et messires Guillaumes

de Gauville n’en euist eu mies mains, se

n’euist esté messires Guis ses filz, qui segnefia au roy

de France que, se on faisoit son père nulle griefté,

il le feroit samblablement à monsigneur Braimont de

10Laval, un grant signeur de Bretagne, qu’il tenoit son

prisonnier ens ou chastiel d’Evrues. De quoi li linages

dou chevalier, qui sentoient leur cousin en ce

peril, en parlèrent au roy et fisent tant que par escange

il reurent monsigneur Braimont, et messires

15Guillaumes de Gauville fu delivrés: ensi se portèrent

les pareçons. Si fu envoiiés li captaus, de Paris à

Miaus en Brie, et là tenoit prison, entrues que li dus

de Bourgongne fist une chevaucie en Biausse dont je

vous parlerai. Mais ançois racquitta messires Bertrans

20de Claiekin le chastiel de Roleboise, dont Wautre

Obstrate estoit chapitains; mais ançois qu’il le volsist

rendre, il en eut une grande somme de florins, ne

sçai cinq ou six mil frans, et puis s’en retourna arrière

en Braibant dont il estoit.

25Encores se tenoient pluiseurs forterèces en Kaus,

en Normendie, ou Pierce, en Biausse et ailleurs qui

trop fort herioient le royaume de France, li aucun

en l’ombre dou roy de Navare, et li aultre d’eulz

meismes, pour pillier et pour rober sus le royaume

30à nul title de raison. Si en desplaisoit grandement

au roy de France, car les complaintes en venoient

tous les jours à lui: si y veult pourveir de remède.

[136] 136Et y envoia son frère le duc de Bourgongne, et grant

fuison de bons chevaliers et escuiers en se compagnie.

Et fist li dis dus son mandement et son amas

de gens d’armes en le cité de Chartres. Si se partirent

5de là, quant tout furent assamblé, et se traisent par

devers Macheranville, un moult fort chastiel que li

Navarois tenoient. Et pour constraindre mieulz à

leur aise le dit chastiel, il en fisent mener et achariier

avoech eulz pluiseurs engiens de la cité de Chartres.

10Si estoient en le compagnie dou duch de Bourgongne

messires Bertrans de Claiekin, messires Boucicaus,

mareschaus de France, li contes d’Auçoirre, messires

Loeis de Chalon, li sires de Biaugeu, messires Aymenions

de Pumiers, li sires de Rainneval, li Beghes de

15Vellainnes, messires Nicoles de Ligne, mestre des

arbalestriers pour le temps, messires Oudars de

Renti, messires Engherans du Edins et pluiseur aultre

bon chevalier et escuier.

Si s’arroutèrent ces gens d’armes par devers Marcerainville,

20et estoient bien cinq mil combatans.

Quant il se veirent si grant fuison sus les camps,

si eurent conseil que il se departiroient en trois

pars, pour plus tost constraindre leurs ennemis:

desquèles pars messires Bertrans de Claiekin en prenderoit

25jusques à mil combatans et s’en iroit par deviers

Constentin et sus les marces de Chierebourch,

pour garder là les frontières que li Navarois ne

fesissent nul damage au pays de Normendie. Si se

departi li dis messires Bertrans de le route dou

30duch et enmena avoecques lui monsigneur Loeis de

Sanssoirre, le conte de Joni, monsigneur Ernoul

d’Audrehen et grant fuison de chevaliers et d’escuiers

[137] 137de Bretagne et de Normendie. L’autre charge

eut desous lui messires Jehans de le Rivière et se

departi ossi de le route dou duch, et en se compagnie

grant fuison de chevaliers et d’escuiers de

5France et de Pikardie. Et entrèrent cil en le conté

d’Evrues et s’en vinrent seoir devant un chastiel que

on dist d’Akegni. Et li dus de Bourgongne et la plus

grosse route s’en vinrent devant Macerenville; si le

assegièrent et environnèrent de tous poins. Et fisent

10tantost drecier et ass[eo]ir les engiens par devant,

qui jettoient nuit et jour à le forterèce et durement le

constraindoient.

§ 525. Entrues que ces gens d’armes estoient ensi

en Biausse et en Normendie et que il guerrioient asprement

15et fortement les Navarois et les ennemis

dou royaume, estoit [sur les marches d’Auviergne, à

tout bien trois mille combatans[428]], messires Loeis de

Navare, frères mainnés au roy de Navare et ossi à

monsigneur Phelippe qui fu, car ja estoit il trespassés

20de ce siècle, liquels messires Loeis avoit encargiet

le fais de le guerre pour le roy son frère, et avoit

deffiiet le roy de France, pour tant que ceste guerre

touchoit au calenge de lor hiretage, si com enfourmés

estoit, et avoit rassamblés depuis le bataille de

25Koceriel, et rassambloit encores tous les jours, gens

d’armes, là où il les pooit avoir. Si avoit tant fait

par moiiens et par chapitains de Compagnes, dont

encores avoit grant fuison ens ou royaume de

France, que il avoit bien douze cens combatans en

[138] 138se route. Et estoient dalés lui messires Robers Canolles,

messires Robers Ceni, messires Robers Brikés

et Carsuelle. Et estoient ces gens d’armes, qui

tous les jours croissoient, logiet entre le rivière de

5Loire et le rivière d’Allier, et avoient courut une

grant partie dou pays de Bourbonnois environ Moulins

en Auvergne et Saint Pierre le Moustier et Saint

Poursain.

De ces gens d’armes que messires Loeis de Navare

10menoit, se parti une route de compagnons, environs

quatre cens, desquels Bernars de la Salle et

Hortingo estoient conduiseur, et passèrent le Loire

au dehors de Marcelli les Nonnains, et puis chevaucièrent

tant par nuit, car les jours il se tenoient ens

15ès bois sans yaus amoustrer, que sus un ajournement

il vinrent à la Charité sus Loire, une grosse

ville et bien fremée: si l’eschiellèrent sans nul estri

et se boutèrent dedens. Or aida adonc Diex trop

bien chiaus de le ville; car, se cil compagnon se

20fuissent hasté, il euissent pris et eu hommes et femmes

et moult grant pillage en la Charité; mès riens n’en

fisent: je vous dirai pourquoi. A ce lés par où il

entrèrent en le ville de le Charité, a une grande

place entre le porte et le ville, où nuls ne demeure.

25Si cuidièrent adonc li compagnon que les gens euissent

fait embusce en le ville et qu’il les attendesissent:

si n’osèrent aler avant jusques atant qu’il fu

grans jours. En ce terme se sauvèrent cil de la ville;

car, si tretos comme il sentirent leurs ennemis ensi

30venus, il enportèrent à effort leurs milleurs coses ens

ès batiaus qui estoient sus le rivière de Loire, et misent

femmes et enfans tout à loisir, et puis nagièrent

[139] 139à sauveté devers la cité de Nevers, qui siet à cinq

liewes de là. Quant il fu grans jours, li Navarois et

Englès et Gascon qui avoient eschiellé le ville, se

traisent avant et trouvèrent les maisons toutes vuides.

5Si eurent conseil que celle ville il tenroient et le

fortefieroient, car elle lor seroit trop bien seans pour

courir deçà et delà le Loire. Si envoiièrent tantost

noncier tout leur fait à monsigneur Loeis de Navare

qui se tenoit en le marce d’Auvergne, comment il

10avoient esploitié et qu’il tenoient le Charité sus Loire.

De ces nouvelles fu li dis messires Loeis tous joians,

et y envoia incontinent monsigneur Robert Briket

et Carsuelle, à bien trois cens armeures de fier. Cil

passèrent parmi le pays sans contredit, et entrèrent

15par le pont sus Loire en la Charité. Quant il se trouvèrent

ensamble, si furent plus fort, et commencièrent

à guerriier fortement et destroitement le dit

royaume, et couroient à leur aise et volenté par deçà

et delà le Loire, ne nulz ne leur aloit au devant, et

20toutdis leur croissoient gens. Or vous parlerons dou

duch de Bourgongne et dou siège de Macerenville.

§ 526. Tant sist li dis dus devant Macerainville et

le constraindi et apressa, par assaus et par les engiens

qui jettoient nuit et jour, que cil qui dedens estoient

25se rendirent, salve leurs corps et leurs biens; si s’en

partirent, et tantost li dus en envoia prendre le saisine

et le possession par ses mareschaus, monsigneur

Boucicau et monsigneur Jehan de Viane, mareschal

de Bourgongne. Et delivra li dus le chastiel à un escuier

30de Biausse qui s’appelloit Phelippos de Chartres.

Cilz le prist en garde et quarante compagnons avoech

[140] 140li. Puis s’en parti li dus et toute li hos, et s’en vinrent

devant un aultre chastiel que on dist Chameroles.

Si le assegièrent ces gens d’armes tout environ,

car il siet en plain pays; et y fist on asseoir et drecier

5les engiens qui estoient amené de Chartres. Cil

engien estoient grant durement, et en y avoit quatre

qui moult constraindirent et travillièrent chiaus de

le forterèce.

Or vous parlerons ossi un petit de monsigneur

10Jehan de le Rivière qui tenoit siège devant Akegni,

assés priès de Passi, en le conté d’Evrues, et avoit en

se route bien deux mil combatans, car il estoit si

bien dou roy qu’il voloit: se li faisoit on ses finances

et ses delivrances à sa volenté. Ens ou chastiel

15d’Akegni avoit Englès, Normans, François et Navarois,

qui là estoient retrait puis la bataille de Coceriel. Et

se tinrent et deffendirent cil le chastiel moult bien,

et ne les pooit on mies bien avoir à sen aise, car il

estoient bien pourveu d’artillerie et de vivres: pour

20quoi il se tinrent plus longuement. Toutes fois finablement

il furent si mené et si apressé qu’il se rendirent,

salves leurs vies et leurs biens, et se partirent et se

retraisent dedens Cherebourch. Si prist messires Jehans

de la Rivière la saisine dou dit chastiel d’Akegni

25et le rafreschi de nouvelles gens, et puis se desloga et

parti et toutes ses hos, et se traisent par devant la

ville et la cité d’Evrues. Si estoient avoecques lui et

de se carge messires Hues de Chasteillon, li sires de

Kauni, messires Mahieus de Roie, li sires de Montsaut,

30li sires de Helli, li sires de Cresekes, li sires de Saintpi,

messires Oudars de Renti, messires Engherans du

Edins et pluiseur bon chevalier et escuier de France.

[141] 141Par dedens la cité d’Evrues estoient, pour le garder,

messires Guillaumes de Gauville et messires Legiers

d’Orgesi qui trop bien en songnièrent. Si avoient il

souvent l’assaut, mès il estoient si bien sus leur garde

5qu’il n’en faisoient compte.

§ 527. Entrues que messires Jehans de le Rivière

et li dessus dit baron et chevalier de France seoient

devant la cité d’Evrues, li dus de Bourgongne apressa

si chiaus de Chamerolles qu’il ne peurent plus durer

10et se rendirent simplement en le volenté dou duch.

Si furent pris à merci tout li saudoiier estragnier,

mès aucun pillars de le nation de France qui là s’estoient

bouté furent tout mort. Là vinrent en l’ost li

bourgois de Chartres et priièrent au duch de Bourgongne

15qu’il leur volsist donner, pour le salaire de

leurs engiens, le chastiel de Chamerolles qui moult

les avoit heriiés et cuvriiés dou temps passé. Li dus

leur acorda et donna en don à faire ent leur volenté.

Tantost cil de Chartres misent ouvriers en oevre, et

20abatirent et rasèrent tout par terre le dit chastiel: onques

n’i laissièrent pierre sur aultre.

Adonc se desloga li dis dus et passa oultre, et s’en

vint devant un autre chastiel que on dist Drue[s], qui

siet ou plain de le Biausse, et le tenoient pillart. Si

25le conquisent li François par force, et furent tout

mort cil qui dedens estoient. Puis passèrent oultre et

s’en alèrent devant un aultre fort que on dist Preus:

si le assegièrent et environnèrent de tous costés, et y

livrèrent tamaint assaut, ançois que le peuissent

30avoir. Finablement, cil de Preus se rendirent, salve

leurs corps, mais aultre cose il n’en portèrent:

[142] 142encores couvint il demorer en le prison dou dit duch,

en sa volenté, tous chiaus qui François estoient. Si

fist li dus de Bourgongne par ses mareschaus prendre

le saisine dou chastiel de Preus, et puis le donna à

5un chevalier de Biausse que on appelloit messire

Pierre dou Bois Ruffin. Cilz le fist remparer et ordener

bien et à point, et le garda toutdis depuis bien et

souffissamment.

Apriès ces coses faites, li dus de Bourgongne et

10une partie de ses gens s’en vinrent rafrescir en le cité

de Chartres. Quant il eurent là esté cinq jours, il

s’en partirent et se traisent par devant le chastiel de

Couvai, et le assegièrent de tous poins. Ceste garnison

de Couvai avoit fait moult de destourbiers ens

15ou pays d’environ: pour tant se prendoit li dus de

Bourgongne plus priès comment il le peuist avoir, et

bien disoit qu’il ne s’en partiroit, si les aroit à sa

volenté, et avoit fait drecier par devant jusques à six

grans engiens qui jettoient ouniement à le forterèce

20et moult le travilloient. Quant cil de Couvai veirent

que il estoient si apressé, si commencièrent à trettier,

et se fuissent volentiers rendu, salve leurs corps et

leurs biens; mais li dus n’i voloit entendre, se il ne

se rendoient simplement: ce que il n’euissent jamais

25fait, car il savoient bien qu’il estoient tout mort

d’avantage.

Entrues que cil siège, ces prises, cil assaut et ces

chevaucies se faisoient en Biausse et en Normendie,

couroient d’autre part messires Loeis de Navare et

30ses gens en le Basse Auvergne et en Berri, et y tenoient

les camps, et y honnissoient et apovrissoient

durement le pays, ne nulz n’aloit au devant. Et ossi

[143] 143chil de le Charité faisoient autour d’yaus che qu’il

voloient; dont les complaintes en venoient tous

les jours au roy de France. D’autre part, li contes

de Montbliar avoecques aucuns alliiés d’Alemagne

5estoient entré en la ducé de Bourgongne par devers

Besençon, et y honnissoient ossi tout le pays: pour

quoi li rois de France eut conseil qu’il briseroit tous

ces sièges de Biausse et de Normendie, et envoieroit

le duch de Bourgongne son frère en son pays; car

10bien y besongnoit. Si le manda incontinent qu’il desfesist

son siège et se retraisist devers Paris, car il le

couvenoit aler d’autre part, et se li segnefia clerement

l’afaire ensi qu’il aloit.

Quant li dus oy ces nouvelles, si fu tous pensieus,

15tant pour son pays que on li ardoit, que

pour ce qu’il avoit parlé si avant dou siège de Couvai,

qu’il ne s’en partiroit si les aroit à sa volenté.

Si remoustra ce à son conseil, et trouva que, ou cas

que li rois le remandoit, qui là l’avoit envoiiet, il

20s’en pooit bien partir sans fourfet, mais on n’en

fist nul samblant à chiaus de Couvai. Si leur fu demandé

des mareschaus se il se voloient rendre simplement.

Ils respondirent que nennil, mès volentiers

se renderoient, salve leurs corps et leurs biens.

25Finablement, li dus vei que partir le couvenoit: si

les laissa passer parmi ce trettié, et rendirent le chastiel

de Couvai au dit duch, et s’en partirent, si com

chi dessus est dit. Si en prist li dus de Bourgongne

le saisine et le possession et puis le delivra à un escuier

30de Biausse qui s’appelloit Phelippes d’Arcies.

Chilz le rempara bien et biel et le repourvei et rafreschi

de tous bons compagnons.

[144] 144Ce fait, li dus de Bourgongne et ses gens d’armes

s’en revinrent à Chartres. Si recarga li dus le plus grant

partie de ses gens au conte d’Auçoirre et au mareschal

Boucicau et à monsigneur Loeis de Sansoirre. Si se

5parti et en mena avoecques lui monsigneur Loeis de

Chalon, le signeur de Biaugeu, monsigneur Jehan de

Viane et tous les Bourghignons. Et chevaucièrent

tant qu’il revinrent à Paris. Si passèrent oultre les

gens d’armes, sans point d’arrest, en alant devers

10Bourgongne. Mès li dus s’en vint devers le roy son

frère, qui se tenoit à Vaus la Contesse en Brie, et là

fu il un jour tant seulement dalés lui et puis s’en

parti. Si esploita tant qu’il vint à Troies en Campagne,

et puis passa oultre et prist le chemin de Lengres,

15et partout mandoit gens efforciement.

Et ja s’estoient cueilliet et pourveu li Bourghegnon

grandement et mis en frontière contre les ennemis.

Et là estoit li Archeprestres, sires de Chastielvillain, li

sires de Vregi, li sires de Grantsi, li sires de Sombrenon,

20li sires de Rougemont, et uns moult riches et haulz

genlilz homs qui s’appelloit Jehans de Bourgongne,

li sires d’Epoises, messires Hughes de Viane, li sires

de Trichastiel et proprement li evesques de Lengres.

Si furent encores li baron et li chevalier de Bourgongne

25moult resjoï, quant leurs sires fu venus. Si chevaucièrent

contre leurs ennemis, de quoi on disoit

bien que il estoient quinze cens lances, mais il n’osèrent

attendre, sitost que il sentirent la venue dou dit

duch et de ses gens. Si se retraisent arrière oultre le

30Rin; mais li Bourghegnon ne se faindirent mies d’entrer

en le conté de Montbliar et en ardirent une

grant partie.

[145] 145§ 528. Entrues que ceste chevaucie se fist en

Bourgongne, envoia li rois de France monsigneur

Moriel de Fiennes son connestable et ses deux mareschaus,

monsigneur Boucicau et monsigneur Mouton

5de Blainville, et grant fuison de chevaliers et escuiers,

par devant la Charité sus Loire, liquel y misent

le siège, si tost comme il y furent venu, et le assegièrent

d’un costé bien et fortement. Si aloient li

compagnon, pour leurs corps avancier, priès que tous

10les jours escarmucier à chiaus de dedens. Là y avoit

des apertises d’armes faites pluiseurs. Et y tinrent le

siège li dis connestables et li doi mareschal de France,

sans point partir jusques adonc que li dus de Bourgongne

et la plus grant partie de ses gens, qui avoient

15chevaucié avoecques lui en le conté de Montbliar,

furent tout revenu en France devers le roy et le trouvèrent

à Paris.

Sitost que li dus de Bourgongne fu là revenus, li

dis rois l’envoia à plus de mil lances devant la

20Charité. Ensi fu li sièges renforciés. Et se fist chiés

de toutes ces gens d’armes li dus de Bourgongne.

Et estoient bien li François à siège par devant la

Charité plus de trois mil lances, chevaliers et escuiers.

De quoi li pluiseur se aloient souvent enventurer

25et escarmucier à chiaus de le garnison. Si

en y avoit des navrés des uns et des aultres. Et là

furent fait chevalier et levèrent banière, à une sallie

que chil de le Charité fisent hors, messires Robers

d’Alençon, filz au conte d’Alençon qui demora à

30Creci, et messires Loeis d’Auçoirre, filz au conte

d’Auçoirre et frères au conte d’Auçoirre qui là estoit

presens. Si furent durement li compagnon de le

[146] 146Charité apressé, et se fuissent volentiers parti par

composition se il peuissent; mès li dus de Bourgongne

n’i voloit entendre, se il ne se rendoient simplement.

5En ce temps, estoit sus le marce d’Auvergne,

messires Loeis de Navare qui destruisoit et ardoit

ossi là à ce lés tout le pays, et assambloit et prioit

gens de tous costés pour venir secourir ses gens de

le Charité; car volentiers ewist levé le siège, et avoit

10bien deux mil combatans. Et avoit li dis messires

Loeis de Navare envoiiet en Bretagne devers monsigneur

Robert Canolle et monsigneur Gautier Huet

et monsigneur Mahieu de Gournay et aucuns chevaliers

et escuiers qui là estoient dalés le conte de

15Montfort, en priant que il se volsissent prendre priès

de lui venir servir, et que sans faute il iroit combatre

les François qui gisoient assés esparsement devant

la Charité. Chil chevalier d’Engleterre i desiroient

moult à aler; mès, en ce temps, seoit li dis

20contes de Montfort devant le fort chastiel d’Auroy

en Bretagne, que li rois Artus fist jadis fonder, et

avoit juré qu’il ne s’en partiroit si l’aroit pris et conquis

à sa volenté. Avoech tout ce, il entendoit que

messires Charles de Blois estoit en France et pourcachoit

25devers le roi de France à avoir gens d’armes

pour venir lever le siège et yaus combatre. Si ne

laissoit mies volentiers ces chevaliers et escuiers

d’Engleterre partir de lui, car il ne savoit quel besongne

il en aroit; mès en mandoit et en prioit tous les

30jours là où il en pensoit à avoir et à recouvrer, tant

en Engleterre comme en la ducé d’Aquitainne.

[147] 147§ 529. On voet bien dire et maintenir que cil qui

estoient en garnison en le Charité sus Loire, euissent

eu fort temps; car li dus de Bourgongne, qui tenoit

par devant toute la fleur de le chevalerie de France,

5les avoit ja durement apressés et tolut le rivière, que

nulles pourveances ne leur pooient venir. Si en estoient

li compagnon durement esbahi; car messires

Loeis de Navare, où leur esperance de reconfort

gisoit, estoit retrès et s’en raloit en Normendie devers

10Chierebourch, par l’ordenance et avis dou roy son

frère. Mès che que messires Charles de Blois estoit

pour le temps dalés le roy de Franche son cousin, et

li remoustroit pluiseurs voies de raison où li rois se

sentoit grandement tenus de lui aidier contre le conte

15de Montfort, et faire le voloit, si en chei trop bien à

chiaus de le Charité sus Loire; car, ensi que je vous

ay dit comment il estoient apressé, li rois de France,

pour deffaire ce siège, afin que messires Charles de

Blois euist plus de gens d’armes, manda au duch de

20Bourgongne son frère, que il presist chiaus de le

Charité en trettié et les laiast passer, parmi tant qu’il

rendesissent le forterèce et qu’il jurassent ossi solennelment

que, dedens trois ans, pour le fait dou roy

de Navare ne s’armeroient.

25Quant li dus vei le mandement dou roy son frère,

si fist remoustrer par ses mareschaus as chapitainnes

de le Charité, le trettié par où il pooient venir et

descendre à acord. Cil de le Charité, qui se veoient

en bien perilleus parti, y entendirent volentiers, et

30jurèrent solennelment à yaus non armer contre le

royaume de France, le terme de trois ans, pour le

fait dou roy de Navare. Parmi tant, on les laissa

[148] 148paisieulement partir; mais il n’enportèrent riens dou

leur, et s’en alèrent la plus grant partie tout à piet,

et passèrent parmi le royaume de France, sus le

conduit dou duc de Bourgongne. Ensi reconquisent

5li François le ville de la Charité sus Loire, et y revinrent

cil [et celles[429]] de le nation qui vuidié en estoient

et ailleurs alé demorer; et se deffist li sièges,

et retourna li dus de Bourgongne arrière en France,

et en remena tous ses Bourghegnons, dont il avoit

10grant plenté.

Or vous parlerons de monsigneur Charlon de

Blois, comment il persevera, et d’une grant assamblée

de gens d’armes qu’il mist sus et amena en Bretagne,

et de monsigneur Jehan de Montfort, comment

15il se pourvei ossi à l’encontre.

§ 530. Li rois de France acorda à son cousin, monsigneur

Charle de Blois, que il euist de son royaume

jusques à mil lances, et escrisi à monsigneur Bertran

de Claiekin, qui estoit en Normendie, que il s’en

20alast en Bretagne pour aidier et conforter monsigneur

Charle de Blois contre monsigneur Jehan de Montfort.

De ces nouvelles fu li dis messires Bertrans

moult resjoïs, car il avoit toutdis tenu le dit monsigneur

Charle pour son naturel signeur. Si se parti

25de Normendie à tout che que il avoit de Bretons et

chevauça devers Tours en Tourainne pour aler en

Bretagne. Et messires Boucicaus, mareschaus de

France, s’en vint en Normendie en son lieu tenir le

frontière. Tant esploita li dis messires Bertrans et

[149] 149se route que il vint à Nantes en Bretagne, et là

trouva le dit monsigneur Charle et madame sa fame

qui le rechurent liement et doucement, et li sceurent

très grant gré de ce qu’il estoit ensi venus. Et

5eurent là parlement ensamble, comment il se maintenroient;

car ossi y estoient li grigneur partie des

barons de Bretagne, et avoient tout pourpos et affection

de aidier monsigneur Charle, et le tenoient

tout à duc et à signeur. Et pour venir lever le siège

10de devant Auroy et combatre monsigneur Jehan de

Montfort, ne demorèrent lons jours que grant baronnie

et chevalerie de France et de Normendie vinrent,

li contes d’Auçoirre, li contes de Joni, li sires de

Friauville, li sires de Prie, li Bèghes de Vellainnes et

15pluiseur bon chevalier et escuier, tout d’une sorte

et droite gens d’armes.

Ces nouvelles vinrent à monsigneur Jehan de Montfort

qui tenoit son siège devant Auroy, que messires

Charles de Blois faisoit grant amas de gens d’armes, et

20que grant fuison de signeurs de France li estoient venu

et venoient encores tous les jours, avoecques l’ayde

et confort qu’il avoit encores des barons, chevaliers et

escuiers de la ducé de Bretagne. Sitost que messires

Jehans de Montfort entendi ces nouvelles, il le segnefia

25fiablement en la ducé d’Aquitainne as chevaliers

et escuiers d’Engleterre qui là se tenoient, et

especialment à monsigneur Jehan Chandos, en lui

priant chierement que à che grant besoing il le volsist

venir conforter et consillier, et que il apparoit

30en Bretagne uns biaus fais d’armes, auquel tout signeur,

chevalier et escuier, pour leur honneur avanchier,

devoient volentiers entendre. Quant messires

[150] 150Jehans Chandos se vei priiés si affectueusement dou

conte de Montfort, si en parla à son signeur le prince

de Galles, à savoir que bon en estoit à faire. Li princes

li respondi qu’il y pooit bien aler sans nul fourfet;

5car ja faisoient li François partie contre le dit conte

en l’ocquison de monsigneur Charle de Blois, et qu’il

l’en donnoit bon congiet.

De ces nouvelles fu li dis messires Jehans Chandos

moult liés, et se pourvei bien et grandement et pria

10pluiseurs chevaliers et escuiers de la ducé d’Acquitainnes;

mès trop petit en alèrent avoecques lui, se il

n’estoient Englès. Toutesfois il enmena bien deux

cens lances et otant d’arciers, et chevauça tant parmi

Poito et Saintonge, qu’il entra en Bretagne et vint au

15siège devant Auroy. Et là trouva il le conte de Montfort

qui le recheut liement et grandement, et fu moult

resjoïs de sa venue: ossi furent proprement messires

Oliviers de Cliçon, messires Robers Canolles et li aultre

compagnon; et leur sambloit proprement et generaument

20que nulz maulz ne leur pooit avenir, puisqu’il

avoient monsigneur Jehan Chandos en leur compagnie.

Si passèrent le mer [hastivement[430]] d’Engleterre

en Bretagne pluiseur chevalier et escuier qui desiroient

leurs corps à avancier et yaus combattre as

25François, et vinrent par devant Auroy, en l’ayde dou

conte de Montfort, qui tout les rechut à grant joie.

Si estoient bien Englès et Breton, quant il furent

tout assamblé, seize cens combatans, chevaliers et

escuiers et gens d’armes, et environ huit cens ou

30neuf cens arciers.

[151] 151§ 531. Nous revenrons à monsigneur Charle de

Blois qui se tenoit en la bonne cité de Nantes et là

faisoit son amas et son mandement de chevaliers et

escuiers de toutes pars, là où il en pensoit à recouvrer

5par priière, car bien estoit enfourmés que li

contes de Montfort estoit durement fors et bien reconfortés

d’Englès. Si prioit les barons, les chevaliers

et les escuiers de Bretagne, dont il avoit

eus et recheus les hommages, que il li vosissent aidier

10à garder et à deffendre son hyretage contre ses

ennemis. Si vinrent des barons de Bretagne, pour lui

servir et à son mandement, li viscontes de Rohem, li

sires de Lyon, messires Charles de Dignant, li sires

de Rays, li sires de Rieus, li sires de Tournemine, li

15sires d’Ansenis, li sires de Malatrait, li sires de Kintin,

li sires d’Avaugor, li sires de Rocefort, li sires de

Gargoulé, li sires de Lohiac, li sires dou Pont et

moult d’aultres que je ne puis mies tous nommer. Si

se logièrent cil signeur et leurs gens en le cité de

20Nantes et ens ès villages d’environ. Quant il furent

tout assamblé, on les esma à vingt cinq cens lances

parmi chiaus qui estoient venu de France. Si ne veurent

point ces gens d’armes là faire trop lontain sejour,

mais consillièrent à monsigneur Charle de Blois

25de chevaucier par devers les ennemis.

Au departement et au congiet prendre, madame la

femme à monsigneur Charle de Blois dist à son mari,

present monsigneur Bertran de Claiekin et aucuns

barons de Bretagne: «Monsigneur, vous en alés deffendre

30et garder mon hiretage et le vostre, car ce qui

est mien est vostre, lequel messires Jehans de Montfort

nous empeece et a empeechiet un grant temps à

[152] 152tort et sans cause: ce set Dieus et li baron de Bretagne

qui chi sont comment j’en sui droite hiretière.

Si vous pri chierement que, sus nulle ordenance ne

composition ne trettié d’acort ne voeilliés descendre

5que li corps de la ducé ne nous demeure.» Et ses maris

li eut en couvent. Adonc se parti, et se partirent

tout li baron et li signeur qui là estoient, et prisent

congiet à leur dame qu’il tenoient pour duçoise. Si

se aroutèrent et acheminèrent ces gens d’armes et

10ces hos par devers Rennes et tant esploitièrent qu’il

y parvinrent. Si se logièrent dedens la cité de Rennes

et environ et s’i reposèrent et rafreschirent, pour

aprendre et mieulz entendre dou couvenant de leurs

ennemis.

15§ 532. Entre Rennes et Auroy, là où messires Jehans

de Montfort seoit, à huit liewes de pays. Si

vinrent ces nouvelles au dit siège que messires Charles

de Blois approçoit durement et avoit la plus belle

gent d’armes, les mieulz ordenés et armés que on

20euist onques mès veus issir de France. De ces nouvelles

furent li plus des Englès qui là estoient, qui

desiroient à combatre, tout joiant. Si commencièrent

cil compagnon à mettre leurs armeures à point et à

refourbir leurs lances, leurs daghes, leurs haces, leurs

25plates, haubregons, hyaumes, bachinés, visières, espées

et toutes manières de harnas, car bien pensoient

qu’il en aroient mestier et qu’il se combateroient.

Adonc se traisent en conseil les chapitainnes

de l’host, li contes de Montfort premierement, messires

30Jehans Chandos, par lequel conseil en partie il

voloit user, messires Robers Canolles, messires

[153] 153Ustasses d’Aubrecicourt, messires Hues de Cavrelée,

messires Gautiers Hués, messires Mahieus de Gournay

et li aultre. Si regardèrent et considerèrent cil

baron et cil chevalier, par le conseil de l’un et de

5l’autre et par grant avis, qu’il se retrairoient au matin

hors de leurs logeis, et prenderoient terre et place

sus les camps, et là aviseroient de tous assens, pour

mieus avoir ent le cognissance. Si fu ensi nonciet et

segnefiiet parmi leur host que cescuns fust à l’endemain

10appareilliés et mis en arroi et en ordenance de

bataille, ensi que pour tantost combatre. Ceste nuit

passa: l’endemain vint, qui fu par un samedi, que li

Englès et Breton d’une sorte issirent hors de leurs

logeis et s’en vinrent moult faiticement et ordeneement

15ensus dou dit chastiel d’Auroy, et prisent place

et terre et distrent et affremèrent entre yaus que là

attenderoient il leurs ennemis.

Droitement ensi que entours heure de prime,

messires Charles de Blois et toute sen host vinrent,

20qui s’estoient parti le venredi apriès boire de la cité

de Rennes, et avoient celle nuit jëu à trois petites

liewes priès d’[Auroy]. Et estoient les gens à monsigneur

Charlon de Blois le mieus ordené et le plus

faiticement et mis en milleur couvenant que on

25peuist veoir ne deviser. Et chevauçoient si serré que

on ne peuist jetter un estuef que il ne cheist sus

pointe de glave, tant les portoient il proprement roides

et contremont. De yaus veoir et regarder proprement,

li Englès gens d’onneur y prendoient grant

30plaisance. Si se arrestèrent li François, sans yaus desroyer,

devant leurs ennemis, et prisent terre entre

grans bruières; et fu commandé de par leur mareschal

[154] 154que nulz n’alast avant sans commandement ne

fesist course, jouste ne empainte. Si se arrestèrent

toutes gens d’armes, et se misent en arroi et en bon

couvenant ensi que pour tantos combatre, car il

5n’esperoient aultre cose et en avoient grant desir.

§ 533. Messires Charles de Blois, par le conseil

de monsigneur Bertran de Claiekin, qui estoit là uns

grans chiés et moult creus et alosés des barons de

Bretagne, ordonna ses batailles, et en fist trois et

10une arrière garde. Et me samble que messires Bertrans

eut le première, avoecques grant fuison de bons

chevaliers et escuiers de Bretagne. La seconde eurent

li contes d’Auçoirre et li contes de Joni, avoecques

grant fuison de bons chevaliers et escuiers de France.

15Et la tierce eut et la grigneur partie messires Charles

de Blois, et en sa compagnie pluiseurs haus barons de

Bretagne. Et estoient dalés lui li viscontes de Rohem,

li sires de Lyon, li sires d’Avaugor, messires Charles

de Dignant, li sires d’Ansenis, li sires de Malatrait et

20pluiseur aultre. En l’arrière garde estoient li sires de

Rais, li sires de Rieus, li sires de Tournemine, li sires

dou Pont et moult d’aultres bons chevaliers et escuiers,

et avoit en çascune de ces batailles bien mil

combatans. Là aloit messires Charles de Blois de bataille

25en bataille amonester et priier çascun moult

bellement et doucement, qu’il volsissent estre loyal

et preudomme et bon combatant; et retenoit sus

s’ame et sa part de paradys, que ce seroit sus son

bon et juste droit que on se combateroit. Là li

30avoient tout en couvent li un par l’autre que si bien

s’en acquitteroient qu’il leur en saroit gré. Or vous

[155] 155parlerons dou couvenant des Englès et des Bretons

de l’autre costé, et comment il ordonnèrent leurs

batailles.

§ 534. Messires Jehans Chandos, qui estoit chapitains

5et souverains regars dessus yaus tous, quoique

li contes de Montfort en fust chiés, car li rois d’Engleterre

li avoit ensi escript et ossi mandé que souverainnement

et especialment il entendesist as besongnes

de son fil, que bien tenoit pour fil, car il

10avoit eu sa fille par cause de mariage, estoit devant

aucuns barons et chevaliers de Bretagne qui se tenoient

dalés monsigneur Jehan de Montfort, et avoit

bien imaginé et consideré le couvenant des François,

lequel en soi meismes il prisoit durement et ne s’en

15peut taire. Si dist: «Se Diex m’ayt, il appert hui

que toute fleur d’onneur et de chevalerie est par

delà, avoecques grant sens et bonne ordenance.» Et

puis dist tout en haut as chevaliers qui oïr le peurent:

«Signeur, il est heure que nous ordenons

20nos batailles, car nostre ennemi nous en donnent

exemple.» Cil qui l’oïrent, respondirent: «Sire,

vous dittes verité, et vos estes chi nos mestres

et nos consilliers: si en ordenés à vostre entente,

car dessus vous n’i ara point de regart, et si savés

25mieuls tous seuls comment tel cose se doit maintenir

que nous ne faisons entre nous aultres.»

Là fist li dis messires Jehans Chandos trois batailles

et une arrière garde, et mist en la première monsigneur

Robert Canolle, monsigneur Gautier Huet et monsigneur

30Richart Burlé; en la seconde, monsigneur

Olivier de Cliçon, monsigneur Eustasse de Aubrecicourt

[156] 156et monsigneur Mahieu de Gournay. La tierce

il ordonna au conte de Montfort, et demora dalés

lui; et avoit en çascune bataille cinq cens hommes

d’armes et trois cens arciers. Quant ce vint sus le

5arrière garde, il appella monsigneur Hue de Cavrelée

et li dist ensi: «Messire Hue, vous ferés l’arrière

garde et arés cinq cens combatans desous vous en

vo route, et vous tenrés sus èle, et ne vous mouverés

de vostre pas, pour cose qui aviegne, se vous ne veés

10le besongne que nos batailles branlent ou ouvrent par

aucune aventure; et là où vous les verés branler ou

ouvrir, vous vos trairés et les reconforterés et rafreschirés:

vous ne poés faire aujourd’ui milleur esploit.»

Quant messires Hues de Cavrelée entendi monsigneur

15Jehan Chandos, si fu tous honteus et moult courouciés.

Si dist: «Sire, sire, bailliés vostre arrière garde

à un aultre qu’à moy, car je ne m’en quier ja ensonniier.»

Et puis dist encores ensi: «Chiers sires, en

quel manière ne estat m’avés vous desveu que je ne

20soie ossi bien tailliés de moy combatre tout devant

et des premiers c’uns aultres?» Dont respondi messires

Jehans Chandos moult aviseement et dist ensi:

«Messire Hue, messire Hue, je ne vous establis mies

en l’arrière garde pour cose que vous ne soiiés uns

25des bons chevaliers de nostre compagnie. Et sçai

bien et de verité que très volentiers vous combateriés

des premiers; mais je vous y ordonne pour tant

que vous estes uns sages et avisés chevaliers, et se

couvient que li uns y soit et le face. Si vous pri chierement

30que vous le voelliés faire. Et je vous ai en

couvent que, se vous le faites, nous en vaurrons

mieulz, et vous meismes y acquerrés haulte honneur.

[157] 157Et plus avant je vous prommeth que toute la première

requeste dont vous me prierés je le feray et y

descenderai.»

Nientmains, pour toutes ces parolles, li dis messires

5Hues ne s’i voloit acorder et tenoit et affremoit

ce pour son grant blasme, et prioit pour Dieu et à

jointes mains que on y mesist un aultre, car briefment

il se voloit combatre tous des premiers. De ces

parolles et responses estoit messires Jehans Chandos

10si courouciés que priès sur le point de larmiier; si

dist encores moult doucement: «Messire Hue, ou il

fault que vous le faciés ou je le face. Or regardés lequel

il vault mieulz.» Adonc s’avisa li dis messires

Hues et fu à ceste darrainne parolle tous confus, si

15dist: «Certes, sire, je sçai bien que vous ne me

requeriés de nulle cose qui tournast à men deshonneur,

et je le ferai volentiers puisqu’ensi est.» Adonc

prist messires Hues de Cavrelée ceste bataille qui

s’appelloit arrière garde, et se trest sus les camps arrière

20des autres sus èle, et se mist en bonne ordenance.

§ 535. Ensi, ce samedi, au matin, qui fu le huitime

jour dou mois de octembre l’an mil trois cens soissante

quatre, furent ces batailles ordenées les unes

25devant les aultres ens uns biaus plains, assés priès

d’Auroi en Bretagne. Si vous di que c’estoit moult

belle cose à veoir et à considerer, car on y veoit banières,

pennons parés et armoiiés de tous costés

moult richement. Et par especial li François estoient

30si souffissamment et si faiticement que c’estoit uns

grans deduis dou regarder.

[158] 158Or vous di que, entrues qu’il ordonnoient et avisoient

leurs batailles et leurs besongnes, li sires de

Biaumanoir, uns grans barons et riches de Bretagne,

aloit de l’un à l’autre, traittiant et pourparlant de la

5pais; car volentiers l’i euist veu, pour les perils eskiewer,

et s’en ensonnioit de bonne manière, et le

laissoient li Englès et li Breton de Montfort aler et

venir et parlementer à monsigneur Jehan Chandos

et au conte de Montfort, pour tant qu’il estoit, par

10foy fiancie, prisonniers par devers yaus, et ne se

pooit armer. Si mist ce dit samedi maint pourpos et

tamainte pareçon [avant[431]], pour venir à pais; mais nulle

ne s’en fist, et detria la besongne, toutdis alant de

l’un à l’autre, jusques à nonne; et par son sens il impetra

15des deux parties un certain respit pour le jour et

le nuit ensievant jusques à l’endemain à soleil levant.

Si se retraist çascuns en son logeis ce samedi, et se

aisièrent de ce qu’il eurent: il avoient assés de quoi.

Ce samedi au soir, issi li chastelains d’Auroi de sa

20garnison, pour tant que li respis couroit de toutes parties,

et s’en vint paisieulement en l’ost de monsigneur

Charle de Blois, son mestre, qui le rechut liement. [Si

appelloit on le dit escuier Henry de Sauternelle, appert

homme d’armes durement, et enmena[432]] en se compagnie

25quarante lanches de bons compagnons, tous

armés et bien montés, qui li avoient aidiet à garder

la forterèce. Quant messires Charles de Blois vei son

chastelain, se li demanda tout en riant de l’estat dou

chastiel. «En nom Dieu, dist li dis chastelains,

[159] 159monsigneur, Dieu merci, si sommes encores bien pourveu

pour le tenir deux mois ou trois, se il se besongne.»

—«Henri, Henri, respondi messires Charles, demain

dou jour serés vous delivrés de tous poins, ou par

5acort de pais ou par bataille.»—«Sire, ce dist li escuiers,

Diex y ait part!»—«Par ma foy, Henri, dist

messires Charles, qui reprist encores la parolle, par

la grasce de Dieu, j’ai en ma compagnie jusques à

vingt cinq cens hommes d’armes, de ossi bonne estoffe

10et [ossi[433]] appareilliés d’yaus acquitter, qu’il en

y ait nulz ou royaume de France.»—«Monsigneur,

respondi li escuiers, c’est uns grans avantages: si en

devés loer Dieu et regraciier grandement, et ossi

monsigneur Bertran de Claiekin et les barons de

15France et de Bretagne, qui vous sont venu servir si

courtoisement.»

Ensi se esbatoit de parolles li dis messires Charles

de Blois à ce Henri, et dont à l’un et puis à l’autre,

et passèrent ses gens celle nuitie moult aisiement.

20Ce soir fu priiés moult affectueusement messires

Jehans Chandos d’aucuns Englès, chevaliers et escuiers,

qu’il ne se vosist mies assentir à la pais de

leur signeur et de monsigneur Charle de Blois, car il

avoient tout aleuet et despendu: si estoient povre. Si

25voloient par bataille ou tout parperdre ou recouvrer.

Et messires Jehans Chandos leur eut en couvent.

§ 536. Quant ce vint le dimence au matin, cescuns

en son host se apparilla, vesti et arma. Si dist on

pluiseurs messes en l’ost monsigneur Charle de Blois,

[160] 160et se acumenia qui acumeniier se veult. Et ossi fisent

il en tel manière en l’ost dou conte de Montfort. Un

petit apriès soleil levant, se retraist cescuns en se

bataille et en son arroi, ensi qu’il avoient esté le jour

5devant.

Assés tost apriès, revint li sires de Biaumanoir,

qui portoit les trettiés et qui volentiers les euist

acordés, se il peuist. Et s’en vint premiers, à chevauçant,

devers monsigneur Jehan Chandos, qui issi

10de se bataille si tretost comme il le vei, et laissa le

conte de Montfort dalés qui il estoit, et s’en vint sus

les camps parler à lui. Quant li sires de Biaumanoir

le vei, si le salua moult haultement et li dist: «Messire

Jehan, messire Jehan, je vous pri, pour Dieu,

15que nous mettons ces deux signeurs à acord; car ce

seroit trop grans pités, se tant de bonnes gens comme

il y a ci, se combatoient pour leurs oppinions aidier

à soustenir.»

Adonc respondi messires Jehans Chandos tout au

20contraire des parolles qu’il avoit mis avant le nuit

devant, et dist: «Sire de Biaumanoir, je vous pri,

ne chevauciés meshui plus avant; car nos gens dient

que, se il vous poeent enclore entre yaus, il vous

occiront. Avoech tout ce, dites à monsigneur Charle

25de Blois, que, [comment qu’il en aviengne[434]], messires

Jehans de Montfort se voet combatre et issir de

tous trettiés de pais et d’acort, et dist [ensi que

aujourd’ui[435]] il demorra dus de Bretagne par bataille, ou

il morra en le painne.» Quant li sires de Biaumanoir

[161] 161entendi monsigneur Jehan Chandos ensi parler, si

s’enfelleni et fu moult courouciés, et dist: «Chandos,

Chandos, ce n’est mies li intention de monsigneur

qu’il n’ait plus grant desir de combatre que messires

5Jehans de Montfort, et ossi ont toutes nos gens.» A

ces parolles il se parti, sans plus riens dire, et retourna

devers monsigneur Charle de Blois et les barons

de Bretagne qui l’attendoient.

D’autre part, messires Jehans Chandos se retraist

10devers le conte de Montfort qui li demanda: «Comment

va la besongne? que dist nostre adversaire?»—«Qu’il

dist? respondi messires Jehans Chandos.

Il vous mande par le signeur de Biaumanoir, qui

tantost se part de ci, qu’il se voet combatre, comment

15qu’il soit, et demorra dus de Bretagne,

ou il mourra en le painne.» Et tèle response fist

adonc messires Jehans Chandos pour encoragier,

plus encores qu’il ne fust, son dit signeur le conte

de Montfort. Et fu la fins de la parolle monsigneur

20Jehan Chandos qu’il dist: «Or regardés que vous en

volés faire, se vous vos volés combatre ou non.»—«Par

monsigneur saint Jorge, dist messires Jehans

de Montfort, oïl; et Diex voeille aidier le droit:

faites avant passer nos banières et nos arciers.» Et

25il si fisent.

Or vous dirai dou signeur de Biaumanoir qui

dist à monsigneur Charle de Blois: «Sire, sire, par

monsigneur saint Yve, je ay oy la plus grosse parolle

de monsigneur Jehan Chandos, que je oïsse,

30grant temps a; car il dist que li contes de Montfort

demorra dus de Bretagne et vous moustera aujourd’ui

que vous n’i avés nul droit.» De ceste parolle

[162] 162mua couleur messires Charles de Blois, et respondi:

«Dou droit soit hui en Dieu qui le scet, et ossi font

li baron de Bretagne.» Adonc fist il avant passer

banières et gens d’armes, ou nom de Dieu et de

5saint Yve.

§ 537. Un petit devant heure de prime, se approcièrent

les batailles, de quoi ce fu très belle cose à

regarder, si com je l’oy dire chiaus qui y furent et qui

veu les avoient, car li François estoient ossi serré et

10ossi joint que on ne peuist mies jetter une pomme

que elle ne cheist sus un bachinet ou sus une lance.

Et portoit cescuns homs d’armes son glave droit devant

lui, retaillé à le mesure de cinq piés, et une hace

forte, dure et bien acerée, à courtes mances, à son

15costé ou sus son col. Et s’en venoient ensi tout bellement

le pas, cescuns sires en son arroi et entre ses

gens, et sa banière ou son pennon devant lui, avisés

de ce qu’il devoit faire. Et d’autre part ossi, li Englès

estoient très faiticement et très bien ordonné.

20Si se assamblèrent premierement la bataille monsigneur

Bertran de Claiekin et li Breton de son lés, à le

bataille monsigneur Robert Canolle et monsigneur

Gautier Huet. Et misent li signeur de Bretagne, cil

qui estoient d’un lés et de l’autre, les banières des

25deux signeurs qui s’appelloient dus, l’un contre l’autre,

et les aultres batailles se assamblèrent ensi par

grant ordenance l’un contre l’autre. Là eut de premiers

encontres grans bouteis et esteceis de lances et

fort estour et dur. Bien est verités que li arcier traiirent

30de commencement; mès leurs très ne greva

noient as François, car il estoient trop bien armet et

[163] 163fort, et ossi bien paveschiet contre le tret. Si jettèrent

cil arcier leurs ars jus, qui estoient fort compagnon,

able et legier, et se boutèrent entre les gens d’armes

de leur costé, [et puis s’en vinrent à ces Franchois qui

5portoient ces haces. Si se aherdirent à iaulx de grant

volenté[436]], et tollirent de commencement as pluiseurs

leurs haces, de quoi il se combatirent depuis bien et

faiticement. Là eut fait tamaintes grans apertises

d’armes, mainte luitte, mainte prise et mainte rescousse;

10et sachiés qui estoit cheus à terre, c’estoit

fort dou relever, se il n’estoit trop bien secourus.

La bataille monsigneur Charle de Blois s’adreça droitement

à le bataille monsigneur Jehan de Montfort,

qui estoit forte et espesse. En se compagnie et en se

15bataille estoient li viscontes de Rohem, li sires de

Lyon, messires Charles de Dignant, li sires de Kintin,

li sires d’Ansenis et li sires de Rocefort, et cescuns

sires se banière devant lui. Là eut, je vous di,

dure bataille, et grosse et bien combatue, et furent

20cil de Montfort de commencement durement rebouté.

Mès messires Hues de Cavrelée, qui estoit sus èle et

qui avoit une belle bataille et de bonnes gens, venoit

à cel endroit où il veoit ses gens branler, ouvrir ou

desclore, et les reboutoit et mettoit sus par force

25d’armes. Et ceste ordenance leur valli trop grandement;

car sitos qu’il avoit les foulés remis sus, et il

veoit une aultre bataille ouvrir ou branler, il se

traioit celle part et les reconfortoit par tèle manière

comme il est dit devant.

[164] 164§ 538. D’autre part, se combatoient messires Oliviers

de Cliçon, messires Eustasses d’Aubrecicourt,

messires Richars Burlé, messires Jehans Boursiers,

messires Mahieus de Gournay et pluiseur aultre bon

5chevalier et escuier, à le bataille dou conte d’Auçoirre

et dou conte de Joni, qui estoit moult grande

et moult grosse et moult bien estoffée de bonnes

gens d’armes. Là eut fait ossi mainte belle apertise

d’armes, mainte prise et mainte rescousse. Là se

10combatoient François et Bretons, d’un lés, moult vaillamment

et très hardiement des haces qu’il portoient

et qu’il tenoient.

Là fu messires Charles de Blois durement bons

chevaliers et qui vaillamment et hardiement se combati

15et assambla à ses ennemis de grant volenté.

Et ossi y fu bons chevaliers ses aversaires li contes

de Montfort: cescuns y entendoit ensi que pour li.

Là estoit li dessus dis messires Jehans Chandos, qui

y faisoit trop grant fuison d’armes; car il fu à son

20temps fors chevaliers et hardis durement et ressongniés

de ses ennemis, et en bataille sages et avisés et

plains de grant ordenance. Si consilloit le conte de

Montfort ce qu’il pooit et le adreçoit à entendre, à

reconforter ses gens et li disoit: «Faites ensi et ensi,

25et traiiés vous de ceste part et d’autre.» Li jones

contes de Montfort le creoit et ouvroit volentiers

par son conseil.

D’autre part, messires Bertrans de Claiekin, li sires

de Tournemine, li sires d’Avaugor, li sires de Rais,

30li sires de Rieus, li sires de Lohiac, li sires de Gargoulé,

li sires de Malatrait, li sires dou Pont et li

sires de Prie et tamaint bon chevalier et escuier de

[165] 165Bretagne et de Normendie, qui là estoient dou costé

monsigneur Charlon de Blois, se combatoient moult

vaillamment, et y fisent mainte belle apertise d’armes,

et tant se combatirent que toutes ces batailles

5se recueillièrent ensamble, excepté li arrière garde

des Englès, dont messires Hues de Cavrelée estoit

chiés et souverains. Ceste bataille se tenoit toutdis

sus èle, et ne s’ensonnioit d’autre cose fors de radrecier

et mettre en conroy les leurs qui branloient

10ou qui se desconfisoient.

Entre les autres chevaliers englès et bretons, messires

Oliviers de Cliçon y fu bien veus et avisés qu’il

y fist merveilles d’armes de son corps, et tenoit une

hace dont il ouvroit et rompoit ces presses, et ne

15l’osoit nuls approcier. Et se embati, tèle fois fu, si

avant qu’il fu en grant peril, et y eut moult à faire de

son corps en le bataille dou conte d’Auçoirre et dou

conte de Joni. Et trouva durement fort encontre sur

lui, tant que d’un cop d’une hace il fu ferus en travers,

20qui li abati le visière de son bacinet, et li entra

li pointe de le hace en l’ueil, et l’en eut depuis

crevet; mais pour ce ne demora mies que il ne fust

encores très bons chevaliers. Là se recouvroient batailles

et banières, qui une heure estoient tout au

25bas, et tantost par bien combatre se remettoient sus,

tant d’un lés comme de l’autre.

Entre les aultres chevaliers, fu messires Jehans Chandos

très bons chevaliers, et vaillamment s’i combati,

et tenoit une hace dont il donnoit les horions si grans

30que nulz ne l’osoit approcier; car il estoit grans chevaliers

et fors et bien fourmés de tous membres. Si

s’en vint combatre à le bataille le conte d’Auçoirre et

[166] 166des François, et là eut fait mainte belle apertise d’armes.

Et par force de bien combatre il rompirent et

reboutèrent ceste bataille bien avant, et le misent à

tel meschief que briefment elle fu desconfite, et toutes

5les banières et li pennon de ceste bataille jettés par

terre, rompus et deschirés, et li signeur mis et contourné

en grant meschief; car il n’estoient aidié ne

conforté de nul costé, mais estoient leurs gens tous

ensonniiés d’yaus deffendre et entendre au combatre.

10Au voir dire, quant une desconfiture vient, li desconfi

se desconfisent et esbahissent de trop peu, et

sus un cheu, il en chiet trois, et sus trois, dix, et sus

dix, trente, et pour dix, se il s’enfuient, il s’enfuient

cent. Ensi fu de ceste bataille d’Auroy. Là crioient et

15escrioient cil signeur et leurs gens qui estoient dalés

yaus, leurs ensengnes et leurs cris: de quoi li aucun

estoient oy et reconforté, et li aucun non, qui estoient

en trop grant presse ou trop en sus de leurs

gens. Toutesfois li contes d’Auçoirre, par force d’armes,

20fu durement navrés et pris desous le pennon

de monsigneur Jehan Chandos et fianciés prisons, et

li contes de Joni ossi, et occis li sires de [T]rie, uns

grans banerès de Normendie, et pluiseur bon chevalier

et escuier de Normendie.

25§ 539. Encores se combatoient les aultres batailles

moult vaillamment, et se tenoient li Breton en bon

couvenant. Et toutesfois, à parler loyaument d’armes,

il ne tinrent mies si bien leur pas ne leur arroi, ensi

qu’il apparu, que fisent li Englès et li Breton dou

30costé le conte de Montfort, et trop grandement leur

valli ce jour celle bataille sus èle de monsigneur Hue

[167] 167de Cavrelée. Quant li Englès et li Breton de Montfort

veirent ouvrir et branler les François, si se confortèrent

entre yaus moult grandement, et eurent

tantost li pluiseur leur chevaus appareilliés; si montèrent

5et commencièrent à cacier fort et vistement.

Adonc se parti messires Jehans Chandos et une

grant route des siens, et s’en vinrent adrecier sus

le bataille monsigneur Bertran de Claiekin, où on

faisoit merveilles d’armes, mais elle estoit ja ouverte,

10et pluiseur chevalier et escuier mis en grant meschief.

Et encores le furent il plus, quant une grosse

route d’Englès et messires Jehans Chandos y sourvinrent.

Là eut donné tamaint pesant horion de ces

haces, et fendu et effondré tamaint bachinet, et maint

15homme navré et mort. Et ne peurent, au voir dire,

messires Bertrans ne li sien porter ce fais. Si fu là

pris li dis messires Bertrans de Claiekin d’un escuier

englès desous le pennon à monsigneur Jehan Chandos.

En celle presse, prist et fiança pour prisonnier li

20dis messires Jehans Chandos un baron de Bretagne

qui s’appelloit le signeur de Rays, hardi chevalier

durement.

Apriès ceste grosse bataille des Bretons rompue,

la ditte bataille fu ensi que desconfite. Et perdirent

25li aultre tout leur arroy, et se misent en fuite,

cescuns au mieulz qu’il peut, pour lui sauver,

excepté aucun bon chevalier et escuier de Bretagne,

qui ne voloient mies laissier leur signeur monsigneur

Charlon de Blois, mès avoient plus chier à morir que

30reprocie lor fust fuite. Si se recueillièrent et ralliièrent

autour de lui et se combatirent desous se banière

depuis moult vaillamment et très asprement, et

[168] 168là eut fait tamainte grant apertise d’armes. Et se tinrent

messires Charles de Blois et chil qui dalés lui

estoient, une espasse de temps, en yaus deffendant

et combatant; mès finablement il ne se peurent tant

5tenir qu’il ne fuissent ouvert et desroutet par force

d’armes, car la plus grant partie des Englès conversoient

celle part.

Là fu la banière à monsigneur Charle de Blois

conquise et jettée par terre, et cils ochis qui le

10portoit. Là fu occis en bon couvenant li dis messires

Charles de Blois, le viaire sus ses ennemis, et uns

siens filz bastars qui s’appelloit messires Jehans de

Blois, et pluiseur aultre chevalier et escuier de Bretagne.

Et me samble que il avoit ensi esté ordené

15et pourparlé en l’ost des Englès, au matin, que,

se on venoit au dessus de le bataille et que messires

Charles de Blois fust trouvés en le place, on ne le devoit

prendre à nulle raençon, mès occire. Et ensi, en

cas samblable, li François et li Breton avoient ordonné

20de monsigneur Jehan de Montfort, car en ce

jour il voloient avoir fin de guerre. Là eut, quant

ce vint à le cache et à le fuite, grant mortalité, grant

occision et grant desconfiture, et tamaint bon chevalier

et escuier pris et mis en grant meschief.

25Là fu toute la fleur de la bonne chevalerie de Bretagne

pour le temps et pour le journée morte ou prise,

car moult petit de gens d’onneur escapèrent, qui ne

fuissent mort ou pris. Et par especial des banerès de

Bretagne y demorèrent mort messires Charles de Dignant,

30li sires de Lyon, li sires d’Ansenis, li sires

d’Avaugor, li sires de Lohiac, li sires de Gargoulé, li

sires de Malatrait, li sires dou Pont et pluiseur aultre

[169] 169chevalier et escuier que je ne puis mies tous nommer;

et pris li viscontes de Rohem, messires Guis de

Lyon, li sires de Rocefort, li sires de Rays, li sires de

Rieus, li sires de Tournemine, messires Henris de

5Malatrait, messires Oliviers de Mauni, li sires de Riville,

li sires de Friauville, li sires d’Ainneval et pluiseur

aultre de Normendie, et pluiseur bon chevalier

et escuier de France avoecques le conte d’Auçoirre

et le conte de Joni.

10Briefment à parler, ceste desconfiture fu moult

grande et moult grosse, et grant fuison de bonnes

gens y eut mors, tant sus les camps comme en le

cache, car elle dura huit liewes dou pays, d’Auroy

jusques moult priès de Rennes. Si avinrent là en

15dedens tamaintes aventures, qui toutes ne vinrent

mies à congnissance. Et y eut aussi maint homme

mort et pris et recreu sus les camps, ensi que li aucun

escheoient en bonnes mains, et qu’il trouvoient

leurs mestres courtois. Ceste bataille fu assés priès

20d’Auroy en Bretagne, l’an de grasce Nostre Signeur

mil trois cens soissante quatre, le neuvime jour dou

mois de octembre.

§ 540. Apriès la grande desconfiture, si com vous

avés oy, et la place toute delivrée, li chief des signeurs,

25Englès et Breton d’un lés, retournèrent et

n’entendirent plus au cachier, mès en laissièrent couvenir

leurs gens. Si se traisent d’un lés li contes de

Montfort, messires Jehans Chandos, messires Robers

Canolles, messires Eustasses d’Aubrecicourt, messires

30Mahieus de Gournay, messires Jehans Boursiers,

messires Gautiers Hués, messires Hues de Cavrelée,

[170] 170messires Richars Burlé, messires Richars Tanton et

pluiseur aultre. Et s’en vinrent ombriier dou lonch

d’une haie, et se commencièrent à desarmer, car il

veirent bien que la journée estoit pour yaus. Si misent

5li aucun leurs banières et leurs pennons à celle haie,

et les armes de Bretagne tout hault sus un buisson,

pour ralloiier leurs gens. Adonc se traisent messires

Jehans Chandos, messires Robers Canolles, messires

Hues de Cavrelée et aucun chevalier devers monsigneur

10Jehan de Montfort, et li disent tout en riant:

«Sires, loés Dieu et si faites bonne chière, car vous

avés hui conquis l’iretage de Bretagne.» Il les enclina

moult doucement, et puis parla que tout l’oïrent:

«Messire Jehan Chandos, ceste bonne aventure m’est

15hui avenue par le grant sens et proèce de vous, et

se le sçai je de verité, ossi le scèvent tout chil qui

chi sont: si vous pri, buvés à mon hanap.» Adonc

li tendi un flascon [plain[437]] de vin où il avoit beu, pour

lui rafreschir, et dist encores en lui donnant: «Avoecques

20Dieu, je vous en doi savoir plus de gré que à

tout le monde.» En ces parolles revint li sires de

Cliçon, tous escaufés et enflamés, et avoit moult longement

poursievis ses ennemis: à painnes s’en estoit

il peus partir, et ramenoient ses gens grant fuison de

25prisonniers. Si se retraist tantost par devers le conte

de Montfort et les chevaliers qui là estoient, et descendi

de son coursier; si s’en vint esventer et rafreschir

dalés yaus.

Entrues que li contes de Montfort et li chevalier

30estoient en cel estat, revinrent doi chevalier et doi

[171] 171hiraut qui avoient chercié les mors, pour savoir que

messires Charles de Blois estoit devenus, car il n’estoient

point certain se il estoit mors ou non. Si

disent ensi tout en hault: «Monsigneur, faites bonne

5chière, car nous avons veu vostre adversaire, messire

Charle de Blois, mort.» A ces parolles se leva li

contes de Montfort, et dist qu’il le voloit aler veoir

et que il avoit desir de le veoir otant bien mort que

vif. Si s’en alèrent avoecques lui li chevalier qui là

10estoient. Quant il furent venu jusques au liu où il gisoit,

tournés d’une part et acouvers d’une targe, il le fist

descouvrir, et puis le regarda moult piteusement, et

pensa une espasse, et puis dist: «Ha! monsigneur

Charle, monsigneur Charle, biaus cousins, com par

15vostre oppinion maintenir sont advenu en Bretagne

maint grant meschief! Se Diex m’ayt, il me desplaist

quant je vous trueve ensi, se estre peuist aultrement.»

Et lors commença à larmiier. Adonc le tira arrière

messires Jehans Chandos et li dist: «Sire, sire,

20partons de ci et regracions Dieu de le belle aventure

que vous avés, car sans le mort de cesti ne poiés

vous venir à l’iretage de Bretagne.» Adonc ordonna

li contes que messires Charles de Blois fust portés à

Ghingant, et il le fu incontinent, et là ensepelis

25moult reveramment, liquels corps de li saintefia par

le grasce de Dieu, et le appelle on saint Charle, et

le approuva et canonnisa papes Urbains Ves, qui regnoit

pour le temps, car il faisoit et fait encor en

Bretagne tous les jours maint grant et biel miracle.

30§ 541. Apriès ceste ordenance, et que li mort furent

desvesti et que leurs gens furent retourné de le

[172] 172cache, il se retraisent devers leurs logeis dont au

matin il s’estoient parti. Si se desarmèrent et puis se

aisièrent de ce qu’il eurent, il avoient assés de quoi,

et entendirent à leurs prisonniers. Et fisent remuer

5et apparillier les navrés et les blechiés, et leurs gens

meismes qui estoient navret et blechiet fisent il

rappareillier et remettre à point.

Quant ce vint le lundi au matin, li contes de

Montfort fist à savoir, sus le pays, à chiaus de la cité

10de Rennes et des villes environ, qu’il donnoit et

acordoit triewes trois jours pour recueillier les mors

dessus les camps et ensepelir et mettre tous en sainte

terre: laquèle ordenance on tint à moult bonne. Si

se tint li contes de Montfort par devant le chastiel

15d’Auroy à siège et dist que point ne s’en partiroit si

l’aroit à sa volenté.

Ces nouvelles s’espardirent en pluiseurs lieus et en

pluiseurs pays, comment messires Jehans de Montfort,

par le conseil et confort des Englès, avoit obtenu

20le place contre monsigneur Charle de Blois, et

lui mort et desconfi, et mort et pris toute la fleur de

Bretagne qui faisoient partie contre lui. Si en avoit

messires Jehans Chandos grandement le grasce et le

renommée. Et disoient toutes manières de gens, chevaliers

25et escuiers, qui à le besongne avoient esté,

que par lui et par son sens et sa grant proèce avoient

li Englès et li Breton obtenu [la place[438]].

De ces nouvelles furent tout li amit et li confortant

à monsigneur Charle de Blois couroucié, ce fu

30bien raisons, et par especial li rois de France, car

[173] 173ceste desconfiture li touchoit grandement, pour tant

que pluiseur bon chevalier de son royaume avoient

là esté mort et pris, messires Bertrans de Claiekin

que moult amoit, li contes d’Auçoirre, li contes de

5Joni et tout li baron de Bretagne, sans nullui excepter.

Si envoia li dis rois Charles de France son frère

monsigneur Loeis, duc d’Angho, sus les marces de

Bretagne, pour reconforter le pays qui estoit moult

desolés pour l’amour de leur signeur monsigneur

10Charle de Blois que perdu avoient, et pour reconforter

ossi madame de Bretagne, femme au dit monsigneur

Charle de Blois, qui estoit si desolée et desconfortée

de la mort de son mari que riens n’i falloit.

A ce estoit li dis dus d’Ango bien tenus dou faire,

15quoique volentiers le fesist, car il avoit à espeuse la

fille dou dit monsigneur Charle et de la ditte dame.

Si prommetoit de grant volenté as bonnes villes,

chités et chastiaus de Bretagne et au demorant dou

pays, conseil, confort et ayde, en tous cas. En quoi

20la dame, que il clamoit mère, et li pays eurent une

espasse de temps grant fiance jusques adonc que li

rois de France et ses consaulz, pour tous perilz oster

et eschiewer, y misent attemprance, si com vous orés

recorder assés temprement.

25Si vinrent ossi ces nouvelles au dit roy d’Engleterre,

car li contes de Montfort l’en escrisi, au cinquime

jour que la bataille avoit esté devant Auroi,

en le ville de Douvres. Et en aporta lettres de creance

uns varlés poursievans armes qui avoit esté à le bataille,

30et lequel li rois d’Engleterre fist tantost hiraut,

par lequel hiraut et aucuns chevaliers d’un lés et de

l’autre qui furent à le bataille je fui enfourmés. Et

[174] 174la cause pour quoi li rois d’Engleterre estoit adonc

à Douvres, je le vous dirai.

§ 542. Il est bien voirs que uns mariages entre

monsigneur Aymon, conte de Cantbruge, fil au dit

5roy d’Engleterre, et la fille dou conte Loeis de Flandres,

avoit esté trettiiés et pourparlés trois ans en

devant. Auquel mariage li contes de Flandres estoit

nouvellement assentis et acordés, mès que papes

Urbains Ves les vosist dispenser, car il estoient moult

10proçain de linage. Et en avoient esté li dus de Lancastre

et messires Aymenions ses frères et grant fuison

de barons et de chevaliers, en Flandres, devers le

dit conte Loeis qui les avoit recheus moult honourablement.

Et par plus grant conjonction de pais

15et d’amour, li dis contes de Flandres estoit venus

avoecques eulz à Calais et passa le mer et vint à

Douvres, où li dis rois et une partie de son conseil

l’avoit recheu. Et encores estoient il là, quant li dessus

dis varlés et messages en ce cas aporta les nouvelles

20de la besongne d’Auroy, ensi comme elle avoit

alé.

De laquèle avenue li rois d’Engleterre et tout li

baron qui là estoient furent moult resjoy, et ossi fu

li contes de Flandres, pour l’amour et honneur et

25avancement de son cousin germain le conte de Montfort.

Et donna li dis rois au dit varlet, qu’il fist hiraut,

si com dessus est dit, le nom de Windesore et moult

grant pourfit. Si furent li rois d’Engleterre, li contes

de Flandres et li signeur dessus nommé environ

30trois jours à Douvres, en festes et en esbatemens. Et

quant il eurent revelé et jeué et fait ce pour quoi il

[175] 175estoient là assamblé, li dis contes de Flandres prist

congiet au roy d’Engleterre et se parti. Si me samble

que li dus de Lancastre et messires Aymons rapassèrent

le mer à Calais avoecques le dit conte de Flandres

5et li tinrent toutdis compagnie jusques à tant

qu’il fu revenus à Bruges. Nous nos soufferons à parler

de ceste matère et parlerons dou conte de Montfort

et dirons comment il persevera en Bretagne.

§ 543. Li contes de Montfort, si com ci dessus est

10dit, tint et mist le siège devant Auroy, et dist qu’il

ne s’en partiroit si l’aroit à se volenté. Cil dou

chastiel n’estoient bien aise, car il avoient perdu

leur chapitainne Henri de le Sauternèle, qui estoit

demorés à le besongne, et toute le fleur de leurs

15compagnons. Et ne se trouvoient laiens que un bien

petit de gens, et se ne leur apparoit nulz secours de

nul costé: si eurent conseil de yaus rendre et le

forterèce, salve leurs corps et leurs biens. Si trettiièrent

devers le dit conte de Montfort et son conseil

20sus l’estat dessus dit. Li dis contes, qui avoit en

pluiseurs lieus à entendre et point ne savoit encores

comment li pays se vorroit maintenir, les prist à

merci et laissa paisieulement partir chiaus qui partir

vorrent, et prist le saisine et possession de le forterèce

25et y mist gens de par lui.

Et puis chevauça oultre, et toute son host qui tous

les jours croissoit, car gens d’armes et arcier li venoient

d’Engleterre à effort; et ossi se tournoient

pluiseur chevalier et escuier de Bretagne devers lui,

30et par especial cil Breton bretonnant. Si s’en vinrent

devant le bonne ville de Jugon, qui se cloy contre lui

[176] 176et se tint trois jours, et le fist li dis contes de Montfort

assallir par deux assaus, et en y eut moult de

blechiés dedens et dehors. Cil de Jugon, qui se

veoient assalli et point de recouvrier ens ou pays ne

5savoient, n’eurent mies conseil d’yaus tenir trop longement

ne de faire herriier, et recogneurent le comte

de Montfort à signeur, et li ouvrirent leurs portes, et

li jurèrent foy et loyauté à tenir et à garder à tousjours

mès. Si remua li dis contes tous officiiers en

10le ville et mist nouviaus.

Et puis chemina devers le [bonne[439]] ville de Dignant.

Là mist il grant siège, et qui dura bien avant

en l’ivier; car la ville estoit bien garnie de grans

pourveances et de bonnes gens d’armes. Et ossi li

15dus d’Ango leur mandoit que il se tenissent ensi

que bonnes gens devoient faire, car il les conforteroit.

Ceste oppinion les fist tenir et endurer tamaint

grant assaut. Quant il veirent que leurs pourveances

amenrissoient et que nulz secours ne leur

20apparoit, il trettièrent de le pais devers le conte de

Montfort, liquelz y entendi volentiers et ne desiroit

aultre cose, mès que il le volsissent recognoistre à

signeur, ensi qu’il fisent. Et entra en la ditte ville de

Dignant à grant solennité, et li fisent tout feaulté et

25hommage.

Puis chevauça oultre et s’en vint à toutes ses

hoos devant le bonne cité de Camper Correntin: si

le assega de tous poins, et y fist amener et achariier

les grans engiens de Vennes et de Dignant, et dist et

30prommist qu’il ne s’en partiroit si l’aroit. Et vous di

[177] 177ensi que li Englès et li Breton de Montfort, messires

Jehans Chandos et li aultre, qui avoient en le bataille

d’Auroi pris grant fuison de bons prisonniers, chevaliers

et escuiers, n’en rançonnoient nesun ne ne

5mettoient à finance, pour tant qu’il ne voloient mies

qu’il se recueillassent ensamble et en fuissent de rechief

combatu; mais les envoioient en Poito et en

Saintonge, à Bourdiaus ou en le Rocelle, tenir prison,

et entrues conqueroient li dit Breton et Englès d’un

10costé le pays de Bretagne.

§ 544. Entrues que li contes de Montfort seoit

devant le cité de Camper Correntin, et moult le abstraint

par assaus d’engiens qui nuit et jour y jettoient,

couroient ses gens tout le pays d’environ, et

15ne laissoient riens à prendre, se il n’estoit trop chaut

ou trop pesant. De ces avenues estoit li rois de France

bien enfourmés. Si eut sur ce pluiseurs consaulz,

pourpos et imaginations par pluiseurs fois à savoir

comment il poroit user des besongnes de Bretagne,

25car elles estoient en moult dur parti, et se n’i pooit

bonnement remediier, se il n’esmouvoit son royaume

et fesist de rechief guerre as Englès, pour le fait de

Bretagne, ce que on ne li consilloit mies à faire.

Et li fu dit en grant especialité et deliberation de

25conseil: «Très chiers sires, vous avés soustenu le

oppinion monsigneur Charle de Blois vostre cousin,

et ossi fist vostre signeur de père et li rois Phelippes

vostres taions qui li donna en mariage l’iretière [et la

duché[440]] de Bretagne, par lequel fait moult de grans

[178] 178maulz sont avenu en Bretagne et ens ès pays voisins.

Or est tant alé que messires Charles de Blois, vostres

cousins, en l’iretage gardant et deffendant, est mors;

et n’est nulz de son costet qui ceste guerre ne le

5droit de son calenge reliève, car ja sont en Engleterre

prisonnier, à qui moult il en touche et apertient,

si doi ainné fil, Jehans et Guis. Et si veons et oons

recorder tous les jours que messires Jehans de Montfort

prent et conquiert cités, villes et chastiaus, et

10les attribue dou tout à lui, ensi comme son lige hiretage.

Par ensi, poriés vous perdre vos drois et le

hommage de Bretagne qui est une moult grosse et

notable cose en vostre royaume et que vous devés

bien doubter à perdre; car, se li contes de Montfort

15le relevoit de vostre frère le roy d’Engleterre,

ensi que fist jadis ses pères, vous ne le porriés ravoir

sans grant guerre et hayne entre vous et le

roy d’Engleterre, où bonne pais est maintenant, que

nous ne vous consillons pas à brisier. Si vous consillons,

20et nous samble, tout consideré et imaginé,

chiers sires, que ce seroit bon que de envoiier certains

moiiens et sages trettieurs devers monsigneur

Jehan de Montfort, pour savoir comment il se voelt

maintenir, et de entamer matère de pais entre lui et

25le pays et la ditte dame qui s’en est appellée duçoise;

et sur ce que cil trettieur trouveront en lui et en son

conseil, vous arés avis. Au fort, mieulz vaurroit que

il demorast dus de Bretagne, afin que il le volsist

recognoistre de vous et vous en fesist toutes droitures,

30ensi que uns sires feaulz doit faire à son signeur,

que la cose fust en plus grant peril ne

variement.»

[179] 179A ces parolles entendi li dis rois de France volentiers,

et furent adonc avisé et ordonné en France

messires Jehans de Craan, archevesques de Rains, et

li sires de Craan ses cousins, et messires Bouchicaus,

5mareschaus de France, d’aler en ce voiage devant

Camper Correntin [parler et trettier au conte de Montfort

et à son conseil, sur l’estat que vous avés oy. Si

se partirent ces trois seigneurs dessus nommés du

roy de France, quant il furent avisé et informé de ce

10que il devoient faire et dire, et exploitièrent tant par

leurs journées qu’il vinrent au siège des Bretons et des

Englès devant Camper Corentin[441]], et se nommèrent

messagier au roy de France. Li contes de Montfort,

messires Jehans Chandos et cil de son conseil les

15reçurent liement. Si remoustrèrent chil signeur bien

et sagement ce pour quoi il estoient là envoiiet. A

ce premier trettié respondi li contes de Montfort

que il s’en consilleroit, et y assigna journée. Ce terme

pendant, vinrent cil troi signeur de France sejourner

20en le cité de Rennes.

Si envoya li contes de Montfort en Engleterre le

signeur Latimier, pour remoustrer au roy ces trettiés

et quel cose à faire il l’en consilleroit. Li rois

d’Engleterre, quant il en fu enfourmés, respondi tantos

25que il consilloit bien le conte de Montfort à faire

pais, mais que la ducé de Bretagne li demorast, et

ossi que il recompensast la ditte dame, qui duçoise

s’en estoit appellée, d’aucune cose, pour tenir son

estat bien et honnestement, et li assignast sa rente

30et revenue en certain lieu où elle le peuist avoir sans

[180] 180dangier. Li sires Latimiers raporta arrière, par escript,

tout le conseil et la response dou roy d’Engleterre

au conte de Montfort, qui se tenoit devant

Camper Correntin.

5Depuis ces lettres et ces responses veues et oyes,

messires Jehans de Montfort et ses consaulz envoiièrent

devers les messages dou roy de France, qui se

tenoient à Rennes. Cil vinrent en l’ost. Là leur fu la

response faite bien et courtoisement, et leur fu dit

10que ja messires Jehans de Montfort ne se partiroit

dou calenge de Bretagne, pour cose qui avenist, se il

ne demoroit dus, ensi qu’il s’en tenoit et appelloit;

mais là où li rois de France li feroit ouvrir paisieulement

cités, villes et chastiaus, et rendre fiés et

15hommages et toutes droitures, ensi que li duch de

Bretagne anciennement l’avoient tenu, il le recognisteroit

volentiers à signeur naturel et l’en feroit hommages

et tous services, present et oant les pers de

France, et encores, par cause de proïsmeté et de

20ayde, il aideroit et conforteroit de aucune recompensation

sa cousine, la femme à monsigneur Charlon

de Blois, et aideroit à delivrer ossi moult volentiers

ses cousins qui estoient prisonnier en Engleterre,

Jehan et Gui.

25Ces responses plaisirent bien à ces signeurs de

France qui là avoient estet envoiiet[442]; si prisent

jour et terme de le accepter ou non: on lor acorda

legierement. Tantost il envoiièrent devers le duch

d’Ango, qui estoit retrais à Angiers, et auquel li rois

30avoit remis toutes les ordenances dou faire ou dou

[181] 181laiier. Quant li dus d’Ango vei les trettiés, il se

consilia sus une grant espasse: lui bien consiliiet,

finablement il les accepta, et revinrent arrière doi

chevalier qui envoiiet avoient esté devers lui, et raportèrent

5la response dou dit duc d’Ango, par escript

et seelé. Si se departirent de le cité de Rennes li

dessus dit messagier au roy de France, et vinrent

devant Camper Correntin.

Là fu finablement la pais faite et acordée et

10seelée de monsigneur Jehan de Montfort. Et demora

adonc dus de Bretagne, parmi tant que, se il

n’avoit enfans de sa char par loyauté de mariage, la

terre apriès son dechiés devoit retourner as enfans

monsigneur Charle de Blois. Et demorroit la dame,

15femme qui fu à monsigneur Charle de Blois, contesse

de Pentèvre, laquèle terre pooit valoir par an

environ vingt mil frans, et tant li devoit on faire

valoir. Et devoit li dis messires Jehans de Montfort

venir en France, quant mandés y seroit, et faire

20hommage au roy de France et recognoistre la ducé

de lui. De tout ce prist on chartres et instrumens

[publiques[443]] et lettres grossées et seelées de l’une

partie et de l’autre. Et par ensi entra li contes de

Montfort en l’iretage de Bretagne, et en demora dus

25un temps, jusques adonc que aultres renouvelemens

de guerres revinrent, si com vous orés recorder

avant en l’istore.

§ 545. Avoech toutes ces coses, parmi l’ordenance

de le pais, reut li sires de Cliçon toute sa terre

[182] 182entierement que li rois Phelippes jadis li avoit tolue et

ostée, et li rendi li rois Charles de France et encores

de l’autre assés. Cilz sires de Cliçon depuis s’acointa

dou roi de France que c’estoit fait en France tout

5ce qu’il voloit, et sans lui n’estoit riens fait. Si fu

tous li pays de Bretagne moult joieus, quant il se

trouvèrent en pais. Et prist li dis dus les fois et les

hommages des cités, des villes, des chastiaus et de

tous les prelas et les gentilz hommes. Assés tost apriès,

10se maria cilz dis dus à la fille de madame la princesse

de Galles que elle avoit eu de monsigneur Thumas

de Hollandes. Et en furent les noces faites en le

bonne cité de Nantes moult grandes et moult nobles.

Encores avint, en cest yvier, que la royne Jehane,

15ante dou dit roy de Navare, et la royne Blance, sa suer

germaine, pourcacièrent et esploitièrent tant que pais

fu faite et acordée entre le roy de France et le roy

de Navare, parmi l’ayde et le grant sens de monsigneur

le captal de Beus, qui y rendi grant cure et

20grant diligense, et parmi tant fu il quittes et delivrés

de sa prison. Et li moustra et fist de fait li rois de

France grant signe d’amour, et li donna le biel chastiel

de Nemouses et toutes les appendances de la chastelerie,

où bien apertiennent troi mil frans par an de

25revenue. Et en devint homs li dis captaus au roy de

France: douquel hommage li dis rois fu moult resjoïs,

car il amoit grandement le service d’un tel chevalier

comme li captaus estoit pour ce temps, mès il

ne le fu mies trop longement.

30Car quant il revint en le prinçauté devers le prince

de Galles, li princes, qui savoit et estoit enfourmés

de ceste ordenance, l’en blasma durement et dist qu’il

[183] 183ne se pooit acquitter loyaument à servir deus signeurs,

et qu’il estoit trop convoiteus, quant il avoit pris terre

en France où il n’estoit ne prisiés ne honnourés. Quant

li captaus se vei en ce parti et si dur recheus et appellés

5dou prince de Galles son naturel signeur, il se

virgonda et dist, en lui escusant, qu’il n’estoit mies

trop avant loiiés au roy de France et que bien pooit

deffaire tout ce que fait estoit. Si renvoia par un

sien chevalier son hommage au roy de France, et renonça

10à tout ce que donné li avoit. Et demora depuis

li dis captaus dalés le prince. Parmi le composition

et ordenance de le pais qui se fist entre le roy de

France et le roy de Navare, demorèrent au dit roy

de France Mantes et Meulent, et li rois li rendi aultres

15chastiaus en Normendie.

En ce temps, se parti de France messires Loeis de

Navare et passa oultre en Lombardie pour espouser

la royne de Naples. Mais à son departement il emprunta

au roy de France, sus aucuns chastiaus que il

20tenoit en Normendie, soissante mil florins, liquelz

messires Loeis, depuis qu’i[l] eut espousé la ditte

dame, ne vesqui point longement. Diex li pardoinst

tous ses pechiés, car il fu moult courtois chevaliers!

§ 546. En ce temps, estoient les Compagnes si

25grandes en France que on n’en savoit que faire, car

les guerres du roy de Navare et de Bretagne estoient

fallies. Si avoient apris cil compagnon, qui poursievoient

les armes, à pillier et à vivre davantage sus le

plat pays. Si ne s’en pooient ne ossi ne voloient detenir

30ne astenir, et tous leurs recours estoit en

France. Et appelloient ces Compagnes le royaume

[184] 184de France leur cambre. Toutes fois, il n’osoient converser

en Acquitainnes, la terre dou prince, ne on

ne les y ewist mies souffers. Et ossi, au voir dire,

la plus grant partie des chapitainnes estoient gascon

5et englès et homme dou roy d’Engleterre ou dou

prinche. Aucuns Bretons y pooit bien avoir, mais

c’estoit petit. De quoi moult de gens ou royaume de

France murmuroient et parloient sus le partie dou

roy d’Engleterre et dou prince, et disoient couvertement

10qu’il ne se acquittoient mies bien envers le

roy de France, quant il n’aidoient à bouter hors ces

males gens dou dit royaume. Nequedent, il les avoient

plus chier ensus de eulz que dalés yaus. Si considerèrent

li sage homme dou royaume de France que,

15se on n’i mettoit remède et conseil, ou que on les

combatesist ou que on les envoiast hors par grant

mise d’argent, il destruiroient le noble royaume de

France et sainte crestienneté.

A ce donc avoit un roy en Hongherie qui les volsist

20bien avoir eus dalés lui, et les euist trop bien ensonniiés

contre les Turs à qui il guerioit et qui li portoeint

moult de damages. Si en escripsi devers le pape

Urbain cinquime, qui estoit pour le temps en Avignon,

qui volentiers en euist veu le delivrance dou royaume

25de France, et ossi devers le roy de France et devers

le prince de Galles. Si traitta on devers les chapitainnes,

et leur offri on grant argent et vivres et passage;

mès onques ne s’i veurent assentir. Et respondirent

que ja il n’iroient si lonch guerriier, car il fu

30là dit entre yaus d’aucuns compagnons qui cognissoient

le pays de Hongrie que il y avoit telz destrois

que, se il y estoient embatu, jamais n’en isteroient,

[185] 185et les y feroit on morir de male mort. Ceste cose les

effrea si que il n’i eurent talent d’aler.

§ 547. Quant li papes [Urbains[444]] et li rois de France

veirent que il ne venroient point à leur entente de

5ces maleoites gens qui ne se voloient vuidier ne

partir dou royaume de France, mès y mouteplioient

tous les jours, si regardèrent et avisèrent une aultre

voie.

En ce temps, y avoit un roy en Castille qui s’appelloit

10dan Pières, de mervilleuses opinions plains,

et estoit durement rebelles à tous commandemens

et ordenances de l’Eglise, et voloit sousmettre tous

ses voisins crestiiens, especialment le roy d’Arragon

qui s’appelloit Pierre, liquelz estoit bons et [vrais[445]]

15catholikes, et li avoit tolut une grant partie de sa

terre, et encores se mettoit il en painne dou tollir

le demorant. Avoech tout ce, cilz rois dans Piètres

avoit trois frères bastars, enfans dou bon roy Alphons

son père et d’une dame qui s’appella la Riche Done.

20Li ainnés avoit à nom Henris, li secons dan Tille, et

li tiers Sanses. Cilz rois dans Piètres les haoit durement

et ne les pooit veoir dalés lui, et volentiers

par pluiseurs fois les euist mis à fin et decolés, se il

les euist tenus. Nekedent, il avoient esté moult amé

25dou roy leur père. Et avoit très son vivant donné li

rois Alphons à Henri l’ainnet le conté d’Esturges;

mès li rois dans Pières li avoit retolut, et tous jours

guerrioient ensamble. Cilz bastars Henris estoit et

[186] 186fu moult hardis et preus chevaliers, et avoit grant

temps conversé en France et poursievi les guerres et

servi le roy de France et le amoit durement. Cilz

rois dans Pières, si com famés couroit, avoit fait

5morir la mère de ces enfans moult diversement: de

quoi il lor en desplaisoit, c’estoit bien raisons. Avoech

tout ce, ossi [avoit[446]] fait morir et exilliet pluiseurs

haus barons dou royaume de Castille, et estoit si crueulz

et si plains d’erreur et de austerité que tout si homme

10le cremoient et ressongnoient et le haoient, se

moustrer li osaissent. Et avoit fait morir une très

bonne et sainte dame que il avoit eu à femme, madame

Blance de Bourbon, fille au duch Pière de

Bourbon et suer germainne à la royne de France et

15à la contesse de Savoie. De laquèle mort il desplaisoit

grandement à son linage, qui est uns des nobles

dou monde.

Encores couroit fames des gens ce roy dan Piètre

meismement que il s’estoit amiablement composés

20au roy de Grenade et au roy de Bellemarine et au

roy de Tramesainnes, qui estoient ennemi de Dieu et

incredule. Et se doubtoient ses gens que il ne fesist

aucuns griés et molestés à son pays et ne violast les

eglises, car ja leur tolloit il lor rentes et revenues et

25tenoit les prelas de son royaume en prison et les

constraindoit par manière de tirannisie. Dont les

plaintes grandes et grosses venoient tous les jours à

nostre saint père le pape, en suppliant que il y volsist

pourveir de remède: asquelz complaintes et

30priières papes Urbains descendi et envoia tantost ses

[187] 187messages en Castille devers ce roy dan Piètre, en lui

mandant et commandant qu’il venist tantost et sans

delay, en propre personne, en court de Romme,

pour lui laver et purgier des villains mesfais dont il

5estoit amis. Cilz rois dans Piètres, comme orguilleus

et presumptueus, ne daigna obeir, mès villena encores

grandement les messages dou Saint Père, dont

il enchei grandement en l’indignation de l’Eglise et

dou chief de l’Eglise nostre Saint Père le pape. Si

10persevera toutdis cils rois dans Piètres en son pechié.

Adonc fu regardé et avisé comment ne par quel

voie on le poroit batre ne corrigier, et fu dit qu’il

n’estoit mies dignes de porter nom de roy et de tenir

royaume. Et fu en plain concitore, en Avignon et en

15le cambre dou pape, escumeniiés publikement et reputés

pour bougre et incredule, et fu adonc avisé et

regardé que on le constrainderoit par ces Compagnes

qui se tenoient ou royaume de France. Si furent

mandé en Avignon li rois d’Arragon, qui durement

20haoit ce roi dan Piètre, et Henris li bastars d’Espagne.

Là fu de nostre Saint Père le pape legitimés

Henris à obtenir royaume, et maudis et condempnés

de bouche de pape li rois dan Piètres. Là

dist li rois d’Arragon que il ouveroit son royaume

25et liveroit passage, et aministeroit vivres et pourveances

pour toutes gens d’armes et leurs poursievans,

qui en Castille vorroient aler et entrer pour

confondre ce roy dan Pière et bouter hors de son

royaume.

30De ceste ordenance fu moult resjoïs li rois de

France, et mist painne et conseil à ce que messires

Bertrans de Claiekin, que messires Jehans Chandos

[188] 188tenoit [prisonnier[447]], fust mis à finance; il le fu

parmi cent mil frans qu’il paia: si en paiièrent une

partie li papes, li rois de France et Henris li Bastars.

Tantos apriès sa delivrance, on traitta devers les

5chapitainnes des Compagnes, et leur prommist on grant

pourfit à faire, mais que il volsissent aler en Castille.

Il s’i acordèrent legierement parmi grant argent qu’il

eurent pour departir entre yaus. Et fu adonc cilz

voiages segnefiiés, en le prinçauté, as chevaliers et as

10escuiers dou prince. Et par especial messires Jehans

Chandos en fu priiés que il volsist estre uns des chiés

avoech messire Be[r]tran de Claiekin; mès il s’escusa

et dist que point n’iroit. Pour ce, ne se demora mies

li voiages à faire; si y alèrent de le prinçauté et des

15chevaliers dou prince, messires Eustasses d’Aubrecicourt,

messires Hues de Cavrelée, messires Gautiers

Huet, messires Mahieus de Gournay, messires Perducas

de Labreth et pluiseur aultre. Si se fist tous

souverains chiés de ceste emprise messires Jehans de

20Bourbon, contes de le Marce, pour contrevengier la

mort de sa cousine germainne la royne d’Espagne, et

devoit user et ouvrer, ensi qu’il fist, par le conseil

de monsigneur Bertran de Claeikin; car li dis contes

de le Marce estoit adonc uns moult jones chevaliers.

25En ce voiage se mist ossi, en grant route, li sires de

Biaugeu qui s’appelloit Antones, et pluiseur aultre

bon chevalier, telz que messires Ernoulz d’Audrehen,

mareschaus de [France[448]], messires li Bèghes de

Vellainnes, messires li Bèghes de Villers, li sires

[189] 189d’Antoing en Haynau, messires Alars de Brifueil, messires

Jehans de Nuefville, messires Gauwains de Bailluel,

messires [Jehans[449]] de Bergettes, li Alemans de Saint

Venant et moult d’autres que je ne puis mies tous

5nommer. Et se approcièrent toutes ces gens d’armes

et avancièrent leur voiage, et se misent au chemin,

et fisent leur assamblée en le Languedok et à Montpellier

et là environ, et passèrent tout à Nerbonne

pour aler devers Parpegnant et pour entrer ens ou

10royaume d’Arragon. Si pooient ces gens d’armes

estre environ trente mil. Là estoient tout li chief des

Compagnes, c’est à savoir messires Robers Briket,

Jehan Carsuelle, Naudon de Bagherant, Lamit, le

Petit Meschin, le bourch Camus, le bourch de Lespare,

15le bourch de Bretueil, Batillier, Espiote, Aymenion

d’Ortige, Perrot de Savoie et moult d’autres,

tout d’un acort et d’une alliance, et en grant volenté

de bouter hors ce roy dan Piètre dou royaume de

Castille et mettre [y[450]] le conte d’Esturge son frère le

20bastart Henri. Et envoiièrent ces gens d’armes, quant

il deurent entrer en Arragon pour coulourer et embellir

leur fait, certains messages de par yaus devers

le roy dan Piètre, qui ja estoit enfourmés de ces gens

d’armes qui voloient venir sus lui ens ou royaume

25de Castille. Mais il n’en faisoit nul compte; ançois

assambloit ses gens pour resister contre yaus et combatre

bien et hardiement à l’entrée de son pays. Et

li mandèrent que il volsist ouvrir les pas et les destrois

de son royaume et aministrer vivres et pourveances

[190] 190as pelerins de Dieu qui avoient empris, et

par devotion, d’entrer et aler ens ou royaume de Grenade,

pour vengier la souffrance Nostre Signeur et

destruire les incredules et exaucier no foy. Li rois

5dan Piètres de ces nouvelles ne fist que rire, et respondi

qu’il n’en feroit riens ne que il n’obeiroit ja

à tel truandaille.

Quant ces gens d’armes et ces Compagnes seurent

sa response, si tinrent ce roy dan Piètre à moult orguilleus

10et presumptueus, et se hastèrent et avanchièrent

tantost de lui faire dou pis qu’il peurent.

Si passèrent tout parmi le royaume d’Arragon et le

trouvèrent ouvert et appareilliet et partout vivres et

pourveances à bon marchiet bien et largement; car

15li rois d’Arragon avoit grant joie de leur venue, pour

tant que ces gens d’armes li raquisent et reconquisent

tantost sus le roy de Castille toute la terre entierement

que li rois dans Piètres avoit de jadis conquis

et le tenoit sur lui de force. Et passèrent ces gens

20d’armes le grant rivière qui depart Castille et Arragon,

et entrèrent ou dit royaume d’Espagne. Quant

il eurent tout reconquis, villes, cités, destrois, chastiaus,

pors et passages que li rois dans Piètres avoit

attribués à lui dou royaume d’Arragon, le rendirent

25messires Bertrans et ses routes au roy d’Arragon,

parmi tant que il jura que de ce jour en avant il

aideroit et conforteroit en toutes manières Henri le

Bastart contre le roy dan Piètre.

Ces nouvelles vinrent au dit roy de Castille que

30François, Breton, Normant, Englès, Pikart et Bourghegnon

estoient entré ens son royaume et avoient

passé le grosse rivière qui depart Castille et Arragon,

[191] 191et avoient tout reconquis ce qui estoit par de delà

l’aigue où tant de painne avoit eu au conquerre. Si

fu durement courouciés, et dist que la cose ne demorroit

pas ensi. Si fist un très especial mandement

5et commandement par tout son royaume, en disant

et en segnefiant à tous ceulz asquelz ses lettres et si

message se adreçoient que il voloit tantost et sans

delay aler combatre ces gens d’armes qui estoient

entré en son pays et royaume de Castille. Trop peu

10de gens obeirent à ses commandemens; et quant il

cuida avoir une grant assamblée de ses hommes, il

n’eut nullui, mès le relenquirent et refusèrent tout li

baron et li chevalier d’Espagne, et se tournèrent

devers son frère le bastart Henri, et le couvint fuir:

15autrement il euist esté pris à mains, tant estoit il fort

hays de ses hommes; ne nulz ne demora en ce temps

dalés lui, fors uns loyaus chevaliers qui s’appelloit

Ferrans de Chastres. Cilz ne le volt onques relenquir,

pour cose qui avenist. Et s’en vint li rois dans Piètres

20en Seville, la milleur cité d’Espagne. Quant il y fu

venus, il ne se senti mies trop à segur, mès fist tourser

et mettre en nef et en grans calant son tresor,

sa femme et ses enfans, et se parti de Seville, Ferrant

de Castres avoecques lui. Si arriva li rois dan

25Piètres, à privée mesnie et comme uns homs desbaretés

et desconfis, en Galisse, à un port c’on dist le

Calongne, où il y a un fort chastiel durement. Si

se boutèrent là dedens li rois dans Piètres, sa

femme et deus filles qu’il avoit, jones damoiselles,

30Constanses et Ysabiel. Et n’avoit de tous ses hommes

ne de tout son conseil, fors seulement le dessus

dit chevalier dan Ferrant de Castres. Or vous

[192] 192dirons de Henri le Bastart, son frère, comment il

persevera.

§ 548. Ensi que j’ai ja dit devant, cilz rois dan

Piètres estoit si hays de ses hommes par tout le

5royaume de Castille, de chief en cor, pour les grandes

et mervilleuses justices qu’il avoit faites et le occision

et destruction des nobles de son royaume qu’il avoit

mis à fin et occis de sa main que, si tretos que conte,

baron, chevalier et noble dou dit royaume veirent

10Henri, son frère le bastart, entrer en Castille à si grant

poissance, il se traisent tout par devers lui, et le rechurent

à signeur. Et chevaucièrent partout avoecques

lui, et fisent ouvrir cités, bours, villes et chastiauz,

et toutes manières de gens faire hommage. Et

15crioient d’une vois li Espagnol une heure: «Vive

Henris, et muire dans Piètres qui nous a esté si

crueulz et si hausters!» Ensi menèrent tout parmi

le royaume de Castille, c’est à savoir messires Gommès

Garilz, li grans mestres de Calletrave et li mestres

20de Saint Jakeme, le dit Bastart, et fisent toutes

gens obeir à lui, et le couronnèrent à roy en le cité

d’Esturges. Et li fisent tout prelat, conte, baron et

chevalier, reverense comme à roy, et li jurèrent

qu’il le tenroient à tous jours mès, serviroient et

25obeiroient pour leur signeur et leur roy, et en cel

estat, [se besoings estoit[451],] il morroient.

Si chevauça li dis Henris de cité en cité et de ville

en ville, et partout li fist on reverense et recueilloite

de roy. Si donna li dis rois Henris as chevaliers

[193] 193estragniers, qui remis ens ou royaume de Castille l’avoient,

grans [dons[452]] et riches jeuiaus, tant et si largement

que tout le recommandoient pour large et

honnourable signeur. Et [disoient communement

5Franchois, Normans et Bretons, que en lui avoit noble

et vaillant signeur[453]], et qu’il estoit dignes de vivre et

de tenir terre et regneroit encores poissamment et

en grant prosperité. Ensi se vei li Bastars d’Espagne

en le signourie dou royaume de Castille, et fist ses

10deus frères, dan Tille et Sanse, cescun conte, et leur

donna grant revenue et grant pourfit. Si demora rois

de Castille, de Galisse et de Seville, de Toulette et

de Luzebonne jusques adonc que li poissance dou

prince de Galles et d’Aquitainnes l’en mist hors et

15remist le roy dan Piètre, son frère, de rechief en le

possession et signourie des royaumes dessus dis, si

com vous orés recorder avant en l’istore.

§ 549. Quant li rois Henris se vei en cel estat et

ensi au dessus de toutes ses besongnes et que toutes

20gens, frans et villains, en Castille obeissoient à lui et

le tenoient et appelloient leur signeur et leur roy, et

encor n’estoit apparant de nul contraire que on li

volsist debatre, si ymagina et jetta son avis, pour son

25nom exaucier et pour emploiier ces gens de Compagnes

voiage sus le roy de Grenade. Si en parla à pluiseurs

chevaliers qui là estoient et en furent bien d’acort.

Encores retenoit toutdis dalés lui li dis rois Henris

[194] 194les chevaliers dou prince, messires Eustasses d’Aubrecicourt,

messires Hues de Cavrelée et les autres, et

[leur[454]] faisoit et moustroit grant samblant d’amour,

en istance de ce qu’il en voloit estre aidiés et servis

5ens ou voiage de Grenade où il esperoit à aler. Assés

tost apriès son couronnement, se departirent de lui

et prisent congiet li plus grant partie des chevaliers

de France, et lor fist grant pourfit au partir. Et

retournèrent li contes de le Marce, messires Ernoulz

10d’Audrehen, li sires de Biaugeu et pluiseur aultre.

Et encores demorèrent en Castille, dalés le dit roy

Henri, messires Bertrans de Claiekin, messires Oliviers

de Mauni et li Breton et ossi les Compagnes,

jusques adonc que aultres nouvelles lor vinrent. Et

15fu messires Bertrans de Claiekin connestables de tout

le royaume de Castille, par l’acort dou roy Henri

premierement et de tous les barons dou pays. Or vous

parlerons dou roy dan Piètre comment il s’estoit

maintenus.

20Vous avés bien oy recorder comment il s’estoit

boutés ens ou chastiel de le Calongne sus mer, sa

femme o lui et ses deus filles et dan Ferrant de Castres

tant seulement, siques, entrues que li Bastars ses

frères par le poissance des gens d’armes qu’il avoit

25attrais hors de France, conqueroit Castille, et que

tous li pays se rendoit à lui, si com chi dessus est

dit, il avoit esté durement effraés, et ne s’estoit mies

dou tout assegurés ou dit chastiel de le Calongne,

car il doubtoit trop malement son frère le Bastart, et

30bien sentoit que là où on le saroit, on le venroit

[195] 195querre de force et assegier. Si n’avoit mies attendu

ce peril, mès estoit partis de nuit et mis ens une nef,

sa femme o lui et ses deux filles et dan Ferrant de

Castres et tout ce qu’il avoit d’or et d’argent et de

5jeuiaus. Mès il eurent le vent si contraire que onques

il ne peurent adonc eslongier le Calongne; et les y

couvint retourner et rentrer de rechief en le forterèce.

Adonc demanda conseil li rois dans Piètres à

dant Ferrant de Castres, son chevalier, comment il se

10maintenroit, et en lui complaindant de fortune qui

li estoit si contraire. «Monsigneur, dist li chevaliers,

ançois que vous partés de chi, ce seroit bon que

vous envoiissiés deviers vostre cousin le prince de

Galles à savoir se il vous vorroit recueillier, et que,

15pour Dieu et par pité, il volsist entendre à vous; car

en aucunes manières il y est tenus pour grans alliances

que li rois ses pères et li vostres eurent de jadis

ensamble. Li princes de Galles est bien si nobles et

si gentilz de sanch et de corage que, quant il sera

20enfourmés de vos anois et tribulations, il y prendera

grant compation. Et se il vous voloit aidier et remettre

en vostre royaume, il n’est aujourd’ui sires qui le

peuist faire avant lui, tant est cremus et redoubtés

par tout le monde et amés de toutes gens d’armes.

25Et vous estes encores chi bien et en bonne forterèce

pour vous tenir un temps, tant que nouvelles vous

seront retournées d’Aquitainnes.»

A ce conseil s’acorda legierement li rois dans Piètres,

et furent lettres escriptes moult piteuses et

30moult amiables, et uns chevaliers et doi escuier priiet

de faire ce voiage. Cil l’emprisent volentiers et se

boutèrent en un lin en mer et arrivèrent à Baione,

[196] 196une cité qui se tient dou roy d’Engleterre. Si demandèrent

dou prince. On leur dist qu’il estoit à Bourdiaus.

Il montèrent as chevaus et fisent tant par leur

esploit qu’il vinrent en le cité de Bourdiaus et descendirent

5à hostel, et puis assés tost il se traisent

par devers l’abbeye de Saint Andrieu où li princes se

tenoit. Si disent as chevaliers qu’il trouvèrent en le

place, qu’il estoient Espagnol et messagier au roy

dan Piètre de Castille.

10Ces nouvelles vinrent tantost au prince; si les veult

veoir et savoir quel cose il demandoient. Cil s’en

vinrent par devant lui, et se jettèrent en genoulz et

le saluèrent à leur usage, et recommendèrent le roy

leur signeur son cousin à lui, et li baillièrent leurs

15lettres. Li princes fist lever les dis messages, et prist

les lettres et les ouvri, et puis les lisi par deus fois à

grant loisir, et regarda comment piteusement li rois

dans Piètres avoit escript à lui et li segnefioit ses

durtés et ses povretés, et comment ses frères li Bastars,

20par le poissance des grans alliances qu’il avoit

faites au pape premierement, au roy de France, au

roy d’Arragon et as Compagnes, l’avoit bouté hors

de son hiretage, le royaume de Castille. Se li prioit,

pour Dieu et par pité, que il i volsist entendre et

25pourveir de conseil et de remède: si feroit bien et

aumosne, et en acquerroit grasce à Dieu et loenge à

tout le monde; car ce n’est mies drois d’un roy

crestiien deshireter et ahireter par poissance et tyrannidie

un bastart. Li princes, qui estoit vaillans chevaliers

30et sages durement, cloy les lettres en ses

mains, et puis dist as messages qui là estoient en

present: «Vous nous estes li bien venus de par

[197] 197nostre cousin le roy de Castille: vous demorrés ci

dalés nous, et ne vous partirés point sans response.»

Adonc furent tantost apparilliet li chevalier dou

prince, qui trop bien savoient quel cose il devoient

5faire, et emmenèrent le chevalier espagnol et les

deus escuiers, et les tinrent tout aise.

Li princes, qui estoit demorés en sa cambre et

qui busioit grandement sus ces nouvelles et sus

les lettres que li rois dans Piètres li avoit envoiies,

10manda tantost monsigneur Jehan Chandos

et monsigneur Thumas de Felleton, les deus plus especiaulz

de son conseil, car li uns estoit grans seneschaus

d’Aquitainnes et li aultres connestables. Quant

il furent venu par devant lui, si leur dist tout en riant:

15«Signeur, veci grans nouvelles qui nous viennent

d’Espagne: li rois dans Pières nos cousins se complaint

grandement dou bastart Henri son frère, qui

li tolt de fait son hiretage et l’en a bouté hors et

escaciet, ensi que vous avés bien oy recorder par ceulz

20qui en sont revenu. Si nous prie moult doucement

sur ce de confort et d’ayde, ensi comme il appert par

ses lettres.» Adonc de rechief leur lisi li dis princes

les dittes lettres par deus fois de mot à mot, et li chevalier

volentiers y entendirent. Quant il lor eut leu,

25si dist ensi: «Vous, messire Jehan, et vous, messire

Thumas, vous estes li plus especial de mon conseil

et cil où le plus je m’affie et arreste: si vous pri que

vous m’en voeilliés consillier quel cose en est bonne

à faire.» Adonc regardèrent li doi chevalier l’un

30l’autre, sans riens parler. Et li princes de rechief les

appella et dist: «Dittes, dittes hardiement ce qu’il

vous en samble.»

[198] 198Là fu li dis princes de Galles consilliés de ces

deus chevaliers, si com je fui depuis enfourmés,

que il volsist envoiier, devers ce roy dan Piètre de

Castille, gens d’armes jusques à le Calongne où il

5se tenoit, si com ses lettres et si message disoient,

et fust amenés avant jusques à Bourdiaus, pour

savoir plus plainnement quel cose il voloit dire,

et adonc sus ses parolles il aroient avis et seroit si

bien consilliés que par raison il li deveroit souffire.

10Ceste response plaisi bien au prince. Si en furent

priiet et ordonné de par le prince, d’aler en ce voiage

et querre à le Calongne en Galisse le roy dan Piètre

et son remanant: premierement messires Thumas

de Felleton souverain et chief de [ceste emprise[455]] et

15armée, messires Richars de Pontchardon, messires

Neelz Lorinch, messires Symons Burlé et messires

Guillaumes Toursiaus; et devoit avoir en ceste armée

douze nés cargies d’arciers et de gens d’armes. Si

fisent cil chevalier dessus nommé leur pourveance

20et leur ordenance, tout ensi que pour aler en Galisse,

et se partirent de Bourdiaus et dou prince, les messagiers

dou roy dan Piètre en [leur[456]] compagnie, et

chevaucièrent devers Bayone, et tant fisent qu’il y

parvinrent. Si sejournèrent là quatre jours, en attendant

25vent, et cargant leurs vaissiaus et ordonnant

leurs besongnes.

Au cinquime jour, ensi comme il devoient partir,

li rois dans Piètres de Castille arriva à Bayone, et

estoit partis de le Calongne en grant cremeur, et

[199] 199n’i avoit osé [plus[457]] demorer, son remanant avoecques

lui, qui n’estoit mie grans, et une partie de

son tresor, ce qu’il en avoit pout amener. Si furent

les nouvelles de sa venue moult grandes entre les

5Englès. Et se traisent tantost messires Thumas de

Felleton et li chevalier devers lui, et le recueillièrent

moult doucement, et li comptèrent et moustrèrent

comment il estoient apparilliet et esmeu, par le commandement

de leur signeur le prince, de lui aler

10querre jusques à le Calongne ou ailleurs, se il besongnoit.

De ces nouvelles fu li rois dans Piètres

moult joieus, et en remerchia grandement monsigneur

le prince et les chevaliers qui là estoient.

§ 550. La venue dou roy dan Piètre qui estoit

15arrivés à Bayone segnefiièrent messires Thumas de

Felleton et li aultre au prince qui en fu tous resjoïs.

Depuis ne sejournèrent gaires de temps li dessus dit

chevalier dou prince en le cité de Bayone, et amenèrent

le roy dan Piètre de Castille par devers le cité

20de Bourdiaus, et esploitièrent tant qu’il y vinrent.

Mais li princes, qui moult desiroit à veoir ce roy dan

Piètre son cousin, et pour lui plus honnourer et

mieulz festiier, vuida hors de Bourdiaus, bien acompagniés

de chevaliers et d’escuiers, et vint contre le

25dit roy, et li fist grant reverense. Quant il l’encontra,

[il[458]] l’onnera de fait et de parolles moult grandement,

car bien le savoit faire, nulz princes à son

temps mieulz de lui. Et quant il se furent recueilliet

[200] 200et conjoy, ensi comme il apertenoit, il chevaucièrent

vers Bourdiaus. Et mist li dis princes le roy dan

Piètre au dessus de lui, ne onques ne le volt faire

ne consentir aultrement.

5Là, en chevauçant, remoustroit li rois dans Piètres

au prince, envers qui moult il se humilioit, ses povretés,

et comment ses frères li Bastars l’avoit boutet

et escachiet hors de son royaume de Castille, et se

complaindoit ossi grandement de le desloyauté de

10ses hommes, car tout l’avoient relenqui, excepté

uns chevaliers qui là estoit, qu’il li ensignoit, qui

s’appelloit dan Ferrant de Castres. Li princes moult

sagement et courtoisement le reconfortoit, et li prioit

que il ne se volsist mies trop esbahir ne desconforter;

15car, se il avoit perdu, il estoit bien en le poissance

de Dieu de lui rendre toute sa perte et plus avant,

et avoir vengance de ses ennemis.

Ensi en parlant pluiseurs parolles unes et aultres,

chevaucièrent il jusques à Bourdiaus, et descendirent

20en l’abbeye de Saint Andrieu, l’ostel dou

prince et de la princesse. Et fu li rois dans Piètres

menés en une cambre qui estoit ordonnée pour lui.

Et quant il fu appareilliés, ensi que à lui apertenoit, il

vint devers la princesse et les dames qui le rechurent

25bellement et courtoisement, ensi que bien le savoient

faire. Je vous poroie ceste matère trop demener de

leurs festes et leurs conjoïssemens; si m’en passerai

briefment, et vous compterai comment cils rois

dans Piètres esploita devers le prince, son cousin,

30lequel il trouva grandement courtois et amiable et

descendant à ses priières et volentés, quoi que aucun

de son conseil li euissent remoustré et dit, ensi que

[201] 201je vous dirai, ançois que cilz rois dans Piètres fust

venus à Bourdiaus.

Aucun sage signeur et imaginatif, tant de Gascongne

comme d’Engleterre, qui estoient dou conseil

5le dit prince, et qui loyaument à leur avis le

devoient et voloient consillier, li avoient dit fiablement,

quant il en avoit rusé et parlé à yaus, ançois

que onques l’euist veu: «Monsigneur, vous avés oy

dire et recorder par pluiseurs fois: Qui trop embrace,

10mal estraint. Il est verités que vous estes li uns des

princes dou monde li plus prisiés, li plus doubtés et

li plus honnourés, et tenés par de deçà le mer grant

terre et belle signourie, Dieu merci, bien et en

pais; ne il n’est nulz rois, tant soit proçains, poissans

15ne lontains, qui au temps present vous osast

couroucier, tant estes vous renommés de bonne chevalerie,

de grasce et de fortune: si vous deveroit

par raison souffire ce que vous avés, et non acquerre

nul anemi. Nous le vous disons pour tant que cilz

20rois dans Piètres de Castille, qui maintenant est

boutés hors de son royaume, est uns homs et a

estet tousjours moult austères et cruelz et plains de

mervilleuses semilles; et par li ont esté fait et eslevé

tamaint mal ens ou royaume de Castille, et tamains

25[vaillans[459]] homs decolés et mis à fin sans raison; et par

lesquelz villains fais, que il a fais et consentis à faire,

il s’en trueve ores decheus et boutés hors de son

royaume. Avoech tout ce, il est ennemis à l’Eglise et

escumeniiés dou Saint Père, et est reputés et a esté

30un grant temps comme uns tirans, et sans nul title

[202] 202de raison il a tousjours grevé et guerroiiet ses voisins,

le roy d’Arragon et le roy de Navare, et yaus

par poissance volu deshireter, et fist, si comme fame

et renommée keurt parmi son royaume de ses gens

5meismes, morir sa moullier, une jone dame vostre

cousine, fille au duch de Bourbon: pour quoi vous

y deveriés bien penser et regarder; car tout ce qu’il

a à souffrir maintenant, ce sont verghes de Dieu, envoiies

sur lui pour lui castiier et pour donner as

10autres rois crestiiens et princes de terres exemple que

il ne facent mies ensi.»

De telz parolles et samblables avoit esté avisés et

consilliés li princes en devant ce que li rois dans

Piètres fust arivés à Bayone; mais à ces parolles et

15consaulz il avoit respondu trop vaillamment et dist

ensi: «Signeur, je croi et tieng certainnement que

à vostre loyal pooir vous me consilliés. Je vous di

que je sui tous enfourmés de le vie et l’estat ce roy

dan Piètre, et sçai bien que sans nombre il a fait

20des maulz assés, dont maintenant il s’en trueve derrière;

et ce qui en present nous muet et encorage

de lui voloir aidier, la cause est tèle que je le vous

dirai. Ce n’est pas cose [afferant[460]], deue ne raisonnable,

d’un bastart tenir royaume et hiretage, et

25bouter hors de son royaume et hiretage un sien

frère, roy et hoir de la terre par loyal mariage; et

tout roy et enfant de roy ne le doient nullement

voloir ne consentir, car c’est uns grans prejudisces

contre l’estat royal. Avoech tout ce, monsigneur mon

30père et cilz rois dans Piètres de Castille ont eu de

[203] 203grant temps, ce sai je de verité, alliances et confederations

ensamble, par lesquèles nous sommes tenu

de lui aidier, ou cas que nous en sommes de li

meismes priiet et requis.»

5Ensi li dis princes, meus et encoragiés de voloir

aidier et conforter ce roy dan Piètre en son grant

besoing, avoit respondu à chiaus de son conseil,

quant aparlés et avisés en avoit estet; ne onques

on ne li pot oster ne brisier son dit pourpos que

10toutdis il ne fust en un, et encores plus fermes et

plus entiers, quant li dis rois dans Piètres de Castille

fu venus dalés lui en le cité de Bourdiaus. Car li

dis rois s’umelioit moult envers lui, et li offroit et

prommetoit grans dons et grans pourfis à faire, et

15disoit que il feroit Edowart, son jone fil, roy de Galisse,

et departiroit à lui et à ses hommes très grant

avoir qu’il avoit laissiet derrière li ens ou royaume

de Castille, lequel il n’avoit pout amener avoecques

lui, et estoit si bien repus et enfermés que nulz ne

20le savoit, fors il tant seulement. A ces parolles entendoient

li chevalier dou prince volentiers, car Englès

et Gascon de leur nature sont grandement convoiteus.

Si fu consilliet au prince que il assamblast

tous les barons de la ducé d’Aquitainne et son especial

25conseil, et euist à Bourdiaus un general parlement,

et là remoustrast li rois dans Piètres à tous

comment il se voloit maintenir et de quoi il les satefieroit,

se il estoit ensi que li princes l’empresist à ramener

en son pays et fesist sa poissance dou remettre.

30Dont furent lettres escriptes, et messagier

emploiié, et signeur mandé de toutes pars: premierement,

li contes d’Ermignach, li contes de Pieregorth,

[204] 204li contes de Comminges, li sires de Labreth,

li viscontes de Carmaing, li captaus de Beus, li sires

de Taride, li viscontes de Chastielbon, li sires de

Lescut, li sires de Rosem, li sires de Lespare, li sires

5de Caumont, li sires de Mouchident, li sires de Courton,

li sires de Pincornet et tout li [autre[461]] baron de

Gascongne et de Berne. Et en fu priiés li contes de

Fois, mais il n’i vint mies, ançois s’escusa pour tant

que il avoit adonc mal en une jambe, si ne pooit

10cevauchier; mès il y envoia son conseil.

§ 551. A ce parlement qui fu assignés en le bonne

cité de Bourdiaus, vinrent tout li conte, li visconte,

li baron et li sage homme d’Aquitainne, tant de

Poito, de Saintonge, de Roerge, de Quersin, de Limosin,

15comme de Gascongne. Quant il furent tout

venu, il entrèrent en parlement, et parlementèrent

par trois jours sus l’estat et ordenance de ce roy dan

Piètre d’Espagne qui estoit [et se tenoit[462]] toutdis presens

en mi le parlement, dalés le dit prince, son cousin,

20qui parloit et langagoit pour lui, en coulourant

ses besongnes. Finablement, il fu dit et conseilliet au

prince que il envoiast souffissans messages devers le

roy son père en Engleterre, pour savoir quel cose il

en diroit et conseilleroit à faire, ançois que de lui il

25empresist ce voiage [à faire[463]]. Et quant on aroit eu la

response dou dit roy d’Engleterre, li baron se remetteroient

ensamble et consilleroient si bien le dit

[205] 205prince, que par raison il li deveroit souffire. Adonc

furent nommé et ordonné quatre chevalier dou

prince, qui devoient aler en Engleterre: li sires de

le Ware, messires Neel Lorinch, messires Jehans et

5messires Helyes de Pumiers. Si se departi adonc cilz

parlemens ensi, et s’en rala cescuns en son lieu, et

demora li rois dans Piètres à Bourdiaus dalés le

prince et le princesse qui moult l’onneroient.

Assés tost se departirent de Bourdiaus li dessus dit

10[quatre[464]] chevalier qui estoient ordonné pour aler en

Engleterre, et entrèrent en deus nefs ordonnées et

appareillies pour yaus. Et esploitièrent tant par mer,

à l’ayde de Dieu et dou vent, qu’il arrivèrent à Hantonne,

et reposèrent là un jour pour yaus rafreschir

15et traire hors des vaissiaus leurs chevaus et leurs harnois.

Et puis montèrent le secont jour et chevaucièrent

tant par leurs journées qu’il vinrent en le cité

de Londres; si demandèrent dou roy où il estoit. On

lor dist qu’il se tenoit à Windesore. Si alèrent celle

20part, et furent grandement bien venu et recueillié

dou roy et de le royne, tant pour l’amour dou prince

[leur fil[465]] qui là les envoioit, que pour ce que il

estoient signeur et chevalier de grant recommendation.

Si moustrèrent cil dit signeur et chevalier leurs lettres

25au roy qui les ouvri et fist lire, et en respondi quant

il y eut un petit pensé et visé, et dist: «Signeur,

vous vos trairés à Londres, et je manderai aucuns

barons et sages de mon conseil; si vous en responderons

et expedierons temprement.» Ceste response

[206] 206pleut adonc assés bien à ces chevaliers, et se retraisent

à l’endemain à Londres. Ne demora [gaires de

temps[466]] depuis, que li rois d’Engleterre vint à

Wesmoustier, et là furent à ce jour une partie des plus

5grans de son conseil, son fil le duc de Lancastre, le

conte d’Arondiel, le conte de Saslebrin, li sires de

Mauni, messires Renaus de Gobehem, li sires de Persi,

li sires de Nuefville et moult d’autres, et ossi des prelas,

li evesques de Wincestre, li evesques de Lincolle et li

10evesques de Londres. Si consillièrent grandement et

longement sus les lettres dou prince et le priière que

il faisoit au roy son père. Finablement, il sambla au

roy et à son conseil cose deue et raisonnable dou

prince de Galles emprendre ce voiage de remettre et

15mener le roy d’Espagne arrière en son [royaume[467]] et

hiretage; et le acordèrent tout notorement, et sur ce

il rescrisirent lettres notables et autentikes, de par

le roy et le conseil d’Engleterre, au dit prince et à

tous les barons d’Aquitainnes. Et les raportèrent arrière

20chil qui aporté les avoient, et revinrent en le

cité de Bourdiaus, où il trouvèrent le prince et le

roy dan Piètre, asquelz il baillièrent aucunes lettres

que li rois d’Engleterre leur envoioit. Si fu de recief

uns parlemens nommés et assignés en le cité de

25Bourdiaus, et y vinrent tout cil qui mandé y furent.

Si furent là leutes generalment les lettres dou roy

d’Engleterre, qui parloient et devisoient plainnement

comment il voloit que li princes ses fiulz, ou

nom de Dieu et de saint Jorge, empresist le roy dan

[207] 207Piètre son cousin à remettre en son hyretage, dont

on l’avoit à tort et sans raison fraudeleusement, si com

apparant estoit, bouté hors. Et faisoient encores les

lettres dou roy d’Engleterre mention que moult il

5estoit tenus par certainnes alliances faites de jadis,

obligies et acouvenencies entre lui et le roy de Castille

son cousin, de lui aidier ou cas que li besoins

touchoit et que priiés et requis en estoit. Et commandoit

li rois d’Engleterre à tous ses feaulz et prioit

10à tous ses amis que li princes de Galles ses filz fust

aidiés, confortés et consilliés en toutes ses besongnes,

si comme il seroit d’yaus, se il y estoit

presens.

Quant tout li baron d’Aquitainne oïrent lire ces

15lettres et veirent le mandement dou roy et le grande

volenté dou prince lor signeur, si en respondirent

liement et disent: «Monsigneur, nous obeirons au

commandement le roy nostre signeur et vostre père,

c’est bien raisons, et serons tout appareilliet toutes

20fois qu’il vous plaira, et vous servirons en ce voiage

et le roy dan Piètre ossi; mès nous volons savoir

qui nous paiera et delivera de nos gages, car on ne

met mies gens d’armes hors de leurs hosteulz, ensi

que pour aler guerriier en estragne pays, sans estre

25paiiet et delivret. Et, se ce fust pour les besongnes

de nostre chier signeur vostre père ou pour les vostres

ou pour vostre honneur ou de nostre pays, nous

n’en parlissions pas si avant que nous faisons.» Adonc

regarda li princes sus le roy dan Piètre et dist: «Sire

30rois, vous oés que nos gens dient, si en respondés:

à vous en tient à respondre qui les devés et volés

ensonniier.» Adonc respondi li rois dans Piètres au

[208] 208prince et dist: «Mon [chier[468]] cousin, si avant que

mon or, mon argent et tout mon tresor que j’ai

amené par de deçà, qui n’est pas si grans de trente

fois comme cilz de par de delà est, se pora estendre,

5je le voeil donner et departir à vos gens.» Dont dist

li princes: «Vous dittes bien, et dou sourplus j’en

ferai ma debte devers yaus et delivrance, et vous

presterai tout ce que il vous besongnera jusques à ce

temps que nous serons en Castille.»—«Par mon

10chief, respondi li rois dans Piètres, si me ferés grant

grasce et grant courtoisie.»

Encores en ce parlement regardèrent aucun sage,

li contes d’Ermignach, li sires de Pumiers, messires

Jehans Chandos, li captaus de Beus et li aultre que

15li princes de Galles ne pooit nullement faire ce voiage

sans l’acort et confort dou roy Charle de Navare; ne

il ne pooient entrer ne aler en Espagne fors par son

pays et les destrois de Raincevaus, douquel passage il

n’estoient mies bien asseguré de l’avoir, car li dis

20rois de Navare et li rois Henris avoient de nouviel

faites grans alliances ensamble. Et là fu longement

parlementé comment on s’en poroit chevir. Si fu dit

et consideré des sages que uns parlemens se feroit et

assigneroit en le cité de Baione de toutes ces parties,

25et là en dedens envoieroit li princes souffissans hommes

et trettieurs par devers le roy de Navare, qui li

prieroient ou nom dou prince que il volsist estre à

ce parlement en le cité de Baione. Cilz consaulz fu

tenus et arrestés, et sur ce se parti li dis parlemens;

30et eurent en couvent cescuns de estre à Baione au

[209] 209jour que mis et ordonnés y fu. En ce terme, envoia

li princes monsigneur Jehan Chandos et monsigneur

Thumas de Felleton devers le roy de Navare qui se

tenoit en le cité de Pampelune. Cil doy chevalier,

5comme sage et bien enlangagiet, esploitièrent si bien

par devers le roy de Navare que il leur eut en couvent

et seella pour estre à ce parlement, et sur ce il

retournèrent devers le prince à qui il recordèrent

ces nouvelles.

10§ 552. Au jour que cilz parlemens fu assignés en

le cité de Baione, vinrent li princes, li rois d’Espagne,

li contes d’Ermignach, li sires de Labreth et

tout li baron de Gascongne, de Poito, de Quersin,

de Saintonge, de Roerge et de Limozin. Et là fu li

15rois de Navare personelment, auquel li princes et li

rois dans Piètres fisent moult d’onneur et de reverense,

pour tant que il en pensoient mieulz à valoir.

Là eut, en le cité de Baione, de rechief grans parlemens

et lons, et durèrent cinq jours. Et eurent li dis

20princes et ses consaulz moult de painne et de traveil

ançois que il peuissent avoir le roy de Navare de leur

acort, car il n’estoit mies legiers à entamer là où il

veoit que on avoit besoing de lui. Toutes fois, li grans

sens dou prince l’amena à ce que il jura, prommist

25et seella au roy dan Piètre pais, amour, alliances et

confederation, et li rois dans Piètres ossi à lui sur

certainnes compositions qui furent là ordonnées, desquèles

li princes de Galles fu moiiens, trettiières et

devisères: c’est à savoir que li rois dans Piètres,

30comme rois de toute Castille, donna, seella et acorda

au roy de Navare et à ses hoirs, pour tenir

[210] 210hiretablement, toute la terre dou Groing, ensi comme elle

s’estent par deça et dela la rivière, et toute la terre

et la contrée [de Sauveterre[469]], le ville, le chastiel et

toutes les appendances, et le ville de Saint Jehan dou

5piet des Pors et le marce de là environ: lesquèles

terres, villes et chastiaus et signouries il li avoit tolut

de jadis et tenu de force. Avoech tout ce, li dis rois

de Navare devoit avoir six vingt mil frans, pour ouvrir

son pays et lassier passer paisieulement toutes gens

10d’armes et yaus faire aministrer vivres et pourveances,

leurs deniers paians. De laquèle somme de florins

li princes fist sa debte envers le roy de Navare. Quant

li baron [de la prinçauté[470]] d’Aquitainnes seurent

que parlemens et trettiés se portoient ensi que on

15estoit d’acort au roy de Navare, il veurent savoir qui

les paieroit de leurs gages. Et là li princes, qui grant

affection avoit en ce voiage, en fist sa debte envers

yaus, et li rois dans Piètres au prince. Quant toutes

ces coses furent ordonnées et confremées, et que

20cescuns sceut quel cose il devoit faire et avoir, et il

eurent sejourné en le cité de Baione plus de douze

jours et jeué et revelé ensamble moult amiablement,

li rois de Navare prist congiet et se retraist ens ou

royaume de Navare dont il s’estoit partis, et s’i tint

25depuis un temps pour mieulz garder son pays. Et si

se departirent tout cil signeur li un de l’autre, et se

retraist cescuns en son lieu. Meismement li princes

s’en revint à Bourdiaus et li rois dans Piètres demora

à Baione.

[211] 211Si envoia tantost li dis princes ses hiraus en Espagne

par devers ses chevaliers et aucunes chapitainnes

des Compagnes, qui estoient Englès et Gascon

favourable et obeissant à lui, yaus dire et segnefiier

5que il se retraisissent tout bellement et presissent

congiet dou dit bastart Henri, car il avoit mestier

d’yaus et les emploieroit ailleurs. Quant li hiraut, qui

ces lettres et ces nouvelles aportèrent en Castille

devers les chevaliers dou prince furent venu devers

10yaus, il veirent et cogneurent tantost que il les

remandoit: si prisent congiet au dit roy Henry, au

plus tost qu’il peurent et au plus courtoisement, sans

yaus descouvrir ne l’intention dou prince. Li rois

Henris, qui estoit larges, courtois et honnourables,

15leur donna [congié[471]] moult doucement, et les remercia

grandement de leur bon service et leur departi

au partir de ses biens tant que tout s’en contentèrent.

Si vuidièrent d’Espagne messires Eustasses

d’Aubrecicourt, messires Hues de Cavrelée, messires

20Gautiers Hués, messires Mahieus dis de Gournay,

messires Jehans d’Evrues et leurs routes et pluiseur

aultre chevalier et escuier que je ne puis mies tous

nommer, de l’ostel dou prince, et revinrent au plus

tost et plus hasteement qu’il peurent.

25Encores estoient toutes les Compagnes et les chapitainnes

des Compagnes esparses parmi le pays; si

ne sceurent mies sitost ces nouvelles que li dessus

nommet chevalier fisent. Toutes fois, quant il les

seurent, il se recueillièrent ensamble et se misent au

30retour, loist à savoir: messires Robers Brikés, Jehans

[212] 212Cressuelle, messires Robers Ceni, messires Perducas

de Labreth, messires Garsis dou Chastiel, Naudon

de Bagerant, le bourch de Lespare, le bourch Camus,

le bourch de Bretueil et li aultre. Et ne seut mies

5sitost li rois Henris les nouvelles ne le volenté dou

prince, que il voloit ramener son frère le roy dan

Piètre en Espagne, que fisent li dessus dit. Et bien

lor besongna, car, se il l’euist sceu, il ne fuissent

mies parti si legierement qu’il fisent, car bien estoit

10en se poissance d’yaus porter contraire et destourbier.

Toutes fois, quant il en sceut le certainneté,

par samblant il n’en fist mies trop grant compte, et

en parla à monsigneur Bertran de Claiekin qui estoit

encores dalés lui et dist: «Dan Bertran, regardés

15dou prince [de Galles[472]]. On nous a dit qu’il nous vorra

guerriier et remettre ce Juis, qui s’appelle rois de

Castille, par force, en nostre royaume. Et vous, qu’en

dittes?»—«Monsigneur, respondi messires Bertrans,

il est bien si vaillans chevaliers, puisqu’il l’a

20entrepris, il en fera son pooir. Si vous di que vous

faciés bien garder vos destrois et vos passages de

tous lés, par quoi nulz ne puist entrer ne issir de

vostre royaume, fors par vostre congiet, et tenés à

amour toutes vos gens. Je sçai de verité que vous

25arés en France grant aye de chevaliers et d’escuiers

qui volentiers vos serviront: je m’en retournerai,

par vostre congiet, par de delà, et vous y acquerrai

tous les amis que je porai.»—«Par ma foy, dist li

rois, dans Bertran, vous dittes bien, et dou sourplus

30je me ordonnerai par vous et par vostre conseil.»

[213] 213Depuis ne demora gaires de temps que messires

Bertrans de Claiekin se parti dou roy Henri, et

s’en vint en Arragon où li rois le recueilla liement,

et fu bien quinze jours dalés lui. Et puis s’en parti

5et fist tant par ses journées qu’il vint à Montpellier,

et là trouva il le duc d’Ango qui le reçut ossi moult

liement, car moult l’amoit. Quant il eut là esté un

terme dalés lui, il s’en parti et s’en revint en France

devers le roy qui le rechut à grant joie.

10§ 553. Quant les certainnes nouvelles s’espardirent

en Espagne et en Arragon et ossi ou royaume

de France, que li princes de Galles voloit remettre le

roy dan Piètre arrière ens ou royaume de Castille,

si en furent pluiseur gens esmervilliet et en parlèrent

15en tamainte manière. Li aucun disoient que li princes

emprendoit ce voiage par orgueil et presumption, et

estoit courouciés de l’onneur que messires Bertrans

de Claiekin avoit eu de conquerre tout le royaume

de Castille ou nom dou roy Henri et de li faire roy.

20Li autre disoient que pités et raisons le mouvoient à

ce que de voloir aidier le roy dan Piètre à remettre

en son hiretage; car ce n’estoit mies cose deue ne

raisonable d’un bastart tenir royaume et porter

nom de roy. Ensi estoient par le monde pluiseur

25chevalier et escuier en diverses opinions. Toutesfois,

li rois Henris escripsi tantos devers le roy d’Arragon,

et envoia grans messages, en priant que il ne se vosist

nullement acorder ne composer par devers le prince

[d’Acquitaine[473]] ne ses allyés; car il estoit et voloit

[214] 214estre ses bons amis. Li rois d’Arragon, qui moult l’amoit à

avoir à voisin, car il avoit trouvé dou temps passé le

roy dan Piètre moult cruel et auster, l’en assegura

et dist que nullement, pour à perdre grant partie

5de son royaume, il ne se allieroit ne acorderoit au

dit prince, ne à ce roy dan Piètre, mais ouveroit

son pays pour laissier passer toutes manières de

gens d’armes qui en Espagne vorroient aler, tant de

France comme d’ailleurs, en son confort, et

10empeceroit tous chiaus qui grever et contrariier le

vorroient.

Cilz rois d’Arragon tint bien tout ce qu’il promist

à ce roy Henri; car, si tretost comme il sceut

de verité que li princes de Galles voloit aidier le roy

15dan Piètre, et que les Compagnes tendoient à retraire

celle part et en le prinçauté, il fist clore tous les pas

d’Arragon et garder bien destroitement, et mist

gens d’armes et geniteurs sus les montagnes et ès

destrois de Catellongne, sique nulz ne pooit passer

20fors en grant peril. Mais les Compagnes trouvèrent un

aultre chemin, et eurent trop de maulz et de povretés,

ançois que il peuissent issir hors des dangiers

d’Arragon. Toutesfois, il vinrent sus les marces de le

conté de Fois, et trouvèrent le pays de Fois clos

25contre yaus; car li dis contes ne voloit nullement

que telz gens entrassent en sa terre.

Ces nouvelles vinrent au prince de Galles, qui pour

le temps se tenoit à Bourdiaus, et pensoit et imaginoit

nuit et jour comment à sen honneur il poroit

30parfurnir ce voiage, que ces Compagnes ne pooient

passer ne retourner en Aquitainne, et que li pas et

destroit d’Arragon et de Catellongne leur estoient

[215] 215deveé et clos, et estoient à l’entrée de le conté de

Fois, et non pas trop à leur aise. Si se doubta li dis

princes que li rois Henris et li rois d’Arragon par

constrainte ne menassent telement ces gens d’armes

5qui estoient bien douze mil, desquels il esperoit à

avoir le confort, et ossi par grans dons et prommesses,

que il ne fuissent contre lui. Si se avisa li

dis princes que il envoieroit devers yaus monsigneur

Jehan Chandos pour trettier à yaus et retenir, et ossi

10par devers le conte de Fois, que par amours il ne leur

vosist faire nul contraire, et tout le damage que il

feroient sus lui ne en sa terre, il leur renderoit au

double.

Ce message à faire, pour l’amour de son signeur

15le prince, emprist messires Jehans Chandos, et se

parti de Bourdiaus et chevauça devers le cité de

Dax en Gascongne, et esploita tant par ses journées

qu’il vint en le conté de Fois où il trouva le dit

conte. Si parla à lui si aviseement et si couvignablement

20que il eut le conte de Fois d’acort, et le laissa

passer oultre parmi son pays paisieulement. Si trouva

les Compagnes en un pays que on dist Bascle. Là

tretta il à yaus, et esploita si bien que il eurent tout

en couvent de servir et de aidier le prince en ce

25voiage, parmi grant argent qu’il devoient avoir de

prest. Et tout ce leur jura messires Jehans Chandos

[qu’il n’y trouveroient point de deffaute. Si se parti

d’iaulx li dis messires Jehans Chandos][474], et vint de

recief devers le conte de Fois et li pria doucement

30que ces gens, qui estoient au prince, il volsist souffrir

[216] 216et laissier passer parmi un des corons de sa

terre.

Li contes de Fois, qui voloit estre agreables au prince

et qui estoit ses homs en aucune manière, pour lui

5complaire, li acorda, parmi tant que ces Compagnes

ne devoient porter nul damage à lui ne à se terre.

Messires Jehans Chandos li eut en couvent, et envoia

arrière un sien chevalier et un hiraut devers les Compagnes,

et tout le trettiet qui estoit entre lui et le

10conte de Fois, et puis s’en retourna arrière en le

prinçauté. Si trouva le dit prince à Bourdiaus, à qui

il recorda tout son voiage et comment il avoit esploitié.

Li princes, qui le creoit et amoit, se tint bien

à contens de son esploit et de ce voiage.

15§ 554. En ce temps, estoit li princes de Galles en

la droite fleur de la jonèce, et ne fu onques soelés

ne lassés, depuis qu’il se commença premierement à

armer, de guerriier et de tendre à tous haus et nobles

fais d’armes. Et encores, à ceste emprise dou dit

20voiage d’Espagne et de remettre ce roy escachiet par

force d’armes en son royaume, honneurs et pités l’en

esmeurent. Si en parloit souvent à monsigneur Jehan

Chandos et à monsigneur Thumas de Felleton, qui

estoient li plus especial de son conseil, en demandant

25qu’il leur en sambloit.

Chil doi chevalier li disoient bien: «Monsigneur,

certes c’est une haute emprise et grande,

sans comparison plus forte et plus hautainne que

ceste ne fu de bouter hors le roy dan Piètre de son

30pays, car il estoit hays de tous ses hommes, et

tout le relenquirent, quant il en cuida estre aidiés.

[217] 217Or joist et possesse à present cilz rois bastars de

tout le royaume entierement de Castille et a l’amour

des nobles et des prelas et de tout le demorant,

et l’ont fait roy: si le vorront tenir en cel estat,

5comment qu’il prende. Si avés bien mestier que

vous aiiés en vostre compagnie grant fuison de

bonnes gens d’armes et d’arciers, car vous trouverés

bien à qui combatre, quant vous venrés en Espagne.

Si vous loons et consillons que vous rompés la grignour

10partie de vo vaisselle d’argent et de vostre

tresor, dont vous estes bien aisiés maintenant, et en

faites faire monnoie pour donner et departir largement

as compagnons, desquelz vous serés servis en

ce voiage et qui pour l’amour de vous iront, car

15pour le roy dan Piètre n’en feroient il riens. Et si

envoiiés devers le roy vostre père, en priant que vous

soiiés aidiés de cent mil frans, que li rois de France

doit envoiier en Engleterre dedens brief terme.

Prendés finance tout partout là où vous le poés avoir,

20car bien vous besongnera, sans taillier vos hommes

ne vostre pays: si en serés mieulz amés et servis de

tous.»

A ce conseil et à pluiseurs aultres bons, que li doi

dessus dit chevalier li donnèrent, se tint li princes

25de Galles; et fist rompre et brisier les deus pars de

toute se vaisselle d’or et d’argent, et en fist faire et

forgier monnoie pour donner as compagnons. Avoech

tout ce, il envoia en Engleterre devers le roy son

père, pour impetrer ces cent mil frans dont je parloie

30maintenant. Li rois d’Engleterre, qui sentoit assés

les besongnes dou prince son fil, li acorda legierement

et en escrisi devers le roy de France et l’en

[218] 218envoia lettres de quittancez. Si furent li cent mil

frans en celle saison delivré as gens dou prince et

departi à toutes manières de gens d’armes.

§ 555. Une fois, estoit en recreation li princes de

5Galles en sa cambre, en le cité d’Angouloime, avoech

pluiseurs chevaliers de Gascongne, de Poito et d’Engleterre;

et bourdoit à yaus et yaus à lui de ce voiage

d’Espagne, et fu dou temps que messires Jehans

Chandos estoit oultre apriès les Compagnes. Si tourna

10son chief devers le signeur de Labreth et li dist:

«Sires de Labreth, à quèle quantité de gens d’armes

me porés vous servir en ce voiage?» Li sires de

Labret fu tous apparilliés de respondre, et moult liement

li dist ensi: «Monsigneur, se je voloie priier

15tous mes amis, c’est à entendre mes feaulz, j’en

aroie bien mil lances, et toute ma terre gardée.»—«Par

mon chief, sire de Labreth, dist li princes,

c’est belle cose.» Lors regarda sus le signeur de Felleton

et sus aucuns chevaliers d’Engleterre, et leur

20dist en englès: «Par ma foy, on doit bien amer la

terre où on a un tel baron qui poet servir son signeur

à mil lances.» Apriès, il s’en retourna devers

le signeur de Labreth et dist de grant volenté: «Sires

de Labreth, je les retieng tous.»—«Che soit, ou

25nom de Dieu, monsigneur,» ce respondi li sires de

Labreth. De ceste retenue deubt depuis estre avenus

grans maulz, si com vous orés avant en l’ystore.

Or retournons nous as Compagnes qui s’estoient

acordé et ahers avoech le prince. Si vous di que il

30eurent moult de maulz, ançois que il fuissent revenu

et rentré en le prinçauté, tant de geniteurs comme

[219] 219de chiaus de Katellongne et d’Arragon, et se departirent

en trois routes. Li une des compagnies et plus

grande s’en alèrent costiant Fois et Berne; li aultre,

Castellongne et Hermignach; et la tierce s’avalèrent

5entre Arragon et Fois, par l’acort dou conte d’Ermignach,

dou signeur de Labreth et dou conte de Fois.

En celle route, avoit le plus grant partie de Gascons.

Et s’en venoient cil compagnon, qui pooient estre

environ troi mil, par routes et par Compagnes, en

10l’une troi cens, en l’autre quatre cens, devers

l’arcevesquiet de Thoulouse, et devoient passer entre

Thoulouse et Montalben.

A ce donc, avoit un bon chevalier de France à senechal

à Thoulouse, qui s’appelloit messires Guis

15d’Azai. Quant il entendi que ces Compagnes approçoient

et qu’il chevauçoient en routes et ne pooient

estre en somme non plus de trois mil combatans qui

encores estoient foulé, lassé et mal armé, mal monté

et pis cauchié, si dist qu’il ne voloit mies que telz

20gens approçassent Tholouse ne le royaume de France,

pour yaus recouvrer, et qu’il leur iroit au devant et

les combateroit, s’il plaisoit à Dieu. Si segnefia tantost

se intention au conte de Nerbonne et au senescal

de Carcassonne et à celui de Biaukaire et à tous

25les officiiers et chevaliers et escuiers de là environ,

en yaus mandant et requerant ayde pour aidier à garder

le frontière contre ces males gens nommés Compagnes.

Tout cil, qui mandé et priiet furent, obeirent

et se hastèrent et vinrent, au plus tost qu’il peurent,

30en le cité de Toulouse. Et se trouvèrent grans gens,

bien cinq cens lances, chevaliers et escuiers, et quatre

mille bidaus, et se misent tout sus les camps par devers

[220] 220Montalben, à sept liewes de Thoulouse où ces

gens se tenoient, li premier qui venu estoient; et,

tout compté, il ne se trouvoient non plus de deux

cens lances, mais il attendoient les routes de leurs

5compagnons qui devoient passer par là.

§ 556. Quant li contes de Nerbonne et messires

Guis d’Azai, qui se faisoient souverain et meneur de

toutes ces gens d’armes, furent parti de le cité de

Thoulouse, il s’en vinrent logier assés priès de Montalben,

10qui adonc se tenoit dou prince, et en estoit

chapitains à ce jour uns chevaliers englès qui s’appeloit

messires Jehans Trivés. Si envoiièrent cil signeur

de France leurs coureurs par devant Montalben,

pour attraire hors ces Compagnes qui s’i tenoient.

15Quant le chapitainne de Montalben entendi que li

François estoient venu à main armée et à host devant

sa forterèce, si en fu durement esmervilliés, pour tant

que la terre estoit dou prince. Si vint as barrières

de la ditte ville, et fist tant que sus assegurances il

20parla as dis coureurs et leur demanda qui là les envoioit

et pourquoi il s’avançoient de courir sus le

terre dou prince, qui estoit voisine et devoit estre

amie avoec le corps dou signeur au royaume et au

roy de France. Cil respondirent et disent: «Nous ne

25sommes mies de nos signeurs, qui chi nous ont envoiiet,

dou rendre raison si avant cargiet; mès pour

vous apaisier, se vous volés venir ou envoiier par devers

nos signeurs, vous en arés bien response.»

—«Oil, dist la chapitainne de Montalben, je vous pri

30que vous vos retraiiés par devers yaus, et leur dittes

qu’il m’envoient un saufconduit par quoi je puisse

[221] 221aler parler à yaus et retourner arrière, ou il m’envoient

dire plainnement pourquoi ne à quel title il

me font guerre; car se je cuidoie que ce fust [tout[475]] à

certes, je le segnefieroie à monsigneur le prince qui

5y pourveroit tantost de remède.» Chil respondirent

qu’il le feroient volentiers. Il retournèrent et recordèrent

à leurs mestres toutes ces parolles.

Li saufconduis [fu[476]] impetrés ou nom dou dit messire

Jehan Trivet et aportés à Montalben. Adonc se

10parti il, lui cinquime tant seulement, et vint ou logeis

des dessus dis François, et trouva les signeurs qui estoient

tout appareilliet de lui recevoir et avisé de respondre.

Il les salua, il li rendirent sen salut, et puis leur

demanda à quel cause il avoient envoiiet courir à main

15armée par devant sa forterèce qui se tenoit de monsigneur

li prince. Cil respondirent: «Messire Jehan,

sachiés que, à vous ne à monsigneur le prince, nous

ne volons nulle ahatie ne point de guerre; mès nous

volons nos ennemis cachier, où que nous les savons.»

20—«Et qui sont vostre ennemi ne où sont il?» ce

respondi li chevaliers.—«En nom Dieu, dist li

contes de Nerbonne, il sont dedens Montalben et

sont robeur et pilleur, qui ont robet et pilliet et pris

et couru mal deuement sus le royaume de France:

25ce ne fait mies à souffrir. Et ossi, messire Jehan, se

vous estiés bien courtois ne amis à vos voisins, vous

ne les deveriés mies soustenir, qui pillent et robent

les bonnes gens sans nul title de guerre, car par telz

oevres s’esmuevent les haynes entre les signeurs. Si

[222] 222les metés hors de vostre forterèce, ou aultrement

vous n’estes mies amit au roy ne au royaume de

France.»—«Signeur, dist la capitainne de Montalben,

il est bien voirs que il a gens d’armes dedens

5ma garnison, que monsigneur le prince a mandés, et

les tient à lui et pour ses gens. Si ne sui mies consilliés

que d’yaus [faire partir si soubdainement[477]] ne

faire vuidier; et, se cil vous ont fais aucun desplaisir,

je ne puis mies veoir qui droit vous en face, car ce

10sont gens d’armes: si les couvient vivre ensi qu’il

ont acoustumé et sus le royaume de France et sus la

prinçauté.»

Dont respondirent li contes de Nerbonne et messires

Guis d’Azai et disent: «Ce sont gens d’armes,

15voirement telz et quels, qui ne sèvent vivre fors de

pillage et de roberie, et qui mal courtoisement ont

chevauciet sus nos mètes: si le comparront, se nous

les poons tenir as camps. Car il ont ars, pris et

pilliet et fait moult de mauls en le senescaudie de

20Thoulouse, dont les plaintes en sont venues à nous;

et, se nous leur souffrions à faire, nous serions

traitte et parjure envers le roy nostre signeur qui

ci nous a establi pour garder sa terre. Si lor dittes

hardiement de par nous ensi, car puisque nous savons

25où il logent et herbergent, nous ne retournerons,

si l’arons amendé, ou il nous coustera encores

plus.»

Aultre response n’en peut adonc avoir li capitainne

de Montalben: si se parti mal contens d’yaus

30et dist que, pour leurs manaces, il ne briseroit ja

[223] 223sen entente, et retourna en Montalben et recorda

as compagnons toutes les parolles que vous avés

oyes.

§ 557. Quant li compagnon entendirent ces nouvelles,

5si ne furent mies bien asseguret, car il n’estoient

pas à jeu parti contre les François: si se tinrent

sus leur garde dou mieulz qu’il peurent. Or

avint que, droit au cinquime jour que ces parolles

eurent esté, messires Perducas de Labreth à tout une

10grant route de compagnons deubt passer parmi

Montalben, car li passages estoit par là pour entrer

en le prinçauté: si le fist à savoir à chiaus de le ville.

Quant messires Robers Ceni et li aultre compagnon,

qui là se tenoient pour enclos, entendirent ces nouvelles,

15si en furent moult resjoy, et segnefiièrent tout

secretement le couvenant des François au dit monsigneur

Perducas et comment il les avoient là assegiés

et les maneçoient durement, [et ossi quels gens il

estoient[478]] et quels chapitainnes il avoient.

20Quant messires Perducas de Labreth entendi ce, si

n’en fu de noient effraés, mès recueilla ses compagnons

de tous lés et s’en vint bouter par dedens

Montalben où il fu recheus à grant joie. Quant il fu

là venus, il eurent parlement ensamble comment il

25se poroient maintenir, et eurent d’acort que à l’endemain

il s’armeroient et monteroient tout à cheval,

et se metteroient hors de le ville et se adreceroient

vers les François, et leur prieroient que paisieulement

il les laissassent passer, et, se il ne voloient

[224] 224à ce descendre et que combattre les couvenist, il

s’enventurroient et se venderoient à leur loyal pooir.

Tout ensi comme il l’ordonnèrent, il le fisent.

A l’endemain, il s’armèrent et sonnèrent leurs

5trompètes, et montèrent tout à cheval et vuidièrent

hors de Montalben. Ja estoient armé li François

pour l’effroi qu’il avoient oy et veu, et tout rengiet

et mis devant le ville, et ne pooient passer les Compagnes

fors que parmi yaus. Adonc se misent tout

10devant messires Perducas de Labreth et messires Robers

Ceni et veurent parlementer as François et priier

que on les laissast passer paisieulement; mès li François

leur envoiièrent dire que il n’avoient cure de

leur parlement et qu’il ne passeroient, fors parmi les

15pointes de leurs glaves et de leurs espées. Et escriièrent

tantost leurs cris et disent: «Avant! Avant! A

ces pilleurs, qui pillent et robent le monde et vivent

sans raison!»

Quant les Compagnes veirent que c’estoit à certes

20et que combattre les couvenoit ou morir à honte,

si descendirent tantost jus de leurs chevaus, et se

rengièrent et ordonnèrent tout à piet moult faiticement,

et attendirent les François qui vinrent sus yaus

moult hardiement, et se misent ossi par devant yaus,

25tout à piet. Là commencièrent à traire, à lanchier et à

estechier li un à l’autre grans cops et apers, et en y

eut pluiseurs abatus des uns et des aultres, de premières

venues. Là eut grant bataille forte et dure et bien

combatue, et tamainte apertise d’armes faite, tamaint

30chevalier et tamaint escuier reversé et jetté par terre.

Toutesfois, li François estoient trop plus sans comparison

que les Compagnes, bien troi contre un:

[225] 225si n’en avoient mies la pieur pareçon et reboutèrent

à ce commenchement les Compagnes, [par bien combatre[479],]

bien avant jusques dedens les barrières. Là ot

au rentrer maint homme mis à meschief, et euissent

5eu, ce qu’il y avoit de Compagnes, trop fort temps,

se n’euist esté la chapitainne de la ditte ville qui fist

armer toutes gens et commanda estroitement que

cescuns à son loyal pooir aidast les Compagnes qui

estoient homme au prince.

10Lors s’armèrent tout cil de le ville et se misent

en conroy avoec les Compagnes, et se boutèrent

en l’escarmuce. Et meismement les femmes de le

ville montèrent en leurs loges et en leurs soliers,

pourveues de pierres et de cailliaus, et commenchièrent

15à jetter sus ces François si fort et si roit

qu’il estoient tout ensonniet d’iaus targier, pour le

jet des pierres, et en blecièrent pluiseurs et reculèrent

par force. Dont se resvigurèrent li compagnon,

qui furent un grant temps en grant peril, et

20envaïrent fierement les François. Et vous di que il

y eut là fait otant de grans apertises d’armes, de

prises et de rescousses, que on avoit veu en grant

temps faire, car les Compagnes n’estoient que un

petit ens ou regart des François. Si se prendoient

25priès de bien faire le besongne, et reboutèrent leurs

ennemis par force d’armes tous hors de le ville.

Et avint ensi, entrues que on se combatoit, que une

route de Compagnes, que li bours de Bretuel et Naudon

de Bagherant menoient, en laquèle route estoient

30bien quatre cens combatans, se boutèrent par derrière

[226] 226en le ville, et avoient chevauciet toute le nuit en

grant haste pour là estre, car on leur avoit donnet à

sentir que li François avoient assegiet leurs compagnons

dedens Montalben: si vinrent tout à point à

5le bataille. Là eut de rechief grant hustin et dur. Et

furent li François par ces nouvelles gens fierement

assalli et combatu, et dura cilz puigneis et cilz estours

de l’eure de tierce jusques à basse nonne.

Finablement, li François furent desconfi et mis en

10cace, et chil tout ewireus, qui peurent partir, monter

à cheval et aler leur voie. Là furent pris li contes de

Nerbonne, messires Guis d’Azai, li vicontes d’Uzès, li

sires de Montmorillon, li seneschaus de Carcassonne,

li seneschaus de Biaukaire et plus de cent chevaliers,

15que de France, que de Prouvence, que des marces

de là environ, et tamains bons escuiers et mains

riches homs de Thoulouse et de Montpellier. Et encore

en euissent il plus pris, se il euissent cachiet,

mais il n’estoient c’un peu de gens, et mal monté:

20si ne s’osèrent enventurer plus avant, et se tinrent à

ce qu’il eurent. Ceste escarmuce fu à Montalben, le

vigile Nostre Dame, en le mi aoust, l’an de grasce

mil trois cens sissante et sis.

§ 558. Apriès [la desconfiture[480]] et le prise des dessus

25dis, messires Perducas de Labreth, messires Robers

Ceni, messires Jehans Trivés, messires Robers

d’Aubeterre, li bours de Bretuel, Naudon de Bagherant

et leurs routes departirent leur butin et tout leur

gaaing, dont il eurent grant fuison. Et tout cil qui

[227] 227prisonnier avoient, il leur demoroient, et en pooient

faire leur pourfit, rançonner ou quitter, se il voloient,

dont il leur fisent très bonne compagnie. Et

les rançonnèrent courtoisement, cescun selonch son

5estat et son afaire, et encores plus doucement, pour

tant que ceste avenue leur estoit fortuneusement venue

et par biau fait d’armes; et les recrurent tous,

petit s’en fallirent, et leur donnèrent terme de raporter

leurs raencons à Bourdiaus ou ailleurs où bon leur

10sambla. Si se parti cescuns et revint en son lieu et en

son pays. Et les Compagnes s’en alèrent devers monsigneur

le prince qui les rechut liement et les vei

très volentiers et les envoia logier en une marce que

on appelle Bascle, entre les montagnes.

15Or vous dirai qu’il avint de ceste besongne, et

comment li contes de Nerbonne, li seneschaus de

Thoulouse et li aultre prisonnier, qui avoient esté

rançonné et recreu sus leurs fois, finèrent et paiièrent.

En ce temps, regnoit papes Urbains Ves, qui

20tant haoit ces manières de gens nommés Compagnes

que plus ne pooit, et les avoit de grant temps escumeniiés

et sentenciiés, pour les villains fais qu’il faisoient:

siques, quant il fu enfourmés de ceste journée

et comment, en bien faisant à sen entente, li

25contes de Nerbonne et li aultre avoient esté ruet jus,

si en fu durement courouchiés. Et se souffri tant

qu’il se furent tous mis à finance et revenu en leurs

maisons. Si lor manda par mos exprès et deffendi

estroitement que de leurs raencons il ne paiassent

30nulles, et les dispensa et absolst de leurs fois.

Ensi furent quitte chil signeur chevalier et escuier

qui avoient estet pris à Montalben, et n’osèrent

[228] 228brisier le commandement dou pape. Si vint as aucuns

bien à point et as Compagnes moult mal qui

s’estoient attendu à avoir argent, et le cuidoient avoir

pour faire leur besongne, yaus armer, monter et

5appareillier, ensi que compagnon de guerre s’abillent,

quant il ont largement de quoi, et il n’eurent riens.

Si leur vint à grant contraire ceste ordenance dou

pape, et se complaindirent par pluiseurs fois à monsigneur

Jehan Chandos, qui estoit connestables d’Aquitainnes

10et regars par droit d’armes sus telz besongnes,

mais il s’en dissimuloit envers yaus au

mieulz qu’il pooit, pour tant que il savoit voirement

que li papes les escumenioit, et que leur fais et estas

touchoit à pillerie, siques il me samble qu’il n’en

15eurent onques depuis aultre cose.

§ 559. Nous parlerons dou prince de Galles et

approcerons son voiage, et vous compterons comment

il persevera. Premierement, si com ci dessus est dit,

il fist tant qu’il eut toutes les Compagnes de son acort

20où il avoit douze mil bons combatans, et moult li

coustèrent au retenir. Et encores, quant il les eut, il

les soustint à ses frès et à ses gages, ançois que il

partesissent de le prinçauté, de l’issue d’aoust jusques

à l’entrée de fevrier. Avoech tout ce, li princes,

25d’autre part, retenoit toutes manières de gens d’armes

là où il les pooit avoir. Dou royaume de France n’en

avoit il nul, car tout se traioient devers le roy Henri,

pour l’amour et les alliances qui estoient entre le roy

leur signeur et le roy Henri. Et encores eut li dis

30rois Henris aucunes des Compagnes qui estoient

Breton, favourable à monsigneur Bertran de Claiekin,

[229] 229desquelz Selevestre Bude, Alains de Saint Pol, Guillaume

dou Bruel et Alains de Lakonet estoient capitainne.

Si euist bien eu li dis princes de Galles encores

5plus de gens d’armes estragniers, Alemans, Flamens

et Braibençons, se il volsist; mais il en renvoia

assés, et eut plus chier à prendre ses feaulz de

le princeté que les estragniers. Ossi il li vint uns

grans confors d’Engleterre, car quant li rois d’Engleterre

10ses pères vei que cils voiages se feroit, il

donna congiet à son fil monsigneur Jehan, duch de

Lancastre, de venir veoir son frère le prince de Galles

à une quantité de gens d’armes, quatre cens hommes

d’armes et quatre cens arciers. Dont, quant les nouvelles

15en vinrent au dit prince que ses frères devoit

venir, il en eut grant joie et se ordonna sur ce.

En ce temps, vint devers le dit prince en le cité de

Bourdiaus messires James, rois de Maiogres. Ensi se

faisoit il appeller, quoique il n’i euist riens; car li

20rois d’Arragon le tenoit sus lui de force, et avoit le

père ce dit roy de Maiogres fait morir en prison en

une cité, en Arragon, que on dist Barselone. Pour

quoi cilz dis rois James, pour contrevengier le mort

de son père et recouvrer son hiretage, estoit trais

25hors de son pays, car il avoit pour ce temps à moullier

la royne de Naples. Auquel roy de Maiogres li

princes fist grant feste et le conjoy doucement et le

reconforta grandement, quant il li eut oy recorder

toutes les raisons pour quoi il estoit là venus et à

30quel cause li rois d’Arragon li faisoit tort et li tenoit

son hiretage et avoit son père mort. Se li dist li dis

princes: «Sire rois, je vous proumeth en loyauté

[230] 230que nous, revenu d’Espagne, nous n’entenderons à

aultre cose nulle, si vous arons recouvré vostre hiretage

de Mayogres, ou par trettiés d’amour ou de force.»

Ces prommesses plaisirent grandement bien au dit

5roy. Si se tint en le cité de Bourdiaus dalés le prince,

attendans le departement ensi que li aultre. Et li

faisoit li dis princes, par honneur, le plus grant partie

de ses delivrances, pour tant qu’il estoit lontains et

estragniers, et n’avoit mies ses finances à sen aise.

10Tous les jours venoient les plaintes au dit prince

de ces Compagnes qui faisoient tous les maulz dou

monde as hommes et as femmes, ens ou pays où il

conversoient. Et veissent volentiers cil des marces,

où ces gens se tenoient, que li princes avançast son

15voiage. Il en estoit en grant volenté, mès on li consilloit

que il laissast passer le Noel, par quoi il euissent

l’ivier au dos, car encores n’en saroient il si peu

prendre que li passages de Raincevaus ne leur fust

destrois, frois et lontains. A ce conseil s’enclinoit

20assés li princes, pour tant que madame la princesse

sa femme estoit durement enchainte et ossi moult

tenre et esplorée dou departement son mari. Si euist

volentiers veu li dis princes que elle se fust acoucie

ançois son departement. En ce detriement, se faisoient

25et ordonnoient grandes pourveances et grosses

et trop fort besongnoient, car il devoient errer en

un pays où il en trouveroient tout petit.

Entrues que cilz sejours se faisoit à Bourdiaus, et

que tous li pays d’environ estoit plains de gens d’armes,

30eurent li princes et ses consauls pluiseurs consultations

ensamble. Et m’est avis que li sires de

Labreth fu contremandés de ses mil lances, et li

[231] 231escripsi li dis princes par le conseil de ses hommes

ensi: «Sires de Labreth, comme ensi fu que de

nostre volenté liberal, en ce dit voiage où nous tendons

par le grasce de Dieu temprement à proceder,

5consideré nos besongnes, les frès et despens que nous

avons, tant par les estragniers qui se sont bouté en

nostre service comme par les gens des Compagnes

desquels li nombres est grans, et ne les volons pas

laissier derrière pour les perilz qui s’en poroient ensievir,

10et couvient que nostre terre soit gardée, car

tout ne s’en poeent pas venir ne tout demorer, pour

quoi il est ordonné par nostre especial conseil que

en cesti voiage vous nous servirés et estes escris à

deus cens lances: si les voelliés triier et mettre hors

15des aultres, et le remanant laissiés leur faire leur

pourfit. Et Diex soit garde de vous! Escript à Bourdiaus

le septime jour de decembre.»

Ces lettres, seelées dou grant seel le prince de

Galles, furent envoiies au signeur de Labreth qui se

20tenoit en son pays et entendoit fort à faire toutes ses

pourveances et à apparillier ses gens, car on disoit de

jour en jour que li princes devoit partir. Quant il

vei ces lettres que li princes li envoioit, il les ouvrit

et les lisi deus fois pour mieus entendre, car il en fu

25de ce qu’il trouva dedens durement esmervilliés et

ne s’en pooit ravoir, tant fort estoit il courouciés et

disoit ensi: «Comment! messires li princes, je croi,

se gabe et trufe de mi, quant il voet que je donne

congiet maintenant huit cens lances, chevaliers et

30escuiers, lesquels à son commandement et ordenance

j’ai tous retenus. Et leur ay brisiet leurs pourfis à

faire en pluiseurs manières.»

[232] 232Adonc, en son aïr, li sires de Labreth demanda

tantost un clerch. Il vint. Quant il fu venus, il li

dist: «Escrips,» et li clers escrisi ensi que li sires

de Labreth le devisoit: «Chiers sires, je sui trop

5grandement esmervilliés de unes lettres que vous

m’avés envoiies. Et ne sai mies bonnement ne ne

trueve en mon conseil comment sur ce je vous en

sace ne doie respondre, car il me tourne à grant prejudisce

et à blasme et à tous mes hommes, lesquelz

10à vostre ordenance et commandement je avoie retenus,

et sont tout appareilliet de vous servir. Et

leur ay destournet leur pourfit à faire en pluiseurs

manières, car li aucun estoient meu et ordonné

d’aler oultre mer en Prusce, en Constantinoble ou

15en Jherusalem, ensi que tout chevalier et escuier, qui

se desirent à avancier, font. Si leur vient à grant

merveille et desplaisance de ce qu’il sont bouté derrière.

Et sont tout esmervilliet, et ossi sui je, en quel

manière je le puis envers vous avoir desservi. Chiers

20sires, plaise vous à savoir que je ne saroie les uns

sevrer des aultres. Je sui li pires et li menres de tous.

Et se li aucun y vont, tout iront: ce sace Diex qui

vous ait en sa sainte garde. Escript, etc.»

Quant li princes de Galles eut oy ceste response,

25si le tint à moult presumptueuse, et ossi fisent aucun

de son conseil d’Engleterre, chevalier qui là estoient.

Si crolla li dis princes la teste et dist en englès,

si com je fui adonc enfourmés, car j’estoie

lors pour le temps à Bourdiaus: «Li sires de Labreth

30est uns grans mestres en mon pays, quant il

voelt brisier l’ordenance de mon conseil. Par Dieu,

il n’ira pas ensi qu’il pense. Or demeure, se il voelt,

[233] 233car sans lui ne ses mil lances ferons nous bien le

voiage.»

Adonc parlèrent aucun chevalier d’Engleterre qui

là estoient et disent: «Monsigneur, vous cognissiés

5encores petitement le ponée des Gascons et comment

il s’outrecuident. Il nous amirent peu et ont amiré

dou temps passé. Ne vous souvient il pas com grandement

il se veurent jadis porter encontre vous en

ceste cité de Bourdiaus, quant li rois Jehans de France

10y fu premierement amenés? Il disoient et maintenoient

tout notorement que par yaus et leur emprise

vous aviés fait le voiage et pris le roy de France. Et

bien fu apparant qu’il voloient ce porter oultre, car

vous fustes en grant trettiés contre yaus plus de

15quatre mois, ançois que il volsissent consentir que li

dis rois de France alast en Engleterre, et leur couvint

plainnement satisfaire leur volenté, pour yaus

tenir à amour.»

Sus ces parolles se teut li princes, mès pour ce ne

20pensa il mies mains. Veci auques le première fondation

de le hayne qui fu entre le prince de Galles et

le signeur de Labreth. Et en fu adonc li sires de

Labreth en grant peril, car li princes estoit durement

grans et haus de corage et crueulz en son aïr, et

25voloit, fust à tort, fust à droit, que tout signeur

asquelz il pooit commander tenissent de lui. Mès li

contes d’Ermignach, qui oncles estoit au dit signeur

de Labreth, fu enfourmés de ces avenues et des grignes

qui estoient entre le prince, son signeur, et son

30neveu le signeur de Labreth. Si vint à Bourdiaus devers

le prince et monsigneur Jehan Chandos et monsigneur

Thumas de Felleton par quel conseil li princes

[234] 234faisoit et ouvroit tout. Et amoiena si bien ces

parties que li princes se teut et apaisa. Mès toutes fois

li sires de Labreth ne fu escrips que à deus cens lances

dont il n’estoit mies plus liés, ossi n’estoient ses gens;

5ne onques depuis ne chierirent tant le prince comme

il faisoient devant. Si leur couvint porter et passer

leur anoi au mieulz qu’il peurent, car il n’en eurent

adonc aultre cose.

FIN DU TEXTE DU TOME SIXIÈME.

VARIANTES.


§ 474. Li intention.—Ms. d’Amiens: Chil doy prelat de Sainte Eglise, qui estoient dou plus estroit consseil le ducq de Normendie et qui veoient, avoecq aucuns sages hommes du royaumme de France, que li dis royaummes estoit durement blechiez et grevés de cief en qor, et se doubtoient que il ne pewist longement porter si grans fès, car on ne pooit aller en nulle marce dou royaumme de Franche qu’il n’y ewist Englès ou Navarois qui constraindoient si les bonnes villes que nulle marcandise n’y pooit aller ne venir, et ossi le plat pays que les tières demoroient en ries et les vignes à labourer, par quoy grant fanmine et grant chiereté de temps y apparoient. Et si y avoient porté et souffert ceste tribulation ung grant temps, et par especial depuis le prise le roy Jehan, leur signeur, qui gisoit prisonniers en Engleterre, et qui vaillamment s’estoit combatus et avoit estet pris en deffendant son pays. Se le desiroient moult touttes gens à ravoir et veoir, et les vaillans hommes qui avoient estet pris dallés lui, dont li royaummes estoit moult afoiblis; et tout ce ne se pooit faire sans pès. Si estoit adonc li jonnes dus de Normendie conssilliet de chiaux qu’il amoit et creoit le mieux, qu’il fesist pès au roi englès, à quel meschief que ce fuist, car tous li royaummes le desiroit. De quoy li dus, meus en pité, pour soller son coummun peuple et hoster de tribulation, dou royaumme dont il estoit drois hoirs, avoit envoiiés deviers le roy d’Engleterre les deus prelas dessus diz, qui à le premierre voie n’esploitièrent de riens; car li roys d’Engleterre estoit durement courouchiés pour le mort de son cousin le comte de le Marche, connestable de son host, qui estoit nouvellement mors sour leur chemin, et pour unes nouvelles ossi qui lui estoient venues d’Engleterre, que li Franchois avoient mis sus, en Normendie, une armée de gens d’armes 238 par mer, liquel avoient arivet et pris terre en Engleterre à un port que on dist Winneceuesée. Et avoient li Franchois le ditte ville arse et aucunes maisons d’entours, pour lesquelz coses li dessus dis roys, à le premierre requeste et priière que li prelat li fissent, ne respondi riens, et se partirent de li et revinrent à Paris, sans riens impetrer.

Quant li roys englès eut jeu une nuit à Mont Leheri et toute se host, il se desloga et chevaucha par deviers Gaillardon. Che jour que li rois et ses gens chevauchoient vers Gaillardon, chei dou chiel en l’ost le roy uns effoudres, uns tempestes, ungs orraiges, uns esclistres, uns vens, ungs gresilz si grans, si mervilleuz et si oribles qu’il sambloit que li chie[l]s dewist partir, et li tierre ouvrir et tout engloutir. Et cheoient les pierres si grandes et si grosses que elles tuoient hommes et cheval, et n’y avoit si hardi qui ne fuist tous esbahis. Et meysmement li roys se voa et dounna à Nostre Damme de Chartres. Adonc y eut en l’ost aucuns souffissans hommes qui disoient que c’estoit une verghe de Dieu envoiiée pour exemple, et que Dieux moustroit par signe qu’il volloit que on fesist pès. Si se rafrenna son corraige et fu plus humbles et debonnaire assés que devant, et se loga de haulte heure sus le rivierre de Gaillardon. A l’endemain, revinrent li prelat deviers lui, qui tant li prechièrent et remoustrèrent de biaux exemples et de bonnes parolles, que on li entama le coer, enssi que par force, à le pès, car trop à envis de premiers y entendoit; mais se volloit aller cel esté rafreschir en Bretaingne et en Normendie, et laissier couvenir les fortrèces qui pour lui se tenoient ou royaumme de France, et tantost apriès le Saint Jehan Baptiste que li bleds et les vignes meuriroient, revenir devant Paris. Telle estoit li intention dou roy englès; mès elle li mua et canga, car il fu inspirés adonc de le grace de Dieu à le priière et parolle que li prelat et li preudomme li moustrèrent. Et ossi li dus de Lancastre, ses cousins, en qui il avoit moult grant fiance, et qui avoit estet avoecq lui en gheriant li plus grans chieus qu’il ewist, y rendoit et rendi grant painne, si que en travillant et en allant à petittes journées deviers le chité de Cartres, tousjours en querant le plus cras pays pour mieux trouver à vivre, et puis par deviers Bonnevaus et par deviers le marche de Vendosme. Et adonc li dis rois englès se retray, à le priière de l’abbet de Clugny, par deviers le marce de Cartres, et là sejourna et demoura par l’espasce de vingt et un jours, traitiant de pès, laquelle 239 fu faitte et acordée à grant joie, pour le tamps d’adonc, en le mannière que chi apriès s’enssuit, seloncq le coppie dou prochès que pluisseurs signeurs eurent. Fos 122 vº et 123.

P. 1, l. 3: belle, douce.—Ces mots manquent dans les mss. A 7 à 17.

P. 1, l. 4 et 5: tout cel esté jusques apriès aoust.—Ms. A 17: tout cel yver jusques après Pasques. Fº 274.

P. 1, l. 7: retourroit.—Mss. A 7 à 17: retourneroit.

P. 1, l. 12: faisoient.—Ms. A 17: menroient.

P. 1, l. 13: Pikardie.—Le ms. A 17 ajoute: Poictou.

P. 1, l. 16: leur.—Le ms. A 17 ajoute: bonne.

P. 1, l. 16: il.—Mss. A: elles. Fº 217 vº.

P. 1, l. 17: estoient.—Ms. A 8: estoit.

P. 1, l. 17: si.—Mss. A: ses.

P. 2, l. 9: Tieruane.—Ms. A 8: Therouenne. Fº 217 vº.

P. 2, l. 16: darrainnement.—Mss. A: derrenierement.

P. 2, l. 21: d’Antun.—Ms. A 8: d’Octuin.—Ms. A 17: d’Antoin. Fº 274 vº.

P. 2, l. 24: doi.—Ms. A 17: diz.

P. 2, l. 28: pluiseur.—Le ms. A 8 ajoute: autres.

P. 3, l. 5: ne leur pourpos anientir.—Ms. A 8: en son propos anientir.

P. 3, l. 9: requeroit.—Ms. A 8: queroit.

P. 3, l. 11: acordoient.—Ms. A 17: accordassent.—Ms. A 15: accorderoient.

P. 3, l. 18 et 19: ou de jour.—Ms. A 17: et tous les jours.

P. 3, l. 19: et leurs.—Le ms. A 8 ajoute: parlemens et.

P. 3, l. 23 et 24: Cil procet et ces parolles.—Mss. A 15 à 17: ces parollez et ces procedz.

P. 3, l. 26: rescrit.—Ms. A 17: escrit. Fº 275.

P. 3, l. 28: par quoi.—Ms. A 17: pourquoy.

P. 3, l. 30: et justement cancelé.—Mss. A 15 à 17: et justement et parfaictement.

P. 4, l. 2: cheoit.—Ms. A 17: escheoit.

P. 4, l. 7: fu trop durs.—Ms. A 8: estoit dur. Fº 218.

P. 4, l. 9: comment.—Mss. A 8, 15 à 17: combien.

P. 4, l. 10: rois de France.—Mss. A 7, 8, 15 à 17: en cel estat. Fº 225.

P. 4, l. 10: ostoiier.—Mss. A 7, 8: estoier.

240 P. 4, l. 44: s’i.—Mss. A 7, 8: se.

P. 4, l. 15: remoustroit.—Ms. A 8: moustroit.

P. 4, l. 18: fretable.—Ms. A 17: frayable.

P. 4, l. 19: alewés.—Mss. A 8, 15 à 17: allouez.

P. 4, l. 20: userés.—Ms. A 17: useriez.

P. 4, l. 21: venés.—Ms. A 8: viengniez.—Mss. A 15 à 17: veniez.

P. 4, l. 22: entente.—Ms. A 8: entencion.

P. 4, l. 22: entrues.—Ms. A 7: entrementres.—Ms. A 8: entre.—Ms. A 15: tandis.—Ms. A 17: endementres.

P. 4, l. 25: sus.—Ms. A 8: en.

P. 4, l. 26: dedens.—Mss. A 7, 8, 15 à 17: en.

P. 4, l. 27: soubtieves.—Ms. A 8: soutilles.—Mss. A 15 à 17: subtilles.

P. 4, l. 30: parmi.—Mss. A: par.

P. 4, l. 30: ouvra.—Mss. A: ouvroit.

P. 5, l. 1: entrues.—Ms. A 7: entrementres.—Mss. A 8, 15: pendant.—Ms. A 17: endementroes.

P. 5, l. 4: uns orages, uns tempès et uns effoudres.—Ms. A 8: uns temps et uns effoudres et uns orages.—Ms. A 17: une orage et une tempeste et une fouldre.—Ms. A 15: uns oraiges, un temps et une fouldre. Fº 238 vº.

P. 5, l. 5: descendi.—Ms. A 17: descendirent.

P. 5, l. 7: finer.—Ms. A 17: fenir.

P. 5, l. 8: cheoient.—Mss. A 8, 15 à 17: cheoit.

P. 5, l. 10: eshidé.—Mss. A: esbahis.

P. 5, l. 14: à ce donc.—Ms. A 8: adoncques.

P. 5, l. 15: Chartres.—Ms. B 6: Anchois se desloga le roy de Galardon et toutes ses gens, et s’en vint devant la bonne ville de Chartres, en instanche que pour l’asegier: de laquelle messire Ernoul d’Audrehem estoit capitaine, avecques grant foison de chevaliers et d’escuiers du pais de Bieause. Sy se loga le roy d’Engleterre en ung villaige delés Chartres, qui s’apelloit Bretegny, et toutes ses gens ens ès villaiges d’entour, où il faisoient logis de feulles et de bos; car le saison le devoit, car che fu o joly mois de may. Fos 608 et 609.

P. 5, l. 15: Bretegni.—Ms. A 8: Bretingny.

P. 5, l. 17: poins.—Mss. A 7, 17: couvens.

P. 5, l. 18: enterinement.—Mss. A: entierement.

P. 5, l. 19: poursievir.—Mss. A 7 et 8: poursuir.

241 P. 5, l. 20: clerch.—Ms. A 17: gens.

P. 5, l. 23: s’ensieut ensi.—Ms. A 8: est telle.

§ 475. Edowart.—Ms. d’Amiens: C’est assavoir que li rois Edouwars d’Engleterre et si hoir doient ravoir, tenir et possesser perpetuellement, paisieulement et quittement, sans nul resort et sans tenir en fief dou roy de France ne d’autrui, tous les pays et terres qui chi s’enssieuwent, et les senescauchies, c’est assavoir de Bergorre, d’Agenès, de Kaorsin, de Pieregorch, de Roergue, de Poito, de le Rocelle, de Saintongue et de Limozin, le comté d’Agoulesme, le fief de Thouwart, le fief de Belleville, avoecq toutte la ducé de Gyane si avant que elle s’estendoit anchiennement. Et doit avoir et tenir ès marches de Pikardie, sans ressort et sans tenir en fief de nullui, le ville et le castiel de Callais à tout ses appendanches, le terre de Melch et toutte le comté de Gines, villes et castiaux, ensi comme s’estent. Et doit avoir encorres toutte le comté de Ponthieu enthierement, enssi que elle fu jadis dounnée à madamme Ysabiel de Franche, roynne d’Engleterre, se mère, en mariaige; mès celle devera il tenir en fief dou roy de Franche, s’il le voelt ravoir, enssi comme li roys ses pères faisoit. Encoires devera avoir li dis roys Edouwars, pour ses frès, [cent] mil escus à paiier six fois, cent mil dedens trois sepmaines apriès le feste Saint Jehan, l’an soissante, et le remannant dedens trois ans enssuivant, chascun an le tierche part. Et demourront au roy englès quittement touttes raenchons de pays, de villes, de maisons et de prisons acordées, soient paiiées ou à paiier. Et pour tous ces couvens et ces paiemens aemplir et pourssieuwir, enssi qu’il sont juret et creantet d’une part et d’autre, li dus de Normendie et li consseil de France doient envoiier bons hostages et souffissans, des plus nobles et plus gentils del royaumme de Franche, et d’aucunnes des bonnes chités et ossi des bonnes villes deux bourgois, pour jesir en le ville de Callais ou en Engleterre, jusques à tant que tout chou que dit est, sera paiiet et acomplit entirement. Et parmy tant li roys englès a en couvent de ramener le roy Jehan de Franche à Callais, dedens le jour de le Saint Jehan Baptiste, et là endroit tenir par l’espasse de troix sepmainnes sous ses despens, dedens lesquelles troix sepmainnes doient li Franchois avoir acomplit tous les couvens deseure devisés, et mis les gens le roy englès en possession paisieulle de tous les chastiaux et de tous les pays et terre deseure dis, desquelx 242 ils ou ses gens ne sont point en saisinne. Et, se tout chou n’estoit plainnement fait et aemplit, enssi que dit est, dedens les trois sepmainnes apriès le Saint Jehan, li roys Jehan de Franche et tout li dessus dit hostaige doient demourer tous qois en prison à Callais, par l’espasse de trois mois apriès enssuiwant, parmy le somme de trente mil florins que li Franchois doient rendre et paiier au roy des Englès, pour les frais et les gages de lui, de ses gardes et des sergans qui garderoient le roy Jehan et les autres hostaiges, par l’espasse des diz trois mois. Et deveront demourer tousjours li Englès saisis des castiaux et fortrèches qu’il ont gaegniet ou royaumme de Franche, jusques à tant que tout chou que dit est, sera fait et acomplit ou bien asseguret, sauf tant qu’il ne doient point pillier, ne faire guerre ne tort à nullui. Et avoecq tout chou, li jonnes comtes de Montfort doit ravoir le comté de Montfort, entierement quitte et liege, et le sienne part de la duché de Bretaingne, si avant que li doy roy deseure dit diront par droit qu’il en deveroit avoir, oyes et examinées diligamment les raisons monseigneur Carlon de Blois, d’une part, et les siennes, d’autre. Et devera tout chou tenir en fief dou roy de Franche. Et apriès, quant tout chou sera fait et acomplit, li roys Jehans de Franche doit estre delivrés et ramennés à Paris, et seize prisonniers seullement qui furent pris avoecq lui à le bataille de Poitiers, telx dont entre iaux deux li doy roy se poront acorder. Et affin que on puist paisieullement et parfettement aemplir tout chou que deviset est, une trieuwe generaulx fu acordée à durer par tant jusques à le feste Saint Micquiel, et de le feste Saint Mickiel en ung an apriès enssuivant. Et doient li Franchois menner et conduire le roy Edouwart à tout son host, parmy Franche jusques à Callais, paisieulement, et faire livrer à vivre pour leurs deniers payans, et ouvrir villes, castiaux, fortrèches et passages pour passer, dormir et reposer parmy, sans avoir grief ne molesté. Et parmy touttes ces couvenenchez, li roys Edouwars d’Engleterre et si hoir doient quiter et renonchier à le calenge, as armes et au nom del royaumme de Franche.

Enssi et sus ceste fourme fu la pès devisée, acordée et confremmée, mès les cartres ne furent mies si tost escriptez ne grosséez; et quant elles furent escriptez, li conssaux de Franche y missent ung point, par mannière de langage, que li Englès au lire n’entendirent mies bien ne examinèrent, mais le laissièrent legierement passer; c’est chou qui leur a depuis empechiet leur querelle, car li rois Jehans, li dus de Normendie, ses aisnés filz, et li 243 autre frère, quant il jurèrent le pès à tenir et à poursiewir sus l’estat dou ressort, affin que, pour le temps à venir, il y ewissent droit de callenge et qu’il ne s’en desnuassent mies dou tout, dissent enssi: «Seloncq le grosse de le cartre, nous dounnons et reservons toutes les coses dessus dittes, etc.» Je ne vous en parleray plus tant c’a orres; mès quant il en appertenra à parler, j’en parlerai, s’il plaist à Dieu, et à point. Fº 123.

§ 476. Quant ceste lettre.—Ms. d’Amiens: Or revenrons à nostre pourpos. Li dus de Normendie jura à poursuiwir et à mainte[ni]r touttes ces coses dessus dites et devisées, comme aisnés hoirs del royaumme, en le presence dou prinche de Galles, dou duch de Lancastre, dou comte de Warvich, dou comte de Sallebrin, de monsigneur Renart de Gobehen, de monsigneur Richart de Stanfort, du seigneur de Perssi, de monsigneur Gautier de Mauni et de monsigneur Rogier de Biaucamp, qui là estoient comme procureur au roy englès, et ossi fissent pluisseur seigneur dou royaumme de France. Et d’autre part ossi le jurèrent li dessus [dit] seigneur d’Engleterre, comme procureur dou roy englès, en le presence dou ducq de Normendie et des autres seigneurs de Franche.

Quant touttes ces coses furent jurées et acordées, li dus de Normendie et ses conssaux retourna à Paris. Et li prinches de Galles et li aultre retournèrent deviers le roy et son host, à qui il recordèrent coumment il avoient besongniet. Si pleut moult bien au roy tous li affaires. Et envoya li dis rois englès ces quatre chevaliers, monsigneur Renart de Gobehen, monsigneur Richard de Stanfort, monsigneur Gautier de Mauni, monsigneur Rogier de Biaucamp, à Paris, pour jurer le pès au palais devant tout le peuple. De quoy, quand on seut leur venue, on alla contre yaux hors de le chité de Paris bien loing, moult reveramment à grant pourcession, et sonnèrent touttes les cloches de Paris à leur venue en nom de solempnité et de feste. Et furent ensi amenet jusques au palais, là où il fissent le sierement, voiant et oiant tous chiaux qui oïr et veoir les peurent, de par le roy englès et tous ses enfans. Et puis furent très grandement festiiet et honnouret dou duc de Normendie et de tous les seigneurs et les nobles de Franche qui là estoient, et furent menet en le belle cappelle dou palais de Paris. Si leur furent moustrées les plus belles reliques et les plus digneus joyaux du monde qui là estoient, et meysmement le sainte couronne dont Dieux fu courounnés à son saintimme travel. Et 244 en dounna li dus de Normendie à chacun des chevaliers une des plus grandes espinnes de le ditte courounne, laquelle cose chacuns chevaliers prisa moult et le tint au plus noble joyel que on li pewist dounner. Apriès, li dis dus de Normendie fist dounner à chacun le plus biel courssier que on pewist veoir ne trouver, et grant plenté d’autres joyaux d’or et d’argent et de très presieuses pierres. Et puis furent conduit et remennet noblement et puissamment jusque à lors gens qui les atendoient par deviers Paloseal. Si chevaucièrent avoecq yaux, à grant compaignie de gens d’armes, li doy marescal de Franche jusques à l’ost du roy Edouwart, et de là en avant pour yaux conduire parmy le royaumme [de Franche] sauvement, et pour yaux faire livrer à vivre et lors necessitez pour leurs deniers payant, enssi que couvens estoit. Fº 123 vº.

P. 17, l. 16: ceste.—Mss. A: celle.

P. 17, l. 16: s’appelle.—Mss. A: s’appelloit.

P. 17, l. 17: chartres.—Ms. A 17: lettres.

P. 17, l. 18: en celle anée.—Ms. A 8: en pluseurs manières. Fº 221.

P. 17, l. 21: quant il.—Les mss. A ajoutent: la virent et ilz.

P. 17, l. 23: ensonniiet.—Ms. A 8: embesoingniez.

P. 17, l. 23: istance.—Ms. A 8: entencion.

P. 18, l. 8: partie.—Le ms. A 17 ajoute: de son conseil et. Fº 279 vº.

P. 18, l. 10: couvignablement.—Mss. A: convenablement.

P. 18, l. 12: estoit.—Ms. A 17: fut.

P. 18, l. 12: moult.—Mss. A: durement.

P. 18, l. 19: venu.—Ms. A 8: revenuz.

P. 18, l. 20: à toutes ces coses.—Mss. A: à toutes les choses dessus dites.

P. 18, l. 24: plaisirent.—Mss. A: pleurent.

P. 18, l. 25: et à son conseil.—Ces mots manquent dans les mss. A.

P. 18, l. 28: Michiel.—Les mss. B 4 et A ajoutent: et de le Saint Michiel en. Fº 224.

P. 19, l. 4: publikement.—Ce mot manque dans le ms. A 17., Fº 280.

P. 19, l. 6: triewe.—Ms. A 8: traittié. Fº 221 vº.

P. 19, l. 11: à lui.—Ms. A 8: de lui.

P. 19, l. 12: venir.—Ces mots manquent dans les mss. A.

245 P. 19, l. 16: Briane.—Ms. A 17: Brienne. Fº 280.—Ms. A 15: le sire de Neufville. Fº 242.

P. 19, l. 18: de.—Mss. A: du roy.

P. 19, l. 24: en grant.—Le ms. A 17 ajoute: ordonnance et.—Ce ms. omet: et à pourcessions.

P. 19, l. 25: widièrent.—Ms. A 8: vindrent. Fº 221 vº.—Ms. A 15: issirent.—Ms. A 17: se partirent de la ville de Paris.

P. 19, l. 27: ensi.—Ms. A 17: dedens Paris.

P. 19, l. 31: venue.—Ms. A 8: voulenté.

P. 19, l. 31: à ce donc.—Ms. A 8: adonques.

P. 19, l. 32, et p. 20, l. 1: jonchies.—Mss. A 11 à 14: pavées d’.

P. 20, l. 2: pooit.—Ms. A 8: pot.

P. 20, l. 7: bellement.—Mss. A 8, 15: bien.

P. 20, l. 7 et 8: reveramment.—Ms. A 17: saigement.

P. 20, l. 17: mené.—Ms. A 8: amenez.

P. 20, l. 19: digne.—Ms. A 8: riches.

P. 20, l. 29: donner.—Ms. A 17: baillier.

P. 20, l. 32: remercièrent.—Ms. A 8: mercièrent.

P. 21, l. 2: estoient.—Ces mots manquent dans les mss. A.

P. 21, l. 4: assés.—Ms. A 17: bien.

P. 21, l. 9: vivres.—Le ms. A 15 ajoute: en paiant leurs deniers.

§ 477. Quant il furent.—Ms. d’Amiens: Quant il furent parvenu jusques en l’ost dou roy Edouwart, li chevalier d’Engleterre qui avoient esté à Paris, li racontèrent tantost le très grande honneur et feste que on leur avoit fait à Paris, et li moustrèrent les nobles jewiaux que on leur avoit donnés: de quoy li roys eut grant joie. Si festia grandement ces seigneurs franchois qui là estoient venu pour ses gens conduire, ensi que dit est. Si vint à l’endemain li roys englès en le cité de Cartres, et alla en grant devotion à l’eglise de Nostre Damme, et aucun des seigneurs d’Engleterre. Et y donna li roys grans dons et biaux jeuiaux, et ossi fissent li seigneur; puis s’en partirent et chevauchièrent leur chemin bellement et ordonneement deviers Normendie et par deviers le Pont de l’Arche, pour passer là endroit la rivierre de Sainne, si qu’il fissent. Et partout là où il venoient, il trouvoient les bonnes villes ouvertes pour passer tout oultre, et tout chou qu’il leur besongnoit à vendre pour marchiet raisonnable. 246 Si passoient bellement et courtoisement oultre, et se logoient en villes campestres; car vous devés savoir que, sitost que li pès fu parfaite et acordée, on le fist nunchier et criier par tout le royaumme de Franche, les cités et les bonnes villes: par quoy chacun pooit savoir qu’il devoit faire. Et li roys englès faisoit toudis ses marescaux chevauchier derierre, pour garder que ses gens ne fesissent forche, villonnie ne outraige à nullui, ne par nuit, ne par jour. Quant li Englès furent parvenus jusques au Pont de l’Arce, ilz se logièrent environ. L’endemain au matin, li roys se parti de ses gens et s’en alla en petite compaignie par deviers un port de mer que on claimme Harflues. Là trouva il de ses vaissiaux qui estoient nouvellement venu d’Engleterre.

Li roys d’Engleterre monta en mer à Harflues, pour revenir arrierre en Engleterre. Et ses gens passèrent le rivierre de Sainne au Pont à l’Arche, et cheminèrent bellement et courtoisement parmy le pays, enssi que dit est, tant qu’il vinrent à Pekegny. Si passèrent là endroit le rivière de Somme et fissent tant, en cheminant, qu’il parvinrent à le forte ville de Callaix. Adonc prissent li Franchois congiet d’iaux, qui les avoient courtoisement conduis; et li Englez s’appareillièrent pour passer oultre en Engleterre, chacuns enssi que mieux peult. Et ossi chacuns des gens d’armes estranges s’en ralla en son pays, mès petit en y avoit.

Et si trestost que li roys Edouwars fu venus à Londres à tel compaignie qu’il avoit, et qu’il eut estés festiiés et conjoïs de madamme la roynne d’Engleterre, sa femme, il s’en alla au plus tost qu’il peult, là où li roys Jehans de Franche gisoit, et l’amena à son pallais à Wesmoustier, à Londres, où il fu festiiés et honnourés grandement dou roy d’Engleterre et de madamme le roinne, dou prinche de Gallez, qui point ne le haioit, dou duc de Lancastre et de tous les seigneurs enssuiwant d’Engleterre. Et estoit adonc li roys Jehans de Franche logiés en l’ostel de Savoie, messires Phelippes, ses filz, avoecq lui, messires Jaquemes de Bourbon, messires Jehans d’Artois, li comtez de Dammartin, li comtes de Tamkarville, li comtes d’Auçoire et li autre seigneur de Franche qui furent pris à le besoingne de Poitiers. Là eult grans festez et grans reviaux entre le roy de France et le roy d’Engleterre, et festioient de disners et de souppers si grandement l’un l’autre c’à merveilles. Et durèrent ces festes quinze jours. Et donnoient li doy roy les plus nobles mengiers à court ouverte 247 que on se pooit esmervillier où on prendoit chou que on y despendoit, car chacuns s’efforchoit de sourpasser son compaignon. Quant chou fu passet et on eult appareilliet le roy de Franche de si nobles atours que à tel prince appartenoit, li roys englès et si enfans, li dus de Lancastre et tout li autre grant seigneur le amenèrent jusques à Douvres sus le mer, à très grant noblèce. Et envoya li roys englès le prinche de Galles son fil, le duc de Lancastre, le comte de Warvich, monseigneur Regnart de Gobehen, monseigneur Gautier de Mauny, le seigneur de Perssi et grant fuisson de seigneurs avoecq le dit roy Jehan jusques à Callais, enssi que couvenenchiet estoit, et li fissent toutte l’onneur, l’amour et le compaignie que faire li peurent et si comme à lui appartenoit. Et attendirent à Calais les seigneurs de Franche assés longement, qui devoient aporter six fois cent mil florins et entrer en hostaige, ensi que li pais faite et acordée entr’iaux portoit. Fº 124.

P. 21, l. 13: dignes.—Ms. A 17: nobles. Fº 281.

P. 21, l. 13: les dignes jeuiaus.—Ms. A 8: les dignitez et les joyaulx. Fº 222.—Ms. A 15: les grans dignitez et joiaulx. Fº 242 vº.

P. 21, l. 19: traisissent.—Ms. A 8: retraissent.—Mss. A 15 à 17: se retraissent arrière.

P. 21, l. 21: le Somme.—Ms. A 8: la rivière de Somme.

P. 21, l. 21: aller.—Ce mot manque dans les mss. A.

P. 22, l. 2 et 3: grande offrande.—Ms. A 8: grandes offrandes.

P. 22, l. 4 et 5: Si entendi... Harflues.—Ms. A 2: et chevauchèrent tant que le roy et ses enfans vindrent à Harfleu.

P. 22, l. 10: aconvoiiés.—Mss. A 8, 15 à 17: convoiez.

P. 22, l. 12: sans damage et sans peril.—Ces mots manquent dans les mss. A.

P. 22, l. 15: auques des premiers.—Ms. A 17: avecques ses barons.

P. 22, l. 22: disoit.—Ms. A 8: diroit.

P. 22, l. 24: à quel.—Mss. A 15 à 17: à quelque.

P. 22, l. 25: ne l’euist jamais contredit.—Ces mots manquent dans les mss. A.

P. 22, l. 27: Jakemes.—Ms. A 8: Jaques. Fº 222 vº.

P. 22, l. 28: durement.—Ms. A 8: grandement.

P. 23, l. 3 et 4: approcemens.—Les mss. B 3, 4 et A ajoutent: semblant. Fº 239.

248 P. 23, l. 9: estoit.—Mss. A 8, 17: estoient.—Ms. A 15: fut resjouie de leur venue et de la paix du roy son seigneur. Fº 243.

P. 23, l. 12: le.—Ms. A 8: se.—Mss. A 15 à 17: les.

P. 23, l. 20: messagiers.—Ms. A 8: messages.

P. 23, l. 22: Li paiemens.—Mss. B 3, 4 et A: Mais li paiemens.

P. 23, l. 26: dou roy leur père.—Ms. A 8: de leur seigneur.

P. 23, l. 27: attendre.—Mss. A 8, 15 à 17: entendre.

P. 23, l. 28: entrues.—Ms. A 8: pendant ce.

P. 23, l. 28: le dit royaume.—Ms. A 8: le royaume de France.

P. 23, l. 30: Melans.—Ms. A 7: Melan. Fº 229 vº.—Mss. A 8, 15 à 17: Milan.

P. 23, l. 30 et p. 24, l. 1: et de plusieurs cités en Lombardie, fist.—Ms. A 17: et plusieurs citez de Lombardie firent. Fº 281 vº.

P. 24, l. 3: rouva.—Mss. A 8, 15: fist requerir.—Ms. A 17: fist savoir. Le scribe du ms. A 7, n’ayant pu lire ou ne comprenant pas le mot ROUVA, l’a laissé en blanc.

P. 24, l. 4: parmi tant.—Ms. A 8: parmy ce que.

P. 24, l. 6: s’i.—Ms. A 17: lui.

P. 24, l. 8: pourquoi.—Ms. A 8: pour ce que.

P. 24, l. 9: ne fu... avant.—Mss. A 7, 8, 15 à 17: ne vint mie si tost avant.

P. 24, l. 10: souffrir.—Le ms. A 8 ajoute: et endurer.

§ 478. Quant li princes.—Ms. d’Amiens: Quant chil seigneur d’Engleterre eurent assés atendu et il virent que chil hostaige n’estoient point appareilliet, ne li argens deseure dis pourveus, il prissent congiet au roy de France et s’en rallèrent en Engleterre, et laissièrent le roy Jehan et monsigneur Phelippe, son fil, en le garde de quatre moult vaillans chevaliers pour yaux garder, c’est assavoir le comte de Warvich, monsigneur Regnart de Gobehen, monsigneur Gautier de Mauny et monsigneur Rogier de Biaucamp et de pluisseurs autres gens d’armes souffissans, qui leur faisoient tous les sollas que faire pooient bonnement, et laissoient parler au dit roy, et mengier, soupper et compaignier en tous solas avoecq lui les seigneurs et les chevaliers 249 de France, enssi qu’il leur plaisoit et enssi qu’il le venoient veoir de jour en jour, les ungs apriès les autres. Et menoient chil seigneur d’Engleterre esbanoiier le dit roy, monseigneur Phelippe, son fil, et les autres seigneurs de Franche demy lieuwe loing, fuist à piet ou à cheval, si comme il leur plaisoit, en attendant que li somme de florins dessus ditte fust paiiée et que li seigneur qui devoient entrer en hostaige pour le roy, leur seigneur, fuissent venu.

Si estoit tous li dis paiemens des six cens mil florins pourveus et mis en l’abbeie de Saint Bertin, à Saint Ommer, mès on ne le volloit mies delivrer jusques à tant que li hostaiges fuissent entrés, ensi que couvenenchiet estoit, à bonne cause; car, se li somme de florins fust delivrée et apriès li hostaiges n’y volsissent tout entrer ou on ne se pewist acorder, li ditte somme fust perdue, li pès fuist brisie, et li roys Jehans de France fust remennés en Engleterre comme devant. Fº 124.

P. 25, l. 3: dou pays environ.—Ms. A 17: d’environ icelles.

P. 25, l. 6: en l’ombre.—Ms. A 8: soubz ombre.

P. 25, l. 10: Athegni.—Ms. A 8: Athigny. Fº 223.

P. 25, l. 11: il.—Ms. A 8: si.

P. 25, l. 15 et 16: si retournoient.—Ms. A 17: et s’en retournèrent. Fº 282.

P. 25, l. 20: florins.—Mss. A: frans.

P. 25, l. 21: fu.—Le ms. A 8 ajoute: là.

P. 26, l. 1 et 2: comment... user.—Ces mots manquent dans les mss. A.

§ 479. Ensi demora.—Ms. d’Amiens: Ensi demoura li roys de Franche à Callais tout cel estet ensuiwant. Et vinrent si troy fil à le chité d’Amiens: là eut maint parlement de l’un à l’autre. Finablement, il s’acordèrent à entrer en hostagerie pour le roy leur père, voires messires Loeys et messires Jehans. Et leur eut en couvent messires Carles, leurs ainnés frerres, qui celle pais avoit tretie, que il ne cesseroit jamais deviers le roy leur père si les en aroit delivrés. Et pour acroistre leur nom et leur seignourie, on fist monsigneur Loeys, ducq d’Ango et du Mainne, et monsigneur Jehan, duc de Berri et d’Auvergne. Si s’asamblèrent tout chil seigneur, qui ostagier devoient estre, en le bonne ville de Saint Omer. Et quant il furent tout venu, il se traissent moult couvignablement 250 à Callais, et se remoustrèrent, chacuns par lui, au consseil dou roy d’Engleterre. Si jurèrent tout prison et hostagerie pour le roy leur signeur. Et li roys Jehans leur dist que il y entraissent ou nom de Dieu liement et vollentiers, car il les en deliveroit sans damage et sans fret. Vous devés savoir que chacuns sirez estoit si enclins à le pais pour tout le coummun prouffit de crestienneté, et si avoient si grant fianche ou roy Jehan leur signeur, qui leur disoit et proummetoit qu’il les en deliveroit, que tout y entrèrent liement. Che fu le nuit de tous les Sains qu’il passèrent le mer à Callais et arivèrent à Douvres l’an de grasce mil trois cens soissante. Fº 124 vº.

P. 26, l. 4: octembre.—Mss. A 8, 15 à 17: octobre. Fº 223.

P. 26, l. 7: devoient.—Le ms. A 17 ajoute: venir et.

P. 26, l. 11 et 12: de l’une... dou conseil.—Ms. A 17: d’un costé et d’autre du costé. Fº 282 vº.

P. 26, l. 15: qui s’appellent chartre.—Ces mots manquent dans les mss. A.

P. 26, l. 28: pour tant.—Mss. A 8, 15 à 17: pour ce que.

P. 26, l. 30: dient.—Ms. A 8: disoient. Fº 223 vº.

§ 481. P. 33, l. 7: Quant.—Les §§ 481 et 482 manquent dans le ms. A 17, fº 283 vº.

P. 33, l. 10: lisi.—Ms. A 8: lut. Fº 225.

P. 33, l. 12: çascun.—Ms. A 8: tous.

P. 33, l. 18: ordonné.—Ms. A 8: accordé.

P. 33, l. 18: Bretegni.—Ms. A 8: Bretigny.

P. 33, l. 28: estoit.—Les mss. A ajoutent: tout appareillié et. Ms. A 7, fº 231 vº.

P. 33, l. 31: li consauls.—Ms. A 7: les consaulz.—Ms. A 8: le conseil.

P. 34, l. 1: requisent.—Ms. A 8: requist.

P. 34, l. 3: grossée.—Les mss. B 3, 4 et les mss. A ajoutent: et seellée. Fº 241.

P. 34, l. 9: notablement.—Ms. A 8: noblement.

§ 483. P. 47, l. 9: estroit.—Ce mot manque dans les mss. A.

P. 47, l. 26: grossée.—Ms. A 17: grossoyée. Fº 287.

251 P. 47, l. 28: s’ensieut.—Mss. A 8, 15: est telle. Fº 228 vº.—Les mss. A 7, 17 ajoutent: ainsi. Fº 234 vº.

§ 485. P. 50, l. 27: de l’un.—Le ms. A 8 ajoute: roy. Fº 229.

P. 50, l. 28: content.—Ms. A 8: contens.—Ms. A 17: comptentes. Fº 288.

P. 50, l. 28: voirs.—Ms. A 8: verité.

P. 50, l. 31: avoir grant droit.—Mss. A 7, 8: droit à avoir très grant. Fº 235.—Ms. A 17: à avoir très grant droit.

P. 51, l. 2: couchier.—Mss. A 8, 15 à 17: touchier.

P. 51, l. 3: diffiniement.—Ms. A 8: diffinitivement.

P. 51, l. 5: mies.—Ms. A 8: point.—Ms. A 7: pas.

P. 51, l. 10: quel part.—Ms. A 8: quelque part.

P. 51, l. 14: que donc qu’il.—Ms. A 8: jusques à ce qu’ilz.

P. 51, l. 16: briefment passer.—Ms. A 17: brief partir.

P. 51, l. 19: volsissent.—Ms. A 8: eussent voulu.

P. 51, l. 20: là.—Mss. A 15 à 17: ja.

P. 51, l. 23: reus.—Ms. A 17: receuz.

P. 51, l. 24: plus longement.—Ms. A 8: plainement.

P. 51, l. 27: en devant.—Ms. A 8: par avant

P. 51, l. 27 et 28: dont nous parlons.—Ms. A 8: comme nous parlerons.

P. 51, l. 31: et.—Ms. A 8: ou.

P. 52, l. 7: en dedens.—Ms. A 8: ce pendant.

P. 52, l. 13: de [père].—Ms. B 1: de frère. Fº 245.

P. 52, l. 19: cose.—Mss. A: matière.—Ms. A 7, Fº 235 vº.

§ 486. Li rois Jehans.—Ms. d’Amiens: Encorres avoecq tout chou, par le confirmation de le pais, li doy roy s’appelloient frère. Et dounna li roys de Franche à quatre barons d’Engleterre où il eult le plus se grasce, à chacun deus mil frans de revenue par an et bien assignés en France. Et ossi li roys d’Engleterre dounna à quatre barons de Franche otelle revenue en Engleterre, et bien assignés et bien paiiés par an. Et eult messires Jehans Cambdos toutte la terre de Saint Sauveur le Visconte, en Constentin, qui jadis avoit estet à monsigneur Godeffroi de Harcourt, et li confremma et accorda li roys Jehans de Franche à le priierre de son frère, le roy d’Engleterre. Les coses furent adonc si bien couchies et si bien ordounnées, au samblant et à l’avis de l’une part 252 et de l’autre, que on ne quidoit mie que le guerre dewist jammès renouveller.

Si tost que chil seigneur de Franche dessus nommé furent entré en mer pour passer en Engleterre, li roys Jehans, messires Phelippes, ses filx, messires Jaquemes de Bourbon, li comtes d’Eu, li comtes de Dammartin et tout li autre comte et baron de France, qui prisonnier avoient estet en Engleterre avoecq le roy, leur seigneur, s’en partirent quitte et delivre, sans paiier nulle raenchon, non se rançonnet ne s’estoient en devant le pais. Fº 124 vº.

P. 52, l. 25: plus grant.—Le ms. B 3 ajoute: affirmation et. Fº 245.—Le ms. B 4 et les mss. A ajoutent: confirmation et. Fº 231 vº.

P. 52, l. 26: quoique.—Mss. A: qui.

P. 52, l. 26: s’appellassent.—Mss. A 8, 17: s’appelèrent. Fº 229 vº.—Mss. A 7, 15: s’appelloient. Fº 235 vº.

P. 52, l. 29: cescun.—Mss. A 7, 15 à 17: à chascun.

P. 53, l. 6: terre.—Les mss. A ajoutent: dessus ditte.

P. 53, l. 13: possesser.—Ms. A 8: possider. Fº 229 vº.

P. 53, l. 20: consaulz.—Ms. A 8: conseilliers.

P. 53, l. 22: alloiant.—Ms. A 8: aliant.

P. 53, l. 25: mieulz.—Ms. A 17: plus. Fº 289.

P. 53, l. 25 et 26: je euch.—Mss. A 7, 17: j’en ay eu.—Ms. A 8: j’ay eu. Fº 230.—Ms. A 15: j’ay depuis eu. Fº 251.

P. 53, l. 26: de le cancelerie.—Ces mots manquent dans le ms. A 8.

§ 487. P. 53, l. 28: si bien.—Le ms. A 17 ajoute: faictes.

P. 54, l. 2: se deuist brisier.—Ms. A 7: ne se deust briser. Fº 235 vº.—Ms. A 8: seroit tenue sanz briser. Fº 230.

P. 54, l. 6: paisieulement.—Mss. A: paisiblement.

P. 54, l. 9: en son.—Ms. A 7: ens ou.—Mss. A 8, 15: ou.—Ms. A 17: dedens le.

P. 54, l. 10 et 11: si enfant.—Ms. A 15: ses trois filz.—Ms. A 17: les enffans du dit roy.

P. 54, l. 15: vigile.—Ms. A 8: veille. Fº 230.

P. 54, l. 18: en istance que pour.—Ms. A 8: en entencion de.

P. 54, l. 26: deuement.—Ms. A 8: devotement.

P. 54, l. 27: tournèrent.—Ms. A 8: retournèrent.

253 § 488. Or est raisons.—Ms. d’Amiens: Or vous voeille noummer tous lez nobles seigneurs de Franche qui furent hostage pour le roy Jehan de Franche et qui vinrent demourer pour lui à Londres: premierement li dus d’Ango, li dus de Berri, li dus d’Orliens, li dus de Bourbon, li comtez d’Allenchon, messires Guis de Blois pour le comte Loeys de Blois son frère, li comtes de Saint Pol, le comte daufin d’Auvergne, le comte de Halcourt, le comte de Porsiien, le comte de Brainne, monsigneur Jehan d’Estampes, monsigneur Engheran signeur de Couchi, le seigneur de Montmorensi, le signeur de Prayaux, le signeur de Clères, le seigneur de Fontenielle, monsigneur Jehan de Lini, castelain de Lille, le signeur de Saint Venant, le signeur d’Englure, le signeur de Trainiel, le signeur de Malevrier, le signeur de Latour, le signeur de Roye, le seigneur de Bourbercq, le signeur d’Andresel et les autres barons dont je nay mies bonnement le memore. Ossi de le bonne cité de Paris, de Thoulouse, de Roem, de Rains, de Lions sus le Rosne, de Bourges en Berri, d’Orliiens, d’Amiens, de Tournay, de Chaalons en Campaingne, de Troies, d’Arras, de Saint Omer, de Lille et de Douai, de chacune de ces cités et de ces villes, deux bourgois. Si passèrent tout le mer ensi que je vous di, et s’en vinrent amaser et amanagier en le chité de Londres, chacuns sires par lui avoecquez ses gens et sen ordounnanche et tinrent bon estat et grant et noble. Et ossi li roys les tenoit liement; et quant il venoient deviers lui, il les festioit et veoit vollentiers et leur demandoit des nouvelles et les laissoit, sus le recreance de leurs fois, aller et venir, chevauchier et esbatre, voller et cachier parmy le royaumme d’Engleterre. Fº 124 vº.

P. 55, l. 14: Lini.—Mss. A 8, 15 à 17: Ligny.

P. 55, l. 14: Brainne.—Mss. A 8, 15: Brianne.

P. 55, l. 18 à 21: d’Auvergne... d’Andresel.—Ces trois lignes manquent dans le ms. A 17, fº 290.

P. 55, l. 22: Ossi.—Ms. B 6: et de dix neuf chités et bonnes villes, de chascune deus bourgois, et de Paris quatre. Sy jurèrent tout chil signeur et bourgois solempnellement de aller tenir prison à Londres, en Engleterre, et là où au roy plairoit, jusques adonc que on les aroit racheté de vingt quatre cens mille francs. Fº 616.

P. 55, l. 27: Kem.—Mss. A 8, 15 à 17: Caen. Fº 230 vº.

P. 55, l. 28: çascune.—Les mss. A 7, 15 à 17 ajoutent: cité.

254 P. 55, l. 30: amanagier.—Mss. A 15 à 17: amenasgier.

P. 55, l. 31: recarga.—Mss. A 7, 8, 15: recharga.—Ms. A 17: charcha.

P. 56, l. 1: enjoindi.—Mss. A: enjoingni.

P. 56, l. 7: rihote.—Mss. A: riote.

P. 56, l. 8 et 9: cachier.—Mss. A: chacier.

P. 56, l. 11: ne furent.—Mss. A: n’y furent.

P. 56, l. 14: Boulongne.—Les mss. A 1, 17 ajoutent: et estoit party de la ditte ville de Calays.

§ 489. Li rois.—Ms. d’Amiens: Si vint li rois Jehans à grant compaignie en le bonne ville de Saint Omer, où il fu grandement festiiés et conjoïs, et li dounna on et presenta des biaux presens, puis s’en parti et vint à Teruane et puis à Arras. Là vint li dus de Normendie, ses filx, contre lui, qui le conjoï et requeilli liement, si comme il estoit tenus dou faire. De touttes les gistes, les visitations que li roys fist par son royaumme, me voeil je briefment passer; mès il alla tant de chité en cité, de bonne ville en bonne ville, qu’il fu li Noëlx ainsçois qu’il revenist à Paris; et quant il y rentra, on ne vous poroit mies deviser com noblement et puissanment il y fu rechups, car moult y estoit desirés. Et li donna on des biaux dons et des grans presens, et le vinrent veoir et viseter li prelat et li seigneur de son royaumme. Si les recevoit li rois bellement et sagement, ensi que bien le savoit faire. Fos 124 vº et 125.

P. 56, l. 21: vint.—Ms. A 17: revint. Fº 290 vº.

P. 56, l. 26: le roy.—Ms. A 17: lui.

P. 56, l. 27: devisé.—Ms. A 8: raconté. Fº 230 vº.

P. 56, l. 27: com.—Ms. A 8: comment.

P. 56, l. 28: recueilliés.—Mss. A: recueillis, recueilli.

P. 56, l. 28: ce.—Ms. A 8: son.

P. 56, l. 30 et 31: biaus... presens.—Ms. A 17: beaulx jouaulx et de grans dons, et fist on de rechief presens.

P. 57, l. 3: recevoit.—Ms. A 17: receut moult.

P. 57, l. 3 et 4: et bellement... faire.—Ces mots manquent dans les mss. A.

§ 490. Assés tost.—Ms. d’Amiens: Si envoya li dis roys monsigneur Jakemon de Bourbon, son cousin, en le Langhe d’Ock, pour viseter le pays et mettre en saisinne et en possession des 255 villes et des castiaux et des pays les gens le roy d’Engleterre, qui y devoient venir, enssi que couvens se portoit...

En ce tamps fu advisé et regardé de par le consseil d’Engleterre, que chils bons chevaliers messires Jehans Cambdos venroit en Acquittaine prendre le possession des cités, des villes et des pays que li roys englès y devoit tenir, car il avoit mis grant painne au concquerir, tant à le bataille de Poitiers comme ailleurs; et si estoit frans et gentilz de corraige et bien acordables à touttez gens d’onneur, sages et advisés durement: pour chou y fu il envoiiés. Si passa le mer messires Jehans Cambdos et vint en Acquittainne en grant arroy, et prist le possession de toutes les terrez devisées et dittez en le cartre de le pès. Et quitta li dis rois de France à tous seigneurs, barons, chevaliers et escuiers, fois, hommaiges et services, et remist tout en le main dou roy d’Engleterre qui y entra, voirs messires Jehans Cambdos procureres pour lui, ossi purement, ossi quittement que li roys Jehans les tenoit: dont moult despleut à chiaux de le Rocelle, de Saint Jehan, de Poito, de Saintonge, que il les couvenoit y estre englès. Ossi fist il à chiaux de Pontieu, ouquel pays li roys englès envoya monsigneur Gerar de Baudresen, qui fu senescaux de Pontieu et le gouvrenna ung grant tamps. Fº 125.

P. 57, l. 7: prendre.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: la possession et.

P. 57, l. 13: obeir ne yaus rendre.—Ms. A 17: obeyr à eulx ne rendre.

P. 57, l. 14: quoique.—Ms. A 8: combien que. Fº 231.

P. 57, l. 15: venoit.—Mss. A 7, 17: sembloit. Fº 236 vº.

P. 57, l. 15: grant.—Le ms. A 8 ajoute: dommage et.

P. 57, l. 17: le conte.—Ms. A 8: de la conté.

P. 57, l. 19 et 20: le signeur de Taride.—Ces mots manquent dans les mss. A.

P. 58, l. 1: Jakemon.—Mss. A 8, 15 à 17: Jaques.

P. 58, l. 21 et 22: que donc que il fuissent.—Mss. A 8, 15 à 17: que ce qu’ilz feussent.

P. 58, l. 24: escusances.—Ms. A 8: excusacions.

P. 58, l. 27 et 28: enfrainte et brisie.—Ms. A 17: en France brisée.

P. 58, l. 28: par lequel coupe.—Ms. A 17: laquelle chose.

P. 58, l. 30 et 31: moustrances.—Ms. B 3: remoustrances. 256 Fº 246 vº.—Mss. A 8, 15 à 17: paroles.—Le ms. A 7 ajoute: ne paroles.

P. 58, l. 32: à trop grant dur.—Ms. B 3: bien enviz.

P. 58, l. 32: dur.—Mss. A: dureté.

P. 58, l. 32: disent.—Ms. A 8: disoient.

P. 59, l. 1: aourrons.—Mss. A 7, 8, 15: aourerons.—Ms. A 17: adourerons.

P. 59, l. 2: lèvres.—Ms. A 17: mains.

P. 59, l. 2 et 3: li coers ne s’en mouvera.—Mss. A: les cuers ne s’en mouveront.

P. 59, l. 23 et 24: onques... de li.—Ms. B 3: et mieulx que chevalier qu’on sceust trouver de son temps.

P. 59, l. 24: mieus de li.—Ms. A 8: ne y sceut mieulx estre de lui. Fº 231 vº.—Mss. A 15 à 17: ne fist mieulx de lui. Fº 253.

§ 491. Entrues.—Ms. d’Amiens: Assés tost apriès le revenue dou roy Jehan, envoyea li roys englès souffissans hommes de par lui ou royaumme de Franche pour faire wuidier et partir des garnisons touttes mannierres d’Englès qui les tenoient. Et leur commandèrent li dit coummis, de par le roy englès, que, sus à perdre le royaumme d’Engleterre et lez vies, s’on les y tenoit, il se partesissent des fors et des castiaux et remesissent en le main dou roy de Franche et de ses gens. Ceste ordonnanche fu moult griefs pour les pluisseurs qui avoient apris à pillier et à rober, et qui estoient tout amonté et fet de le guerre, et qui, en devant çou, estoient povre garchon et varlet. Si leur ressambla que, s’il retournoient, il ne saroient vivre seloncq l’usaige dont il estoient parti, dont li pluisseur ne veurent mies si tost obeir, et fissent moult de maux ens ou royaumme de Franche, si comme vous orés chy apriès. Et chil qui obeissoient, vendoient les fors qu’il tenoient, as gens dou pays d’environ. Bien est voirs que li chevalier et bon escuier, gentil homme d’Engleterre, obeirent et partirent des villes et des fors qu’il tenoient; mais il avoit Alemans, Flammens, Braibenchons, Haynuiers, Bretons, Bourghignons, mauvais Franchois, Normans, Pickars et Englès de basse venue, qui s’estoient amonté de le gherre et qui n’avoient riens à perdre, fors chou qu’il tenoient. Chil parseverèrent en leur mauvaistié et dissent qu’il les couvenoit vivre. Si se queillièrent et assamblèrent de diviers lieux, et gueriièrent le royaumme ossi 257 fort que devant: dont meismement moult desplaisi au roy d’Engleterre...

En ce tamps estoit li grande Compaigne en Bourgoingne et en Campagne, que on clammoit les Tart Venus, et avoient gaegniet de force le fort castel de Genville et si grant tresor que on avoit dedens assamblés et mis en garde sus le fianche dou fort castiel, que on ne le pooit numbrer, et fu environ le Noël, l’an mil trois cens soissante. De quoy li compaignon qui avoient tout celui pays gastet et exilliet, ars et desrobet, departirent entre eux leur gaaing et leur pillage en grant reviel, et dissent entr’iaux qu’il ne cesseroient jammès de guerriier, car, sans ce, il ne saroient vivre. Si entrèrent en Bourgoingne et y fissent moult de maux, car il avoient de leur acord aucuns chevaliers et escuiers dou pays qui les menoient et conduisoient. Si se tinrent ung grant temps environ Digon et Biaune, et robèrent tout celui pays, car nuls n’alloit au devant; et prirent le bonne ville de Givri en Biaunois et le robèrent et essillièrent toutte, et se tinrent là ung grant temps et entours Vregy, pour le cause dou cras pays. Et toudis acroissoit leurs nombres; car cil qui se partoient des fortrèches et qui leur mestre donnoient congiet, se traioient tout de ceste part. Si furent bien dedens le quaresme quinze mil combatans. Si fissent et eslisirent entr’iaux pluisseurs cappitainnes à qui il obeissoient et se tenoient dou tout.

Si vous en voeil noummer les aucuns: li plus grans mestres entre yaux estoit uns chevaliers de Gascoingne, qui s’appelloit messire Segins de Batefol. Chils avoit de se routte bien deus mil combatans. Si estoient touttes cappitainnes et meneurs des autres, Talebart et Talebardon, Guios dou Pin, Espiote, le Petit Meschin, Batillier, Hannekin Franchois, le bourcq Camus, le bourcq de Bretoeil, le bourcq de l’Espare, Lamit, Naudon de Bagerant, Hagre l’Escot, Albrest, Bourduelle, Carsuelle, Briquet, Ammenion de l’Ortighe, Garsiot dou Castiel et pluisseur autre. Si s’avisèrent ces compaignons, environ le my quaremme, qu’il se trairoient viers Avignon et venroient veoir le pappe et les cardinaux. Si le senefièrent enssi li uns à l’autre par routez et par compagnies, et se devoient tous trouver en Bourgoingne, entre Lions sus le Rosne et Mascons, sus le rivière dou Sone et en ce bon cras pays. Fº 125.

P. 59, l. 27 et 28: de trettié et de pais.—Ms. A 8: et traittié de paix. Fº 231 vº.

258 P. 59, l. 28: commis.—Le ms. A 15 ajoute: et ordonnez. Fº 253.—Le ms. A 17 ajoute: et depputez. Fº 291 vº.

P. 60, l. 3: sus à perdre.—Ms. B 3: à peine de perdre. Fº 246 vº.—Ms. A 7: sus paine à perdre. Fº 237.—Mss. A 8, 15 à 17: sur peine de perdre.

P. 60, l. 12 et 13: d’estragnes nations.—Ms. A 17: d’estrangiers.

P. 60, l. 17: des.—Mss. A: par les.

P. 60, l. 17: au.—Ms. A 15: à.—Ms. A 17: et.

P. 60, l. 20: oultre.—Ms. A 17: contre.

P. 60, l. 25: à pillier.—Ms. A 17: et à pillagier.

P. 60, l. 26 et 27: pourfitable.—Ms. B 6: car telz aloit à dix ou à vingt chevaulx que, se il fust à son ostel, il n’aroit point puissanche de luy monter. Fº 617.

P. 60, l. 28: cueilloient.—Mss. A 8, 15 à 17: recueilloient.

P. 61, l. 4: prisent.—Le ms. B 6 ajoute: en chel yvier. Fº 618.

P. 61, l. 5: Genville.—Ms. A 8: Joinville.

P. 61, l. 12: Vredun.—Mss. A: Verdun.

P. 61, l. 14: vendirent.—Ms. A 8: rendirent.

P. 61, l. 17: Bourgongne.—Ms. B 6: sy en avoit ossy grant route et grant flote en Bourgongne, que on nommoit les Tart Venus. Fº 618.

P. 61, l. 24: Givri.—Ms. A 8: Gyvré. Fº 232.—Ms. A 17: Givrey.

P. 61, l. 26: Vregi.—Mss. A: Vergi, Vergy.

P. 61, l. 30: quinze mil.—Mss. A 2 à 6, 18, 19: seize mil.—Ms. B 6: trente mille. Fº 618.

P. 62, l. 4: Segins.—Mss. A: Seghins, Seguins, Seguin.

P, 62, l. 6: Espiote.—Ms. A 15: Lespiote.

P. 62, l. 7: Batillier.—Ms. A 15: Bataillé, breton. Fº 253 vº.

P. 62, l. 7: Hanekin.—Mss. A: Hennequin.

P. 62, l. 9: Lamit.—Le ms. A 15 ajoute: Maleteire, Hamée, Lescot, bretons.

P. 62, l. 10: Bourduelle.—Ms. A 7: Borduelle.—Ms. A 8: Berduelle.—Ms. A 15: Bourdille.—Ms. A 17: Bourdouelle.

P. 62, l. 12: dou Chastiel.—Le ms. A 15 ajoute: breton.

259 § 492. Li rois.—Ms. d’Amiens: Li roys de Franche entendi ces nouvelles que cez Compaingnes mouteplioient enssi, qui gastoient et essilloient son royaumme. Si en fu durement courouchiés, car il li fut dit et remoustré par grant especialité que ils feroient plus de maux et de villains fès ou royaumme de Franche, enssi que ja faisoient, que li guerre des Englès n’ewist fait. Si eult avis et conseil li rois de France que d’envoiier contre yaux et combattre. Si en escripsi li roys de France especialment et souverainnement deviers son consseil monseigneur Jaquemon de Bourbon, qui se tenoit adonc à Montpellier, et avoit mis nouvellement monseigneur Jehan Camdos en le possession de toutte la ducé d’Acquittainne, si comme chi dessus est contenu. Et li mandoit li dis rois qu’il se feeist chiez contre ces Compaignes et presist tant de gens d’armes de tous costés qu’il fuist fort assés pour yaux combattre. Quant messires Jaquemes de Bourbon entendi ces nouvelles, il s’avalla deviers Avignon et puis deviers Lion sus le Rosne, pour venir au devant contre ces malles gens qui faisoient tous les maus dou monde là où il converssoient. Et pria et manda li dis messires Jaquemes tous les seigneurs, barons, chevaliers et escuiers de là entours. Chacuns y obei vollentiers pour aidier à destruire ces Compaingnes. Fº 125.

P. 62, l. 21: Compagnes.—Ms. A 17: compaignons.

P. 63, l. 9: vers Avignon.—Mss. A 1 et 2, 4 à 6: dever la cité d’Angiers.—Ms. A 3: devers la cité d’Agen.

P. 63, l. 14: maies gens.—Ms. A 17: gens mauvaiz. Fº 292 vº.

P. 63, l. 27: Forès.—Ms. A 8: Foix. Fº 232 vº.

P. 63, l. 30: Renaulz.—Ms. A 8: Raoul.

P. 63, l. 31: la conté.—Ms. A 8: la contesse.

P. 64, l. 3: bellement.—Mss. A 8, 15: liement.—Ms. A 17: doulcement.

P. 64, l. 5 et 6: car... part.—Ms. A 17: contre les Compaignes.

§ 493. Quant ces routes.—Ms. d’Amiens: Quant ces Compaignes entendirent ce, qui se tenoient vers Mascon et vers Chaalons et vers Tournus et en le terre le seigneur de Biaugeu, que li Franchois s’asambloient pour yaux combattre, si se traissent les cappitainnes tous enssamble et eurent avis et consseil comment il se maintenroient. Si nombrèrent entr’iaux leurs gens et leurs 260 routtes, et regardèrent qu’il estoient environ seize mil combatans, uns c’autres. Si dissent enssi entre yaux: «Nous nous meterons as camps et atenderons l’aventure, et combaterons ces Franchois qui s’asamblent contre nous. Se fortune donne que nous les poons desconfire, nous serons tout riche homme et recouvrerons, tant par bons prisonniers que nous prenderons, que par ce que nous serons si doubté et cremus en ce pays et là où nous vorrons aller, que nus ne s’osera mettre contre nous; et, se nous sommes desconffi, nous serons paiiés de nos gages.»

Chilx pourpos fu entre yaux tenus: ils se deslogièrent et montèrent amont deviers les montaignes pour entrer en le comté de Forès, en ce bon cras pays, et s’en vinrent deviers Chierleu, qui est de le comté de Mascons, et assaillirent un jour toutte jour la ditte ville, mais il ne le peurent gaegnier. Puis passèrent oultre et chevauchièrent vers Montbrigon en Forès, gastant le pays, ranchonnant gens et villes à grant fuison et conquerant vivrez à grant plenté; car li pays y est bons et cras et durement plentiveux. Ad ce donc estoit messires Jaquemes de Bourbon en le comté de Forès, car il le tenoit en bail et en gouvernement pour la cause de ses nepveux, enffans dou comte de Forrès qui estoit nouvellement trespassés, qui avoit eu sa serour à femme, laquelle damme vivoit encorres.

Si estoit li dis messires Jakemes durement courouchiés sus ces Compaignes, parce qu’il gastoient et essilloient enssi le pays de sa soer et de ses nepveux, et fist ung très grant mandement auquel vinrent li Arceprestres à bien deux cens lanches, li sires de Grantsi, messires Jehans de Chaalons, messires Robers de Biaugeu, li sires de Villars et de Roussellon, li sires de Tournon, li viscontes d’Uzès, messires Ansseaux de Sallins, messires Jehans de Vianne, messire Hughes de Vianne, messires Jaquemes de Vianne, messires Guillaummes de Toraisse, messires Jehans de Rie, messires Jehans de Montmartin, li sires de Montmorillon, li sires de Gonssaut, li sires de Calençon, messires Henri de Montagut et grant fuison de bons chevaliers et escuiers de Bourgongne, de Savoie, de le daufinet de Vianne, d’Auviergne et des marches là environ, tant à le priière et mandement messire Jaqueme de Bourbon que pour ruer ces Compaingnes jus, qui enssi roboient et essilloient le pays sans title de nulle gherre, fors que par pillage et roberie. Fº 125 vº.

P. 64, l. 9: en.—Ms. A 17: entour.

261 P. 64, l. 15: uns c’autres.—Ms. A 8: que uns, que autres. Fº 232 vº.

P. 65, l. 6: maulz.—Ms. A 17: dommaiges.

P. 65, l. 8: cheminoient.—Mss. A: chevauchoient.

P. 65, l. 12: trois.—Le ms. B 3 ajoute: petites. Fº 247 vº.

P. 65, l. 12: liewes.—Les mss. A 7, 15 à 17 ajoutent: près.

§ 494. Ces gens.—Ms. d’Amiens: Ces gens d’armes assamblés avoecq monseigneur Jaqueme de Bourbon, qui se tenoient à Lion sus le Ronne et là entours, entendirent que les Compaingnes aprochoient [d’iaux] durement et avoient pris le ville et le castiel de Brinay, à trois lieuwes de Lyons, et encorres des autres fors, et gastoient et essilloient tout le pays. Si despleurent moult ces nouvelles à monsigneur Jaquemon de Bourbon et à tous les autres. Si partirent hors de Lions touttes gens d’armes et se missent as camps et prissent le chemin par deviers les ennemis, et envoiièrent leurs coureurs devant pour savoir où il se tenoient. Chil chevauchièrent si avant qu’il trouvèrent les Compaignes rengies et ordounné[es] sus une montaingne. Or vous di que mal[i]cieuzement ces Compaingnes avoient ordonné leur affaire, car il avoient enssi d’iaus repus ou fons d’une montaingne une grosse bataille, et de toutte le mendre et les pis armés il avoient fait moustre et visaige. Dont li coureur des Franchois raportèrent enssi à leurs maistres et seigneurs qu’il avoient veu les Compaignes rengiez et ordounnées sus un terne, et bien aviset; mès, tout conssideret, ils n’estoient non plus [o]u de six mil et cinq cens ou sept mil hommes, et encorres en estoit li droite moitiés moult mal armés.

Quant messires Jacquemes de Bourbon oy che raport, si dist à l’Archeprestre: «Archeprestre, vous m’aviés dit qu’il estoient bien quinze mil combattans, et vous oés tout le contraire.»—«Sire, respondi li Arceprestres, encorres n’en i quide jou mies mains, et s’il n’y sont, c’est tout pour nous. Si regardés que vous vollés faire.»—«En nom Dieu, dit messires Jaquemes de Bourbon, nous les yrons combattre ou nom de Dieu et de saint Gorge.» Là fist arester sus les camps li dis messires Jaquemes de Bourbon touttez ses gens et ses bannierres, en chacune avoit six mil hommes. Et là fist son ainnet fil chevalier, monsigneur Pierre de Bourbon, et son nepveult le jonne comte de Forrez et pluisseurs autres jonnes chevaliers. Et estaubli monsigneur l’Arceprestre en le première bataille, et puis fist chevauchier bannierrez et pignons areement et 262 ordonneement avant par deviers les ennemis. Si n’eurent gairez alet quant il les virent et trouvèrent, et s’enbatirent en un plain où, par desus en le montaingne, li bataille des Compaingnes estoit, dont je parloie maintenant.

Si trestost que chil seigneur de Franche virent le bataille de ces malles gens qui estoit rengie et ordounnée sus le tierne d’encoste yaulx, si n’en fissent que gaber et dissent: «On devoit bien faire si grande assamblée de gens d’armes pour telx gens; toutte li mendre de nos bataillez lez deveroit desconffire.» Lors regardèrent comment il poroient venir jusques à yaux, car grant desir avoient dou combattre. Il leur couvenoit costoiier celle montaingne et passer par dessous assés priès des Compaingnes, s’il volloient venir sus ung estault et ung grant pendant qui ouvroit le chemin de le montaingne. Si prissent li Franchois che chemin, et par especial li bataille l’Arceprestre et monsigneur Jehan de Chaalon et monsigneur Robert de Biaugeu.

Enssi qu’il chevauchoient pour venir à leur avantage, les Compaingnes qui estoient ou terne dessus yaux, [estoient avisées de leur fait]. Il n’en y avoit nulx, quelx qu’il fust, grans ne petis, armés ou desarmés, qui ne fuist pourveus de caillues ou kokus, car la terre où il estoient en estoit toutte plainne. Dont, si trestost qu’il virent venir leurs ennemis, ils s’eslargirent et coummenchièrent à jetter de ces pierrez si dur et si roit sus ces gens d’armes, que nulz n’osoit aller avant s’il ne volloit estre tous confroissiés, et moult de bons chevaliers et escuiers, par leur jet, missent à grant meschief, car chil cailliel agut ou cornut effrondroient bachinès ou cappiaux de fier, con fort qu’il fuissent. Avoec tout chou, en jettant il juppoient, et huioient si hault et si cler quil sambloit proprement que tout li diauble d’infier y fuissent.

Adonc vint leur grosse bataille qui bien estoit rengie et ordounnée, et où toutte li fleur de leurs gens d’armes estoient: messires Segins de Batefol, Petit Mescin, Naudon de Bagerant, le bourcq Camus, Espiote, Batillier, le bourcq de l’Espare, Lamit, Guiot dou Pin, le bourch de Bretuel et pluisseur aultre, tout appert compaignon as armes et fors et durs guerieurs. Evous vinrent sus costé à le seniestre main sus ces Franchois, en escriant leur cri et leurs ensengnes, et crioient: «Aye Dieux, aye as Compaingnes!» Là coummenchièrent il à entrer entre lez Franchois et à ruer jus de cours de chevaux et de cops de glaivez et mettre à 263 grant meschief; car, avoecq tout chou, chil qui estoient en le montaingne, jettoient si ouniement et si vertueusement pierres et caillaus, que li Franchois ne pooient aller avant ne reculler, mès estoient si entrepris de tous lés qu’il ne se pooient aidier.

Là fu très bons chevaliers li Arceprestrez, et moult vassaument se combati, et chil de se route; mès finablement se bataille fu toutte rompue, se bannierre jettée par terre, et chils qui le portoit, mors, et plus d’iaux vingt cinq dallés lui. Et fu li Archeprestres abatus et fianchiez prisons, avoec ce, durement navrés. Là furent pris messires Jehans de Chaalons, messires Robiers de Biaugeu, li sirez de Roussellon, messires Gerars de Salière, li viscomtes d’Uzès; et ochis, li sires de Tournon et li sirez de Montmorillon et pluisseur chevalier et escuier de Bourgoingne, d’Auvergne et des marches de là environ. Là fu navrés à mort chilz gentilz chevaliers, dont ce fu pités et grans dammaigez, messires Jaquemez de Bourbon et fu raportez à Lions, et messire Pierre de Bourbon, ses aisnés fils, ossi navrez à mort, et li jonnes comtes de Forès, ses nepveulx, ossi ochis, et tamaint bon chevalier et escuier de leur route.

Briefment li Franchois furent tout desconfis, et obtinrent les Compaingnes le journée, et prissent ou ochirent à leur vollenté les plus grans de l’ost, dont il eurent puis tamainte bonne raenchon, et moult en adammagièrent le royaumme de France à cel lés, si comme vous orés chi apriès. Ceste bataille fu assés priès de Brinay, à trois lieuwez de Lion sus le Rosne, l’an mil trois cens soissante et un, le douzième jour d’avril. Fº 126.

P. 65, l. 17: se tenoit.—Ms. B 4 et mss. A: se tenoient. Fº 234 vº.

P. 65, l. 19: pris.—Les mss. A ajoutent: et conquis de force.

P. 65, l. 19: le ville.—Les mss. B 3, 4 et les mss. A ajoutent: et le chastel.

P. 65, l. 23: gouvrenance.—Mss. A: gouvernement.

P. 65, l. 26 et 27: et chevaucièrent... ennemis.—Ces mots manquent dans les mss. A.

P. 65, l. 28 et 29: pour... trouveroient.—Mss. A 15 à 17: pour savoir et advisier combien vrayement ilz estoient ne que ilz trouveroyent. Ms. A 17, fº 293 vº.

P. 65, l. 28: savoir.—Les mss. A 7 et 8 ajoutent: et aviser vraiement. Fº 238.

P. 65, l. 31: envoiiet.—Ce mot manque dans les mss. A.

264 P. 66, l. 2 et 3: les mieus à harnas.—Ms. A 8: les mieulx armez et enharnechiez. Fº 233.

P. 66, l. 4: aviset.—Ms. A 8: appensé. Fº 233.

P. 66, l. 4 et 5: euissent bien.—Mss. A: eussent bien eus.

P. 66, l. 5: volsissent.—Ms. A 8: s’ilz eussent voulu. Fº 233.

P. 66, l. 10: veu.—Ms. A 8: veues.

P. 66, l. 11: avisé.—Ms. A 8: avisées.

P. 67, l. 7: Viane.—Mss. A 8, 15 à 17: Vienne.

P. 67, l. 7: vicontes.—Cette bonne leçon ne se trouve que dans le ms. A 8.

P. 67, l. 9: pour.—Les mss. A 7, 8, 15 à 17 ajoutent: leur.

P. 67, l. 14 et 15: plus de quinze cens.—Ms. A 17: quinze cens.

P. 67, l. 17: couvenant.—Ms. A 8: couvine.

P. 67, l. 20: mil.—Ms. A 17: dix mil.

P. 67, l. 22: manière.—Mss. A: avantage.

P. 68, l. 1: com.—Ms. A 8: tant. Fº 233 vº.

P. 68, l. 4: com.—Ms. A 8: tant.

P. 68, l. 8: ses.—Mss. A: son.

P. 68, l. 10: que il n’ouvrèrent.—Ms. A 17: qui moururent. Fº 294 vº.

P. 68, l. 15: se tenoient.—Mss. A 1 à 6, 8, 17: estoient.

P. 68, l. 16: eslongiés.—Ms. A 8: esloingniez.

P. 68, l. 24: ressongnast.—Ms. B 3: craignist. Fº 248 vº

P. 69, l. 2: escriant.—Les mss. A ajoutent: tout.

P. 69, l. 3: reversèrent.—Ms. A 8: renversèrent.

P. 69, l. 4: riflic.—Mss. B 3, A 1 à 6: rifflis.—Ms. A 7: rifllich. Fº 239.—Ms. A 8: riffleis.—Ms. A 17: riffles. Fº 295.

P. 69, l. 9 et 10: entrepris.—Ms. B 3: pressé.

P. 69, l. 11: prisonnier.—Mss. B 4 et A: prison.

P. 69, l. 13 et 14: besongne.—Le ms. A 6 ajoute: dont vous oyez compter. Fº 238 vº.—Les mss. A 7, 8, 15 ajoutent: dont vous oez parler.—Le ms. A 17 ajoute: que vous oyez compter.

P. 69, l. 14: eurent.—Le ms. A 7 ajoute: là.—Le ms. A 8 ajoute: pour lors.

P. 69, l. 14: pieur.—Ms. A 17: pis.

265 P. 69, l. 18: vicontes.—Cette bonne leçon est fournie par les mss. A 8, 15; tous les autres manuscrits donnent: conte.

P. 69, l. 20: dur.—Mss. A 6, 7, 15 à 17: paine.—Ms. A 8: durté.

P. 68, l. 29 à p. 69, l. 25: Et avoient... Pasques.—Ms. B 6: Entre ches compaignons avoit bien mille lanches de ossy bonnes gens et ossy bien montés et armés que on peuist estre, qui encores estoient tous fret et tout nouvieaulx. Quant la prumière bataille de l’Archepestre fu rompue, et s’en vinrent autour de celle montaigne as cours de chevaulx ferir sur costé sur ches gens d’armes, et en ruèrent jus des prumiers venans plus de cinq cens. Là eult grant bataille et forte. Et trop vaillanment s’i portèrent ches Compaignes, et demora la plache pour euls, et y prirent plus de mille bons prisonniers. Et furent pris ly Archeprestre, le sire de Tournon messire Robert, messire Lois de Bieaugeu, le sire de Calençon, messire Renault de Forès, messire Gerart de Salière, le sire de Benay, le sire de Roussillon, le sire de Groulée, messire Jehan de Chalon et pluiseurs aultres, et mors messire Pierres de Bourbon et le jone conte de Forès, et navrés à mort, dont che fu pitié et damaige, messire Jaques de Bourbon, et fu raportés à grant meschief à Lions. Ensy obtinrnet ches Compaignes la plache et leur demora le journée, qui fu l’an mil trois cens soissante et un, le dix huitième jour en avril. Fº 622.

§ 495. Trop furent.—Ms. d’Amiens: Apriès ceste bataille de Brinay, où chil qui y furent pour combattre ces Compaingnes, rechurent si grant dammaige que tout y furent mort ou pris ou en partie, les Compaignes menèrent bien le tamps à leur vollenté en celi pays, car nus n’alloit à l’encontre, mès chevauchoient partout où qu’il voulloient, et gastoient et ranchonnoient tout le pays. Si s’en vint messires Seghins de Batefol demourer et sejourner à Anse, une ville sus le Sone, à une lieuwe de Lions, et le fist fortement remparer et fortefiier. Et tenoit ou dit fort ou là environ, en petis fors qu’il avoient pris, bien trois mille combatans qui ranchonnoient tout le pays, le terre le seigneur de Biaugeu, le comté de Mascons, le comté de Forès, le basse Bourgoingne, l’arceveskiet de Lions et une partie de l’Auvergne.

Or avint, apriès chou, que ces Compaignes eurent rués jus ces gens d’armes, si comme vous advés oy, et qu’il eurent departi leur butin et leur conquest et ranchonnet leurs prisonniers, il 266 s’espardirent et s’avallèrent deviers le chité d’Auvignon, ardant et essillant le pays partout là où il passoient, pour yaux faire plus cremir, et prendoient villes et fors et les assailloient et les ranchonnoient as vivres et as pourveanches, quant il leur besongnoit, ou à grant somme de florins, quant il avoient pourveanches assés. Si entendirent que, au Pont Saint Esperit, à sept lieuwez d’Auvignon, il y avoit grant avoir et grant tresor dou pays d’environ qui là estoit rassamblés et mis sus le fianche de le fortrèche. Si regardèrent entre yaux, se il pooient prendre le Pont Saint Esperit, il leur vauroit trop, car il seroient mestre et signeur dou Rosne et de ciaux d’Auvignon.

Si estudiièrent tant et jettèrent leur advis que, à chou que j’ay depuis oy recorder, Batillier, Guiot dou Pin, Lamit, Petit Meschin, le bourch Cammus, Espiote et le bourc de l’Espare, chevauchièrent et leur routes une nuit toutte nuit bien quinze lieuwez, et vinrent sus le point du jour à le ville dou Pont Saint Esperit, et l’esciellèrent et le prissent et tous ceux et touttes celles qui dedens estoient: dont che fu grans pités, car il y ochirent tamaint preudomme et violèrent tamainte damme et dammoiselle. Et y concquisent si grant avoir que sans nombre et grandes pourveanches pour vivre ung an ou deux, et pooient courir, s’il leur plaisoit et ensi qu’il faisoient, ung jour en l’Empire, l’autre en Franche, car li ville dou Pont Saint Esperit siert à deus royaummes. Si se ravalèrent et rassamblèrent là tout li compaignon, et couroient tous les jours jusquez as portez d’Auvignon, de quoy li pappes et tout li cardinal estoient en grant angouisse et en grant paour. Et avoient ces Compaingnes dou Pont Saint Esperit fait un cappitainne souverain entre lez autres, c’estoit messires Seghins de Batefol, et s’escripsoit en ses lettres et se faisoit adonc coummunement appeler: amis à Dieu et ennemis à tout le monde. Fº 126 rº et vº.

P. 69, l. 29: fremesist.—Mss. A 8, 15: fremist. Fº 234.

P. 70, l. 2: moult.—Le ms. A 8 ajoute: esbahis et.

P. 70, l. 2: effraé.—Mss. A 1 à 6, 17: esbahis.

P. 70, l. 6: et destourbé de le navrure.—Ms. A 8: de la destourbe.

P. 70, l. 8: bellement.—Ms. A 8: doucement.

P. 70, l. 9: estoit.—Ms. A 8: estoient.

P. 70, l. 10: siècle.—Le ms. A 6 ajoute: en l’autre.

267 P. 70, l. 12: nient.—Ms. A 6: mye.—Mss. A 8, 15 à 17: guerres.

P. 70, l. 12 et 13: puissedi.—Mss. A 6, 17: après.—Mss. A 8, 15: depuis.

P. 70, l. 21: comme en.—Les mss. A ajoutent: raençons de.

P. 70, l. 30: part.—Mss. A 6, 7, 15: route.—Mss. A 8, 17: compagnie.

P. 71, l. 1: remparer.—Mss. A 8, 17: reparer.

P. 71, l. 2: environ celle marce.—Mss. B 3, 4 et mss. A: là environ sus celle marche.

P. 71, l. 4: le Sonne.—Ms. B 1: le Loire.

P. 71, l. 6 et 7: Marcelli.—Ms. A 15: Marsilly. Fº 256 vº.

P. 71, l. 9 et 10: Bernardet.—Mss. A: Bernart.

P. 71, l. 10: Lamit.—Ms. A 15: La Mite, Maleterre, breton. Fº 256 vº.

P. 71, l. 11: Lespare.—Le ms. A 15 ajoute: Bataillié.

P. 71, l. 15: en ce contour.—Ms. A 8: entour.

P. 71, l. 28 et 29: li compagnon.—Ms. A 8: les Compaignes.

P. 71, l. 30: vaurroit.—Ms. A 8: vaudroit.

P. 72, l. 1 et 2: Batillier... Meschin.—Ms. A 15: Bataillié, le breton, Guiot du Pin, La Mitte, Maleterre, aussi breton, et le Petit Meschin.

P. 72, l. 14: ens ès.—Ms. A 8: aux.

P. 72, l. 18: souverain.—Le ms. A 15 ajoute: auquel trestouz obeissoient.

P. 72, l. 20: monde.—Les mss. A 20 à 22 ajoutent: telz noms et autres semblables qu’ilz trouvoient sur leurs mauvaistiés donnoient ilz à leurs capitaines.

§ 496. Encorres avoit.—Ms. d’Amiens: Encorres avoit adonc grant fuisson, en France et en pluisseurs marces, de ces pilleurs englès et autres qui volloient, ce disoient, vivre, et tenoient encorres grant fuisson de castiaux et de forterèches qu’il avoient gaegniet, et desroboient fortement le pays où il converssoient meysmement en Campaigne et en Brie, et entre Paris et Orliiens, et entre Paris et Cartres, et en le comté de Blois, en Ango, en Mainne et en Tourainne, coumment que bonne pais fust faite, et coumment que li roys de Franche et li roys d’Engleterre s’appellaissent frerre, et que li comte et li baron et les bonnes 268 gens de l’un pays et de l’autre fuissent tout amit enssamble. Mais, quant chil pilleur et chil robeur, qui se tenoient en diviers lieux ou royaumme de Franche, entendirent que leur compaignon avoient ruet jus monseigneur Jaquemon de Bourbon et bien deus mil chevaliers et escuiers, et pris tamaint bon et riche prisonnier, de recief pris et concquis le ville dou Pont Saint Esperit et si grant avoir dedens que sans nombre, et qu’il penssoient qu’il conquerroient assés tost Auvignon et toutte Prouvenche, chacuns eut en proupos d’aller celle part, en convoitise de plus gaegnier. Si laissièrent li plus les fors qu’il tenoient et les vendoient à bon marchiet, ou il les rendoient parmy tant qu’il pooient segurement, yaux et le leur, cevauchier parmy le royaumme de Franche. Enssi s’aroutèrent et s’asamblèrent et s’acompaignoient, et tout s’avallèrent viers Auvignon, sus l’esperanche de plus pillier. Fº 126 vº.

P. 72, l. 24: quoique.—Mss. A 8, 15: combien que.

P. 72, l. 24: commis.—Le ms. A 15 ajoute: depputez. Fº 257.

P. 72, l. 28: pillars.—Mss. B 3, 4, et mss. A: pilleurs.

P. 73, l. 4: Avignon.—Ms. A 15: la bonne cité d’Avignon.

P. 73, l. 7: en convoitise.—Ms. A 15: en convoitant tousjours de plus mal faire. Fº 257.

P. 73, l. 7: pluiseurs maulz.—Mss. A: plus mal.

§ 497. Quant li papes.—Ms. d’Amiens: Quant li pappes Ynocens VIme et li collèges de Romme se virent enssi vexé et gueriiet par ces maleoittez gens, si en furent durement esbahi et ordounnèrent une croiserie sour ces mauvais crestiiens qui destruisoient crestienneté enssi que les Wandres fissent jadis, et gastoient tous les pays sans cause et roboient sans deport quant qu’il pooient trouver, et violloient femmes vielles et jonnes sans pité, et tuoient hommes, femmes et enfans sans merchy, qui riens ne leur avoient meffait; et qui plus de villains fès y faisoit, c’estoit li plus preus et li mieux parés. Si fissent li pappes et li cardinaux sermounner de le croix partout publiquement, et absolloient de painne et de couppe tous chiaux qui prendoient le croix et qui s’abandonnoient de corps et de vollenté pour destruire celle mauvaise gent et leur compaignie.

Et fissent monseigneur Pierre, cardinal d’Arras et d’Ostie, cappittainne de celle croiserie, qui assés tost se trai hors d’Auvignon et s’en vint demourer et sejourner à Carpentras, à quatre 269 lieuwes d’Auvignon, et retenoit touttes mannierrez de gens et de saudoiiers qui venoient deviers lui et qui volloient sauver leurs anmes et acquerre les pardons de celle croiserie. Pluisseurs gens allèrent celle part, chevaliers et escuiers et autres, qui quidoient avoir grans biensfais dou pappe avoecq les pardons deseure dis, mès on ne leur volloit riens dounner. Si s’en partoient et s’en alloient li aucun en Lombardie, li autre retournoient en leur pays, et li autre se mettoient en le mauvaise compaignie qui toudis acroissoit de jour en jour; et se departirent en pluisseurs Compaignies et fissent otant de cappitainnes comme de Compaigniez. Fº 126 vº.

P. 73, l. 13: maleoites.—Mss. A 1 à 7, 17: maudites.

P. 73, l. 14: croiserie.—Mss. A 6, 17: croisiée, croisée.

P. 73, l. 15: crestienneté.—Mss. A: crestienté.

P. 73, l. 16: Wandeles.—Mss. A 7, 17: Wandes.—Mss. A 8, 15: Wandres.

P. 73, l. 28: eslisirent.—Ms. A 7: eslirent.—Mss. A 8, 15 à 17: esleurent.

P. 73, l. 29: dou Moustier.—Mss. A 7, 8, 15: du Monestier.

P. 74, l. 1: quatre.—Ms. A 6: six.—Mss. A 2, 17 à 19, 23 à 29: sept.

P. 74, l. 4: acquerre.—Ms. A 8: acquerir.

P. 74, l. 9: pays.—Ms. A 8: hostelz. Fº 235.

P. 74, l. 13: comme.—Le ms. A 15 ajoute: ilz estoient. Fº 257 vº.

§ 498. Ensi herriièrent.—Ms. d’Amiens: Enssi heriièrent il et gheriièrient le pappe et les cardinaus et les marchez d’entour Auvignon, et y fissent mout de maux jusques bien avant en l’estet l’an mil trois cens soissante et un, et que li pappez et li cardinal s’avisèrent d’un moult gentil chevalier et bon guerieur, le marquis de Montferrat, qui avoit grant temps tenu gerre contre les seigneurs de Melans et encorrez faisoit. Si le mandèrent, et il vint en Auvignon. Si y fu moult festiiés et honnourés dou pappe et de tous les cardinaux. Là fu traitiet deviers lui que, parmy une grande somme de florins qu’il devoit avoir, il metteroit hors de le terre dou pappe et de là environ les Compaignes, et les enmenroit en Lombardie. Si traita li dis marquis de Montferrat devers les cappitainnez des Compagnes, et les amena ad ce 270 que, parmy soissante mil florins qu’il eurent pour departir entr’iaux et ossi grans gaiges que li dis marquis leur dounnoit ou devoit dounner, il s’acordèrent à chou qu’il yroient en Lombardie, et, avoecq tout chou, il seroient absols de painne et de couppe. Tout ce fait, acompli et acordé et les florins pris, il rendirent le ville dou Pont Saint Esperit et laissièrent le marche d’Auvignon et passèrent oultre avoecq le dit marquis, dont li roys de Franche et tous li royaummes furent durement resjoys, quant il se virent quitte de telx gens.

Enssi fu li royaummes plus à pais, ce fu bien raisons, quant ces Compaignes en furent parties par le pourkach dou Saint Père et des cardinaus et dou marquis de Montferrat, qui en fist trop bien se besoingne sus les seigneurs de Melans, et concquist villes et castiaux et pays sus yaux, et eut pluisseurs rencontres et escarmuchez contre yaux pour lui. Et le missent ces Compaignes dedens un an ou environ tout au dessus de sa guerre, et li fissent avoir sen entente des seigneurs de Melans, qui pour le temps regnoient, messire Galeas et messire Bernabo. Et quant il li eurent sa guerre achievée, il revinrent par routtes et par petittes compaignies par dechà les mons. De quoy li pluisseur, qui avoient assés gaegniet et qui estoient tout soellé de gueriier, se retraioient en leur pays et en leur marches, et li aucun se rassambloient comme devant et faisoient guerre.

Dont il avint que messires (Segins[481]) de Batefol prist, embla et esciella une bonne chité en Auvergne c’on dist Brude, et siet sour le rivierre d’Allier. Si se tint là dedens plus d’un an, et le fortefia tellement qu’il ne cremoit nul homme; et couroit tout le pays d’environ jusques au Puy, jusquez à le Casse Dieu, jusquez à Cleremont, à Montferrant, à Rion, à le Nonnette, à Blière, à Oudable, à Cillach et toutte le terre le comte Daufin, qui estoit pour le temps hostagiiers en Engleterre, et y fist trop durement de grans dammaigez. Et quant il eut honny et apovri le pays de là environ, il s’en parti par accord et en mena tout son pillage et son grant tresor, et se retraist en Gascoingne, dont il estoit. De lui ne sai je plus avant, fors tant que jou oy depuis compter qu’il morut assés mervilleusement. Dieux li pardoinst tous ses meffaix! Fº 127.

271 P. 74, l. 14: herrièrent.—Mss. A 8, 15: guerrioient.—Ms. A 17: herioient.

P. 74, l. 20: Melans.—Mss. A 8, 15 à 17: Milan, Millan.

P. 74, l. 26: menroit.—Mss. A 7, 8: enmenroit. Fº 240.

P. 74, l. 30: ordonna.—Mss. A: donna.

P. 75, l. 10: cose.—Ms. A 8: paix. Fº 235 vº.

P. 75, l. 14: Pieumont.—Mss. A 8, 17: Piemont.

P. 75, l. 18: à sen... pourfit.—Ms. B 4 et mss. A: à l’onneur et prouffit de lui. Fº 237.—Ms. A 17: à l’onneur et prouffit d’eulx et de lui. Fº 297.

P. 75, l. 30: esciella.—Ms. A 8: exilla.

P. 76, l. 5: l’Arsis.—Ms. A 17: l’Assis.—Ms. A 8: Laisis.—Ms. A 6: Lasis.—Mss. B 3, 4: Darsis.

P. 76, l. 10: grant tresor.—Ms. B 6: et avoit bien de finanche chil messire Seghins trois cens mille frans. Fº 624.

P. 76, l. 11: dont il... issus.—Mss. A: dont il s’estoit partis et issus.

P. 76, l. 14: meffais.—Le ms. A 15 ajoute: se il lui plaist. Fº 258.

§ 499. En ce temps.—Ms. d’Amiens: En ce tamps trespassa li dus de Lancastre.

En ce tamps trespassa li jones dus de Bourgoingne, qui s’apelloit messires Phelippes, par laquelle mort vaqièrent pluisseur pays, car il estoit grans sirez durement: premierement, ducs de Bourgoingne, comtes de Bourgongne, comtes d’Artois et de Boulongne, palatins de Brie et sirez des foires de Campaingne, et avoit à femme une jone dammoiselle, fille au comte Loeys de Flandrez, de l’une des filles le duc Jehan de Braibant. Dont il avint que, par proïsmeté, madamme Margerite, mère au comte de Flandrez dessus dit, se traist à le comté d’Artois et à le comté de Bourgoingne, et en fist foy et hoummaige au roy de France. Ossi messires Jehans de Bouloingue se traist par droite hoirie à le comté de Bouloingne et en devint homs au roy de Franche.

Avoecq tout ce, li roys Jehans de Franche, par proimetet, retint et prist le duché de Bourgoingne et tous les drois de Campaingne. Dont il avint que li roys Charles de Navarre se traist avant par mannierre de callenge, et dist et proposa que la ducé de Bourgoingne par proïsmeté li estoit esceuweet devolue, mès ses moustranches ne peurent y estre de nulle valleur: dont il et si frerre deffiièrent le 272 roy de Franche et le royaumme, et le coummenchièrent à gueriier fortement et durement, et missent à Mantes et à Meulent grans garnisons qui guerioient et travilloient malement le Normendie. Et n’osoit nuls aller entre Paris et Roem, ne entre Roem et Kem, ne entre Kem et Ewrues, ne entre Ewrues et Chierebourcq, ne partout sus le marinne. Et d’autre part li rois de France tenoit contre lui, sus le marce de Normendie et d’Ewrues, grant fuison de gens d’armes qui deffendoient le pays contre les Navarrois. Fº 127.

P. 76, l. 19: Mehaut.—Mss. A: Mahaut, Mahault.

P. 76, l. 22: Haynau.—Le ms. A 17 ajoute: sa femme.—Ms. A 7: sa fame.

P. 76, l. 22: la mainsnée.—Ms. A 8: l’autre. Fº 235 vº.

P. 76, l. 26 et 27: et monsigneur... poursievir.—Ms. A 17: d’ore en avant entendrons à poursuivir le traittié.

P. 77, l. 5: vaghièrent.—Ms. A 8: escheirent. Fº 236.

P. 77, l. 9: et.—Ms. A 8: lequel.

P. 77, l. 10: damoiselle.—Ms. A 8: dame.

P. 77, l. 19: proismeté.—Mss. A 8, 15: prouchaineté.—Ms. A 17: proximité.

P. 77, l. 20: Campagne.—Ms. A 8: Champagne.

P. 77, l. 20 et 21: desplaisi.—Mss. A: despleut.

P. 77, l. 24: nulle cose.—Mss. A: riens.

§ 500. En ce temps.—Ms. d’Amiens: En ce tamps vint en pourpos et en devotion au roy Jehan de Franche qu’il yroit en Auvignon veoir le pappe et les cardinaux, tout jeuant et esbatant et visetant le ducé de Bourgoingne, qui nouvellement li estoit esceue. Et fist li dis roys faire ses pourveanches, et se parti de Paris environ le Saint Jehan l’an mil trois cens soissante deus, et laissa monseigneur Charlle, son aisnet fil, le ducq de Normendie, regent et gouvrenneur dou royaumme de Franche. Si enmena li dis rois avoecq lui monseigneur Jehan d’Artois, comte [d’Eu[482]], son cousin, et que moult amoit, le comte de Tamkarville, le comte de Dammartin, monsigneur Bouciqau, monsigneur Ernoul d’Audrehen, monseigneur Tristran de Maignelers, le grant prieur de Franche et pluisseurs autres. Et chemina li roys à petittes journées 273 et à grans sejours, de bonne ville en bonne ville, et vint environ le Nostre Damme en Auvignon, où il fu grandement conjoïs et festiiés dou pappe et de tout le collège. Si se tenoit li roys et tous ses hostelx à Villenove dallés Auvignon. Là fu li roys de Franche tout le temps de l’ivier enssuiwant et le quaremme.

Car le Noël, li pappes Ynocens trespassa. Si furent li cardinal en grant discort de faire un pappe entre yaux et ne l’i peurent trouver ne acorder; car il en y avoit pluisseur de quoy chacuns tiroit à estre papes. Par cel discort fu esleus li abbes de Saint Victor de Marselle, qui estoit moult sains homs et de belle vie, grans clers, et qui moult avoit travilliet pour l’Eglise en Lombardie et ailleurs. Si eut à nom cilz papes Urbains li cinqimes, et regna noblement et puissamment tant qu’il vesqui, et tint l’Eglize en bonne prospérité.

Assés tost apriès se creation, entendi li roys de France que messires Pierres de Luzegnem, rois de Cippre et de Jherusalem, devoit venir en Auvignon. Si dist li roys de France qu’il atenderoit sa venue, car moult grant desir avoit de lui veoir, pour les biens qu’il en avoit oy recorder et le guerre qu’il avoit faite as Sarrazins; car voirement avoit li roys de Cippre pris nouvellement le forte chité de Satalie sus les ennemis de Dieu, et ochis tous ceux et celles qui dedens furent trouvet. Fº 127.

P. 78, l. 8: regent... de France.—Mss. A 8, 15: et le fist son lieutenant par tout le royaume de France. Fº 236.

P. 78, l. 10: germain.—Ms. A 8: bien prouchain.

P. 78, l. 14: Maignelers.—Ms. A 8: Maglers.

P. 78, l. 18: [la feste de Noël]. Cette bonne leçon est fournie par le ms. A 8, fº 236, et par le ms. A 15, fº 258 vº. On lit dans les mss. B et les mss. A 1 à 7, 11 à 14, 17 à 19, 23: la Saint Michiel.

P. 78, l. 22: pape.—Le ms. A 8 ajoute: Urbain.

P. 78, l. 26: le.—Ms. A 8: ce.

P. 78, l. 32: se misent et arrestèrent.—Ms. A 8: se mist et arresta.

P. 79, l. 5: eslisirent.—Mss. A 8, 15 à 17: esleurent.

P. 79, l. 7: travilliet.—Mss. A 7, 15 à 17: traveillié. Fº 241.—Ms. A 8: travaillié.

P. 79, l. 9: vint.—Les mss. A 7, 8 ajoutent: en Avignon.

P. 79, l. 15: Lusegnon.—Ms. A 8: Lusignen.—Ms. A 17: Lunon.

274 P. 79, l. 16: apassé.—Mss. A: passé.

P. 79, l, 23: y.—Mss. A: dedens.

§ 501. En ce mesme.—Ms. d’Amiens: En ce meysme tamps et en cel yvier, eult grant parlement en Engleterre sur les ordonnances dou pays et especialment sur les enfants du dit roy englès, car on regarda que li princhez de Ghalles tenoit grant estat et noble; et bien le pooit faire, car il estoit vaillans homs durement, mès il laissoit ce bel et grant hiretaige d’Aquitaine où tous biens et toutte plenté estoit. Se lui fu remoustret et dit que il volsist traire celle part, car il y avoit bien terre en la duché pour tenir si grant estat qu’il vorroit. Ossi li baron et li seigneur dou pays le volloient avoir dallés yaux, et bien appertenoit qu’il y fuist et qu’il en ewist les prouffis, car il avoit rendut graint painne à gaegnier.

Li prinches s’i acorda assés legierement, et fist faire ses pourveanches et ordounna son arroy pour venir en Gascoingne. Encorres fu ordounné en Engleterre que messires Lions, frères secons dou prince, qui s’appelloit et escripsoit comtes de Lunester, de par madamme sa femme, laquelle avoit grant droit au royaumme d’Irlande, fust dus de Clarenche noummés en avant. Adonc fu ossi ordonnés et creés messires Jehans, li tiers des enfans apriès, à estre dus de Lancastre, qui devant s’appelloit comtes de Richemont; car la ditte duché lui estoit esceuwe l’année devant par le mort dou duc Henry de Lancastre, qui fu pères à madamme Blanche, femme au ducq Jehan dessus dit, et ossi à madamme Mehaut, qui fu comtesse de Haynnau et eult à mari le comte Guillaumme, filz à le comtesse Margerite et frères à monsigneur le duc Aubert et à monsigneur le duc Oste.

Et encorres fu adonc proposet entre les sages d’Engleterre et regardé que, se messires Ainmons, quars filz dou roy d’Engleterre, pooit venir ad ce grant marriaige de le fille dou comte de Flandres, qui estoit atendant de très grant hiretaige, ce seroit ungs grans sires et dont li Englès poroient avoir ung grans confors par dechà le mer, s’il leur besongnoit. Mais, quoy qu’il le proposaissent, il n’en traitièrent mies si trestost. Ains regardèrent li roys et ses conssaux couvertement coumment ne par qui il en poroient faire traitier et atraire le conte de Flandres à amour. Si laissièrent ceste cose reposer encorres un petit.

Si entendirent à faire l’obsecque de madamme la royne Ysabiel, mère dou roy englès, qui estoit nouvellement trespassée. Et fu 275 ensevelie as Cordeliers, à Londres, et ses obsèques fais moult honnorablement. Et là furent tout li baron de Franche qui ostagier estoient pour le roy de Franche, avoecques les seigneurs et les prelas d’Engleterre. Fº 127 vº.

P. 79, l. 30: laioit.—Ms. A 6: laissoit. Fº 240 vº.—Ms. A 7: leuoit. Fº 241 vº.—Mss. A 8, 15: avoit. Fº 236 vº.—Ms. A 17: aroit. Fº 298 vº.

P. 80, l. 15: le Rocelle.—Mss. A: la Rochelle.

P. 80, l. 16: Nous.—Les mss. A 8, 15 à 17 ajoutent: nous.

P. 80, l. 20: Lyonniaus.—Ms. A 7: Leonniel.—Mss. A 8, 15 à 17: Leonnel.

P. 80, l. 22: de Dulnestre.—Mss. A 8, 15: de Duluestre.—Ms. A 17: de Luestre. Fº 299.

P. 80, l. 32: veve.—Ms. A 7: veuve.—Mss. A 8, 15 à 17: vesve.

P. 81, l. 12: ains.—Ms. A 8: avant. Fº 237.

§ 502. Sitost que.—Ms. d’Amiens: Assés tost apriès, se departi d’Engleterre li prinches de Galles et de son hostel de Berkamestede, à vingt lieuwes de Londres, où il s’estoit tenus tout le temps en grant reviel avoecquez madamme la princhesse sa femme, qu’il avoit par amours prise à espeuse et à compaigne, de se vollenté, sans le sceu dou roy son père, laquelle damme avoit estet fille dou comte Ainmon de Kent, oncle dou roy englès. Et avoit la ditte damme estet mariée en devant à che bon chevalier monsigneur Thummas de Hollande, de qui elle avoit des biaus enfans. Si vint madamme la roynne d’Engleterre, environ le Noël, à Berkamestede prendre congiet à son fil le prinche et à sa fille le princesse, et fu layens avoecq yaux environ cinq jours, puis s’en retourna à Windesore et tint là son Noël. Et tantost après les festes, li princes et li princesse et tous leurs arois vinrent à Hantonne et entrèrent là ens ès vaissiaux appareillés pour yaux. Si nagièrent tant et singlèrent avoecq le conffort dou vent qu’il arivèrent à le bonne ville de le Rocelle, où il furent recheu à grant joie, moult festiiet et bien honneré; et leur dounna on et presenta grans dons et biaux jewiaux.

Si tost que messires Jehans Cambdos, qui grant tamps avoit gouvrenné le duché d’Acquittainne et touttes les terres appertenans et respondans à celle, sceut la venue dou prinche et de la 276 princesse, qu’il estoient avenut et arivet à le Rocelle, il en fu durement joieans et se parti de Niorth, où il se tenoit, et s’en vint à belle compaignie de chevaliers et d’escuiers deviers monseigneur le prinche. Si se conjoïrent et festiièrent grandement, quant il se trouvèrent et encontrèrent. Assés tost apriès, vinrent veoir et conjoïr le prinche li signeur de Poito et de Saintonge qui estoient ou pays, et par especial chilx bons chevaliers messires Guichars d’Angle, qui avoit juret et voet, ou kas que li roys de Franche l’avoit rendu au roy d’Engleterre et quitté de foy et d’oummaige, qu’il seroit ossi loyaux au roy d’Engleterre qu’il avoit estet au roy de France; et bien le moustra depuis voirement, si comme vous orés avant en l’istoire.

Je ne vous puis mies tout dire, ne recorder les festez, les honneurs, les gistes, les sejours, les alers ne les venirs dou prinche, qu’il fist et c’on li fist ossi, à ce donc, quant venu fu en Acquittainne, comme sires et souverains, pour mettre et pour oster senescaux, bailliux et tous offisciiers à se vollenté, car trop y fauroit de parolles; mès ad ce commencement, il y fu durement ammés d’uns et d’autres, et aprist à connoistre les gentilz hommes et le pays. Si s’esbatoit et jewoit avoecq yaux, et petit acroissoit et montoit son estat, et le tint dedens l’année si grant, si noble et si puissant que on se pooit esmervillier où on prendroit ce que on fretioit en son hostel, tant de par lui que de par madamme la princesse. Et fist monseigneur Jehan Cambdos connestable et regart souverain apriès lui de toutte la duché d’Acquittainne, liquelx tenoit ossi grant estat et bien estoffet. Et avoit li princes, pour son hostel et à se delivrance, toudis dou mains vingt huit chevaliers et bien troix tans d’escuiers. D’autre part, la princesse estoit bien acompaignie de dammes et de dammoiselles.

Si venoient veoir le prinche en Angouloime, où il se tenoit le plus, li baron et li chevalier de Gascoingne, li comtes d’Ermignach, li sires de Labreth, li sires de Pummiers, li sires de la Barde, li sires de Courton, li comtes de Pieregorth, li comtes de Cominignez, li viscomtes de Quarmaing, li captaux de Beus, li sirez de Muchident et li autre, dont grant fuison en y avoit qui tout estoient si homme de foi et d’ommaige parmy le tretiet de le pais. Et il les conjoïssoit et requeilloit liement et doucement, et faisoit tant à che coummenchement que tout l’amoient et honnouroient comme leur seigneur, et li disoient que sans royaumme c’estoit li plus grans du monde, et qui plus pooit mettre de bonnes gens d’armes 277 enssamble. Or lairons dou prince et revenrons au roy de Franche. Fos 127 vº et 128.

P. 81, l. 19: et.—Mss. A 7, 15 à 17: de.—Ms. A 8: a.

P. 81, l. 23: ilz.—Mss. A 8, 15: eulx.

P. 81, l. 24: se.—Ms. A 17: le.

P. 81, l. 24: se cognissoient.—Ms. A 15: s’entrecognoissoient.

P. 81, l. 26: chevalier.—Les mss. A 8, 15 ajoutent: et escuiers.

P. 81, l. 30: dou.—Ms. A 8: de.

P. 82, l. 1: tout dis.—Mss. A 8, 15 à 17: tousjours.

P. 82, l. 3 et 4: s’acointa.—Mss. B 3, 4 et mss. A: s’acquitta.

P. 82, l. 8: fais.—Le ms. A 8 ajoute: capitaine. Fº 237.

P. 82, l. 10: Guiçars.—Ms. A 15: Guichart. Fº 259 vº.

P. 82, l. 13 et 14: ces seneschaudies.—Mss. A 8, 15 à 17: ses seneschaucées, ses seneschaucies.

P. 82, l. 17: aloit.—Mss. A: ala.

§ 503. Environ le Candeler.—Ms. d’Amiens: Environ le Candeler, l’an de grasce mil trois cens et soissante deus, vint li roys de Cippre en Auvignon, de laquelle venue li cours fu durement resjoïe, et allèrent pluisseurs cardinaux contre lui et l’amenèrent au palais deviers le pappe Urbain, qui liement et doucement le rechupt. Ossi fist li roys Jehans de Franche, qui là estoit presens. Et quant il eurent là estet une espasse et pris vin et espisses, li doy roy se partirent dou pappe, et se retraist chacuns à son hostel. Che tierme pendant, se fist uns gages de bataille devant le roy de Franche à Villenove, dehors Auvignon, de monsigneur Ainmenion de Pumiers et de monsigneur Fouque d’Archiac. Quant il se furent combatu bien et chevalereusement assés enssamble, li roys de Franche fist tretier de le pès et les acorda. Or se tinrent chil doy roy dessus noummet tout ce quaresme en Auvignon, et visetoient souvent le pappe.

Si avint pluisseurs fois en ces visitations que li roys de Chippre remoustra au pappe, present le roy de Franche et les cardinaux, coumment, pour sainte chrestienneté, che seroit noble cose et digne, qui ouveroit le saint voiaige d’outre mer et qui iroit sour les ennemis de Dieu. Dont sachiés que li roys de Franche y entendoit vollentiers, et en conssienche s’en sentoit chargiés et tenus 278 pour le cause que li roys Phelippes, ses pères, emprist et encharga jadis le crois, et voa à faire le voage, et point ne le fist; car les gherres d’Engleterre li vinrent si sur le main qu’il lui couvint cesser sa devotion. Or à maintenant che proposoit li roys Jehans de Franche pais au roys englez, et li seroit chilx voiaiges bien seans pour acquitter l’ame dou roy son père et pour aidier à sauver le sienne, et ossi pour delivrer la sainte chrestienneté de ces mannierres de gens d’armes qui s’appelloient Compaingnes, qui destruisent, gastent et des robent tout sans droit et sans raison; et, se chilx voiages estoit ouvers, touttes mannierrez de gens le sievroient et yroient.

Che bon pourpos garda et reserva li roys de Franche jusquez au jour du Saint Venredi, que pappes Urbains precha en sa cappelle en Auvignon, present les deus roys de Franche et de Cippre et le saint collège. Apriès le predication faite, qui fu moult humle et moult devote de le souffrance Nostre Signeur, li roys Jehans de Franche emprist le croix et le voa, et requist au pappe que il li volsist confremer et acorder, et li pappes li comfremma. Ossi là presentement le prissent messires Talerans li cardinaulx de Pieregorth, messires Jehans d’Artois, comtes d’Eu, li comtes de Tankarville, li comtes de Dammartin, li grans prieux de Franche, messires Ernoulx d’Audrehen, messires Bouchicau et pluisseur bon chevalier qui là estoient. Dont li roys de Cippre fu moult liez, et en regracia grandement Nostre Signeur de ce qu’il avoit si grant conffort que dou roy de France et de ses barons pour aller en Surrie. Fº 128.

P. 82, l. 21: le Candeler.—Mss. A: la Chandeleur.—Ms. B 4: le Chandelier. Fº 238 vº.

P. 82, l. 23: moult.—Mss. A 7, 8: durement.

P. 83, l. 2: Fouque.—On lit dans le ms. B 1: Huge.

P. 83, l. 5: rihote.—Mss. A: riote.

P. 83, l. 8: recueilloit.—Mss. A: recevoit.—Le ms. A 17 ajoute: et liement.

P. 83, l. 29: moult.—Les mss. A 8, 15 ajoutent: douce et. Fº 237 vº.

P. 84, l. 8: regratia.—Ms. A 8: remercia.

P. 84, l. 9: mistère.—Le ms. A 15 ajoute: divin. Fº 260.

§ 504. Tout ensi.—Ms. d’Amiens: Tout enssi que vous me poés oïr recorder, emprissent et enchargièrent, dessus le deseurain 279 vestement, le vremeille croix li roys Jehans de France et li dessus noummet. Avoecq tout chou, nos Sains Pères li pappez le comfremma et l’envoica prechier par universe monde là où Dieux est servis et creus. Si l’emprissent et enchargièrent pluisseur seigneur, baron, chevalier et escuier, de grant vollenté.

Tantost apriès Pasques, li roys de Cippre parti d’Auvignon et dist qu’il volloit aller veoir l’empereur et lez seigneurs de l’Empire, et puis revenroit par Braibant, par Flandrez et par Haynnau en France. Et ordonneroient et regarderoient adonc li roy enssamble, à son retour, quant il se partiroient, et de leurs pourveanches coumment il en useroient, et auquel lés en mer il monteroient. Si se partirent chil doy roy auques en un tierme: li roys de France prist le chemin de Montpellier pour venir en le Langhe d’Ock, et li roys de Cippre le chemin de l’Empire, liquelx chemina tant par ses journées qu’il vint en Alemaigne, où il trouva monseigneur Charle de Behaingne, empereur de Romme, à Convalence, qui le rechupt liement et grandement. Et paya li dis emperères tous les frès et despens dou roy de Cippre, enssi que ses empirez estendoit, et li donna encorres grans dons et grans jewiaux pour lui plus honnourer et festiier. Et quant il se parti de lui, il le fist conduire et acompaignier par les plus grans de se court.

Si vint li roys de Cippre en Jullers, où li dus le rechupt et festia liement, et de là en Braibant, où il trouva à Brouxellez monseigneur Winchelin de Behaingne, duch de Luxembourc et de Braibant et frère à l’empereour dessus noummet, et madamme la duçoise, sa femme, qui le rechuprent et festiièrent grandement et honnerablement en disners, en souppers, en joustez, en festez et en reviaux, car bien le savoient faire; et li donnèrent au departement grans dons et biaux jewiaux. Puis s’en parti li rois de Cippre et s’en alla en Flandres veoir le comte Loeys, qui ossi le festia mout grandement. Et trouva à ce donc le roy de Dannemarche, qui estoit nouvellement venus à Bruges et apassés le mer pour lui veoir. Si y eut à Bruges grans festes et grans joustez à le venue dou roy de Cippre. Che fu environ le Madelainne l’an mil trois cens soissante trois.

Enssi en celle saison, ala veant et visetant li roys de Cippre les seigneurs de l’empire dessus noummés. Fº 128.

P. 84, l. 11: leur deseurain vestement.—Ms. A 8: leur derrain vestement. Fº 237 vº.—Ms. A 17: leurs souverains 280 vestemens. Fº 300.—Ms. A 6: leur souverain vestement.—Ms. A 15: leur derrenier vestement. Fº 260.

P. 84, l. 13: nos.—Mss. A: nostre.

P. 84, l. 15: universe.—Mss. A 8, 15 à 17: universel.

P. 84, l. 16: istance.—Mss. A 8, 17.—Mss. A 7, 15: entencion.

P. 84, l. 19: signeurs.—Mss. A 8, 15 à 17: barons.

P. 84, l. 20: les.—Le ms. A 8 ajoute: haulx. Fº 238.

P. 84, l. 20: des.—Les mss. A ajoutent: grans.

P. 84, l. 28: travel.—Ms. A 8: travail.

P. 84, l. 29 et 30: avanceroit... coers.—Ms. A 17: il auroit plus tost les cuers.

P. 84, l. 31: hors dou.—Ms. A 8: ou.

P. 85, l. 7: cas.—On lit dans le ms. B 1: estas.

P. 85, l. 12 et 13: il... esté.—Ms. A 8: il de grant temps n’avoit point esté.

P. 85, l. 13: grant.—Ms. A 17: trop grant.

P. 85, l. 15: Il chemina.—Ms. A 8: et chemina. Il erra.

P. 85, l. 23: deffretiier.—Mss. A 8, 15 à 17: deffrayer.

P. 85, l. 24: li dus.—Les mss. A ajoutent: le conjoy et.

P. 85, l. 32: à ce donc.—Ms. A 8: lors.

P. 86, l. 13: fesist.—Les mss. A 8, 15 ajoutent: et acompleist.

§ 505. En ce temps.—Ms. d’Amiens: En ce tamps avoit li roys d’Engleterre fait grasce à quatre dus qui estoient hostagier en Engleterre pour le roy de France, c’est assavoir: le duc d’Ango, le duc de Berri, le duc d’Orliiens et le ducq de Bourbon. Et se tenoient chil quatre seigneur à Callais, et pooient chevauchier quel part qu’il volloient, trois jours hors de Callais, et au quatrimme, dedens soleil esconssant, retourner. Et l’avoit fait li roys englès en espesse de chou qu’il fuissent plus prochain dou consseil de Franche, et qu’il mesissent cure et dilligensce à leur delivranche, enssi qu’il faisoient, car il envoiièrent pluisseurs fois souflissans messaigez deviers le roy de Franche et le ducq de Normendie qu’il vosissent entendre à yaux et on leur tenist les couvens telx c’on leur avoit proummis, ou il ne se tenroient mies pour prisonniers ne hostagiiers, mès se deliveroient au plus tost qu’il poroient.

Or estoit adonc li royaummes et li conssaux dou roy et dou 281 ducq de Normendie durement cargiés et ensonniiés, tant pour le croix que li rois de Franche avoit encargie, que pour le gerre dou roy de Navarre, qui guerioit et herioit fortement le royaumme de Franche, et avoit remandé les Compaingnez en Lombardie pour mieux faire se guerre. Se n’estoient mies respondu ne delivret li messagier des quatre dus deseure dis, qui se tenoient à Callais à leur vollenté, dont moult leur en desplaisoit et plus à leurs seigneurs, quant il ooient conter le deluement dou consseil le roy et des ordonnanches de Franche, mès amender ne le pooient. Si leur couvenoit atendre et souffrir que aucune bonne aventure et grasce dou roy englès leur venist. Fº 128 vº.

P. 86, l. 19: quel part qu’il.—Mss. A 8, 15: quelque part qu’ilz. Fº 238 vº.

P. 86, l. 22: en istance de bien.—Mss. A 8, 15: en bonne entencion.

P. 86, l. 24: songnassent.—Le ms. A 8 ajoute: et entendeissent.

P. 87, l. 2: quoique.—Mss. A 8, 15: combien que.

P. 87, l. 4: promoteur.—Mss. A 8, 17: prometteurs.

P. 87, l. 4: n’estoient.—Mss. A 8, 15: ne povoient estre.

P. 87, l. 7 et 8: s’en presist.—Ms. A 8: en peust avenir.—Ms. A 15: en deust advenir. Fº 261.

P. 87, l. 10: ensonniiés.—Mss. A 8, 15: embesoingniez.

P. 87, l. 11: encargiet.—Mss. A 8, 15: prise et enchargiée.

P. 87, l. 13: avoit.—Les mss. A ajoutent: adonc.

P. 87, l. 16: entendre.—Ms. A 17: mettre remède, c’est assavoir. Fº 301.

§ 506. Quant li rois.—Ms. d’Amiens: Quant li roys de Cippre eut visetés et veus les seigneurs et le pays dessus noummés, il retourna en Franche et trouva à Paris le roy Jehan et le duc de Normendie et grans fuison des seigneurs, barons et chevaliers de France, que li roys y avoit mandés pour lui mieux festiier et honnourer. Si y eut grans festes, grans reviaux et grans esbatemens, et ossi grans parlemens et grans conssaux comment ceste croiserie se poroit parfurnir à l’honneur dou roy de Franche et de son royaumme. Et li sage homme de Franche veoient encorres le royaumme durement grevé et pressé de guerres et de compaignez de pilleurs et de robeurs qui y descendoient et venoient de tous pays. Si ne sambloit mies bon as pluisseurs que chilx voiaiges 282 se fesist jusquez à tant que li royaummes fuist en milleur estat ou à tout le mains on ewist pais au roy de Navarre. Non obstant ce et touttez guerres, nulx ne pooit abrissier ne oster le devotion dou roy Jehan qu’il ne fesist le pellerinage, et l’acorda et jura au roy de Cippre à estre à Marselle dou march qui venoit en ung an, que on compteroit l’an mil trois cens soissante quatre, et que, sans faulte, il passeroit et liveroit passage et pourveanches à tous ciaus qui passer vorroient.

Sus cel estat se parti li roys de Cippre dou roy de France, et dist qu’il avoit bon terme de retraire encorres en son pais et de faire ses pourveanches. Si volloit aller veoir le roy de Navarre, son cousin, et mettre pès, s’il pooit, entre lui et le roy de Franche. Si se parti de Paris et aqueilla son chemin vers Normendie, et fist tant par ses journées qu’il vint à Chierebourch, où li roys de Navarre se tenoit et messires Loeys, ses frerres; car messires Phelippes, leurs frerrez, estoit nouvellement trespassés. Chil seigneur de Navarre rechurent le roy de Cippre liement et grandement et le festiièrent moult honnerablement, car bien le pooient et savoient faire. Et quant li roys de Cippre eut estet, ne say deux jours ou trois, avoecq yaux, il coumencha à traitiier moult gratieusement et à parler de le pais entre les roys dessus dis; car, au veoir dire, il estoit sages sirez et bien enlangagiés. Si l’oy li roys de Navarre parler moult volentiers, mès oncques à nulle pès ne se vot descendre ne encheir, pour cose que li roys de Cippre seuist faire ne priier, non s’il n’avoit tout plainnement se demande, et il n’en estoit mies dou roy de France cargiés si avant. Si demoura la cause sus cel estat enssi que devant. Et se parti li rois de Cippre dou roy de Navarre, et dist qu’il s’en iroit en Engleterre veoir le roy englès et madamme la roynne et leurs enffans, et ossi lez seigneurs de Franche qui là estoient ostagiier.

Li roys de Cippre prist congiet dou roy de Navarre et de monseigneur Loeis, son frère, liquel li donnèrent bellement et courtoisement, et le convoiièrent plus de trois lieuwes, puis s’en retournèrent il en Chierebourch. Et li rois de Cippre esploita tant par ses journées qu’il vint au Pont de l’Arche, et là passa le Sainne et puis chevaucha deviers Pontieu, et vint passer le Somme à Abbeville où li senescaux de Ponthieu, messires Gerars de Baudresen, estoit de par le roy englès: si le festia et honnoura dou mieux qu’il peut. Puis s’en parti li roys, et chevaucha che jour à 283 Saint Esperit de Rue et puis à Moustroeil et puis à Bouloingne. Là fu il un jour, et l’endemain il vint à Callais. Si y trouva encorrez le duc d’Orliiens, le ducq de Berri et le duc de Bourbon, qui le rechurent liement, enssi que seigneur qui sont en prison et en hostage. Fº 128 vº.

P. 87, l. 23: li rois.—Les mss. A ajoutent: Jehans.—Le ms. A 15 ajoute: qui nagaires estoit venu d’Avignon et de Languedoc son pais visiter, si comme j’ay devant dit. Fº 261.

P. 87, l. 27: croiserie.—Ms. A 17: croisée. Fº 301 vº.

P. 87, l. 27: poroit.—Le ms. A 8 ajoute: perseverer et.

P. 87, l. 31: reubeurs.—Mss. A: robeurs.

P. 88, l. 5: nulz.—Ms. A 8: on.

P. 88, l. 6: abrisier.—Mss. A 8, 15 à 17: brisier.

P. 88, l. 8: dou march.—Ms. A 8: du moys de mars.

P. 88, l. 20: Roem.—Mss. A: Rouen.

P. 88, l. 32: termine.—Mss. A: terme.

P. 89, l. 5: enlangagiés.—Le ms. A 8 ajoute: et moult amez. Fº 239.—Les mss. A 6, 7, 15 à 17 ajoutent: et moult amez de tous. Fº 242 vº.

P. 89, l. 13: trettiés.--Ms. A 17: traitteurs. Fº 302.

P. 89, l. 28: estat.—Le ms. A 15 ajoute: ou quèle condicion. Fº 262.

§ 507. Cil troi duch.—Ms. d’Amiens: Et sejourna li dis roys à Calais bien quinze jours, atendans bon vent, car li mers estoit adonc moult tempestée par heurez. Au seizime jour, ses nefs furent cargies. Si entra en son vaissiel et touttez ses gens ens ès autrez, che fu environ heure de mienuit et demy, [et demoura] à l’ancre devant Callais toutte le nuit. A l’endemain, à heure de nonne, il ariva à Douvrez. Si se reposa et rafreschi là par deus jours, entroes que on descarga tout bellement ses vaissiaux, et mist hors les chevaux. Puis chevaucha li roys de Cippre à petittes journées et à sen aise deviers Londres. Quant il y vint, il y fu durement bien festiiés et conjoïs des seigneurs de Franche et d’Engleterre qui chevauchièrent contre lui, et fu à grant solempnité de trompes et de tous autres instrummens amenés et aconvoiiés à son hostel.

Je ne vous poroie mie compter en un jour les nobles disners, les souppers, les festiiemens et les conjoïssemens, les dons, les presens, les jouiaus c’on fist, dounna et presenta, especialment 284 li roys d’Engleterre et medamme le roinne Phelippe, au jentil roy de Cippre. Et bien le devoient faire, car il les estoit venus veoir de loing et à grant fret, et tout pour enhorter et enditer le roy que il volsist prendre le vremeil crois et aidier à ouvrir ce passaige sus les mescreans. Mès li roys s’escuza bellement et sagement et dist qu’il estoit mès trop viés et trop foibles pour aller gueriier si lonch, et qu’il avoit assés affaire à garder son pays et tenir en pès; mès il n’escu[s]oit mie jones chevaliers et escuiers de sa terre, s’il y volloient aller. Si demoura la cose enssi. Pluisseurs parlemens, le tierme d’un mois que li roys de Cippre fu en Engleterre, eut entre le roy englès et le roy de Cippre et leurs conssaux sus l’estat de le croisserie et dou voiaige qui se devoit faire; mès toudis trouvoit il les Englès auques sus uns pourpos si sagement dis et moustrés, qu’il en estoit tous comptens.

Quant il vit qu’il n’en aroit autre cose, il prist congiet au roy, à madamme la roynne et à leurs enffans, qui bellement et doucement li dounnèrent. Et fist li roys englès, par ses offisciiers, paiier et deffretiier le roy de Cippre de tout ce que il et ses gens en menus frès avoient despendut à Londrez; et li dounna une très grosse nef c’on appelloit Catelinne, qui estoit ou havene de Zandvich, et avoit cousté au roy englès plus de dix mil florins au faire: dont li roys de Cippre l’en remercia grandement. On ne sai de ceste nef qu’il en avint, car, depuis, deux ans apriès le departement dou roy de Cippre, je le vi à Zandvich. Si croy mieux que li roys de Cippre le laissa pour l’ensonniement qu’il ewist eut dou mener c’autre cose. J’en demanday, quand je fui là, pourquoy c’estoit, mès nulx ne m’en savoit le voir à dire. Fº 129.

P. 89, l. 31: s’acointa.—Mss. B 3, 4 et mss. A: s’acquitta.

P. 90, l. 11: d’Engleterre.—Mss. A: Edouart.

P. 90, l. 25: enditter.—Ms. A 8: enduire. Fº 232 vº.—Ms. A 15: induire.

P. 90, l. 30: en avant.—Mss. A 8, 15: d’ores en avant.

P. 91, l. 6: traveillent.—Mss. A 8, 15: travaillent.

P. 91, l. 18: se prist.—Mss. A 8, 15: se pena.

P. 91, l. 29: edefiier.—Mss. A 2, 18, 19: crestienner.

P. 91, l. 31: douze mil.—Ms. B 6: dix mille. Fº 629.

P. 91, l. 31: havene.—Mss. A 6, 8, 15 à 17: havre.

P. 92, l. 4: deffretia.—Mss. A 8, 15 à 17: deffraia, deffrea.

285 P. 92, l. 8: Zanduic.—Ms. B 6 ajoute: et le rendy à madame la royne d’Engleterre. Fº 629.

P. 92, l. 9: à l’ancre.—Mss. A 6, 17: et ancré.

§ 508. Or se parti.—Ms. d’Amiens: Or se parti li roys Pières de Cippre, d’Engleterre, et rappassa le mer à Bouloingne. Si entendi que li roys de Franche, li dus de Normendie, li dus d’Ango, messires Phelippes leurs frères et tous li grans conssaux de Franche devoient y estre à Amiens. Si tira li roys de Cippre celle part et y trouva le roy de Franche nouvellement venu et une partie des seigneurs dessus dis. Si en fu grandement conjoïs et festiiés et leur compta une partie de son voiaige, et ossi il leur dist qu’il s’en yroit en Poito deviers le prince de Gallez son cousin, pour mieux acomplir son voiaige. Si fu là, ne say quans jours avoecq le roy et ses enffans, et puis s’en parti et prist son chemin deviers Paris, et s’adrecha pour aller en la duché d’Acquittainne et deviers le prinche qui se tenoit à Niorth. Et devoit avoir dedens bref terme, en le chité d’Angouloime, une très grosse et noble feste de jouste de quarante chevaliers de dedens et de quarante escuiers, que li prinches y devoit tenir à le relevée de madamme la princesse sa femme qui estoit acouchie d’un biau fil que on appelloit, enssi que son père, Edouwart, à laquelle feste li roys de Cippre volloit y estre, s’il plaisoit à Dieu.

Or revenrons au roy de Franche et à ce grant parlement qui fu à Amiens. Je fui adonc enfourmés, et voirs estoit, que li rois Jehans avoit proupos et affection de aler en Engleterre veoir le roy englès, son frère, et madamme la roynne, sa soer, enssi s’appeloient il par le tretiet de le pès, et ordounnoit touttes ses pourveances et ses besoingnes à Boulloingne. Se li consseilloient bien li aucun de Franche qu’il n’y volsist mie aller, et que c’estoit ungs grans perils sus le veu et proummesse qu’il a fait, et que on le poroit là detenir, pour le somme de se redemtion qui estoit encorres à parpaiier. Mès li roys Jehans respondoit qu’il avoit trouvet ou roy d’Engleterre, en madamme le roynne, en tous leurs enffans et ens ès barons d’Engleterre tant d’onneur, d’amour, de courtoisie et de loyaulté, qu’il ne s’en doubtoit en riens et qu’il ne cesseroit jammais, si y aroit esté et yaux veus, et ossi ses amis qui là estoient ostagiier pour lui. Quant on vit que chilx pourpos li demouroit, se li fu demandé qui garderoit Franche jusqu’à son retour, et il ordounna Carlon, son ainsnet fil, regent et souverain 286 deseure tous. En apriès, monseigneur Loeys, dus d’Ango et du Mainne, son autre fil, il l’estaubli à aller en Normendie contre le roy de Navarre, car bien savoit qu’il ne l’ainmoit point. Et monseigneur Phelippe, comte adonc de Tourainne, il l’ordounna à aller en Bourgoingne, pour bouter hors les Compaingnes qui y estaient et qui gastoient et essilloient le pays.

Quant il eut tout fet et ordounné, il prist congiet à ses enffans et à son consseil, et se parti d’Amiens et s’avalla vers Hedin, le comte d’Eu avoecq lui, le comte de Tankarville, le comte de Dammartin, le grant prieur de Franche, monseigneur Bouchighau, monseigneur Tristran de Magnelers, monseigneur Jehan d’Anville, messire Pierre de Villers: che sont chiaux qu’il en mena avoecq lui pour aler en Engleterre. Si vint li roys de Franche à Hedin trois jours devant le feste dou Noël. Si y sejourna et demoura là, et dist qu’il y tenroit sa feste. Se vint là à lui li comtes Loeis de Flandres, ses cousins, qui durement l’ainmoit, et que li roys vit vollentiers, et le rechupt liement, et tinrent là leur Noël enssamble. Le jour des Innocens, s’en parti li roys et prist son chemin vers Bouloingne, et li comtez de Flandre vers Saint Ommer, pour revenir arrierre en son pays. Fº 129.

P. 92, l. 13: ses mainsnés frères.—Mss. A 8, 15: ses enfans. Fº 240.—Ms. A 17: le mainsné filz du dit roy de France. Fº 303.

P. 92, l. 28: couvent.—Mss. A 8, 15 à 17: couvenant.

P. 92, l. 29 à p. 93, l. 14: Si se parti... voiage.—Ms. B 6: Sy se departy le dit roy de Calais et vint à Boulongne, et puis à Monstreul et puis à Rue, et passa le Somme à Abeville et entra en Vimmeu et vint passer la Saine au Pont de l’Arche et s’en alla tout droit en Constentin et à Chierbourc veoir le roy de Navarre qui le rechut liement. Et euist adonc le dit roy de Chippre vollentiers accordé le roy de Navarre au roy de Franche, se il peuist; mais il n’en peult à chief venir. Sy passa oultre et fist tant par ses journées qu’il vint en Poito et droit en Angolesme où il trouva le prinche et madame la princhesse qui nouvellement estoit relevée d’un biel filz qui s’appelloit Edouart: à laquelle relevée de madame la princhesse eult, en la chité d’Angolesme, moult grant feste et grans joustes de plus de deux cens chevaliers, et fut la dite feste moult renforchie pour l’amour du roy de Chippre. Fos 629 et 630.

P. 93, l. 4: que... devoit.—Ms. A 17: qui debvoient.

287 P. 93, l. 13: nulle part.—Ms. A 17: nullement.

P. 93, l. 13: sus.—Mss. A 8, 15 à 17: en.

P. 93, l. 16 et 17: en quel istance.—Mss. A 8, 15: pour quelle cause.—Ms. A 17: à quelle instance.

P. 93, l. 23: ce.—Mss. A 8, 15: son.

P. 93, l. 26: ou.—Ms. A 8: en.

P. 93, l. 32: loyal.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: doulx.

P. 93, l. 32: ami.—Mss. A 8, 15: aimables.

P. 94, l. 10: ahireteroit.—Mss. A 8, 15: heriteroit.

P. 94, l. 20: en son pays.—Ms. A 17: en Flandres. Fº 304.

§ 509. Tant esploita.—Ms. d’Amiens: Quant li roys de Franche fu venus à Bouloingne, il y sejourna tant qu’il eult vent à vollenté, et entra en son vaissiel le jour devant le nuit de l’Apparition des Trois Roys. Si y fu ce jour toutte jour jusques au soir, car il y faisoit mout quoit et mout cler, et avoit vingt vaissiaux parmy ses pourveanches. Si ariva à Douvrez, et y fu deus jours, tant c’on eut descargiet tous ses vaissiaux et que li cheval furent rafresci, puis s’en parti et vint à Cantorbie. Là fu il ossi deus jours, et dounna à monseigneur saint Thumas un mout riche jeuiel et de grant pris. Et là vint ses filz li dus de Berri contre lui, et li dus d’Orliiens ses frères. Et ossi y envoiea li roys englès, pour lui festiier et requeillier à l’entrée de son pays, quatre de ses chevaliers: monseigneur Bietremieu de Bruech, monseigneur Gautier de Mauny, monseigneur Richart de Pennebruge, monseigneur Alain de Boukesel.

Chil vinrent deviers le roy de Franche à Cantorbie de par le roy d’Engleterre, et le conjoïrent et bienvegnièrent grandement, et li dissent que li roys, leurs sires, estoit moult liés de sa venue. De tout chou le crut li roys de Franche moult bien. Si les fist disner dallés lui, et apriès disner il montèrent et s’en retournèrent deviers le roy englès qui se tenoit à Eltem, et madamme le roynne, à sept lieuwes de Londres, pour là atendre le roy de Franche, liquelx se partit de Cantorbie et vint à petittes journées celle part. Et quant il fu venus à Eltem, en l’ostel dou roy englès, il y fu rechups à grant joie, che puet on mout bien croire, et tout chil qui avoecq lui estoient, pour l’amour de lui. Là eult grans festes, grans sollas, grans esbatemens, belles dansses et belles carolles de signeurs, de dammes et de dammoiselles, et s’efforchoit 288 chacuns de festiier et de jeuer pour le cause dou roy de Franche.

Quant il eut là estet, je croy deux jours, il s’en parti et vint à Londrez, où il fu requeilliés mout honnourablement et menés et aconvoiiés de ses cousins les enfans dou roy englès, jusques à l’ostel de Savoie qui estoit ordonnés pour lui, qui siet sus le Tamise au dehors Londres: là le laissièrent il. Et là se tint li roys Jehans et tout son hostel. Si avoit dallés lui chiaux de son sanch, le ducq de Berri, son fil, le ducq d’Orliiens, son frère, le comte d’Allenchon, Robert d’Alençon et Ghui de Blois, ses cousins, qui adonc estoient jone damoisel, ossi le ducq de Bourbon et le comte de Saint Pol et les seigneurs qu’il avoit là amenés de Franche. Si tenoit là li dis roys, et tint là l’ivier grant estat et grant hostel, et estoit souvent visetés dou roy englès et de ses enffans.

Si donnoient chil roy grans disner et grans convys li un à l’autre, et jewoient et esbatoient enssamble et parloient et conssilloient de leurs besoingnez. Et regretoit souvent li roys englès monsigneur Jaquemon de Bourbon, son cousin, car moult l’avoit amet. Et disoit au roy de Franche que c’estoit grans dammaiges de lui; car bien affreoit à estre entre telx seigneurs qu’il estoient, et mieux s’i avoit sceu avoir que nulx autres. Li roys de Franche li acordoit et disoit que c’estoit verités, et que moult li avoit despleut la mort et l’aventure de lui. Enssi passoient li roy le temps, et veoient souvent l’un l’autre, et donnoient et envoioient li uns à l’autre grans dons, biaux jewiaux et riches presens, pour nourir entr’iaux plus grant amour. Fº 129 vº.

P. 94, l. 22: l’abbeye.—Les mss. A 8, 15 ajoutent: en la ditte ville. Fº 240 vº.

P. 94, l. 27: Tristrans.—Mss. A 8, 15: Tristan.

P. 94, l. 28: Pierres.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: et messire Jehan.

P. 94, l. 29: de Ainville.—Mss. A: Dainville.

P. 94, l. 31: maronnier.—Mss. A: mariniers.

P. 95, l. 2: ens ès.—Mss. A 8, 15: dedens les.

P. 95, l. 17 et 18: bienvegnièrent.—Mss. A 8, 15: honnourèrent.

P. 96, l. 2: caroles.—Mss. A 8, 15: esbatemens.

P. 96, l. 6: affreoit... faisoit.—Ms. A 8: afferoit à faire tout ce qu’il faisoit.

289 P. 96, l. 8: com.—Mss. A 8, 15: comment.

P. 96, l. 10: vuidièrent.—Mss. A 6, 8, 17: vindrent, vinrent.

P. 96, l. 13: en.—Mss. A 15 à 17: à.

P. 96, l. 16: ostagier.—Ms. A 17: hostages.

P. 96, l. 18: si.—Mss. A 7, 15: son. Fº 245.—Mss. A 8, 17: ses. Fº 241.

P. 96, l. 32: affreoit.—Ms. A 15: lui advenoit. Fº 264.

§ 510. Nous lairons.—Ms. d’Amiens: Entroelx que li roys Jehans reposoit en Engleterre, si comme vous poés oyr, fist li roys de Cippre son voiaige et vint en Poito et droit en Angouloime deviers le prinche de Galles, son cousin, qui le rechupt liement. Ossi fissent tout li baron et li chevalier de Poito et de Saintonge qui dallés le prinche estoient, li viscontes de Touwars, li jones sires de Pons, li sires de Partenay, messires Loeys de Halcourt, messires Ghuichars d’Angle; et ossi des Englès: messires Jehans Camdos, messires Thummas de Felleton, messires Noël Lorinch, messires Richars de Pontchardon, messires Simons de Burlé, messires Bauduins de Fraiville, messires d’Agorisses et li autre. Si fu li roys de Cippre moult festés et bien honnourés dou prinche, de le princhesse, des barons et des chevaliers dessus dis, et se tint illuecques plus d’un mois. Et puis le mena messires Jehans Camdos jewer et esbattre parmy Poito, parmy Saintonge et en le Rocelle et tout sus le marinne.

Et quant il eut là estet ung grant temps et qu’il eut remoustré au prinche et as chevaliers de son hostel et as autres pourquoy il estoit venus et sour quel estat il avoit empris le croix, et que li signeur li eurent respondut moult courtoisement que c’estoit ungs voiaiges où tout gentil homme par raison devoient vollentiers entendre, et que, s’il plaisoit à Dieu, il ne le feroit mies seux, mès en aroit de chiaux qui se desirent à avanchier, il prist congiet dou prinche, de madamme la princesse et de tous les seigneurs. Si s’en revint à petittez journées et à grans despens arrierre par deviers Franche, atendans qu’il oyst nouvelles dou roy Jehan qu’il fust rapassés le mer, et qu’il pewist encorres parler à lui et puis si se retraire viers Lombardie et à Venisse pour raller en Cippre. Bien entendi sus son chemin que li roys de Franche estoit acouchiés malades en l’ostel de Savoie en Engleterre, et empiroit tous les jours, et estoient repasset le 290 mer et revenu en Franche li comtes de Tankarville et messires Bouchicaus, marescaux de Franche. Fº 129 vº.

P. 97, l. 6: Touwars.—Mss. A: Touars, Thouars.

P. 97, l. 12: Fraiville.—Mss. A 8, 15: Frainville.

P. 97, l. 18: fist.—Les mss. A 8, 15 ajoutent: grant chière et.

P. 97, l. 25: pourquoi especialment il portoit.—Ms. B 4 et mss. A: sus quel estat il avoit empris à porter... qu’il portoit.

P. 98, l. 12: istance.—Mss. A 8, 15: entencion.

P. 98, l. 13: ce que.—Ms. A 6: cuidier. Fº 244 vº.

P. 98, l. 13: pour.—Ms. B 4: de. Fº 242.

P. 99, l. 19: moustré.—Le ms. B 6 ajoute: sy fu le corps du roy Jehan de Franche enbausmé et mis en ung sarcus et convoiés des signeurs de Franche jusques à Douvres et là fu mis en ung batiel. Fº 631.

P. 99, l. 23: se tenoit à Paris.—Mss. A 8, 15: estoit au Goulet lez Vernon. Fº 241 vº.

P. 99, l. 26: se.—Les mss. A 8, 15 ajoutent: se tenoit et.

P. 99, l. 26: successères.—Mss. A 8, 15: heritier.

P. 100, l. 1 et 2: françois.—Ms. A 17: pour la couronne de France.

P. 100, l. 2: uns.—Le ms. A 15 ajoute: vaillant. Fº 264 vº.

P. 100, l. 3: li.—Le ms. A 15 ajoute: grant.

P. 100, l. 6: l’antoient.—Ms. A 7: l’avoient. Fº 245 vº.—Mss. A 8, 15: le hantoient.—Ms. A 17: qui se tenoient entour lui.

P. 100, l. 9 et 10: ewireus.—Mss. A 6, 15: eureux. Fº 245.—Ms. A 8: envieux. Fº 242.—Ms. A 17: entr’eulx.

P. 100, l. 11: le grasce.—Ms. A 15: l’amour et grace.

P. 100, l. 12: ooit.—Le ms. A 15 ajoute: souvent. Fº 265.

P. 100, l. 19: prendés.—Mss. A 8, 15: tenez.

P. 100, l. 29: manière de.—Ms. A 17: certaines. Fº 306.

§ 511. Roleboise.—Ms. d’Amiens: En ce tamps seoient devant le castiel de Rolleboisse li dus d’Ango, messires Bertrans de Claieckin et li comtes d’Auçoire et grant fuison de bonne gent d’armes, et constraindoient moult chiaus qui dedens se tenoient. Or avint, che siège pendant, que monsigneur Bertrans de Claiekin, li comtez d’Auchoire, messires Boucighaus, qui nouvellement 291 estoit revenus d’Engleterre, li sires de Biaugeu, qui s’appelloit messires Anthonnes, et pluisseur aultre chevalier et escuier de Franche fissent sus un jour deus chevauchies et moult pourfitables pour le royaumme de Franche; car il prissent le ville de Mantes et le ville de Meulent, qui se tenoient pour le roy de Navarre, et dedens grant fuison des ennemis au royaumme de Franche: dont li dus de Normendie, qui se tenoit à Paris, fu moult resjoys, car ces deux villes sont clefs de Normendie. Fos 129 vº et 130.

P. 100, l. 31: biaus.—Mss. A: bon.

P. 101, l. 7: retenoit.—Ms. A 8: recevoir. Fº 242.

P. 101, l. 14 et 15: otant bien... ruoient il jus.—Mss. A 8, 15: autant chier... à ruer jus.

P. 101, l. 17: constraindoient.—Mss. A 8, 15: contraingnoient.

P, 101, l. 24: le cité.—Mss. A 8, 15: la ville.

P. 101, l. 32: certain lieu.—Mss. A: chemin.

P. 102, l. 12: porte.—Mss. A 8, 15: ville.

P. 102, l. 24: desroutèrent.—Ms. A 8: deffrontèrent. Fº 242 vº.

P. 103, l. 1: mourdreours.—Mss. A 8, 15: murtriers.

P. 103, l. 1: pillars.—Ms. A 17: larrons.

P. 103, l. 2: encaucent.—Ms. A 8: enchacent.—Mss. A 15 à 17: chacent.

P. 103, l. 7: li larron.—Ms. A 8: les barons.

P. 103, l. 9 et 10: remanant.—Mss. A 8, 15: demourant.

P. 103, l. 10: le.—Mss. A: vostre.

P. 103, l. 20: entente.—Mss. A 8, 15: entencion.

P. 103, l. 21: comment.—Mss. A 8, 15: combien.

P. 103, l. 24: ens.—Mss. A 8, 15: dedens.

P. 103, l. 31: apaisier.—Ms. A 8: asseurer.—Ms. A 15: decevoir. Fº 266.

P. 104, l. 6 à 9: Dont... assés.—Mss. A 11 à 14: Dont entrèrent Bretons par ces hostelz, et se saisirent de la ville sans riens piller, mais ilz pristrent des prisonniers desquelz qu’ilz vouldrent qui depuis furent delivrez sans riens paier, car messire Boucicaut et messire Bertran ne le vouldrent point souffrir, car depuis le dit messire Boucicaut fut capitaine et garde de Mante.

P. 104, l. 22 et 23: portes.—Les mss. A 6 à 8 ajoutent: tost et apertement.

292 P. 104, l. 24: saint Yve.—Ms. A 17: Nostre Dame. Fº 307.

P. 104, l. 25: occire.—Mss. A 8, 15: tuer.

P. 104, l. 31: joians.—Mss. A: joyeux.

P. 105, l. 2: partout.—Mss. A: par toutes.

P. 105, l. 3 à 5: Mantes... France.—Ms. A 15: la perte qu’il avoit faicte de Mante et de Meulant. Fº 266.

§ 512. En celle.—Ms. d’Amiens: Quant li roys de Navarre entendi ces nouvelles qu’il avoit perdu Mantes et Meulent et grant fuison de ses gens par dedens, si en fu durement courouchiés, et regarda et avisa coumment il se poroit contrevengier et grever le royaumme de Franche. Si escripsi et pria moult chierement et amiablement devers che hardi chevalier monsigneur le captal de Beus, que il volsist venir parler à lui en Normendie et qu’il amenast chou qu’il poroit avoir de gens d’armes, et que moult bien les paieroit. Li captaus se pourvei de compaignons et vint deviers le roy de Navarre, et se mist et otria dou tout en son service, dont li roys de Navarre fu moult liés. Se le fist souverain et gouvreneur deseure tous ses chevaliers et escuiers, et lui delivra touttes ses gens d’armes.

Li dus de Normendie fu emfourmés de ceste armée que li roys de Navarre mettoit sus, et si entendi d’autre part que li roys, ses pères, agrevoit durement de se maladie, et que li saige fusisiien n’y retenoient point de retour. Si ne volloit point li dus, en se nouveleté, qu’il receuvist blamme ne dammaige contre les Navarois. Si se pourveoit grandement de gens d’armes à l’autre lés, et avoit mandés et retenus grant fuison de bons chevaliers et escuiers de Gascoingne, et si largement les paioit, qu’il le servoient vollentiers; car c’est bien chou qu’il aimment, large et secq paiement. Si avoit li dis dus atrait deviers lui et mis en se chevauchie sus les camps, une partie des gens le seigneur de Labreth, dont li sires de Mouchident estoit chiés et conduisièrez, et encorres monsigneur Ainmon de Pumiers et monsigneur le soudich de Lestrade; chil estoient bien six vingt lanches de Gascons.

Encorres avoit li dus de Normendie remandé son frerre monsigneur Phelippe en Bourgoingne, et monsigneur Regnaut c’on dist l’Arceprestre, qui se tenoit en Bourgoingne, car il estoit sires de Castielvillain de par le damme se femme, qui avoit estet femme du signeur de Castielvillain, mort à le bataille de Poitiers. Et l’avoit messires Phelippes, qui bien esperoit à estre dus de 293 Bourgoingne, car li roys ses pères li avoit proummis, retenu de son conseil, et estoit ses compères, et li avoit tenut à fons ung biau fil qui eut nom Phelippes contre lui. Fº 130.

P. 105, l. 11: on.—Mss. A 8, 15 à 17: il. Fº 243.

P. 105, l. 16 à 19: li rois... painne.—Ms. A 15: le duc de Normandie ira briefment à Reims pour lui fere couronner du royaume de France; si lui yrons à rencontre et lui porterons et ferons ennui et dommaige. Fº 266.

P. 105, l. 17 à 19: est mors... painne.—Mss. A 7, 8: ira temprement à Rains; se l’irons à l’encontre et li porterons et ferons anoy. Fº 246 vº.—Ms. A 6: se ira couronner à Reims; si lui yrons à l’encontre et luy porterons et ferons dommaige et ennuy. Fº 246.

P. 105, l. 21: temprement.—Mss. A 8, 15: briefment.—Ms. A 17: tantost.

P. 105, l. 23: pooit.—Les mss. A 8, 15 ajoutent: trouver et.

P. 105, l. 28: deux cens ou trois cens.—Ms. A 17: quatre cens.

P. 105, l. 30: remeriroit.—Mss. A 8, 15: reguerredonneroit.

P. 106, l. 1 et 2: apertement.—Mss. A 6, 7, 15: hastivement.

P. 106, l. 15 et 16: Bertrans.—Le ms. A 17 ajoute: et monseigneur Olivier de Mauny son nepveu. Fº 307 vº.

P. 106, l. 16: Bretons.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: qui estoient hardiz et courageux.

P. 107, l. 11: A ce donc.—Mss. A 8, 15 à 17: A ce temps, en cellui temps.

P. 107, l. 19: Evous venu.—Ms. A 15: Atant va venir. Fº 267.

P. 107, l. 28 et 29: se consievirent.—Ms. A 8: se aconsuivirent.—Mss. A 15 à 17: s’aconsuirent. Fº 308.

P. 107, l. 29: ravine.—Mss. A 15 à 17: manière.

P. 108, l. 2: tamaint.—Mss. A: maint, mains.

P. 108, l. 14: d’Evrues.—Le ms. A 15 ajoute: Et, au voir dire, les Bretons se portèrent vaillamment, car ilz n’estoient que une poignie de gens au regart des Navarrois qui tousjours croissoient. Fº 267.

§ 513. Auques en ce temps.—Ms. d’Amiens: En ce tamps 294 que ces semonsces et ces assamblées se faisoient, tant de l’un lés comme de l’autre, les nouvellez vinrent au duc de Normendie que li roys, ses pères, estoit trespassés de ce siècle, et l’en escripsoit le verité messires Jehans, ses frères, dus de Berri.

Quant li dus de Normendie entendi chou, que li roys ses pères estoit mors, si en fu moult courouchiés: che fu bien raisons. Si le senefia tantost au duch d’Angho et as pers et as barons de France. Si se traissent à Paris deviers le duc de Normendie, enssi que drois estoit, et s’ordonnèrent pour aller contre le corps dou roy, leur seigneur, que li comtes d’Eu et li comtes de Dammartin et li grans prieux de Franche ramenoient et raconduisoient. Si fu li corps dou roy Jehan embaummés et, mis en ung sarku, raportés à Paris. Assés tost apriès, li dus de Normendie li fist faire son obsèque en l’abbeie de Saint Denis, et fu portés mout solempnelment parmy le chité de Paris à grant pourcession et à plus de mil torsses, à viaire descouvert, si troi fil derierre lui, vesti de noir, et li roy de Cippre ossi. Et fu enssi aportés moult bellement à le grant abbeie de Saint Denis en Franche. Si en chanta la messe et fist l’offisce li arcevesques de Sens, ungs moult doulx prelas, et fu ensepvelis li dis roys Jehans en le ditte abbeie de Saint Denis, où grant fuison de ses ancisseurs gissoient.

Apriès le obsèque fait et le disner qui fu moult grans et moult nobles, li signeur et li prelat retournèrent tout à Paris. Si eurent parlement et consseil enssamble que on se trairoit vers Rains pour courounner le ducq de Normendie, car c’estoit ses drois, et que on s’en deliveroit. Si y fist on appareillier moult grans pourveanchez et moult grosses, et fu li certains jours arestés, que ce devoit estre droit au jour de le Trinité. Si le segnefia li dus et en escripsi as pluisseurs grans seigneurs, les uns prioit et les autres mandoit, et par especial il en pria son bel oncle le ducq de Braibant, liquelx s’ordounna et appareilla pour estre y en grant arroy et bien accompaigniés de chevaliers de Braibant et de Luxembourch dont il estoit sirez. Fº 130.

P. 108, l. 18: A ce donc.—Mss. A 8, 15: Pour lors. Fº 244.

P. 108, l. 25: arrierés.—Ms. A 8: arrestez.—Ms. A 15: rompu et arresté.

P. 108, l. 27: embausumés et mis en un sarcu.—Ms. A 15: enbasmé et mis en un sarcueil.

295 P. 108, l. 29: Dammartin.—Le ms. B 6 ajoute: le conte de Tancarville. Fº 631.

P. 109, l. 1: vuidièrent.—Ms. A 8: vindrent.

P. 109, l. 2: Cipre.—Le ms. B 6 ajoute: vestus de noir avoecq les enfans du roy et les prochains du linage. Fº 631.

P. 109, l. 8: retournèrent.—Ms. A 8: vindrent.

P. 109, l. 24: Entrues.—Mss. A 8, 15: Pendant.

P. 109, l. 31: qu’il eurent.—Mss. A: qui fu.

P. 110, l. 2: l’eglise cathedral de Rains.—Ms. A 15: la grant eglise cathedral de Nostre Dame de Reins. Fº 267 vº.

§ 514. Quant messires.—Ms. d’Amiens: Entroez que ces besoingnes s’ordounnoient et aprochoient, envoyoit toudis li dus de Normendie gens d’armes deviers le comte d’Auçoire et monsigneur Bertran de Claiekin, et bien besongnoit, si comme vous orés chy apriès. Si y furent envoiiet li Arceprestrez et messires Loeys de Chalon et leur routtes.

Messire Jehans de Ghailli, qui s’appelloit captaus de Beus, qui pour le temps estoit conduisièrez et souverains de touttes les gens le roy de Navarre, dont il y avoit bien huit cens lanches, trois cens archiers et cinq cens autrez hommes aidablez, et tous les jours li croissoient gens, chevauchoit en Normendie et desiroit moult à trouver lez Franchois, car on lui avoit dit qu’il estoient sour les camps. Si estoient de le routte le dit captal uns bons chevaliers englès et fors guerrières, qui s’appelloit messires Jehans Jeuil, messires li bascles de Maruel, messires Pierres de Sakenville et pluisseur autre, pour leurs saudées gaegnier et leurs corps avanchier, et s’en venoient droitement vers le Pont de l’Arche, car bien penssoient que li Franchois passeroient là le Sainne, ensi qu’il fissent.

Et advint que, droitement le merquedi de le Pentecouste, si comme li captaux et se routte chevauchoient au dehors d’un bois, il encontrèrent le Roy Faucon, un hiraut qui s’estoit au matin partis de l’ost des Franchois. Si trestost que li captaus de Beus le vit, bien le recongnut et li fist grant chière, car il estoit hiraus au roy d’Engleterre, et li demanda tantost dont il venoit et s’il savoit nulles nouvellez des Franchois: «En nom Dieu, monsigneur, dist il, oil. Je me parti hui matin d’iaux et de leur routte, et vous quèrent ossi et ont grant desir de vous trouver.»—«Et quel part sont il? ce dist li captaux; sont il dechà le Pont 296 de l’Arche?»—«En nom Dieu, sire, dist Faucons, oil. Il ont passet le Pont de l’Arche et Vrenon, et sont maintenant, je croy, assés priès de Passci.»

«Et quelx gens sont il, dist li captaux, et quelx cappittainnes? Ja di le moy, je t’en pri.»—«En nom Dieu, sire, il sont bien mil et cinq cens combatans et toutte bonne gens d’armes. Si y sont: messires Bertrans de Claiequin, li comtez d’Auchoire, li viscomtes de Biaumont, messires Loeys de Chalon, li sirez de Biaugeu, li mestres des arbalestriers messires Bauduins d’Annekins, messires Loeys de Haweskierkes, messires Oudars de Renti, messires li Arceprestrez, messires Engherans d’Uedins. Et si y sont de Gascoingne: les gens le seigneur de Labreth, li sires de Mouchident, messires Ammenions de Pumiers, li soudis de Lestrade.»

Quant li captaux oy noummer les Gascons, si fu trop durement esmervilliés, et dist si comme en lui ariant: «Par le cap saint Anthonne, Gascons à Gascons s’espourveront.» Or le disoit il pour lui, car il estoit gascons. Adonc appella il de rechief Faucon et li demanda s’il ne savoit plus nullez nouvellez, et Faucons li respondi: «Oil, sire, li dus de Normendie se devoit partir ier ou huy pour aller vers Rains; car, à dimence qui vient, doit il y estre couronnés.» Adonc dist li captaux: «Faucon, se Dieux et saint Jorge nous volloient aidier, je poroie bien estre au devant de son couronnement.»

Adonc parla Faucons pour Prie, un hiraut que li Archeprestres envoyea là avoecq lui, et li dist: «Sire, assés près de chy m’atent ungs hiraux franchois que li Arceprestrez envoie deviers vous, liquelx Arceprestrez, che dist Prie li hiraux, parleroit vollentiers à vous.» Dont respondi li captaux et dist: «Faucon, dittes au hiraut qu’il n’a que faire plus avant et qu’il die à l’Arceprestre que je ne voeil nul parlement à lui.» Adonc li demanda messires Jehans Jeuiel et dist: «Sire, pourquoy? Espoir es chou pour vo prouffit.»—«Jehan, Jehan, non est, mès est li Arceprestres si grans bartères, que, s’il venoit jusquez à nous, en nous comptant gengles et bourdes, il aviserait et ymagineroit no force et nos gens; si nous porroit tourner à grant contraire. Si n’ay cure de ses parlemens.»

Adonc retourna Faucons li hiraux deviers Prie, son compaignon, qui l’atendoit au coron d’une haie, et escuza le captal bien et sagement, tant que li hiraux en fu tous comptens, et 297 raporta arrierre à l’Arceprestre chou que Faucons li eut dit de par le captal; mès, dou couvenant des Navarois, ne quel somme de gens d’armes il estoient, ne seut il nient recorder à ses mestres, car il n’avoit mies esté jusqu’yaux. Fº 130 vº.

P. 110, l. 7: cité.—Mss. A 6, 7: ville et cité.—Mss. A 8, 15 à 17: ville.

P. 110, l. 8: Legiers.—Mss. A: Michiel.

P. 110, l. 13: combatre.—Mss. A: trouver.

P. 110, l. 18: li sires de Saus.—Ms. A 17: monseigneur Jehan de Saulx. Fº 308.

P. 110, l. 25: d’encontrer.—Mss. A 8, 15 à 17: de rencontrer.

P. 111, l. 23: Renti.—Le ms. B 6 ajoute: le Bèghes de Velaines. Fº 633.

P. 111, l. 26: Aymenions.—Ms. A 8: Aymons.

P. 111, l. 29: rougia tous de felonnie.—Ms. A 15: rougit tout de grant felonnie. Fº 268.

P. 112, l. 9: cap.—Mss. A 8, 15 à 17: chief.

P. 112, l. 11: Prie.—Mss. A 8, 15: Pierre. Fº 245.—Ms. A 17: Henrri. Fº 309.

P. 112, l. 23: baretères.—Mss. A 7, 15 à 17: barateur.

P. 112, l. 24: bourdes.—Le ms. A 15 ajoute: dont il est bon ouvrier. Fº 268 vº.

P. 112, l. 26: contraire.—Mss. A 8, 15 à 17: dommage.—Le ms. A 15 ajoute: et à moult grant contraire.

P. 112, l. 27: ses.—Les mss. A 8, 15 à 17 ajoutent: grans.

P. 112, l. 28: Prie.—Mss. A 8, 15 à 17: Pierre.

P. 112, l. 28: coron.—Ms. A 17: bout.—Ms. A 15: coing.

§ 515. Ensi eurent.—Ms. d’Amiens: Enssi eurent li Franchois et li Navarrois connissance li ung de l’autre par le raport des deus hiraus. Si eurent avis et consseil li Franchois que ce merqedi, pour ce qu’il estoit tart, il se logeraient illuecq. Et se logièrent seloncq une rivierre, ensus un village que on appielle Koceriel, ens uns biaux plains, et ossi li Navarois se tinrent assés priès de là.

Quant ce vint le joedi au matin, que solaus fu levés et que li jours estoit appairans d’estre biaux et clers et sieris, li Navarois et li Englès, tous d’une alianche, chevauchièrent enssi que 298 Franchois; li hiraus les menoit tout serré et tout rengiet. Si vinrent environ primme sus les plains de Koceriel, et virent les Franchois devant yaux qui ordonnoient leurs batailles, et estoient par samblant bien tant et demy plus qu’il ne fuissent. Si s’arestèrent tout quoy au dehors d’un bosquetiel qui là estoit, et puis se traissent avant les cappittainnes et se missent en ordounnance. Premierement, il fissent trois batailles bien et feticement tout à piet, et envoiièrent les chevaux, leurs males et les gharchons ens ung bois qui estoit dallés yaux, et establirent monseigneur Jehan Jeuiel en la premierre, et li ordounnèrent tous les Englès, hommes d’armez et archiers. La seconde eut li captaux, et pooient estre en se bataille environ quatre cens combatans, uns c’autres. La tierche eurent troy autre chevalier: li bascles de Maroel, messires Pières de Saquenville et messires Bertrans dou Franch, uns bons chevaliers prouvenchiaux, et estoient ossi environ quatre cens armures de fier.

Quant il eurent ordonné leur bataille, il ne s’eslongièrent point trop loing de l’un l’autre, et prissent l’avantaige d’une montagne qui estoit à le droite main entre le bos et yaux, et se rengièrent tout de froncq sus celle montagne par devant leurs ennemis, et missent le pignon dou captal en ung fort buisson espinerech, et ordonnèrent soissante armures de fier autour pour le garder et deffendre, car tout se devoient là raloiier et affiier bien entre yaus les cappittainnes, que de là ne se partiroient nullement, pour cose qui avenist, se seroient leurs ennemis tous desconfis et mis en cache. Et tout ce veoient li Franchois coumment il s’ordonnoient, et ossi coumment il avoient pris le montaingne: se ne les en prisoient mies mains. Tout enssi ordounné et rengiés se tenoient Navarois et Englès sus le montaingne que je vous di. Fº 130 vº.

P. 113, l. 3 et 4: se radrecièrent.—Mss. A: s’adrecièrent.

P. 113, l. 7: quinze cens.—Le ms. A 15 ajoute: combatans.

P. 113, l. 23: une.—Le ms. A 17 ajoute: petite.

P. 113, l. 26: uns biaus prés.—Mss. A 8, 17: deux beaux prez. Fº 245.

P. 114, l. 4 et 5: heure de prime.—Ms. A 17: midi.

P. 114, l. 5: Coceriel.—Ms. A 8: Coucherel.—Mss. A 15 à 17: Cocherel.

P. 114, l. 18: li captaus.—Les mss. A ajoutent: de Beuch.

299 P. 114, l. 22: banière.—Le ms. A 15 ajoute: devant lui. Fº 269.

P. 115, l. 1: espinerés.—Mss. A 8, 15 à 17: espineux.

P. 115, l. 2: armeures de fier.—Ms. A 15: hommes d’armes.

P. 115, l. 8: querre.—Mss. A 8, 15 à 17: querir.

§ 516. Tout ensi.—Ms. d’Amiens: Endementroes, li Franchois ordonnèrent ossi leurs batailles, et en fissent trois et une arrierre garde. La premierre eut messires Bertrans de Claiequin à tous les Bretons, et fu ordonnés pour assambler à le bataille dou captal. La seconde eult li comtez d’Auçoire et li viscomtes de Biaumont et messires Bauduins d’Enekins, et eurent avoecq yaux les Franchois, les Normans et les Pickars, monsigneur Oudart de Renti, monsigneur Engherant du Edin, monsigneur Loeis d’Aveskierke et les autres. La tierce eut li Arceprestres et les Bourghignons avoecq lui, monseigneur Loeys de Chalon, le seigneur de Biaugeu, monsigneur Jehan de Vianne, monsigneur Gui de Frelay, monsigneur Huge de Vianne et pluisseurs autres. Et devoit s’asambler ceste bataille au bascle de Marueil et à se routte. Et l’autre bataille, qui estoit pour arrierre garde, fu des Gascons: monsigneur Aimmenion de Pumiers, le soudich de Lestrade, le signeur de Mucident et pluisseur aultre. Et pour ce quil veoient le pignon le captaul mis et assis en ung buisson et en faisoient li Navarois leur estandart, il ordonnèrent leur bataille des Gascons à adrechier ceste part. Fº 130 vº.

P. 115, l. 11: Entrues.—Ms. A 6: Entrementres. Fº 248 vº.—Mss. A 8, 15 à 17: Pendant ce.

P. 115, l. 14: Bretons.—Le ms. A 15 ajoute: dont je vous en nommeray aucuns chevaliers et escuiers: premierement monseigneur Olivier de Mauny et monseigneur Hervé de Mauny, monseigneur Eon de Mauny, frères, et nepveux du dit monseigneur Bertran, monseigneur Geffroy Ferron, monseigneur Allain de Saint Paul, monseigneur Robin de Guité, monseigneur Eustace et monseigneur Allain de la Houssoye, monseigneur Robert de Saint Pern, monseigneur Jehan le Voier, monseigneur Guillaume Bodin, Olivier de Quoyquen, Lucas de Maillechat, Gieffroy de Quedillac, Gieffroy Paien, Guillaume du Hallay, Jehan de Parrigny, Sevestre Budes, Berthelot d’Angoullevent, Olivier Ferron, Jehan Ferron son frère et pluseurs autres bons chevaliers et escuiers que je ne puis mie tous nommer. Fº 269.

300 P. 115, l. 17 et 18: d’Anekins.—Mss. A 18, 19: de Meleun.

P. 115, l. 18 à 21: mestres... Haveskierkes.—Ces lignes manquent dans les mss. A 15 à 17.

P. 115, l. 20: d’Uedin.—Mss. A 7, 18, 19: de Hedin. Fº 249.

P. 115, l. 26: Hughe.—Mss. A 15 à 17: Jehan.

P. 116, l. 1: purainne.—Ms. A 6: entière. Fº 248 vº.—Mss. A 8, 15: pure. Fº 245 vº.

P. 116, l. 7: lés.—Mss. A 8, 15 à 17: costé.

P. 116, l. 8: un.—Le ms. A 15 ajoute: hault. Fº 269 vº.

§ 517. Assés tost.—Ms. d’Amiens: Et (ordonnèrent les Gascons) trente hommes des leurs, fors et appers, montez chacuns sus bons fors courssiers et delivrés, et aler concquerre ce pignon et combattre au captaul, et rompre se bataille quant elle seroit entamée, et à riens entendre fors tant seullement au captaul, et lui prendre par forche et toursser sur leurs chevaux et porter ent à sauveté; car qui l’aroit pris, fust li journée pour yaux ou non fust, il aroit bien esploitiet, et tenroient leurs ennemis pour tous desconffis. Fº 131.

P. 117, l. 3: entrues.—Ms. A 7: entrementres.—Mss. A 6, 15 à 17: pendant.

P. 117, l. 7: tourseront.—Mss. A: trousseront.

P. 117, l. 8 et 9: où que soit.—Mss. A 6, 15 à 17: quelque part.

P. 117, l. 20: rades.—Mss. A: roides.

P. 117, l. 24: estre.—Le ms. A 15 ajoute: pour faire et acomplir l’entreprinse que tous ces seigneurs de France et de Gascongne avoient parlé et ordonné entr’eulx. Fº 269 vº.

§ 518. Quant cil.—Ms. d’Amiens: Quant li Franchois se furent enssi ordonné, ainchois que li signeur se trayssent en leurs bataillez où il estoient estaubli, il regardèrent entre yaux et pourparlèrent à lequelle bannierre ou pignon il se retrairoient et quel crit il criroient. Si fu de premiers acordé entre yaux qu’il criroient: «Nostre Damme! Auchoire!» Mès li comtez, qui là estoit presens, y refuza et s’escuza et dist que il estoit li ungs des jonnes chevaliers qui là fust, et la premierre besoingne arestée où il avoit estet, si ne volloit mies que on lui fesist celle honneur, mes fust baillie à un autre où elle fuist mieux emploiiée c’à lui. 301 Dont fu regardé d’un coumun acord c’on crieroit: «Saint Yve! Claiequin!» et pour yaux mieux recongnoistre: «Nostre Damme! Claiequin!»

Ensi tout rengiet et ordonné et avisé quel cose il devoient faire et yaux maintenir, se tenoient tout quoy sus les camps et regardoient leurs ennemis, qui nul samblant ne faisoient dou descendre. Si se traissent enssamble li chief des routtes environ yaux vingt cinq, et parlementèrent ung grant temps. Et volloient li aucun, especialment messires Bertrans de Claiequin, que on les allast combattre. Et li aucun, mieux avisés, le debatoient et disoient que, se il faisoient enssi, il feroient ung grant outraige, mès souffresissent encorres et regardaissent le couvenant de leurs ennemis: «Sachiés, disoient messires Oudars de Renti et messires Bauduins d’Ennekins, que, se nous avons grant desir d’iaux combattre, ossi ont il nous: si nous tenons en nos batailles bellement et quoiement. S’il descendent, bien nous les combaterons; et s’il ne descendent dedens le soir, nous arons autre advis.»

Chilx conssaux fu tenus, et se tinrent li Franchois tout quoy, chacuns sirez desoubs se bannierre ou desoubs se pignon, enssi qu’il estoit ordounnés. Et tant atendirent qu’il fu haux midi et que li jours estoit si escauffés que li pluisseur en estoient tout afoibli, car il n’avoient avoecq yaux nulles pourveanches pour boire ne pour mengier, se petit non. Et toudis se tenoient li Navarrois et li Englès en leur fort, sans yaux bougier ne faire samblant de descendre. Quant ce vint sus l’eure de nonne et que li sollaux tourna dou tout au contraire des Franchois, et que de trop junner li pluisseur estoient mout foullé, si se coummenchièrent enssi que tout à descoragier, et dissent li aucun que li heure passoit pour combattre. Si se fuissent par samblant volentiers retret, et fu priesque tout conssilliet dou retraire et dou niens combattre.

Or vous di qu’il y avoit là aucuns gentilz hommes de Normendie qui cevauchoient de l’un à l’autre, sans get et sans regard, qui ne se pooient armer, car il estoient prisonnier as Navarois et recreus sus leurs fois. Si disoient bien as chevaliers franchois: «Signeur, advisés vous, car, se li journée se depart sans bataille, vostre ennemy seront demain deus tans qu’il ne sont hui, et toudis mouteplieront en puissanche; car messires Loeis de Navarre doit venir à plus de mil combatans.» Si que ces parolles atraioient durement les Franchois à combattre. Fº 131.

302 P. 118, l. 25: eurent.—Les mss. A 6, 17 ajoutent: tout.

P. 118, l. 6: dou.—Le ms. A 17 ajoute: noble.

P. 118, l. 8: bellement.—Mss. A 8, 15 à 17: doucement.

P. 118, l. 12: journée.—Ms. A 15: besongne. Fº 270.

P. 118, l. 13: de.—Ms. A 8, 15 à 17: que.

P. 118, l. 16: le Mestre.—Ms. A 15: Baudequin d’Annequins, maistre des arbalestriers.

P. 118, l. 27: vos compains.—Mss. A 6, 7, 15 à 17: vostre compaignon.

P. 119, l. 13: tierne.—Mss. A: tertre.

P. 119, l. 21: vin.—Le ms. A 17 ajoute: ne baril.

P. 119, l. 23: flaconciaus.—Ms. A 7: flaconniaus. Fº 249 vº.—Mss. A 8, 15 à 17: flacons, petiz flacons.

P. 119, l. 28: soutilleté.—Ms. A 17: subtilité. Fº 311 vº.

P. 119, l. 29: remontière.—Mss. A: remontée.

P. 120, l. 1 et 2: couvenant.—Mss. A 8, 15 à 17: couvine.

P. 120, l. 6: requerre.—Mss. A 8, 15: requerir.

P. 120, l. 16: frefel.—Ms. B 3: desir.—Ms. B 4: frestel.—Ms. A 6: fresel.

P. 120, l. 20: paisieulement.—Mss. A: paisiblement.

P. 120, l. 24: nostre.—Mss. A: vos.

P. 120, l. 27: trois cens.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: quatre cens.

P. 120, l. 30: ahati.—Ms. A 17: hastiz.—Ms. A 15: atiz.

P. 121, l. 15: diverses.—Le ms. A 17 ajoute: et contraires.

§ 519. Quant li.—Ms. d’Amiens: Quant li chevalier de Franche virent que li Navarois et li Englès ne partiroient point de leur fort et qu’il estoit ja haulte nonne, et si ooient les parolles que li prisonnier franchois leur disoient, si se retraissent à consseil enssamble, et conssillièrent qu’il feroient passer le pont tous leurs chevaux et leurs harnas et leurs varlès et les plus foullés par samblant de leur routte, et puis petit à petit il passeroient et se logeroient bellement, chascuns sires par lui et entre ses gens, ce soir sus le rivierre, et l’endemain il aroient nouviel consseil et avis, car voirement estoient il durement mesaisiet dou chault et de trop junner. Et se, en yaux retrayant, il avenoit ensi que 303 leur ennemy, qui sont chaut et hastieu, descendoient de leur montaingne, il retourroient tout à ung fès sus yaux, et criroient leur cri, et chacuns sires et hommes d’armes se trairoit à se bataille: il savoient bien quel consseil il devoient faire. Che consseil donnèrent li Gascon messires Ainmenion [de Pummiers], messires li soudis [de Lestrade] et li sires de Moucident. Dont sonnèrent il leur trompettes, et fissent mout grant signe d’iaux retraire, et fissent passer oultre le pont et le rivierre leurs harnois et leurs pourveanches, les varlès et tous leurs chevaux, excepté les trente qui se devoient adrechier au captal. Et quant il furent enssi que tout passet, gens d’armes coummenchièrent ossi à passer.

Quant messires Jehans Jeuiaux, qui estoit appers chevaliers et vighereux durement et qui avoit grant desir des Franchois combattre, perchupt le mannierre et coumment il se retraioient, se dist au captal: «Sire, sire, descendons appertement; ne veés vous pas coumment li Franchois s’enfuient?» Dont respondi li captax et dist: «Messires Jehan, messire Jehan, ne creés ja que si vaillant homme qu’il sont, s’enfuient ensi: ils ne le font, fors par malisse et pour nous atraire.» Adonc s’avancha messires Jehans Jeuiaux, qui moult engerans estoit de combattre, et dist à chiaux de se routte: «Passés avant! Qui m’aimme, se me sieuwèce!» Dont s’avança en sallant devant touttes les battailles en descendant dou mont, son glaive en son poing, en escriant: «Lez les Franchois!» et «Saint Gorge! Giane!» Quant li captaux en vit le mannierre, si le tint en soy meysmes à grant desdaing, et dist à sa bataille: «Avant! Avant! messires Jehans Jeuiaux ne se combatera point sans my.» Dont descendirent il tout coummunement dou fort où il s’estoient tenu, et se missent au plain.

Quant li Franchois, qui estoient en aguet de ceste ordounnanche, les virent descendre, si s’arestèrent tout à ung fès et dissent entr’iaux: «Vesci chou que nous demandions.» Si huièrent et jupèrent apriès leurs gens qui le pont passoient, et furent tantost remis en bon arroy, leurs bannièrez et pignons devant yaux, en criant: «Nostre Dame! Claiekin!» Evous monsigneur Jehan Jeuiel, qui de grant vollenté s’en venoit tout devant, et se vient ferir, son glaive en son poing, en le bataille des Bretons et combattre mout vassaument, et ossi il fu moult bien recheu de monsigneur Bertran de Claiequin et de chiaux de se routte. D’autre part, li comtes d’Auchoire, li viscomtez de Biaumont, messires Bauduins d’Ennekins, 304 messires Oudars de Renti et li autre chevalier et leur bataille s’en viennent adrechier à le bataille des Bourgignons, li sires de Biaugeu, messires Loeis de Chalons et les gens de l’Arceprestre s’en vont adrechier à le bataille monsigneur Pière de Sakenville et monsigneur Joffroy de Roussellon. Et pour chou que en armes on ne doit mies mentir, mès dire le verité à son loyal pooir, bien est voirs que li Arceprestres, si trestost qu’il vit c’on se combateroit et que les batailles s’asambloient, il se parti et ungs siens escuiers seullement, et issi de se bataille, mès il dist à ses gens: «Demorés et si vous acquittés à vostre loyal pooir: je me pars, car je ne me puis combattre.» Dont monta à cheval et rapassa le Pont de l’Arche, et cil qui se combattoient, le quidoient dallés yaux, pour ce qu’il veoient se bannierre, et si n’avoit pris congiet à nullui, fors à ses gens. Fº 131.

P. 121, l. 17: sus.—Mss. A 8, 15 à 17: pour.

P. 121, l. 29: l’espoir.—Mss. A 8, 15 à 17: pense.

P. 122, l. 25: Jeuiel.—Ms. B 6: de Pipes. Fº 631.

P. 123, l. 9 et 10: li captaus.—Ms. A 8: le capitaine. Fº 250 vº.—Mss. A 8, 17: les capitaines. Fº 247 vº.

P. 123, l. 15: mi.—Mss. A: moi.

P. 123, l. 24: assambler.—Ms. A 8: assaillir.

P. 123, l. 25: Evous.—Mss. A 8, 15 à 17: Et va venir.

P. 123, l. 28: Bertrans.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: du Guesclin.

P. 123, l. 29: malement.—Le ms. A 17 ajoute: Et d’aventure il encontra monseigneur Olivier de Mauny, nepveu de monseigneur Bertran, fort chevalier et asseuré durement. Là se combatirent ces deux vaillans chevaliers ensemble moult longuement, main à main, et tant que le dit monseigneur Olivier cheit de la presse. Et adonc monseigneur Jehan Jouel fut sur lui la dague ou poing, pour lui occire, en lui disant: «Rendez vous tantost, ou vous estes mort.» Adonc respondit le dit monseigneur Olivier: «A Dieu le veu, monseigneur Jehan, non suis encore; mais je vueil que vous essaiez vostre fois comment ceste terre est dure.» Et lors il le prant par le camail et à force de braz il mist monseigneur Jehan Jouel dessoubz lui, et fut monseigneur Olivier dessus. Et lors il bleça et navra à mort le dit monseigneur Jehan Jouel, et le laissa à un sien escuier qui estoit delez lui, qui avoit nom Guion de Saint Pers, lequel le fiança prinsonnier; mais il mourut cellui jour des plaies qu’il avoit receues la journée. Fº 313 vº.

305 P. 124, l. 6: Claiekin.—Le ms. A 15 ajoute: monseigneur Olivier de Mauny son nepveu. Fº 271 vº.

P. 124, l. 8 et 9: li... Anthones.—Ms. A 17: monseigneur de Beaugieu et monseigneur Anthoine de Beaugieu.

P. 124, l. 13: Aymenions.—Mss. A 8, 17: Aymons.

P. 124, l. 30: fourfraire.—Mss. A 8, 15 à 17: meffaire.

P. 125, l. 5: rivière.—Le ms. A 17 ajoute: en plourant moult tendrement de ce qu’il ne povoit demourer à la bataille. Fº 314.

§ 520. Au commencement.—Ms. d’Amiens: Quant li Navarois et chil de leur costé virent le couvenant des Franchois, si se reculèrent tout en combatant un petit, et fissent leurs archiers voie pour traire. Si se missent en bon aroy chil qui devoient traire, mès li Franchois estoient si fort armet et si bien pavesciet, que oncques li trais ne les greva noyent, ne pour chou n’en laissièrent il point à combattre. Si tost que li trais fu passés, les batailles entrèrent l’une dedens l’autre, en boutant et en estechant des glaives. Là veoit on les plus apers et les plus bachelereus coumment il s’avanchoient et rompoient par bien combattre les routtes, et prendoient et fianchoient prisonniers, ou il se faissoient prendre par appertisses d’armes, ou navrer, ou ochire. Là avoit grant cliquetis d’espées, de daghes et de bastons d’armes, et s’aprochoient et se tenoient main à main, et se combatoient si vaillamment que nulle gens mieux, et point ne s’espargnoient, et nul mot ne parloient que leur cris à cief de fois il crioient pour yaux raloiier.

Or vous diray des trente qui esleu estoient pour yaulx adrechier au captal et trop bien monté par especial. Il s’en vinrent tout serré là où li captaux se combatoit moult vassaument, piet avant autre, tenant une hache en sen poing, dont il donnoit si grans horions que nulx ne l’osoit aprochier; car il estoit grans chevaliers, fors et durs malement et resongniés de ses ennemis. Chil trente, qui estoient moult bien monté sus courssiers fors et puissans, et ossi appert, fort et dur hommes d’armes et bachelereus durement, ne veurent mies resongnier le paine ne le peril; mès brochièrent chevaux des esperons et rompirent par forche toutte le bataille et les gens le captal, et fissent voie au comte d’Auchoire, au viscomte de Beaumont, à monsigneur Bauduin d’Auekin, à monsigneur Engherant du Edin, à monsigneur Oudart de Renti, à 306 monsigneur Loeys de Haveskerke et as bons chevaliers de leur routtez et escuiers ossi. Là eult très fort bouteis et grans abateis, et moult de bons hommes d’armes mis à grant mesaise. Avoecq tout chou, chil trente, qui n’entendoient à autre cose fors toudis à aller avant et faire leur emprise, s’arestèrent droitement sus le captal et coummenchièrent à lanchier et à ferir à lui grans horions de leurs roides espées et des bastons de guerre qu’il portoient, et à derompre gens et à abattre entour li et mettre à grant meschief; car chil courssier, qui estoient fort et puissant et tous couvert de fers et bien brochiet sans espargnier des esperons, confondoient tout devant et entour yaux.

Et quant li captaux, qui estoit hardis et saiges chevaliers durement, en vit le manierre et que on entendoit trop parfaitement à lui prendre, si s’esvertua et fist trop plus d’armes sans comparison que nuls autres, et se tint ung grant temps que nulx ne l’osoit aprochier, tant lançoit il les cops grans et perilleux. Mès il n’est force d’omme ne de lion que, au haster et au continuer, on ne foulast et afoiblesist. Là fu il si bien combatus des ungs et des autres à tous lés, qu’il ne savoit auquel entendre. Si fu pris et ahers par forche et tirés de ces hommes d’armez à cheval hors de le presse, et si menés par force d’armes qu’il fiancha prison à yaux, et le cargièrent et portèrent et ravirent hors des bataillez maugret touttes ses gens, et passèrent oultre le pont et le rivière et le missent à sauveté. Enssi fu pris li captaux de Beus, si comme je l’oy recorder le Roy Faucon, qui fu toudis enmy le bataille et qui en vit tout le couvenant et pluisseurs bellez appertisses d’armes des autres bons chevaliers et escuiers, tant d’un lés comme de l’autre. Fº 131 vº.

P. 125, l. 19: fourfet.—Le ms. A 17 ajoute: grandement.

P. 126, l. 1 et 2: luitier.—Mss. A 15 à 17: luite.

P. 126, l. 12: emprise.—Mss. A 8, 17: entreprise. Fº 248.

P. 126, l. 14: pas.—Ms. A 6: pays. Fº 251.

P. 126, l. 16: li Breton.—Mss. A 8, 15 à 17: les Picars.

P. 127, l. 6: grant.—Le ms. A 8 ajoute: grant debat et.

P. 127, l. 6: puigneis.—Mss. A 8, 15 à 17: hustin.

P. 127, l. 9: foursené.—Ms. A 8: forcennez. Fº 248 vº.

P. 127, l. 9: crioient.—Le ms. A 17 ajoute: tous à haulte voix. Fº 315.

§ 521. En ce toueil.—Ms. d’Amiens: Pour ataindre le juste 307 matère et parler de tout vivement, voir est que, entroes que chi trente homme à cheval et li bataille dou comte d’Auchoire et dou viscomte de Biaumont, avoecq les Franchois et les Pickars, entendoient au prendre le captal et à combattre ses gens, messires Ainmenions de Pumiers, li soudis de Lestrade, li sirez de Mucident et leur bataille s’adrecièrent droitement au penon du captal qui estoit enclos en un buisson espinerech, enssi que dessus est dit, et à ciaux qui le gardoient, qui estoient ossi toutte gens d’eslite. Là eut dur hustin et bien combatu, car cil gardoient leur pennon, qui estaubli y estoient sus leur honneur, car il estoit resors et raloieanche d’iaux tous: si avoient plus chier à morir qu’il leur fust hostés. Si dura moult longement li bouteis et li estekeis entr’iaux de lanches, de haches, d’espées, d’espois et de daghes. Endementroes, se combatoient les autres batailles chascune à sa chascune, et estoient assés loyaument parti.

Si vous di que, quant les gens dou captal en virent par force porter et mener leur mestre, enssi que tout fourssené, il le poursiewirent vistement et corageusement et s’abandonnèrent de grant vollenté, et requissent leurs ennemis si dur et si fierement qu’il les reculèrent. Là couvint il maint homme morir, cheir et trebuchier l’un parmy l’autre; et sachiés, qui estoit cheus, s’il n’avoit bon secours et hastieu, jammais depuis ne se relevoit, car li presse et li enchaus y estoit si grans que chascuns estoit tous ensonniiés dou deffendre et de lui garder. Et par especial les gens dou captal se combatirent trop vaillamment, et ne demora mies en yaux ne en leur emprise qu’il ne desconfirent le bataille dou comte d’Auchoire, car il fu rués par terre et navrés mout durement et se bannierre abatue, quant messires Bertrans de Claiequin et une grosse routte de Bretons vinrent celle part, et le rescoussirent par forche d’armes et relevèrent se bannierre et reculèrent leurs ennemis. Et adonc en celle presse et en cel estekis fu ochis li viscontes de Biaumont, dont che fu dammaiges, car il estoit jonnes chevaliers, hardis et appers durement et de grant vollenté.

Or vous diray des Gascons et de chiaux qui estoient adrechiet vers le pennon le captal. Il fissent tant par forche d’armes qu’il rompirent le presse et delivrèrent le place de tous chiaux qui le gardoient, et furent, comme vaillant gent, tout mort ou tout pris; ne oncques ne daignièrent fuir, mès se vendirent si vaillamment que nule gens mieux. Touteffoix, li pennons fu conquestés et ostés 308 de là où il estoit, abatus et deschirés, et li hanste coppée. Mès en celle presse, li sires de Muchident fu moult navrés, et y eut mors trois de ses escuiers, et li soudis de Lestrade i eut le brach romput. Non obstant ce, messires Ainmenions requeilla touttes ses gens apriès le desconfiture de chiaux qui le pennon avoient gardé, et s’en vinrent en criant: «Nostre Damme! Claiequin!» sus les gens dou captal, qui trop bien se tenoient et se combatoient. Là eut de rechief grant hustin et dur et bien combatu.

Li sires de Biaugeu, messires Loeys de Chalon et les gens l’Arceprestre, avoecq grant fuisson de bons chevaliers et escuiers de Bourgoingne, se combatoient d’autre part moult vaillamment à monsigneur le bascle de Maruel et à se route, à monsigneur Pière de Sakenville, à monsigneur Joffroy de Roussellon, à monsigneur Bertran dou Franch et à leur routte. Et vous di que là eult fait mainte belle appertisse d’armes, mainte prise et mainte rescousse; car chascuns, endroit de lui, se prendroit mout priès de bien faire le besoingne pour sen onneur.

D’autre part, li Pickart et leur routtes se combatoient à monsigneur Jeuiel et à se bataille, où il y eut fait ossi mainte belle appertisse d’armes, car chils messires Jehans Jeuiel estoit bons chevaliers, durs, fors, hardis et appers et bien combatans. Si ne l’avoit on point d’avantaige contre lui. Là furent très bon chevalier messires Bauduins d’Enekins, messires Oudars de Renti, messires Engherans du Edins, messires Renars de Bassentin, messires Jehans de Bergette et pluisseurs autres chevaliers de Picardie, que je ne say mies tous noummer, et ossi maint bon escuier. Là fu li bataille de monsigneur Jehan Jeuiel trop vassaument rencontrée et combatue, et fu par forche d’armes reboutée et rompue, et li dis chevaliers messires Jehans Jeuiel mallement navrés, pris et fianchés prissons et tirés hors de le presse, et tout li sien mort ou pris et mis en cache. Mès trop cousta as Franchois, car il perdirent des leurs, mors sus le plache, monsigneur Bauduin d’Ennekins, mestres pour le temps des arbalestriers de Franche, et monseigneur Loeys de Haveskerkes et des autres chevaliers et escuiers. Si en y eult des navrés, des blechiés et des bien batus grant fuisson.

Encorres se combatoient moult vaillamment li sires de Biaugeu, messires Loeys de Chalon et li Bourgignon au bascle de Maruel et as autres Navarrois, et eut en celle bataille fait moult de belles appertisses d’armes.

309 Touttes fois, quant li Pickart eurent romput et mis en cache chiaux de le bataille monsigneur Jehan Jeuiel, il se radrechièrent celle part en escriant: «Nostre Damme! Claiequin!» et se boutèrent avoecq leurs gens sus les dessus dis Navarois et les reculèrent par forche d’armes.

Or se quidièrent retraire chil chevalier de Navarre et de Normendie deviers le penon dou captal, et riens ne savoient de se prise. Si commencièrent petit à petit à reculler, en escriant: «Nostre Damme! Navarre!», et moult bien se combatoient. Mès quant il virent qu’il en avoient perdu le veue et le ressort et que leurs gens se desroutoient et fuioient et n’ooient mès crier leur cri, mès: «Nostre Damme! Claiequin!», et veoient les bannierres des Franchois venteler sour les camps et tout premierement celle de monsigneur Bertran Claiekin, si se coummenchièrent à esbahir et à desconfire et à retraire vers le bois pour venir à leurs chevaux. Mès li plus des garchons qui les gardoient, quant il virent le desconfiture sus leurs mestres, il se partirent et sauvèrent et en menèrent plentet de leurs males et de leurs harnas, et se retraissent deviers une fortrèce que on nomme d’Akegni, qui estoit navaroise.

Quant li bascles de Maruel vit le desconfiture sus ses gens, il ne daigna fuir, mès s’aresta et requeilla ce de gens qu’il peult avoir, chevaliers et escuiers, qui ne le veurent mies laissier. Là se combatirent moult longement et moult vaillamment, et y fissent, au voir dire, merveilles d’armes; mès finablement il furent desconfit, et li bascles de Maruel, chils hardis chevaliers, mors sus le place, et pris messires Pières de Saquenville, messires Joffrois de Roussellon, messires Bertrans dou Franc, et tout li autre; petit s’en sauvèrent qu’il ne fuissent tout mort ou pris. Ceste bataille fu assés priès de Coceriel en Normendie, le quatorzime jour de may l’an mil trois cens soissante quatre. Fos 131 vº et 132.

P. 127, l. 15: toueil.—Mss. A 8, 15 à 17: touillis, toulleis.

P. 127, l. 16: sievir.—Mss. A 8, 15 à 17: suir.

P. 128, l. 14: besongnoit.—Mss. A 8, 15 à 17: estoit besoing.

P. 128, l. 20: ensus.—Mss. A 8, 15: arrière. Fº 249.

P. 129, l. 2 et 3: commença.—Le ms. A 17 ajoute: mourut ce jour des coups que monseigneur Olivier de Mauny lui donna, 310 lui estant prisonnier d’un sien escuier breton dessoubz monseigneur Bertran du Guesclin. Fº 315 vº.

P. 129, l. 6: se embati si avant.—Ms. A 8: se combaty si vaillanment. Fº 249.—Ms. A 17: ala tousjours avant comme vaillant chevalier que il estoit.

P. 129, l. 11: Loeis.—Ms. A 15: Jehan. Fº 273.

P. 129, l. 17 et 18: dures gens mervilleusement.—Mss. A 15 à 17: bonnes gens d’armes durement.

P. 129, l. 22: très le.—Ms. A 8: dès le.—Mss. A 15 à 17: du.

P. 129, l. 24: Les François.—Le ms. A 17 ajoute: et les Bretons.

P. 129, l. 32: bascles.—Mss. A 15 à 17: bascon.

P. 130, l. 2: Jeuiel.—Le ms. A 15 ajoute: De laquèle mort l’escuier de Bretaingne qui l’avoit prins fut durement courrocié, car il en eust eu voluntiers cent mille frans. Et vous di que ce vaillant chevalier, monseigneur Jehan Jouel, avoit fait mettre et entaillier lettres entour son bacinet qui disoient ainsi: «Qui Jehan Jouel prandra cent mille frans aura, et autant lui en demourra pour s’armer que s’amie lui donrra.» Fº 273.

P. 130, l. 5: aultre.—Le ms. B 6 ajoute: Oncques nuls n’en escapa. Tout furent mors ou pris, et rapassèrent che soir les Franchois l’aige, et vinrent logier à Pasci et à Vernon, et l’endemain à Roem. Fº 634.

P. 130, l. 8: seizime.—Mss. A: vingt quatrième.

§ 522. Apriès.—Ms. d’Amiens: Apriès celle desconfiture et que tout il mort estoient desvesti et que chacuns entendoit à ses prisonniers, s’il les avoit, et que là li moitiés des leurs et plus avoient rapasset l’aighe et rapassoient pour yaux retraire à leurs logeis, car il estoient durement lasset et foullet de combattre et ossi pour le calleur qu’il avoit fait ce jour, avint que, sus le vespre, environ quarante lanches des Navarois vinrent tout à brochant, et riens ne savoient de le desconfiture, mès quidoient que li leur ewissent le journée pour yaux. Si venoient esperonnant moult radement, en escriant: «Nostre Damme! Navarre!»

Quant messires Ainmenion de Pummiers, qui estoit à l’arrière garde, les perchupt venir, il s’aresta tous quoys, et fist arester ses gens et mettre son pennon en un buisson et yaux tenir en bon couvenant, les espées et les haces devant yaux. Evous venus ces 311 Navarois au cours des esperons, et entrèrent au camp où li bataille avoit estet. Si perchurent tantost que li leur estoient desconfit, et conneurent le pennon monsigneur Ainmenion de Pumiers. Si n’eurent mie consseil dou demourer, mès se traissent au plus tost qu’il peurent, sans lanchier ne ferir ne riens faire d’armes. Depuis ni eut point d’aparant que nulx se traisist avant pour combattre, ne [pour] rescoure le captal ne les autres qui estoient pris. Si rapassèrent li Francois le rivierre, et se logièrent celle nuit seloncq le rivierre et se aisièrent de chou qu’il eurent. Ce propre soir, mourut messires Jehans Jeuiel des plaies qu’il avoit.

Quant ce vint au matin, li signeur de Franche donnèrent par les bons hommes dou pays des mors à ensevelir. Et puis cevaucièrent par deviers Vrenon pour venir deviers Roem. S’en menoient leur gaaing et leur prisonniers, tous joyans, c’estoit bien raisons, car il avoient euv une moult belle journée pour yaux et moult pourfitable pour le royaumme; car, se li contraires ewist esté, li captaux de Beus ewist fait un grant escart en Franche et avoit empris de venir à Rains au devant dou duc de Normendie, qui y estoit venus pour lui faire courounner et consacrer, et la duçoise sa femme ossi, fille qui fu à monsigneur Pière, le duc de Bourgoingne. Fº 132 vº.

P. 130, l. 12: qui les avoit.—Ms. B 4 et mss. A: se il les avoit.

P. 130, l. 20: Konces.—Mss. A: Conches.

P. 130, l. 28: les grans eslais.—Ms. A 6: des esperons. Fº 251 vº.—Mss. A 8, 15: les grans galoz. Fº 149 vº.—Ms. B 3: les lances baissées. Fº 262 vº.

P. 131, l. 3: la friente.—Ms. B 3: la force.—Ms. A 8: l’effroy des chevaux.—Mss. A 15 à 17: la frainte des chevaulx. Fº 273 vº.

P. 131, l. 13: ralloiier.—Mss. A 8, 15 à 17: rassembler.

P. 132, l. 13: joiant.—Mss. A: joieux.

P. 132, l. 17: escars.—Ms. B 3: eschec. Fº 263.—Ms. B 4: estat. Fº 250.—Mss. A: essart.

§ 523. Ces nouvelles.—Ms. d’Amiens: Ces nouvelles s’espardirent en pluisseurs lieux que li captaux de Beus estoit pris et toutte se routte ruée jus. Si en acquist messire Bertran de Claiequin grant grasce et grant renommée de touttes mannierrez de gens dou royaumme de Franche, et ossi tout li chevalier qui 312 avoecq lui avoient esté. Si vinrent les nouvelles jusques au ducq de Normendie qui estoit à Rains: si en fu durement joians et en regracia Dieu humblement, quant en se nouvelleté une si belle aventure d’armez estoit avenue à ses gens. Si en fu de tant la feste plus noble et plus lie.

Che fu le jour de le Trenité l’an mil trois cens soissante quatre que li roys Carles, ainnés filx dou roy Jehan de Franche, fu courounnés et consacrez à roy en le grant eglise de Nostre Damme de Rains, et ossi madamme la roynne, sa femme, de l’arcevesque reverend père en Dieu monsigneur Jehan de Craam, arcevesque de Rains. Là furent li roys de Cippre, li dus d’Ango, li dus de Bourgoingne, frère germain au dessus dit roy de Franche, et messires Wincelans de Boesme, dus de Luxembourcq et de Braibant, leur oncles, et grant fuisson de comtes, de barons et de tous autres chevaliers et de prelas et d’arcevesques et d’evesques. Si furent les festez et les solempnitez grandes. Et dounna li roys de Franche grans dons et biaux jewiaux as seigneurs estragniers et là où il le tenoit à bien emploiiet.

Si furent de tout en tout ces festez et ces solemnités bien poursiewies et bien achievées. Et demoura li jone roys de Franche et madamme la roynne, sa femme, cinq jours en le chité de Rains. Si se partirent li dus de Braibant et aucun signeur qui prissent congiet à lui, et s’en revinrent viers leurs maisons. Et li jones roys Carles de Franche et madamme la roynne se retraissent à petittes journées et à grans reviaux et esbatemens deviers Paris. Et vinrent à Laon, et de Laon à Soissons, et puis à Compiègne, et puis à Senlis et puis à Saint Denis. Et partout estoient il recheu liement et honnerablement, et par especial, quant il entrèrent en le chité de Paris, che fu à très grant solempnité.

Je ne vous puis mies recorder les dons, les presens, les esbatemens et les reviaux qui furent fais, dounnet et presentet à le nouvelleté dou roy, mès m’en vorray briefment passer. Voirs est que, à le revenue dou roy, messires Bertrans de Claiequin vint à Paris, et li sires de Biaugeu, li comtes d’Auchoire, messires Loeis de Calon, messires Thieubaux de Chantemelle, messires Oudars de Renti et li chevalier qui avoient esté à le besoingne de Koceriel. Se le vit li roys Carles moult volentiers, et les rechupt liement, et festia chascun par li et par especial monsigneur Bertran de Claiequin et les chevaliers de Gascoingne, monsigneur Ainmenion de Pumiers et les autres, car li vois alloit que 313 par yaulx avoit esté li bataille desconfite et li captaux pris. Fº 132 vº.

P. 133, l. 2: plus liet et plus joiant.—Mss. A 8, 15: plus liées et plus joyeuses. Fº 250.

P. 133, l. 14 et 15: Wedimont.—Mss. A 8, 15: Vaudemont.

P. 133, l. 15: d’Alençon.—Le ms. A 15 ajoute: arcevesque de Rouen. Fº 274. Mauvaise leçon.

P. 134, l. 5 et 6: car... couronnement.—Mss. A 15: car monseigneur de Labreth n’avoit point esté à la besongne, mais ses gens y furent, mais il avoit esté à Reins au couronnement du roy Charles.

§ 524. A le revenue.—Ms. d’Amiens: Assés tost apriès le revenue dou roy Carle de Franche à Paris, fu ordonnés et denommez, presens les pers et les barons dou royaumme qui à chou furent appiellet, messires Phelippez, mainnés frèrez dou roy, dus de Bourgoingne. Et se parti de Paris à grans gens, et en vint prendre le possession de la ditte duché, et prist le foy et hoummage des barons, des chevaliers, des chités, des castiaux et des bonnes villes de Bourgoingne. Si estoient avoecq lui li sires de Biaugeu, qui s’apelloit messires Anthonnez, messires Phelippez de Bourgoingne, messires Loeis de Chalon, li Arceprestres, que li dessus dis dus avoit rappaisiet au roy de Franche, son frerre, parmy escuzance assés raisonnable qu’il li avoit moustret; car li Arceprestres avoit dit enssi qu’il ne se pooit armer ne combattre, tant c’aucun chevalier, qui estoient avoecq le dit captal, fuissent encorres, pour se prise et pour se raenchon de le bataille de Brinai, dont il ne s’estoit mies encorres tous acquités. Se li avoit li roys de Franche pardounné son mautalent, parmy tant que li Arceprestrez avoit proummis et juret qu’il seroit en avant bons et loyaus au roiaumme de Franche et n’y feroit ne pensseroit jammès nulle lasqueté.

A che donc estoient encorres les Compaignes en Bourgoingne, Guis dou Pin, le Petit Meschin, Tieuaubs de Chaufour Jehans de Chaufour, Tallebart Tallebardon, qui gastoient et essilloient tout le pays. Mès li dus Phelippez y mist consseil et y pourvei de remède, car il furent une fois ruet jus au dehors de Digon, et furent tout mort et tout pris, excepté le Petit Meschin, qui s’enfui et se sauva. Si en fist li dus de Bourgoingne pendre, 314 noiier et mettre à fin plus de quatre cens. Assés tost apriès, le remanda li roys de Franche pour chevauchier en Normendie, en le comté d’Ewrues, contre grant fuisson de Navarois qui là estoient, qui couroient, ardoient et essilloient toutte le Normendie environ Roem et en Kaus, au title le roy de Navare.

Vous avés bien oy chy dessus coumment li captaux de Beus fu pris et amenés par l’ordounnance dou roy à Miaux en Brie, et fu là tenus en prison environ six sepmainnes. Là en dedens il eut bons moiiens qui parlèrent au roy pour lui. Et le manda li roys à Paris et li fist mout courtoise prison, car il le recrut sur sa foy, et le laissoit aller et venir, jeuer et esbattre partout à se plaisanche. Et meysmement li roys le mandoit bien souvent au disner et au soupper, et le laissoit esbattre dallés lui.

Entroes estoient les guerres en Kaus et en Normendie. Et vint li dus de Bourgoingne à bien six mil combatans devant le fort castiel de Macherenville, et y mist le siège et y fist livrer tamaint grant assault. Et avoit fait amener huit grans enghiens de le chité de Cartres, qui nuit et jour jettoient à le fortrèche et moult l’empiroient et cuvrioient; mès par dedens avoit très bonne gent d’armes qui trop bien le gardoient et deffendoient. Avoecques le ducq de Bourgoingne estoient li comtes d’Auchoire, messires Loeys d’Auchoire, ses frèrez, messires Bertrans de Claiekin, li sirez de Biaugeu, messires Loeys de Chalon, li sires de Rainneval, messires Raoulx de Couchy, li sires de Chantemerle, li sires de Montsaut, li Bèghes de Velainnes, Robers d’Allenchon, li Bèghes de Villers, li sires de Chamremi et pluisseur baron et chevalier de Franche, de Bourgoingne et de Normendie. Fos 132 vº et 133.

P. 134, l. 8: dou duçainné.—Ms. A 8: de la duchié. Fº 250.

P. 134, l. 16: escusances.—Mss. A 8, 15 à 17: excusacions.

P. 134, l. 23 et 24: et les... partie.—Ms. A 15: et aussi les chevaliers de France qui vaillamment parloient sur sa partie. Fº 274 vº.

P. 134, l. 28: Digon.—Ms. A 15: Dijon.

P. 134, l. 28 à 31: desquelz... chapitainne.—Ms. A 15: desquelz Guiot du Pin et Tallebart Tallebardon estoient meneurs et conduiseurs; et aussi y estoit et les conduisoit un escuier du pais qui s’appelloit Jehan de Chaufour. Fº 274 vº.

P. 135, l. 8: son père nulle griefté.—Ms. A 8: mourir son père ne autres griefz.

P. 135, l. 17: entrues.—Mss. A 8, 15: pendant.

315 P. 135, l. 17: prison.—Le ms. B 6 ajoute: Et là fu une espasse de tamps. Et puis ly fist le roy Charles grace, et fu recrut sur sa foy et amenés à Paris, et là alloit et venoit à se volenté. Et fu en chelle saison, de par le roy de Franche, envoiiet en Engleterre pour traitier le delivranche du duc de Berry, que il peuist passer parmy luy. Mais le roy d’Engleterre n’en volt riens faire en chelle saison, combien que il amast moult le captal, et respondy au captal que il n’avoit pas esté pris pour luy. Sy retourna le captaus en Franche, sans riens faire. Fos 635 et 636.

P. 135, l. 23: six.—Ms. A 15: sept.

P. 136, l. 6: Macheranville.—Mss. A 8, 15: Marceranville, Marcerainville.

P. 136, l. 15: Ligne.—Ms. A 15: Ligny. Fº 275.

P. 136, l. 17: du Edins.—Mss. A 3, 7: de Hedin.

P. 136, l. 25: mil.—Mss. A 8, 9, 15: trois mil. Fº 251.

P. 136, l. 31: Joni.—Ms. A 6: Joygny. Fº 252 vº.—Ms. A 15: Joingny.

P. 137, l. 12: constraindoient.—Ms. A 15: contraingnoient et malmenoient.

§ 525. Entrues.—Ms. d’Amiens: En ce tamps estoit messires Loeys de Navarre sus les marches d’Auviergne à tout bien trois mil combatans, et tous les jours li croissoient gens. Si ardoient et essilloient et gastoient tout le pais de Bourbonnois environ Saint Poursain et Saint Pierre le Moustier et Moulins en Auvergne. Si passèrent une routte de ses gens le rivière d’Aillier au desoubs des montaingnes d’Auvergne, et puis vinrent passer le Loire au desoubz de Marcelli les Nonnains. Et chevauchièrent tant, de nuit et par embusces, qu’il vinrent à un ajournement à le Carité sus Loire, et l’eschiellèrent et le prissent par un dimence au matin. Et pour ce que la ville estoit grande et moult wuide entre le fremmeté et les maisons, il ne s’osèrent aventurer de traire avant jusquez à heure de tierce. Si avoient il estet percheu d’aucuns de chiaux de le ville qui avoient retret leurs biens, leurs femmes et leurs enffans ens ès nefs et ens ès batiaux qui estoient en le rivière de Loire: par chou se sauvèrent chil de le Carité et s’en vinrent à le chité de Nevers, à sept lieuwes d’iluecq. Et ne concquissent les Compaingnes et li Navarois, qui estoient par eschiellement entré en le Charité, nulle cose fors que pourveanches; mès de chou eurent il à grant fuisson, et fissent de le ditte 316 ville une bonne garnison et le tinrent contre tous venans l’estet enssuivant, et grevèrent moult chiaux dou pays environ. Fº 133.

P. 137, l. 24: depuis le.—Ms. A 15: le demourant de la. Fº 275 vº.

P. 138, l. 2: Ceni.—Ms. A 8: Ceri. Fº 251.

P. 138, l. 3: et Carsuelle.—Ms. A 15: et monseigneur Jehan Cressueile.

P. 138, l. 10: menoit.—Ms. A 8: conduisoit.

P. 138, l. 11: quatre cens.—Mss. A: trois cens.

P. 138, l. 13: au dehors.—Ms. B 3: au dessoubz. Fº 264 vº.—Ms. B 4 et mss. A: au dessus. Fº 251.

P. 138, l. 13: Marcelly.—Ms. B 3: Marcilly.

P. 138, l. 13: Nonnains.—Ms. A 7: Nonniaux. Fº 253 vº.

P. 138, l. 15: amoustrer.—Mss. B 3, 4, A 6, 8: moustrer.

P. 138, l, 17: estri.—Ms. A 17: delay. Fº 316 vº.

P. 138, l. 20: femmes.—Le ms. A 15 ajoute: et enfans.

P. 138, l. 25: gens.—Le ms. A 15 ajoute: de la ville.

P. 138, l. 26 et 27: attendesissent.—Le ms. A 15 ajoute: illec.

P. 139, l. 13: et Carsuelle.—Ms. A 15: et monseigneur Jehan Cressuelle.

§ 526. Tant sist.—Ms. d’Amiens: Tant fist li dus de Bourgoingne devant Macherainville, et si les constraindi par assault et par les enghiens qui y jettoient nuit et jour, que chil qui dedens estoient se rendirent, sauve leurs corps et leurs biens. Si s’en partirent, et li dus envoiia prendre le possession par ses marescaux monsigneur Bouchicau et monsigneur Jehan de Vianne, marescal de Bourgoingne. Apriès y mist et ordounna li dus à castellain ung bon escuier qui s’appelloit Phelippos de Chartres. Puis s’en parti li dus et toutte sen host et s’en vint devant Chamerolles, et l’assega tout environ, et y fist amenner et achariier les grans enghiens qui avoient estet devant Marcheranville, qui y jettoient nuit et jour et travilloient mout chiaux de le fortrèche.

Entroes que li sièges estoit devant Chamerolles, tenoit le siège messires Jehans de le Rivierre devant le castiel d’Akegny, assés priès de Passi, en le comté d’Ewrues, et avoit des compaignons dont il estoit souverains, plus de deux mil combatans. Si avoit par dedens Navarois et Englès, qui là s’estoient retrais depuis le 317 bataille de Koceriel. Tant fist messires Jehans de le Rivierre devant Akegni, que chil de dens se rendirent sauve leurs corps et leurs biens. Enssi les prist li dis messire Jehans, et puis dounna le castiel à un sien escuier et mist dedens archiers et compaignons pour le garder. Si s’en parti et s’en vint o toutte sa gent mettre le siège devant le cité d’Ewrues. Et encorres estoit li dus de Bourgoingne devant le castiel de Chamerolles, qui fortement le faisoit asaillir. Et entroes se tenoient en Constentin, par le doubte des Navarois qu’il ne venissent lever cez sièges, messires Bertrans de Claiequin, à plus de mil combatans bretons, pickars et franchois, messires Loeys de Sanssoire, li comtez de Joni et messirex Ernouls d’Audrehen avoecq li. Fº 133.

P. 139, l. 30: Phelippos.—Mss. B 3, 4: Phelippes.—Ms. A 6: Guillaume. Fº 253.—Ms. A 7: Grenoullart. Fº 254.—Ms. A 15: Hector. Fº 276.

P. 139, l. 31: quarante.—Mss. A 8, 11 à 15, 18, 19: soixante. Fº 251 vº.

P. 140, l. 8: le forterèce.—Ms. A 8: la ville.

P. 140, l. 10: Akegni.—Ms. A 15: Aquigny.

P. 140, l. 14: Ens ou.—Ms. A 8: Dedens le. Fº 252.

P. 140, l. 21: apressé.—Ms. A 15: oppressez. Fº 276.

P. 140, l. 28: Hues.—Ms. A 8: Hugues.

P. 140, l. 30: Saintpi.—Mss. A 6, 15: Sempy. Fº 253.

P. 140, l. 31 et 32: du Edins.—Mss. A 3, 6, 7, 20 à 23: Hedin, Hesdin.

P. 141, l. 3: songnièrent.—Mss. A 8, 15: pensèrent.

§ 527. Entrues.—Ms. d’Amiens: Entroes que messires Jehans de le Rivierre, messires Hughes de Chastellon, messires Oudars de Renti, messires Engherans du Edins et li chevalier de Franche se tenoient devant le cité d’Euwrues et moult le constraindroient, apressa li dus de Bourgoingne si fort chiaux dou fort chastiel de Chamerolle, qu’il ne peurent plus durer et se rendirent simplement en le vollenté dou dit duc: autrement il ne peurent finner ne marchander. Si furent li Englès et li Navarois et li saudoiier estrainge pris prisounniers, et tout li Franchois qui layens furent trouvet, mis à mort sans merchy. Et encorres dounna et abandounna li dis dus le castiel de Chamerollez à chiaux de Chartres et dou pays de Biausse, liquel l’abatirent et arasèrent toutte à l’ounie terre, pour tant qu’il leur avoit fais trop de contraires.

318 Puis se departi li dus et toutte li hos de là, et s’en vint devant Drue, un castiel seant en Biausse. Si le prist par forche et par assault et mist à fin le plus grant partie de chiaux de dens, et puis s’en vinrent devant Preus. Si l’asegièrent et l’environnèrent, et y livrèrent pluisseurs assaux ainschois que il le pewissent avoir. Finablement, chil de dens se rendirent, sauve leurs corps, et riens dou leur n’en portèrent. Et quant li dus eut le saisinne dou dit castiel de Preus, il le dounna à un chevalier c’on noummoit dou Bos Ruffin, qui le fist remparer et ordounner bien et à point, et en fist une bonne garnison pour le tenir et garder bien et à point contre les ennemis.

Depuis le concquès dou castiel de Preux, s’en vint li dus de Bourgoingne à Chartres pour lui rafreschir et ses gens, et regarder quel part il se trairoient. Quant il eurent là estet environ cinq jours, si se traissent devant le castiel de Couvay, qui estoit tous plains de Navarois et de pillars. Et jura li dis dus de Bourgoingne qu’il ne s’en partiroit, si l’aroit concquis, et fist lever et drechier par devant huit grans enghiens qui nuit et jour jettoient à le fortrèche, et travilloit ciaux de dedens.

En ce tamps que li dus de Bourgoingne faisoit ces sièges et ces chevauchies en Biausse contre et sus les Navarois et, d’autre part, que messires Bertrans de Claiequin, à toutte une grande route de Bretons et de Pickars, se tenoit viers Chierebourch et vers Constentin, en le cité de Coustansse, par quoy nulle assamblée de Navarrois ne se pewist là faire, qui empeçassent le dit duc de Bourgoingne à faire ses sièges et ses cevauchies, que il n’alaissent au devant, estoit messires Loeis de Navarre en le basse Auvergne et sus les marches de Berri, qui essilloit et travilloit le pais malement. D’autre part, chil qui estoient en le Charité sus Loire, couroient, enssi qu’il leur plaisoit, une heure par delà le Loire, l’autre jour par de dechà, et faisoient moult de destourbiers au pays. Ensi estoit li royaummes gueriiés de pluisseurs lés, ne nuls n’osoit aller adonc pour les pilleurs qui se nommoient Navarois, entre le Charité et Bourghes, ne entre Bourges et Orliiens, ne entre Orliiens et Blois, ne entre Blois et Thours, ne tout sus celle marche.

Et vous di que, dedens le comté de Blois, avoit si grant fuison de pilleurs et de robeurs, qu’il couroient tous les jours jusques as portes de Blois, quant ungs bons escuiers de Haynnau, qui s’appelloit Allars de Donscievène, y vint de par le comte Loeys de Blois. Chils emprist le gouviernement dou pays et le trouva durement 319 empeschiet, quant il y vint premierement. Si y fist sus les ennemis dou pays maintes belles chevauchies et maintes appertisses d’armes. Et eut mainte belle aventure sus yaux et en fist tammaint morir par ses hardies emprises, et en delivra toutte la ditte comté de Blois. Et fist tant par ses proèches, que il en chei grandement en le grasce et en l’amour dou roy de Franche, et y devint chevaliers.

Or nous retrairons au siège de Couvay, que li dus de Bourgoingne avoit assis. Et tant le constraindi par assaux d’enghien et d’autres instrummens qu’il desrompi les murs et les tours. Et se coummenchièrent chil dedens durement à esbahir, et vinrent deviers leur cappittainne c’on appelloit Jaquefort, et estoit englès. Si le priièrent qu’il volsist traitier au duc de Bourgoingne que courtoisement les laisast passer, sauve leurs corps seullement. Chilx en traita as marescaux de l’ost, monsigneur Boucicau et monsigneur Jehan de Vianne; mès li dus ne volt point faire, s’il ne se rendoient simplement. Quant chil de Couvay virent qu’il ne poroient finner au duc de Bourgoingne, si n’en furent mie plus aise. Toutesfois, il se tinrent depuis ung grant temps.

Or avint que li roys de Franche escripsi deviers son frère le duc de Bourgoingne, que, ces lettres veuwes, il se delivrast dou plus tost qu’il pewist, et s’en revenist arière en Franche et en Bourgoingne, à tout che que il avoit de gens d’armes, car li comtes de Montbliart estoit entrés en Bourgoingne à plus de douze cens lanches, et li ardoit et destruisoit son pays. Quant li dus de Bourgoingne entendi ces nouvelles, si fu mout courouchiez, che fu bien raisons et laissa, parmy tant c’on le remandoit, chiaux de Couvay finer plus douchement, et se partirent sauve leurs corps, enssi que premiers avoient tretiet, et rendirent le fortrèce, mès riens n’en portèrent. Quant li dus en eut pris le saisinne et le possession, il s’en parti et s’en revint o toutte son ost à Chartres, et assés tost apriès, à Paris. Et carga ses gens au comte d’Auchoire, au signeur de Biaugeu et à monsigneur Loeys de Chalon, et puis s’en vint en Brie deviers le roy, son frère, qui le rechupt liement, à Vaus la Comtesse où il se tenoit adonc.

Si ne sejourna gairez là li dus, mès s’en parti et s’achemina vers Troiez, et fist une especiaux priière à touttes gens d’armes, chevaliers et escuiers, que il volsissent venir et traire deviers Digon. Si en assambla et eut li dus grant fuisson. Quant li comtes de Montbliart entendi les nouvellez que li dus de Bourgoingne 320 venoit si efforciement contre lui, si n’eut mie consseil de l’atendre, et se retraist à touttes ses gens en Alemaigne, dont il estoit. Et quant li dus de Bourgoingne le sceult, si chevauça avant et delivra son pays d’aucuns pilleurs et robeurs qui s’i tenoient, dont messires Jehans de Caufour estoit chiés. Si y laissa monsigneur Oede de Grantsi à gouvreneur, et puis si s’en revint en Franche. Fos 133 vº et 134.

P. 141, l. 17: cuvriiés.—Mss. A 6, 7: ennuyez.—Mss. A 8, 15: guerroiez.

P. 141, l. 21: sur aultre.—Ms. A 8: l’une sur l’autre.

P. 141, l. 23: Drue[s].—Ms. A 8: Druez.—Ms. A 15: Dreux. Fº 276 vº.

P. 141, l. 31: corps.—Mss. A 8, 15: vies.

P. 142, l. 6: remparer.—Ms. A 8: reparer.

P. 142, l. 8: souffissamment.—Ms. A 8: à point.—Ms. A 15: seurement.

P. 142, l. 13: Couvai.—Mss. A 7, 8: Connay.—Ms. A 17: Cougnay. Fº 316.

P. 142, l. 15: pour tant se prendoit.—Mss. A 8, 15: pour ce se penoit. Fº 252 vº.

P. 142, l. 27: cil siège.—Ms. A 8: cil sage siège.

P. 143, l. 4: Montbliar.—Mss. A 8, 15: Montbeliart.

P. 143, l. 5: par devers.—Le ms. A 15 ajoute: Othun et. Fº 277.

P. 143, l. 10: y besongnoit.—Mss. A 8, 15: lui estoit mestier.

P. 143, l. 14 et 15: pensieus.—Mss. A 8, 15: pensis.—Ms. A 17: melancolieux.

P. 143, l. 30: d’Arcies.—Mss. A 2, 11 à 14, 17 à 19: d’Acières.—Ms. A 23: d’Artres.—Ms. A 15: d’Orties.

P. 144, l. 4: Sansoirre.—Ms. A 8: Sancerre.

P. 144, l. 19: Vregi... Grantsi.—Ms.P3 Mss.] A 8, 15: Vergy... Grancée... Grancy.

P. 144, l. 21: Bourgongne.—Mss. A: Boulongne.

§ 528. Entrues.—Ms. d’Amiens: Quant li dus de Bourgoingne fu revenus en Franche avoecq ses gens d’armes, si fu ordounnés de par le roy qu’il s’en alast par devant le Charité sus Loire et y mesist le siège; car li Navarrois qui dedens estoient en garnison, faisoient trop de maux ou pays. Si se traist li dus de Bourgoingne 321 de celle part à grant fuison de gens d’armes, et mist le siège par devant le Carité sus Loire. Là estoient avoecq lui li comtes d’Auchoire et Loeis d’Auchoire qui fu là fès chevaliers, et messires Robiers d’Allenchon qui fu ossi là fez chevaliers à une escarmuche qui fu devant les baillez, li sires de Fiennes, connestables de Franche, messires Loeys de Sanssoire, messires Ernoulx d’Audrehen, marescal de Franche, monseigneur Bouchicau, le seigneur de Cran, le seigneur de Sulli, le Bèghe de Villainnez, le castellain de Biauvais, le seigneur de Montagut, d’Auvergne, et monseigneur Robert Dauffin, le seigneur de Villars et de Roussellon, le seigneur de Calenchon, le seigneur de Tournon et grant fuisson d’autres. Là eult par devant le Charité sus Loire grant siège et bel, et grant fuison de bonne chevalerie. Et y avoit souvent assaut et escarmuches, car chil de dedens se tenoient et deffendoient vaillamment.

Encorrez se tenoient messires Jehans de le Rivierre et li sires de Castellon et li autre chevalier par devant Ewrues, et estoient tenu tout le temps; et l’avoient souvent fait assaillir, mès petit y avoient conquis, car la chité estoit durement remforchie. Si les remanda li roys de Franche qu’il se partesissent d’illuecq et venissent devant le Carité. Si obeirent au roy, et fu deffais li sièges de devant Ewrues. Ossi messires Bertrans de Claiekin, qui se tenoit en Constentin à grant fuison de gens d’armes, se parti d’illuec par l’ordonnance dou roy de France et s’en vint devant le Carité. Si se logièrent tout chil seigneur avoecq le duc de Bourgoingne, et y avoit bel host et grant. Si y assaillirent li Franchois par pluisseurs fois, et y fissent maintes bellez appertisses d’armes, tant par le rivierre comme par le terre, et furent là tout l’aoust et le mois de septembre ou priès. Finablement, chil qui estoient dedens regardèrent que leurs pourveanches estoient admenries grandement, et n’estoit mies apparant qu’il fuissent comforté de nul costé, car messires Loeys de Navarre s’estoit retrais. Pour chou traitièrent il au duc de Bourgoingne que de rendre le Charité, sauve leurs corps et leurs biens. Li dus ne s’i volloit assentir s’il ne se rendoient simplement, et segnefia le traitiet au roy de Franche, assavoir qu’il en volloit dire et faire. Fº 134.

P. 145, l. 3: Moriel.—Ms. A 15: Moreau. Fº 277.

P. 145, l. 23: lances.—Le ms. A 15 ajoute: tous.

P. 146, l. 10: deux mil.—Ms. A 15: trois mil.

322 P. 146, l. 15: prendre priès.—Mss. A 8, 15 à 17: pener. Fº 253 vº.

P. 146, l. 27: ces.—Le ms. A 17 ajoute: bons. Fº 317.

P. 146, l. 28: besongne.—Mss. A 8, 15 à 17: besoing.—Ms. A 7: besoigne.

§ 529. On voet.—Ms. d’Amiens: Or estoit adonc en Franche et dallés le roy messires Charles de Blois, qui avoit relevet le ducé de Bretaingne et fait ent hoummaige au roy, et requeroit et prioit au roy et à son consseil qu’il fuist aidiez et confortés de gens d’armes à l’encontre dou jonne comte de Montfort, qui li faisoit grant guerre en Bretaingne et seoit devant le bon et le bel castiel d’Auroy, à grant fuisson de gens d’armes, englès et bretons. Et par raison bien estoit li roys de Franche tenus de lui aidier, ens ou kas qu’il le tenoit en foy et en hoummaige de lui. Et ossi jadis li roys Phelippes, ses tayons, et li roys Jehans, ses pères, li avoient toudis aidiet à faire sa guerre. Dont li roys Carles eut consseil et vollenté que d’aidier monsigneur Carle de Blois, son cousin, qui bellement l’en prioit et requeroit, et li dist qu’il se traisist en son pays de Bretaingne et semonsist et assamblast tous les barons et chevaliers de Bretaingne, car temprement il li envoieroit grant fuison de gens d’armes pour estre fors assés contre le comte de Montfort. Si se parti messires Carles de Blois dou dit roy et s’en vint à Nantes, et fist là son mandement de tous les barons et les chevaliers de Bretaingne dont il avoit l’amour et l’acord. Entroes seoit on devant le Carité sus Loire, siques, pour monseigneur Carlon de Blois aidier et comforter de gens d’armes, li roys laissa passer che tretiet de le Charité. Et s’en partirent chil qui dedens estoient, sans dammaige de leurs corps et de leurs biens, et se deffist li sièges, et s’en revint li dus de Bourgoingne deviers le roy. Fº 134.

P. 147, l. 1: voet.—Ms. B 3: peut. Fº 266 vº.—Ms. B 4: veult. Fº 253.—Mss. A: vouloit.

P. 147, l. 5: apressés.—Mss. A 15 à 17: oppressez. Fº 317.

P. 147, l. 5: rivière.—Le ms. A 17 ajoute: en tèle manière.

P. 147, l. 10: dou roy.—Le ms. A 17 ajoute: de Navarre.

P. 147, l. 24: Navare.—Le ms. A 17 ajoute: point.

P. 147, l. 25: li dus.—Le ms. A 17 ajoute: de Bourgongne.

323 § 530. Li rois de France.—Ms. d’Amiens: Adonc ordounna li roys [de Franche] que messires Bertrans de Claiequin s’en alla[st] en Bretaingne à tout une grant armée de combatans, et aidast monseigneur Carlon de Blois à lever le siège de devant Auroy et à reconcquerre le pays que li comtes de Montfort tenoit. Che voiaige emprist li dis messires Bertrans moult vollentiers, et se traist deviers Bretaingne au plus tost qu’il peult, à grant fuisson de gens d’armes de Franche, de Normendie et de Pikardie. Ces nouvelles vinrent en l’ost le comte de Montfort, que messires Carles de Blois faisoit un grant amas de gens d’armes et en menoit grant fuison de Franche, que li roys li envoieoit et desquels messires Bertrans de Claiequin et li comtes d’Auchoire et li comtes de Joni estoient chief.

Si tost que li comtes de Montfort entendi ces nouvelles, il les senefia fiablement en la ducé d’Acquitainne, especialment devers monsigneur Jehan Cambdos, en li priant chierement que à ce grant besoing il le vosist venir comforter et conssillier, et qu’il apparoit en Bretaingne uns biaux fais d’armes auquel tout signeur, chevalier et escuier, pour leur honneur avanchier, devoient vollentiers entendre. Quant messires Jehans Camdos se vit priiés si affectueusement dou comte de Montfort, si s’avisa qu’il ne li faudroit mie et que ce seroit bien li acors et li vollentés dou roy d’Engleterre et dou prinche de Galles, ses seigneurs, qui ont toudis fait partie pour le dit comte à l’encontre de monseigneur Carle de Blois et des Franchois. Si se pourvey messire Jehans Cambdos bien et grandement, et queilla tous les compaignons qu’il peut avoir, Englès et autres, et vint en Bretaingne devant Auroy à plus de trois cens combatans. D’autre part, revint messires Ustasses d’Aubrecicourt, qui en estoit ossi priiés, ad ce qu’il peut avoir de gens. Et ossi revint messires Gautiers Hués en l’ayde dou comte de Montfort. Si vinrent pluisseur autre chevalier et escuier englès, qui tiroient et desiroient leurs corps à avancier et à yaulx combattre as Franchois; car il estoient povre et avoient tout despendut. Si en vint plus de cinq cens, sus le fianche de ce que on se combateroit, et se presentèrent ou service le comte de Montfort, de bonne vollenté, qui les rechupt liement et vit mout vollentiers. Et ossi li revenoient tous les jours gens d’Angleterre, où li dis comtes avoit envoiiet ses messaiges et estendus ses priières. Quant Englès et Breton en l’ayde dou comte de Montfort furent tout assamblet, il estoient bien seize 324 cens combatans et sept cens archiers, sans l’autre ribaudaille qui vont à piet entre les batailles et qui ochient chiaux que les gens d’armes abatent. Fº 134.

P. 148, l. 19: Normendie.—Le ms. A 17 ajoute: contre Anglois et Navarois. Fº 317 vº.

P. 148, l. 20: et.—Mss. A 6, 8, 15 à 17: à. Fº 254.

P. 148, l. 23: moult.—Ms. A. 8: grandement.—Ms. A 15 ajoute: grandement.—Ms. A 17: tout.

P. 148, l. 24: son.—Le ms. A 17 ajoute: vray et.

P. 148, l. 25: Bretons.—Mss. A: gens.

P. 148, l. 26: devers.—Le ms. A 17 ajoute: la bonne ville de.

P. 148, l. 29: frontière.—Ms. A 8: siège. Fº 254.

P. 149, l. 4: venus.—Le ms. A 17 ajoute: à son aide.

P. 149, l. 6: li grigneur.—Mss. A 8, 15 à 17: la meilleur.

P. 149, l. 7: tout.—Mss. A 8, 15 à 17: en.

P. 149, l. 9: pour.—Ms. A 17: ordonnèrent.

P. 149, l. 11: Montfort.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: qui se tenoit devant.

P. 149, l. 11: ne demorèrent lons jours.—Mss. A 8, 15 à 17: ne demoura guerres. Fº 254.

P. 149, l. 13: d’Auçoirre.—Le ms. B 6 ajoute: qui pour che tamps estoit en grant fleur. Fº 637.

P. 149, l. 13: Joni.—Mss. A 15 à 17: Joingny.

P. 149, l. 14: Friauville.—Ms. A 8: Freauville.—Ms. A 15: Frainville.

P. 149, l. 21: l’ayde.—Ms. A 17: le grant aide.

P. 149, l. 22: des.—Le ms. A 17 ajoute: grans.

P. 149, l. 29: apparoit.—Mss. A 6, 8, 15 à 17: esperoit. Fº 254.

P. 150, l. 6: l’ocquison.—Ms. A 7: l’occoison. Fº 256.—Mss. A 8, 15 à 17: l’occasion. Fº 254 vº.

P. 150, l. 10 et 11: d’Acquitainnes.—Le ms. A 17 ajoute: moult aimablement.

P. 150, l. 13: otant.—Ms. A 17: quatre cens.

P. 150, l. 21 et 22: compagnie.—Le ms. B 6 ajoute: Sy i vinrent messire Robert Canolle en grant compaignie, ossy Hues de Cavrelée, messire Gautier Hués, messire Mahieu de Gournay, messire Jehan le Boursier, messire Symon Burlé et pluiseurs aultres, et s’en vinrent tout au siège devant Auroy, et tous les jours leur croissoient gens. Fº 638.

325 P. 150, l. 27 à 30: Si estoient... arciers.—Ms. B 6: et tant que il (les partisans de Charles de Blois) estoient bien dix huit cens lanches de très bonnes gens, et le conte de Montfort en avoit bien onze cens lanches. Fº 639.

P. 150, l. 28: combatans.—Mss. A 15 à 17: lances.

§ 531. Nous revenrons.—Ms. d’Amiens: Or revenrons à monsigneur Carlon de Blois qui se tenoit en le bonne cité de Nantes, et faisoit son amas et sen assamblée de chevaliers et d’escuiers de tous lés là où il les pooit avoir, car bien avoit oy recorder que li comtes de Montfort estoit durement fors et bien comfortés d’Englès. Si prioit les barons, les chevaliers et les escuiers de Bretaingne, dont il avoit euv et recheu les hoummaiges, qu’il li volsissent aidier à deffendre et garder son hiretaige contre ses ennemis. Si vinrent des barons de Bretaingne, pour lui servir et à son mandement: li viscomtez de Rohen, li sirez de Lyon, messires Carles de Dignant, li sires de Rays, li sires de Rieus, li sires de Tournemine, li sires de Malatrait, li sires de Rochefort, li sires d’Ansenis, li sires de Gargoulé, li sires de Lohiac, li sires d’Avaugor et li sires de Qui[n]tin. Tout chil baron de Bretaigne estoient avoecq monsigneur Carlon de Blois, et le tenoient à duc et à seigneur de par medamme se femme, et li avoient tout fait fealté et hoummaige. Encorres y avoit grant fuisson de chevaliers bachelers et d’escuiers, qui estoient là venu pour servir leur seigneur et leurs cors advanchier. Si se logièrent tout chil seigneur à Nantez. Assés tost apriès, vint messires Bertrans de Claiequin, li comtez d’Auchoire, li comtes de Joni, li sires de Prie et grant fuison de bons chevaliers et escuiers de Franche. Et estoient plus de mil combatans, toutte gens d’eslite, lesquelx messires Carles de Blois vit très vollentiers, et les rechupt liement, et conjoy grandement messire Bertran de Claiequin et les corps des seigneurs.

Quant les hos et les gens monsigneur Carlon de Blois furent touttes assamblées, il ne veurent point faire trop lointaing sejour à Nantes ne illuecq environ; mès prisent congiet à madamme la femme monsigneur Carlon de Blois, qui leur donna liement et dist à son marit, present les barons de Bretaigne: «Monsigneur, vous allés deffendre et garder mon hiretaige et le vostre, car ce qui est mien est vostre, lequel messires Jehans de Montfort nous empèce et a empechiet ung grant temps à tort et sans cause, che 326 scet Dieux et li baron de Bretaingne qui chy sont, coumment j’en sui droiturière hiretière. Si vous pri chierement que, sus nulle composition ne tretiet d’acort, ne voeilliés descendre que li corps de la duché ne nous demeure.» Et li chevaliers messires Carles de Blois li eut en couvent que ossi ne feroit il. Adonc le baisa il et prist congiet, et le damme moult bellement li donna congiet et à tous les barons de Bretaingne ossi, l’un après l’autre. Si se departirent de Nantes et de là environ touttes mannierres de gens, et prissent le chemin de Rennes. Tant s’esploita li hos monseigneur Charlon de Blois qu’il vinrent à Rennes, et là se reposèrent et rafreschirent deus jours. Fº 134 vº.

P. 151, l. 1: revenrons.—Mss. A 6, 8, 15 à 17: retournerons.

P. 151, l. 10: son.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: droit.

P. 151, l. 15: Malatrait.—Mss. A 15 à 17: Malestroit. Fº 279.

P. 151, l. 16: li sires de Rocefort.—Ms. A 15: monseigneur de Loheac.

P. 151, l. 17: Gargoulé.—Mss. A 15 à 17: Gargolay.

P. 151, l. 17: dou Pont.—Ms. A 15: le seigneur de Viezpont.—Le ms. A 17 ajoute: monseigneur Olivier de Mauny. Fº 318 vº.

P. 151, l. 18: d’aultres.—Le ms. A 17 ajoute: bons chevaliers.

P. 151, l. 21: vingt cinq cens lances.—Ms. B 6: neuf cens lanches et cinq cens archiers et mille hommes de piet parmy les pillars. Fº 640.

P. 151, l. 23: lontain.—Mss. A: long.

P. 151, l. 30: hiretage.—Le ms. A 17 ajoute: de Bretaingne.

P. 152, l. 3 et 4: sus nulle... descendre.—Ms. A 7: à nulle... descendre. Fº 256 vº.—Mss. A 6, 8: nulle... faire ne descendre. Fº 254 vº.—Mss. A 15 à 17: faire ne condescendre.

P. 152, l. 5: ducé.—Le ms. A 8 ajoute: de Bretaingne. Fº 255.

P. 152, l. 6: couvent.—Mss. A 8, 15 à 17: convenant.

P. 152, l. 6 à 14: Adonc se parti... ennemis.—Ms. B 6: Che samedy se partirent de le ville de Dignant en Bretaigne messire Charle de Blois et sa route, et chevauchèrent vers Auroy et 327 se vinrent logier as plains camps de haulte nonne à une petitte lieuwe d’Auroy et de leurs ennemis. Fº 640.

P. 152, l. 11: Rennes.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: Vennes.

P. 152, l. 13: couvenant.—Mss. A 8, 15 à 18: couvine.

P. 152, l. 14: ennemis.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: et aviser aucun lieu souffisant pour combatre leurs ennemis, ou cas qu’ilz trouveroient tant ne quant de leur avantage sur eulx. Et là furent dites et pourparlées pluseurs paroles et langages, à cause de ce, des chevaliers et escuiers de France et de Bretaigne qui là estoient venus pour aidier et conforter messire Charles de Blois qui estoit moult doulz et moult courtois, et qui par adventure se feust voulentiers condescendu à paix et eust esté content d’une partie de Bretaigne à peu de plait. Mais, en nom Dieu, il estoit si boutez de sa femme et des chevaliers de son cousté, qu’il ne s’en povoit retraire ne dissimuler.

§ 532. Entre Rennes.—Ms. d’Amiens: Entre Rennes et Auroi, où li sièges des Englès estoit, a huit lieuwes. Les nouvelles en l’ost englesce vinrent que messire Carles de Blois aprochoit durement et amenoit droite fleur de gens d’armes, et estoient bien vingt cinq cens lanches, chevaliers et escuiers, et plus de trois mil d’autres gens à mannierre de bringans. Si tost que ces nouvelles furent venues en l’ost, elles s’espardirent partout. Si coummenchièrent chil compaignon à remettre leurs armures à point et à reparer et ordounner tout leur harnas, car bien savoient qu’il se combateroient, et li pluisseur ossi en avoient grant desir. Adonc se traissent à consseil les cappittainnes de l’host: li comtes de Montfort premierement, messires Jehans Camdos, par qui tout s’ordonnoit, messires Robers Canolles, messires Oliviers de Clichon, messires Ustasses d’Aubrecicourt, messires Gautiers Huet et messires Hues de Cavrelée. Si regardèrent chil chevalier, par le consseil et avis li uns de l’autre, qu’il se trairoient au matin hors de leurs logeis et prenderoient tierre et place sour les camps, et l’aviseroient de tous asens, pour mieux avoir ent le connissanche. Si fu enssi segnefiiet parmy leur host que chacun fust à l’endemain appareilliés et mis en aroy, si comme pour combattre. Ceste nuit passa. L’endemain vint, qui fu par un samedi, que Englès et Bretons yssirent hors de leurs logeis et s’en vinrent moult faiticement et moult ordonneement enssus dou castel, et 328 prissent place et terre, et dissent que là atenderioent il leurs ennemis. Droitement enssi que environ primme, messires Carles de Blois et toutte sen host vinrent, qui s’estoient parti le venredi de le cité de Rennes, et avoient celle nuit jut à troix lieuwes priès d’Auroi. Si estoient les gens monsigneur Charlon de Blois le mieux ordounné et le plus faiticement que on peuist veoir ne deviser, et chevauchoient ossi serré que on ne pewist jetter ung estuef qu’il ne cheist sus pointe de glave ou sur bachinet. Et venoient en cel estat tout le pas, chacuns sires avoecq ses gens et desoubz se bannierre. Si trestost qu’il virent les gens le comte de Montfort, il s’arestèrent tout quoy et regardèrent et advisèrent terre et place à l’avantage, pour yaux traire. Si se missent de ce costé, le visaige viers les ennemis et tout à piet, car il veoient ossi leurs ennemis en tel estat, et ordonnèrent leurs batailles li ung et li autre, enssi que pour tantost combattre. Fos 134 vº et 135.

P. 152, l. 15: Rennes.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: Vennes.

P. 152, l. 22: joiant.—Mss. A: joyeux.

P. 152, l. 30: conseil.—Le ms. A 17 ajoute: les Anglois et Bretons et aussi le dit conte.

P. 153, l. 1: Cavrelée.—Mss. A 15 à 17: Carvalay.

P. 153, l. 2: Hués.—Ms. A 17: de Manny.

P. 153, l. 8: avoir ent.—Mss. A 8, 15 à 17: en avoir.

P. 153, l. 14: logeis.—Mss. A 6, 8, 15 à 17: boys. Fº 255.

P. 153, l. 15: ensus.—Mss. A 6, 8, 15 à 17: arrière.

P. 153, l. 18: que entours.—Mss. A 15 à 17: comme à.

P. 153, l. 22: [d’Auroy].—Ms. B 1, t. II, fº 195 vº: d’yaus. Mauvaise leçon.

P. 153, l. 24: couvenant.—Mss. A 8, 15 à 17: couvine.

P. 153, l. 26: estuef.—Les mss. A ajoutent: entre eulz. Fº 257.

P. 153, l. 30 et 31: desroyer.—Mss. A 8, 17: desreer.

P. 154, l. 4: couvenant.—Mss. A 8, 15 à 17: couvine.

§ 533. Messires.—Ms. d’Amiens: Messires Carles de Blois, par le consseil de monseigneur Bertran de Claiequin, qui estoit là ungs grans chiés et mout creus et alosés des barons de Bretaingne, ordounna ses batailles et en fist troix et une arieregarde. Si me samble que messires Bertrans eult la première, avoecq grant fuison 329 de bons chevaliers et escuiers de Bretaingne. La seconde eut li comtes d’Auçoire, li comtes de Joni, avoecq grant fuison de bons chevaliers et escuiers de Franche. La tierce eut messires Carlez de Blois, avoecq pluisseurs haux barons de Bretaingne, le viscomte de Rohem, le seigneur de Lion, monseigneur Carle de Dinant et des autres qui se tenoient dallés lui. En l’arieregarde estoient li sires de Rais, li sires d’Avaugor, li sires dou Pont et li sirez de Tournemine. Si avoit en chacune bataille bien mil combatans. Là alloit messires Carles de Blois, de bataille en bataille, priier et amonester chacun moult bellement qu’ils volsissent y estre loyal et preudomme et bon combatant, et retenoit que c’estoit sus son droit qu’il se combatoient. Si liement et si doucement les prioit et amonestoit, que chacuns en estoit tous recomfortés. Et li disoient de grant vollenté: «Monseigneur, ne vous doutés, car nous demorrons dallés vous.» Or vous parlerons dou couvenant des Englès et des Bretons de l’autre costet, et comment il ordonnèrent leurs batailles. Fº 135.

P. 154, l. 8: chiés.—Ms. A 17: capitaine.

P. 154, l. 8: alosés.—Mss. A 6, 8, 15 à 17: louez.

P. 154, l. 15: grigneur.—Mss. A 8, 15 à 17: meilleur.

P. 154, l. 19: Malatrait.—Le ms. A 15 ajoute: monseigneur de Tournemine. Fº 280.

P. 154, l. 20: aultre.—Le ms. A 17 ajoute: barons, chevaliers et escuiers que je ne sçay pas touz nommer.

P. 154, l. 21: Rieus.—Le ms. A 15 ajoute: le sire de Quintin, le sire de Combour, le seigneur de Rochefort et plusieurs autres. Fº 280.

P. 154, l. 27: retenoit.—Ms. A 17: prenoit.

P. 154, l. 30: avoient tout en couvent.—Ms. A 8: avoient promis.—Mss. A 15 à 17: promistrent.

§ 534. Messires Jehans.—Ms. d’Amiens: Messires Jehans Camdos, qui estoit cappitainnes et regars et souverains dessus yaux tous, quoyque li comtez de Montfort en fuist chiés, car li roys englès li avoit enssi escript et mandet que souverainnement il entendesist à son fil le comte de Montfort, prisoit durement en coer et à ses gens ossi l’ordounnance et l’aroy des Franchois, et veoit bien, se combattre les couvenoit, enssi qu’il esperoit bien que che feroit, qu’il ne l’aroient mies d’avantaige. Et disoit enssi messires Jehans Camdos que oncques en sa vie il n’avoit veu gens 330 mieux arés, ne en si couvignable couvenant que li Franchois estoient. Si se vot ordounner seloncq chou et fist trois batailles et une arieregarde, et mist en le premierre monseigneur Robert Canolle, monseigneur Gautier Huet et monseigneur Richart Burlé; en le seconde, monseigneur Olivier de Clichon, monseigneur Mahieu de Gournay et monseigneur Ustasse d’Aubrecicourt. La tierce, il ordounna au comte de Montfort, et demoura dallés lui. Et avoit en chacune bataille cinq cens hommes d’armes et trois cens archiers.

Quant ce vint sus l’arrierregarde, il appella monseigneur Hue de Cavrelée et li dist ensi: «Messire Hues, vous ferés l’arrieregarde et arés cinq cens combatans, et vous tenrés sus elle et recomforterés nos batailles là où vous les verrés branler: et ne vous partirés ne bougerez de vostre establissement pour cose qui aviegne, s’il ne besoingne, fors en l’estat que je vous ai dit.» Quant li chevaliers entendi messire Jehan Camdos, si fu mout courouchiés et respondi en tel manière: «Sire, sire, bailliés ceste arrieregarde à ung autre c’à moy, car je ne m’en quier ja à ensonniier; mès en quelle manierre m’avés vous desveu que je ne soie ossi bien tailliés de moy combattre tout devant et des premiers ossi bien c’uns autrez?» Dont respondi messires Jehans Camdos moult aviseement et dist: «Messire Hue, messire Hue, je ne vous estaublis mie en l’arrieregarde pour cose que vous ne soiiés ossi bons chevaliers et ossi seurs que nulx qui soit sour le place. Et say bien que très vollentiers vous vos combateriés des premiers; mès je vous y ordounne pour tant que vous estez ungs sages et avisés chevaliers, et se couvient que li ungs y soit et le face. Si vous pri chierement que vous le voeilliés faire, et je vous ay en couvent, se vous le faittez, nous en vaurons mieux et y acquerrons haute honneur. Et le première priière et requeste, quelle qu’elle soit, je le vous acorderay.» Encorres s’escuza li chevaliers et dist: «Sire, ordounnés y ung autre, car je me voeil combattre tout des premiers.» De ceste responsce fu messires Jehans Camdos moult courouchiés, et le reprist et dist: «Messire Hue, or regardés et eslisiés. Ou il couvient que vous y allés et le fachiés, ou il couvient que je y voise et le fache. Et par ma teste, se je ne quidoie que honneurs et prouffis ne nous en deuist venir de vous plus que d’un aultre, je ne vous en requerroie ja.» Quant messire Hue de Cavrelée se vit si constrains et apressés de monsigneur Jehan Camdos, si ne l’oza courouchier ne plus 331 escondire, et dist: «Sire, sire, ce soit ou nom de Dieu et de saint Jorge, et je l’emprench volentiers.» Dont prist messires Hues de Cavrelée ceste bataille, et se traist tout enssus des autres sus elle et se mist en bonne ordounnanche. Fº 135.

P. 155, l. 5: quoique.—Ms. A 17: non contrestant que Fº 320.

P. 155, l. 9: il.—Ms. A 17: le comte de Montfort.

P. 155, l. 11: aucuns.—Les mss. A 8, 15 à 17 ajoutent: bons.

P. 155, l. 13: couvenant.—Ms. A 15: couvine.

P. 155, l. 15: hui.—Ms. A 17: aujourd’ui.

P. 155, l. 23: entente.—Mss. A 1 à 6, 8, 15 à 17: entencion.

P. 155, l. 30: Richart Burlé.—Ms. A 17: Thomas Brulé. Fº 320 vº.

P. 156, l. 4: trois cens.—Ms. A 17: quatre cens.

P. 156, l. 5: Cavrelée.—Ms. A 15 à 17: Carvallay.

P. 156, l. 7: cinq cens.—Ms. B 6: trois mille. Fº 644.

P. 156, l. 8: vo.—Mss. A: vostre.

P. 156, l. 10: besongne.—Mss. A 8, 15 à 17: besoing.

P. 156, l. 10: ouvrent.—Mss. A 8, 15 à 17: euvrent.

P. 156, l. 17 et 18: ensonniier.—Mss. A 8, 15 à 17: embesoingnier.

P. 156, l. 18: chiers.—Mss. A 15 à 17: beau.

P. 156, l. 19: estat.—Le ms. A 17 ajoute: ne en quel lieu ou place. Fº 321.

P. 156, l. 19: desveu.—Ms. A 17: veu deffaillir.

P. 156, l. 25: bons.—Ms. A 17: meilleurs.

P. 156, l. 29: li uns.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: de nous deux.

P. 157, l. 8: ces.—Les mss. A 8, 15 à 17 ajoutent: nouvelles.

§ 535. Enssi.—Ms. d’Amiens: Ensi ce samedi au matin, qui fu le huitime jour dou mois d’octembre l’an mil trois cens soissante quatre, furent ces batailles ordounnées l’une devant l’autre, en ung biau plain, assés priès d’Auroy en Bretaingne. Si vous di que c’estoit moult belle cose à veoir et à comsiderer, car on y veoit bannières, pennons parés et armoiiés moult ricement de tous costés. Et par especial li Franchois estoient si faiticement et si 332 souffisamment ordonné, que c’estoit ungs grans deduis dou regarder.

Or vous di que, entroes qu’il ordonnoient et advisoient leurs batailles et leurs besoingnes, li sires de Biaumanoir, ungs grans barons et rices de Bretaingne, aloit de l’un à l’autre, traitant et pourparlant de le pais, car vollentiers l’i euist veut, s’il pewist, et s’en ensonnioit en bonne manière. Et le laissoient li Englès et li Breton de Montfort aller et venir et parlementer à monseigneur Jehan Camdos et au comte de Montfort, pour tant qu’il estoit prisounniers par deviers yaux et qu’il ne se pooit armer. Si mist, che samedi, maint pourpos et tamainte parchon avant, pour venir à pès, mès nulle ne s’en fist. Et tint les batailles en cel estat jusquez à nonne, et prist une souffrance à durer tout le jour et toutte le nuit et l’endemain jusques soleil levant entre les deus hos. Si se retraist chacuns à son logeis bellement et faiticement, et se aisièrent de ce qu’il eurent. Che samedi au soir, yssi li cappittainne d’Auroy hors dou castiel et de le ville à quarante armurez de fer, liquels s’appelloit Henris de Sauternelle, et estoit ungs bons escuiers et qui loyaument s’estoit acquités enviers monsigneur Carlon de Blois de garder le forterèce d’Auroy. Si le rechupt li dis messires Carles moult liement, et li demanda de l’estat dou castiel: «En nom Dieu, monsigneur, dist li escuiers, Dieu merchi, si sommez encorrez bien pourveu pour le tenir deus mois, s’il besoigne.»—«Henry, Henry, respondi messires Carlez, demain, se il plaist à Dieu, serés vous delivrés dou siège ou par accord ou par bataille.»—«Sire, ce dist li escuiers, Dieux y ait part, qui vous doinst victore contre vos ennemis!»

Enssi se passa chilx samedis toutte nuit. Et menèrent li Franchois grant joie et grant revel, et d’autre part ossi fissent li Englès. Et requissent li aucun compaignon et priièrent moult especialment à monsigneur Jehan Camdos qu’il ne volsist mie consentir que nus tretiés ne nulx acors de pès se fesist, car il avoient tout despendu et aleuwet et estoient povre: si volloient par le bataille ou tout parperdre ou recouvrer, et messires Jehans Camdos leur eut en couvent. Fº 135.

P. 157, l. 25: plains.—Le ms. A 17 ajoute: les autres, en une grant lande et longue. Fº 321 vº.

P. 158, l. 4: de l’un.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: host.

P. 158, l. 5: l’i euist veu.—Ms. A 17: il eust veu certain acord entr’eulx.

333 P. 158, l. 23: Sauternelle.--Mss. A 3, 15 à 17: Hauternelle, Hanternelle. Fº 256 vº.—Ms. B 6: Sautrelle. Fº 640.

P. 158, l. 25: lanches.—Mss. A 15 à 17: hommes d’armes.

P. 158, l. 29: li chastelains.—Mss. A 8, 15 à 17: li escuiers.

P. 159, l. 18: à ce Henri.—Ms. A 17: à son escuier.

P. 159, l. 19: nuitie.—Mss. A 8, 15 à 17: nuit.

P. 159, l. 24: tout aleuet et.—Mss. A 8, 15 à 17: tout le leur.

P. 159, l. 25: parperdre ou recouvrer.—Ms. A 17: tout perdre ou tout gainnier ou au moins aucune chose recouvrer. Fº 322.

P. 159, l. 25: ou.—Le ms. A 15 ajoute: aucune chose.

P. 159, l. 26: en couvent.—Ms. A 15: en couvenant.—Ms. A 17: encouvenancié.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: et le leur promist ainsi.

§ 536. Quant ce vint.—Ms. d’Amiens: Quant ce vint le diemenche au matin, chacuns en sen host s’appareilla, vesti et arma. Si dist on pluisseurs messes en l’ost le dit monsigneur Carle de Blois, et s’acumenia qui acumeniier vot, et ossi fissent il en l’ost le comte de Montfort. Ung petit après soleil levant, se retraist chacuns en se bataille et en son arroy, enssi qu’il avoient estet le jour devant. Assés tost apriès, revint li sirez de Biaumanoir, qui portoit lez tretiez et qui vollentiers les ewist acordés, s’il peuist, et s’en vint premier à chevauchant deviers monsigneur Jehan Camdos, qui yssi de se bataille et laissa le comte de Montfort, et vint sus les camps contre le dit seigneur de Biaumanoir pour li faire une briefve response et pour son corps garder, car il avoit oy dire et jurer les Englès que, se il venoit plus avant pour tretier ne porter pès ne acort, il l’ociroient.

Siques, si tost que messires Jehans Camdos peut venir jusques à lui, il li dist: «Sire de Biaumanoir, sire de Biaumanoir, je vous avisse que vous ne venés meshui plus avant; car nos gens dient qu’il voellent combattre et qu’il vous ochiront, s’il vous puevent enclore entre yaulx. Et dittes à monsigneur Carle de Blois que messires se voelt combattre et qu’il ne voelt oyr ne entendre à nul tretiet, s’il n’est plainement dus de Bretagne.» Quant li sires de Biaumanoir entendi Camdos enssi parler, si fu mout courouchiez et dist: «Camdos, Camdos, ce n’est mie li entente de monseigneur qu’il n’ait 334 plus grant desir de combattre, et touttez ses gens, que vous n’aiiés, et ont toudis eu. Et che que je m’en sui ensonniiés jusc’à ores, je l’ay fait en espèce de bien et pour tant que je voy, d’un lez et de l’autre, grant fuison de bonne chevalerie de ce pais qui ne se poront combattre que grans meschief n’en viegne; et puisqu’il faut qu’il aviegne, Dieus voeille aidier le droit, car li ungs des deux chiés demourra hui dus de Bretaigne.»

Adonc s’en retourna il vistement deviers monsigneur Carlon de Blois, et Camdos deviers le comte de Montfort, qui li demanda tantost quel cose li sires de Biaumanoir disoit. Et Camdos respondi tout au contraire, pour li enflammer et courouchier: «Quel cose? Sire, je le vous diray. Messires Carlez de Blois vous mande que sans raison on tretie ne parolle de nulle pès; car il demourra ducs de Bretaingne, et n’y arés riens: ossi nul droit n’y avés de riens avoir, et tout ce vous remoustr[er]a il tantost par force d’armes. Or en regardez que vous en voullés faire, se vous vous voullés combattre.»—«Par me foy, dist li comtes de Montfort, Camdos, oil. Faittez passer avant nos bannières, ou nom de Dieu et de saint Gorge.» Depuis n’y eut riens tretiet ne parlementet entre les deux hos; car li sirez de Biaumanoir revint tantost deviers monseigneur de Blois, et li dist le responce de Camdos telle que vous avez oye. Dont messires Carles tendi ses mains vers le chiel, en regraciant Dieu de le belle gent et de le grande chevalerie qu’il veoit dallés lui, et puis dist: «Passés avant, bannierrez, ou nom de Dieu et de monsigneur saint Yve.» Fº 135 vº.

P. 160, l. 1: se acumenia... veult.—Ms. A 8: se commenièrent ceulx qui vouldrent. Fº 257.—Ms. A 15: s’accommunièrent ceulx qui vouldrent. Fº 281 vº.—Ms. A 17: se acommissèrent tous ceuls qui vouldrent.—Le ms. B 6 ajoute: et puis burent un cop et s’armèrent. Et se tirèrent tout sur les camps au devant de leurs ennemis ossy serreement comme on povoit, les lanches contremont et grandes haches forgies à Paris et ailleurs pendant à leur costé. Et s’en vinrent ensy tout à piet en une plache au trait de trois arbalestres près de leurs ennemis. Fº 641.

P. 160, l. 8: à.—Mss. A: en.

P. 160, l. 10: vei.—Les mss. A 8, 15 à 17 ajoutent: venir.

P. 160, l. 21: pri.—Ms. A 15: avise.

P. 160, l. 29: le painne.—Mss. A: la place.

P. 161, l. 2: s’enfelleni.—Mss. A 8, 15: s’enfelonni.—Ms. A 17: s’afelonnit.

335 P. 161, l. 2: courouciés.—Le ms. A 17 ajoute: et tant que, se il eust esté armé comme monseigneur Chandos estoit, pour certain ilz eussent commencé la bataille. Fº 322 vº.

P. 161, l. 3: monsigneur.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: Charles de Blois.

P. 161, l. 15: Bretagne.—Les mss. A 8, 15 à 17 ajoutent: aujour d’uy.

P. 161, l. 16: le painne.—Mss. A 8, 15 à 17: la place.

P. 161, l. 25: si fisent.—Mss. A 8, 15 à 17: se passèrent.

P. 161, l. 28: grosse.—Mss. A 8, 15 à 17: orguilleuse.

P. 162, l. 2: hui.—Mss. A 8, 15 à 17: au jour d’ui.

P. 162, l. 2: font.—Mss. A 6, 8: distrent.—Ms. A 17: le scèvent bien. Fº 323.

P. 162, l. 4: banières.—Ms. A 15: et pennons et toutes manières de. Fº 282.

§ 537. Un petit.—Ms. d’Amiens: Ung petit devant l’eure de primme, s’aprocièrent les batailles. Dont ce fu très belle cose à regarder, si comme je l’oy dire à chiaux qui y furent et qui veu les avoient, car li Franchois estoient ossi serré et ossi joint que on ne pewist mies jetter une pomme que elle ne cheyst sus un bachinet ou sus une lanche. Et portoit chacuns hommes d’armes son glaive droite devant lui, retaillie enssi que de cinq piés, et une hace forte et dure et bien acerée, chacuns sus son col ou sus sen espalle. Et s’en venoient enssi tout bellement le pas, chacuns sirez en son arroi et entre ses gens, et se bannierre ou se pennon devant lui, enfourmés de savoir quel cose il devoit faire. Et, d’autre part, li Englès estoient très bien et très faiticement ordonné.

Si s’asamblèrent premierement li bataille monseigneur Bertran de Claiequin et li Breton de son lés, à le bataille monseigneur Robert Canolle et monseigneur Gautier Huet. Et missent li seigneur de Bretaingne, cil qui estoient d’un lés et de l’autre, les bannierrez des deus dus l’un contre l’autre, et les autres batailles s’asamblèrent enssi l’un contre l’autre. Là eut des premiers encontres grans bouteis des lanches et fort estour et dur. Bien est voirs que li arcier trayrent de coummenchement, mès leurs très ne greva noyent as Franchois, car il estoient trop bien armet et fort et ossi bien pavesciet contre le tret. Si jettèrent cil archier leurs ars jus, qui estoient fort compaignon et legier, et se 336 boutèrent entre ces gens d’armes de leur costé, et puis s’en vinrent à ces Franchois qui portoient ces haces. Si s’aherdoient à yaux de grant vollenté et tolloient as pluisseurs leurs haces, de quoy depuis se combatirent. Là eut fait mainte belle appertise d’armes, mainte luite, mainte prise et mainte rescousse. Et sachiés qui estoit cëus à terre, il estoit fort dou relever, se il n’estoit trop bien aidiés.

La bataille monseigneur Charle de Blois s’adrecha droitement à le bataille le comte de Montfort qui estoit forte et espesse. Dallés monseigneur Carlon de Blois estoient li sires de Lion, messires Carles de Dinant, li viscomtez de Rohem, li sirez de Qui[n]tin, li sirez d’Ansenis et li sires de Rocefort, et chacun sires se bannierre devant lui. Là eut, je vous di, dure bataille et grosse et bien combatue. Et furent chil de Montfort de coummenchement durement reboutet; mès messires Hues de Cavrelée, qui estoit desus èle et qui avoit une belle bataille et de bonne gent, venoit à cel endroit où il veoit ses gens branller, ouvrir ou desclore, et les reboutoit et metoit sus par force d’armes. Et ceste ordounnance leur valli trop grandement; car, si tost qu’il avoit les foullés remis sus et il veoit une autre bataille ouvrir ne branler, il se traioit de celle part, et les recomfortoit par telle mannierre comme il est dit devant. Fos 135 vº et 136.

P. 162, l. 6: § 537.—Le ms. A 15 ajoute: Mais tantost.

P. 162, l. 14: courtes mances.—Ms. A 8: petis manches. Fº 257 vº.—Ms. A 15: à bien court manche.—Ms. A 17: un petit manche.

P. 162, l. 17: lui.—Le ms. A 17 ajoute: chascun tout.

P. 162, l. 20: assamblèrent.—Le ms. A 15 ajoute: ces batailles. Fº 282.

P. 162, l. 21: Claiekin.—Le ms. A 17 ajoute: et de monseigneur Olivier de Mauni son nepveu. Fº 323.

P. 162, l. 21: de son lés.—Ms. A 17: de leur costé.

P. 162, l. 27 et 28: premiers encontres.—Mss. A 8, 15 à 17: première rencontre.

P. 162, l. 29: estour.—Mss. A 8, 15 à 17: estrif.

P. 163, l. 5: se aherdirent.—Mss. A 8, 15 à 17: s’adrecèrent.

P. 163, l. 7: haces.—Le ms. B 6 ajoute: Et en y eurent plus de cinq cens, et che parfist le desconfiture, car il ochioient les Franchois et les Bretons de leurs haches. Fº 647.

337 P. 163, l. 8: faiticement.—Mss. A 8, 15 à 17: hardiement.

P. 163, l. 10 et 11: c’estoit fort dou.—Ms. A 15: il ne se povoit.

§ 538. D’autre part.—Ms. d’Amiens: D’autre part, se combatoient messires Olivier de Clichon, messires Ustasses d’Aubrecicourt, messires Richars Burlé, messires Jehans Bourssiers, messire Mahieux de Gournay, à le bataille le comte d’Auchoire et dou comte de Joni, qui estoit moult grande et moult grosse et bien estoffée de bonne gens. Là eut fait ossi mainte belle appertise d’armes et mainte prise et mainte rescousse. Là se combatoient Franchois et Bretons, d’un lés, mout vaillamment et mout hardiement, des haces qu’il portaient et qu’il tenoient.

Là fu messires Carles de Blois durement bons chevaliers, et qui vaillamment et hardiement se combati et assambla à ses ennemis, et ossi fist ses adversaires le comte de Montfort: chacuns y entendoit enssi que pour lui. Là estoit messires Jehans Camdos, qui y faisoit merveilles d’armes de son corps, car il estoit fors chevaliers et hardis durement; si conssilloit et comfortoit le comte de Montfort en touttes manierrez, et le faisoit passer avant et arester, quant il veoit que tamps estoit.

D’autre part, messires Bertrans de Claiekin, li sires de Tournemine, li sirez d’Avaugor, li sires de Rays, li sires de Lohiac, li sires d’Ansenis et li autre bon chevalier de Bretaingne se combatoient mout vaillamment et y fissent maintes belles apertises d’armes. Et tant se combatirent que touttes ces batailles se requeillirent enssamble, excepté li arrieregarde des Englès, dont messires Hues de Cavrelée estoit souverains. Ceste bataille se tenoit toutdis sus costière, et ne servoit d’autre cose fors de redrechier et mettre en conroy les leurs qui branloient ou qui se desconfissoient.

Entre les autres chevaliers bretons et englès, messires Oliviers de Clichon fu bien veus et avisés qu’il y fist merveillez d’armes de son corps, et tenoit une hache, mès il rompoit ces presses, et ne l’osoit nus aprochier. Et s’enbati telle fois si avant qu’il fu en grant peril, et eut mout affaire de sen corps en le bataille dou comte d’Auchoire et dou comte de Joni, et trouva durement fort encontre sus lui, tant que dou cop d’une hace il fu navrés desous et parmy le visierre de sen bachinet au travers de l’oeil, et l’eut crevet, mès depuis fu il rescous et remis entre ses gens 338 en bon couvenant; et, durement aïrés et enflammés, il se combati et y fist de le main pluisseurs belles appertises d’armes. Là se recouvroient bataillez et bannières, qui une heure estoient tout au bas, et tantost par bien combattre recouvroient et estoient remis sus.

Entre les autres chevaliers, fu messires Jehans Camdos très bons chevaliers, et vaillamment se combati, et tenoit une hace dont il donnoit les horions si grans que nulx ne l’osoit aprochier, car il estoit grans chevaliers et fors et bien fourmés de tous membres: si s’en vint combattre à le bataille le comte d’Auchoire et des Franchois. Et là eut fait maintes belles appertises d’armes. Et, par force de bien combattre, il rompirent et reboutèrent ceste bataille bien avant et le missent à tel meschief que briefment elle fu desconfite et touttez les bannierrez et les pennons de ceste bataille jettés par terre, rompus et deschirés, et li seigneur mis et contourné en grant meschief; car il n’estoient aidiet ne comfortet de nul costé, mès estoient leurs gens tous ensonniiés d’iaux deffendre et combattre. Là crioient chil seigneur et leurs gens qui estoient dallés yaux, leurs ensaignes et leurs cris, dont li aucun estoient oy et reconforté, et li autre, non, enssi que telz besoingnes aviennent et que li cas le requiert.

Touttes fois, li comtes d’Auchoire, par force d’armes, fu durement navrés et pris desoubs le pennon monseigneur Jehan Camdos et fianciés prison, et li comtez de Joni ossi, et mors li sires de Prie, uns grans bannerès de Normendie, et pluisseurs bons chevaliers de Franche et de Normendie. Fº 136.

P. 164, l. 6: Joni.—Mss. A 15 à 17: Joingny.

P. 164, l. 20 et 21: ressongnies.—Mss. A 8, 15 à 17: redoubtez. Fº 258.

P. 164, l. 30 et 31: Gargoulé.—Mss. A 15 à 17: Gargolay. Fº 324.

P. 164, l. 31: Malatrait.—Mss. A 15 à 17: Malestroit.

P. 164, l. 31: dou Pont.—Mss. A 15 à 17: de Viez Pont.

P. 165, l. 8: s’ensonnioit.—Mss. A 8, 15 à 17: s’embesongnoit.

P. 165, l. 9: conroy.—Mss. A 15 à 17: arroy.

P. 165, l. 19 et 20: en travers.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: du visaige.

P. 166, l. 18: en sus.—Mss. A 15 à 17: arrière.

P. 166, l. 21: prisons.—Mss. A 8, 15 à 17: prisonnier.

339 P. 166, l. 22: [T]rie.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: Prier.—Mss. A 8, 9: Pie.—Mss. B et A 7, 15 à 17: Prie.

§ 539. Encores.—Ms. d’Amiens: Encorres se combatoient les autres batailles moult vaillamment, et se tenoient li baron en bon couvenant. Et touttesfois, à parler loiaument d’armes, il ne tinrent mies si bien leur pas ne leur arroy, enssi qu’il apparut, que fissent li Englès et li Breton dou costé le comte de Montfort; et trop leur valli celle bataille sus elle de messire Hue de Cavrelée. Quant li Englès et li Breton de Montfort virent ouvrir et branler les Franchois, si se confortèrent entre yaux moult grandement. Et demandèrent li pluiseur leurs chevaux que leur garchon tenoient enssus d’iaux. Tantost il furent monté, pourveu de haces et d’espées de Bourdiaux et en grant vollenté de envaïr, d’ochir et de mehaignier leurs ennemis.

Et se parti adonc messires Jehans Camdos à toutte une grosse routte des siens, et s’en vint adrechier sus le bataille monsigneur Bertran de Claiequin, où on faisoit merveillez d’armes, mès elle estoit ja ouverte et pluisseur chevalier et escuier mis en grant meschief. Et encorres furent il plus, quant messires Jehans Camdos et une grosse routte d’Englès s’i embatirent. Là eut donnet tamaint pesant horion de ces haces, maint bachinet fendu et maint homme mort. Touttesfois, messires Bertrans ne li sien ne peurent porter che fès. Si fu là pris messires Bertrans d’un escuier englès desoubs le pennon monsigneur Jehan Camdos et qui estoit de ses gens et de son hostel. Et entendi ensi que messires Jehans Camdos prist et fiancha de sa main un baron de Bretaingne que on appelloit le seigneur de Rays, hardi chevalier durement.

Apriès ceste grosse bataille des Bretons rompue, li bataille fu enssi que desconfite, et perdirent li autre tout leur arroy et se missent en fuite, qui mieux mieux chacuns, exceté li vaillant chevalier et escuier de Bretaingne, qui ne volloient mies laissier leur signeur, monsigneur Carlon de Blois, mès avoient plus chier à morir que reprochiet leur fust fuitte. Si se combatirent, chacuns desoubz se bannierre et se pennon, depuis moult vaillamment et très asprement, et se rekeillirent en pluisseurs lieux et par tropiaux chil bon chevalier et escuier de Bretaingne, qui estoient avoecq monseigneur Carlon de Blois, et qui, par force 340 d’armes, volloient recouvrer le meschief qu’il leur apparroit; mès il ne peurent.

Là fu messires Carles de Blois et chil qui dallés lui estoient, enclos d’une grosse routte d’Englès qui tout se tiroient de celle part pour aidier le bannierre monsigneur Carle à desrompre et desconfire. Si i eut fait mainte belle appertise d’armes, et mout vaillamment se combatirent messires Carles de Blois et chil qui dallés lui estoient. Et ne l’eurent mies li Englès d’avantaige, mès il estoient trop mieus parti à ce donc que li Franchois ne fuissent. Là fu ochis, en bon couvenant et le viaire sus ses ennemis, messire Carlles de Blois, et dallés lui et sus son corps ungs siens filx bastars qui s’appelloit messires Jehans de Blois, et pluisseurs autres chevaliers et escuiers qui ne volloient mies laissier leur mestre et leur seigneur, mès avoient plus chier à morir.

Depuis que les bannierres monseigneur Carle de Blois furent atierées, n’y eut riens retenu, mès furent les desconfitures moult grandes de tous costés sus les Franchois et les Bretons. Et se missent tous li Englès à cheval, et coummenchièrent à cachier et à encauchier leurs ennemis. Là eult, quant à le cache et à le fuitte, grant mortalité, grant ocision et grant desconfiture, et tamaint bon chevalier et escuier pris et mis en grant mescief. Là fu toutte li fleur de le bonne chevalerie de Bretaigne, pour le temps et pour le journée, morte ou prise; car peu de chevaliers ne d’escuiers d’onneur escapèrent, qu’il ne fuissent mort ou pris.

Et par especial des banerès de Bretaingne y furent mort messires Carles de Dignant, li sires de Lion, li sires d’Ansenis, li sirez d’Avaugor, li sires de Lohiach, li sires de Gargoulé, li sires de Malatrait et li sires dou Pont; et pris: li viscomtes de Rohem, li sires de Lion, li sires de Rochefort, li sires de Rays, li sires de Rieus, li sires de Tournemine, messires Henris de Malatrait, messires Oliviers de Mauni et pluisseur autre bon chevalier et escuier de Bretaingne et grant signeur; et ossi dou royaumme de France, maint bon chevalier et escuier: li comtes d’Auchoire premierement, li comtes de Joni et tamaint autre qui y estoient venu desous le comfort monsigneur Bertran de Claiequin, qui y fu pris ossi.

Briefment à parler, ceste desconfiture fu moult grande et mout grosse, et grant fuisson de bonnes gens y eut mors, tant sus les 341 camps comme en le cache, car elle dura huit grans lieuwes et tout le jour jusques à le nuit. Si poés bien croire que là en dedens y avinrent pluisseur mescief, et y eut maint chevalier et maint escuier mort et pris. Ceste bataille, qui fu assés priès d’Auroi en Bretaingne, fu l’an de grasce Nostre Seigneur mil trois cens soissante quatre, par un dimenche en octembre, le jour Saint Denis et Saint Gislain. Fº 136 vº.

P. 166, l. 27: couvenant.—Mss. A 8, 15 à 17: couvine. Fº 258 vº.

P. 166, l. 29: li Englès et li Breton.—Ms. A 17: les Bretons et Anglois. Fº 324 vº.

P. 167, l. 1: li Englès et li Breton.—Ms. A 17: les Bretons et Anglois.

P. 167, l. 7: des siens.—Mss. A 8, 15 à 17: de ses gens.

P. 167, l. 8: Claiekin.—Le ms. A 17 ajoute: et de monseigneur Olivier de Mauni son nepveu. Fº 325.

P. 167, l. 13: tamaint.—Mss. A 8, 15 à 17: maint.

P. 167, l. 18: desous.—Le ms. A 17 ajoute: la bannière ou.

P. 167, l. 20: un.—Le ms. A 15 ajoute: grant. Fº 283 vº.

P. 167, l. 22: durement.—Le ms. A 15 ajoute: et qui moult longuement se combatit à monseigneur Jehan Chandos.

P. 167, l. 24: que.—Ms. A 17: comme du tout.

P. 167, l. 30: fuite.—Le ms. A 15 ajoute: vilaine.—Le ms. A 17: vilaine ne honteuse.

P. 167, l. 32: très asprement.—Ms. A 17: appertement.

P. 168, l. 13: Blois.—Les mss. A 11 à 14 ajoutent: qui tua celui qui tué avoit monseigneur Charle de Blois.

P. 168, l. 21: fin.—Les mss. A 8, 15 à 17 ajoutent: de bataille et.

P. 168, l. 31: Gargoulé.—Mss. A 15 à 17: Cargolay.—Ms. A 7: Guergorlay.

P. 168, l. 32: dou Pont.—Ms. A 15: de Vielpont.

P. 169, l. 4: Tournemine.—Le ms. A 2 ajoute: le conte de Tonnoirre.—Mss. A 1, 3 à 6, 8: le conte de Tonnoirre.

P. 169, l. 5: Mauni.—Le ms. A 15 ajoute: fort chevalier et hardi durement.

P. 169, l. 5 et 6: Riville.—Ms. A 17: Regneville.

P. 169, l. 6: Friauville.—Ms. A 8: Frauville. Fº 259.—Mss. A 15 à 17: Frianville.

342 P. 169, l. 6: d’Ainneval.—Mss. A 1 à 8: Rainneval.—Mss. A 15 à 17: Rayneval.

P. 169, l. 9: le.—Le ms. A 15 ajoute: vaillant.

P. 169, l. 12 et 13: en le cache.—Ms. A 8: sur la place. Fº 259 vº.

P. 169, l. 13: huit.—Le ms. A 8 ajoute: grosses.

P. 169, l. 14: Rennes.—Mss. A 11 à 14: Vannes.

P. 169, l. 13 à 22: cache... octembre.—Ms. B 6: Et dura la chache huit lieues jusques ens ès portes de la chité de Rennes, car ly Englès montèrent à cheval qui les poursievirent jusques au vespre. Et là eult messire Jehan Candos, par l’aide de ses gens, pour trois cens mille frans de bons prisonniers; car il eult messire Bertran de Claykin, le conte d’Auchoire, le conte de Joni et plus de quarante chevaliers. Ceste belle aventure avint au conte Jehan de Montfort en Bretaigne, assés priès du castiel d’Auroy, en l’an de grace mil trois cens soissante quatre, le lundy devant le Saint Mikiel. Fº 648.

P. 169, l. 20: d’Auroy.—Ms. A 17: du noble chasteau d’Aurroy que le vaillant roy Artur fist jadis faire et fonder. Fº 325.

§ 540. Apriès.—Ms. d’Amiens: Apriès le grant desconfiture, si comme vous avés oy, et le place toutte delivrée, li chief des seigneurs englès et bretons d’un lés retournèrent et n’entendirent plus au cachier, mès en laissièrent couvenir leurs gens. Si se traissent d’un lés li comtes de Montfort, messires Jehans Camdos, messires Robers Canolles, messires Ustasses d’Aubrecicourt, messires Mahieux de Gournay, messires Gautiers Hués, messires Hues de Cavrelée, messires Jehans Bourssier et li autre chevalier. Et s’en vinrent ombriier desoubs une longhe haye, un petit enssus de là où li bataille avoit estet, et missent touttes leurs bannierres et pennons en celle haie, pour leurs gens requeillier et radrechier. Et coummenchièrent leur menestrel à corner et à piper, et li signeur se desarmèrent et esventèrent ung petit, car moult avoient chaut pour le traveil de combattre et de cachier. Et burent li aucun qui avoient vin en bouteilles et en flascons. Entroes qu’il estoient en cel estat, li sires de Clichon revint, se bannierre devant lui, qui le plus avoit poursieuwois ses ennemis. A painnes s’en estoit il pous partir, tant avoit estet aïrés et enflammés sus yaulx. Et ramenèrent ses gens grant fuison 343 de prisonniers et par especial son oncle le viscomte de Rohem. Si se traist erramment li dis messires Oliviers de Clichon deviers le comte de Montfort, qu’il tenoit pour seigneur et pour chief, et descendi à piet avoecq les autres.

A ce donc ne savoient il riens encorres que messires Carles de Blois fust mors; mes il avoient envoiiet leurs hiraux par le campaingne regarder as ungs et as autres, et pour triier les seigneurs hors des autres et savoir liquel y estoient mort. Si fu là raporté au comte de Montfort, et dist ensi li chevaliers qui l’en raporta les nouvelles: «Monseigneur, loés Dieu et regraciés de le belle journée que vous avés, car messires Carles de Blois, vostres adverssaires, est demourés mors sur les camps.» Et quant li comtes de Montfort l’entendi, si dist qu’il volloit venir de ceste part et [le] veoir ossi bien mort que vif. Si vint là où messires Carles gisoit, et vinrent avoecq lui pluisseur des seigneurs et chevaliers qui là estoient. Si le trouvèrent environnet de grant fuisson de mors, chevaliers et escuiers, et une hace desoubs lui, dont il s’estoit combatus, et ossi de ses ennemis englès et bretons mors aucuns. Se le fist li comtes de Montfort retourner le viaire dessus, car il gisoit en dens. Et quant il le vit ou viaire, si fu tous penssieux et prist à larmiier et dist: «Ha! monseigneur Carle, monseigneur Carle, biaus cousins, com par vostre opinion maintenir sont grant meschief avenu en Bretaigne! Se Dieux m’aït, il me desplaist que je vous treuve enssi, se estre pewist autrement.» Adonc le tira arière messires Jehans Camdos et li dist: «Sire, sire, partons de chy et regraciiés Dieu de le belle aventure que vous avés; car, sans le mort de cesti, ne poyés vous venir à l’iretaige de Bretaingne.» Adonc ordounna là li comtes de Montfort que il fust tantost mis en un sarqu et aportés à Rennes, et il fu fait presentement si comme il le coumanda. Fos 136 vº et 137.

P. 170, l. 1: Tanton.—Mss. A 1 à 6, 15, 18, 19: Tancon.

P. 170, l. 2: aultre.—Le ms. A 17 ajoute: seigneurs et chevaliers. Fº 326.

P. 170, l. 2: ombriier.—Ms. A 17: umbraier.

P. 170, l. 2 et 3: dou lonch d’une.—Ms. A 6: delez une. Fº 258 vº.—Mss. A 8, 15 à 17: devant une.

P. 170, l. 12: l’iretage.—Ms. A 15: le bel hiretaige.—Ms. A 17: le noble heritaige.

P. 170, l. 20: plus de gré.—Mss. A: plus grant gré.

P. 170, l. 21: En.—Ms. A 15: A.—Ms. A 17: Entre.

344 P. 170, l. 22: enflamés.—Le ms. A 17 ajoute: d’ire et de mautalent.

P. 170, l. 24: partir.—Le ms. B 6 ajoute: et voelt on dire que en chest jour de se propre main il en ochist et abaty plus de soixante. Fº 649.

P. 170, l. 25: se retraist.—Mss. A 7, 8, 15 à 17: se traisent.

P. 171, l. 1: chercié.—Mss. A 8, 15 à 17: cerchié.

P. 171, l. 11: d’une.—Ms. A 8: à. Fº 260.

P. 171, l. 20: regracions.—Ms. B 4 et mss. A: regraciés.

P. 171, l. 21: avés.—Le ms. A 15 ajoute: qu’il vous a hui donnée—Le ms. A 17 ajoute: aujourd’ui eue.

P. 171, l. 21: poiés.—Mss. A: poviez.

P. 171, l. 28: en.—Mss. A: ou pays de.

P. 171, l. 29: maint grant et biel.—Ms. A 8: pluseurs.—Ms. A 15: pluseurs beaus.—Ms. A 17: moult de beaus.

P. 171, l. 29: miracle.—Le ms. B 6 ajoute: et cante on de luy ensy que d’un martir, car il morut vaillanment en defendant et gardant son hiretaige. Fos 649 et 650.

§ 541. Apriès.—Ms. d’Amiens: Apriès ceste ordounnanche et que tout li mort furent desvesti et que leurs gens furent repairiet de le cache, il se traissent vers leurs logis dont au matin il s’estoient parti. Si se desarmèrent et aisièrent de chou qu’il eurent, il avoient assés de quoy, et entendirent à leurs prisonniers et fissent appareillier les navrés et les blechiez; et les leurs meysmement qui estoient navret et blechiet, fissent il remettre à point. Quant ce vint le lundi au matin, li comtes de Montfort fist assavoir sus le pays et à chiaux de Rennes et des villes environ, qu’il leur dounnoit trieuwez troix jours, pour ensepvelir les mors et venir querre les corps des gentilz hommes: laquelle ordounnanche on le tint à belle et à bonne, et se tint par devant Auroy et dist que point ne s’en partiroit, se l’aroit.

Ces nouvellez s’espardirent en pluisseurs lieux et en pluisseurs pays, coumment li comtez de Montfort, par le consseil et confort des Englès, avoit obtenu le place contre monseigneur Carlon de Blois, et li mort et desconfi, et mort et pris toutte le fleur de Bretaingne. Si en avoient messires Jehans Camdos et messires Oliviers de Clichon grant huée. Et disoit li coumune renoumée que par leur fait, avoecques le reconfort de l’arrieregarde 345 monseigneur Hue de Cavrelée, avoit estet la besoingne achievée. De ces nouvellez furent tout li amit et li comfortant monseigneur Carlon de Blois courouchiet, che fu bien raisons, et tout cil de par le comte de Montfort, resjoy...

Bien est voirs que li roys Carles de Franche fu mout courouchiés de le desconfiture qui fu devant Auroy et bien y eut cause, car ses royaummes en fu grandement afoiblis, et par especial il regreta grandement le mort de monseigneur Carlon de Blois, son cousin, le prise de monseigneur Bertran de Claiequin, le mort et le prise des bons chevaliers qui là avoient estet. Si envoiea tantost li roys le duc d’Ango, son frère, deviers les marches de Bretaingne, pour recomforter et conssillier le pays, qui moult estoit desolés et esbahis, et par especial celle qui s’appelloit duçoise et hiretière de Bretaingne; car elle veoit son marit monseigneur Carle de Blois mort et ses deus fils emprisonnés en Engleterre, Jehan et Ghui. Si vint li dus d’Ango, qui avoit sa fille à femme, par deviers lui, et le recomforta et consseilla che qu’il peult, et li proummist qu’il se feroit cause et chiés de le guerre contre le comte de Montfort. Encorres avoit la damme un petit fil qui estoit appellés Henris, c’estoit tous ses recomfors; mès quant la damme examinoit bien touttes ses besoingnes, elle se veoit bien en dur parti. Si ploroit et regretoit ses amis, et bien avoit cause, enssi comme vous orés chy apriès. Fº 137 rº et vº.

P. 171, l. 31: que.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: tous.

P. 172, l. 3: eurent.—Mss. A 15 à 17: avoient.

P. 172, l. 14: le.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: fort.

P. 172, l. 15: d’Auroy.—Le ms. A 15 ajoute: que le roy Artur fist jadis faire et fonder. Fº 285.

P. 172, l. 19: par le... Englès.—Les mss. A ajoutent ces mots qui manquent dans le ms. B 1.

P. 172, l. 22: fleur.—Les mss. A 1 à 6, 8, 15 à 17 ajoutent: de la chevalerie.

P. 172, l. 27: li Breton.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: et les Anglois.

P. 172, l. 30: li rois.—Le ms. A 17 ajoute: Charles. Fº 327.

P. 173, l. 2: chevalier.—Les mss. A 8, 15 à 17 ajoutent: et escuiers.

P. 173, l. 28: Douvres.—Le ms. B 6 ajoute: et vinrent si à point que le roy d’Engleterre et ses trois filz, le duc de Clarenche, le duc de Lenclastre, le conte de Canterbruge, estoient à 346 Douves pour festier le conte Loys de Flandres qui là estoit arivés pour le cause de ung mariage aidier à parfaire, qui estoit commenchiet entre monsigneur Aimmon, conte de Cantbruge, et le fille du conte de Flandres. Fº 651.

P. 173, l. 30: hiraut.—Les mss. B 3, 4 et les mss. A ajoutent: et li donna le nom de Windesore et moult grant pourfit.

P. 173, l. 32: je fui.—Le ms. A 17 ajoute: depuis moult suffisanment informé.

§ 542. Il est bien voirs.—Ms. d’Amiens: Si escripsi li comtes de Montfort ceste avenue en pluisseurs lieux et par especial au roy Edouwart d’Engleterre, qu’il tenoit et appelloit père, car il avoit euv sa fille en mariaige. Si vinrent ces nouvelles au dit roy au cinqime jour de le bataille à Douvres. Et emporta lettres de creanche ungs varlès poursiewans armes, qui avoit estet à le bataille et que li roys englès fist tantost hiraut, et li dounna le nom de Windesore, et moult grant prouffit: par lequel hiraut noummet Windesore je fui enfourmés de ceste bataille et de l’ordounnanche, si comme vous avés oy chy dessus recorder, car j’estoie à Douvres au jour qu’il y vint et que les nouvellez y furent premierement sceuwes. Et le cause pourquoy li roys englès estoit adonc là et grant fuison des seigneurs d’Engleterre, je le vous diray.

En ce tamps que chilx hiraux Windesore ariva là à Douvres, estoit là venus li roys d’Engleterre, avoecq lui li dus de Lancastre et messires Aimmons, comtes de Cambruge, si doi fil, et grant fuison de seigneurs d’Engleterre, telz que le comte d’Arondel, le comte de Salebrin, le comte de Herfort, le jone comte de Pennebrucq, le jone comte de le Marce, monseigneur Gautier de Mauny, le seigneur Despenssier, le seigneur de le Ware, monseigneur Ricart de Pennebruge, monseigneur Alain de Boukesele, monseigneur Richart Sturi, le seigneur de Ferières, monseigneur Thummas de Grantson et pluisseurs autres seigneurs, barons et chevaliers, pour festiier le comte Loeys de Flandres, je vous diray cause pourquoy.

A che donc assés nouvellement avoit estet tretiez li mariaiges de monseigneur Ainmon, comte de Cantbruge, filz au roy d’Engleterre, et de madamme Marie, fille au comte Loeys de Flandres, qui estoit veve dou jone duc de Bourgoingne, si comme chy dessus est registré. Si estoient là assamblé cil seigneur pour 347 ordounner mariaige et assigner ce que chacuns devoit avoir. Li roys d’Engleterre donnoit à son fil le comté de Pontieu, le comté de Ghines, le terre de Melch et de Oye, et telz drois qu’il entendoit à avoir en le comté de Haynnau, de Hollande et de Zellandez, qu’il ne faisoit mies adonc petis, de par madamme la roynne Phelippe, sa femme, qui fille avoit estet au comte de Haynnau, enssi que vous savés. Si furent là chil seigneur d’Engleterre et de Flandres en grans reviaux et en grans esbatemens l’espasse de quatre jours, et y eut grans disners et biaux et bien ordounnés. Et leur vinrent ces nouvelles certaines de Bretaingne, dont ils furent mout resjoy, especialment li roys englès et li comtes de Flandres, li roys englès pour ce qu’il avoit toudis fait chief et partie de ceste gerre avoecq le comte de Montfort, liquelx comtes avoit eu sa fille espousée, et li comtes de Flandrez, pour tant que il est cousins germains au comte de Montfort.

Apriès ces festes et ces reviaux qui furent à Douvres, prist li comtes Loeis de Flandres congiet au roy et as barons d’Engleterre, et rapassa le mer et vint à Calais. Si le raconvoiièrent li dus de Lancastre et li comtes de Cantbruges et les en mena li comtes de Flandres avoecq lui en Flandres pour jewer et esbattre, et furent à Yppre, à Brughes et à Ghand, et partout si bien venu et si bien recheu. Endementroes ordounna li roys englès grans messaiges pour envoiier deviers le pappe Urbain [cinqime[483]] pour dispensser che mariaige, car il estoient moult prochain de linaige; car autrement sans dispenssations n’avoit li comtes de Flandres acordé sa fille au roy d’Engleterre. Or nous soufferons nous à parler de ceste matère, et revenrons au comte de Montfort et dirons coumment il persevera.

P. 174, l. 7: devant.—Le ms. A 17 ajoute: de la ditte bataille d’Aurroy.

P. 174, l. 17: conseil.—Le ms. A 17 ajoute: qui illecques se tenoient, lesquelz le reçurent moult grandement et moult honorablement, ainsi qu’il appartenoit à un tel prince et si grant seigneur. Fº 327 vº.

P. 174, l. 18: l’avoit.—Mss. B 3, A 1 à 6, 8 à 14, 18 à 23: l’avoient.

P. 174, l. 20: besongne.—Ms. A 17: grant bataille.

348 P. 174, l. 26 à 28: Et donna... pourfit.—Ces lignes manquent dans les mss. B 3, B 4 et dans les mss. A.

P. 174, l. 30: trois.—Ms. A 17: quatre ou cinq.

P. 175, l. 3: Aymons.—Le ms. A 17 ajoute: son frère.

P. 175, l. 6: Bruges.—Le ms. B 6 ajoute: et à Gand et en pluiseurs bonnes villes et s’y tinrent bien ung mois, et puis s’en retournèrent en Engleterre. Fº 652.

§ 543. Li contes.—Ms. d’Amiens: Apriès le bataille et le grant desconfiture qui fu devant Auroy, où toutte li fleur de Bretaingne fu morte et prise, li comtes de Montfort se tint à son siège, et dist qu’il ne s’en partiroit jusques à tant qu’il l’aroit. Et envoiea dire à chiaux dou castiel que, se il se volloient rendre bellement à lui et recepvoir à seigneur, il leur pardonroit son mautalent et les lairoit joïr et possesser de tout chou qu’il avoient en le fortrèche. Chil d’Auroy se conssillièrent et regardèrent coumment leurs sirez estoit mors, et tout li baron de Bretaingne de leur costé, mort et pris, meysmement pris leur capittainne, Henris de le Sauternelle, et grant fuisson de bons compaignons qui le fortrèce avoient aidiet à deffendre et à garder en avant. Si ne veoient nul apparant de comfort de nul costé, siques, tout examinet et consideré le bien et le mal, il se rendirent et rechurent le comte de Montfort à seigneur et à souverain. Et entra li dis comtes en le ville et ou castiel d’Auroy à grant solempnité, et li fissent tout feaulté et houmage.

Quant il eut pris le possession dou castiel et de toutte le terre, il eut consseil qu’il se trairoit devant le bonne ville de Jugon à touttes ses hos, et pria affectueusement à monseigneur Jehan Cambdos qu’il volsist demourer avoecq lui; car de son consseil et de sen ayde avoit il grant mestier. Messires Jehans Camdos li otria, et ossi fissent tout li Englès pour l’amour de lui. Si s’en vinrent li comtes de Montfort et touttes ses hos devant Jugon et l’environnèrent tout autour, et dissent qu’il ne s’en partiroit, si l’aroient. Et ordonnèrent li seigneur d’Engleterre qu’il ne ranchonneroient nuls de leurs prisonniers jusques à tant que leur guerre seroit achievée. Si furent envoiiet messires Bertran de Claiequin, li comtes d’Auchoire, li comtes de Joni, li sirez de Rays, li sires de Rieus, li sirez de Tournemine et bien soissante chevaliers tous prisounniers, à monseigneur Jehan Camdos et à ses gens, en Poito, et espars en pluisseurs lieux, les ungs à Plasac, les autres à Niort, 349 les autres à Pons ou à Saintes ou à Lusegnon ou en le Rocelle ou à Saint Jehan l’Angelier. Enssi fissent tout li autre de leurs prisonniers, mes il leur faisoient courtoise prison et les recreoient sus leurs fois bellement sans tenir enfremés, ne loiier en fers ne en buies, et toudis se tenoit li sièges devant Jugon.

Quant chil de Jugon virent le puissanche et l’effort dou comte de Montfort et que nul ayde ne leur apparoit, si n’eurent mies consseil d’iaux longement tenir, mès se rendirent, et tinrent le dit comte à seigneur et li fissent feaulté et hoummaige. Si entra li dis comtez en le [ville de Jugon] et souverains: enssi se faisoit il noummer et escripre. Et remua tous offisciiers et y mist gens à sen ordounnanche, et puis se parti de Jugon. Quant il s’i furent rafresci environ cinq jours, il s’en vinrent devant le bonne ville de Dignant. Là mist il grant siège et qui dura bien avant en l’ivier, car la ville est forte et estoit adonc bien garnie. Et ossi li dus d’Ango leur mandoit qu’il les recomforteroit sans faulte. Ceste esperanche les fist tenir moult longement et endurer et souffrir tamaint assault. Finablement, quant il virent qu’il n’aroient point de secours et que leurs pourveanches amenrissoient, il se composèrent et acordèrent as tretiés dou comte de Montfort. Et se rendirent par composition que, se dedens deux mois en avant, plus fors de lui apparoit en Bretaigne, qui le boutast huers par forche d’armes ou autrement, de le partie monseigneur Carlon de Blois à qui il avoient fait feaulté et houmaige, il estoient quitte et absols de leur tretiet; autrement, les deux mois acomplis, il le tenoient à duch et à seigneur.

Li comtes de Montfort leur acorda vollentiers, et envoiea douze hommes de le ville de Dignant, tous des plus riches, qui furent cran et hostaiges pour aemplir ces couvens, en le cité de Vennes, et puis chevaucha avant et vint droit devant le ville et le cité de Campercorrentin. Et i ariva toutte sen host où il avoit plus de quinze mil hommes, et tous les jours li croissoient gens qui li venoient d’Engleterre et d’autres pays, qui queroient et demandoient les armes, et il ne les savoient bonnement où avoir fors en Bretaingne. Enssi asega li comtes de Montfort le chité de Campercorrentin, qui est moult belle et mout forte. Et y avoit adonc très bonne gens et qui bien s’aquitèrent de le garder, car li sièges y fu mout longement, et petit y fissent de leur prouffit, tant qu’il y sissent, en assallant et en escarmuchant chiaux de dedens. Fos 137 vº et 138.

350 P. 175, l. 10: Auroy.—Ms. A 17: le fort chasteau d’Auroy que le vaillant roy Artur fit faire et fonder jadis. Fº 328.

P. 175, l. 13: de le Sauternèle.—Mss. A 6, 8, 15 à 17: de Sautemelle.

P. 175, l. 14: et toute le fleur.—Ms. B 6: et plus de quarante. Fº 650.

P. 175, l. 24: le.—Le ms. A 17 ajoute: belle.

P. 175, l. 30: vinrent.—Mss. A: vint.

P. 176, l. 1: trois.—Ms. A 15: quatre. Fº 286.

P. 176, l. 6: herriier.—Mss. A 15 à 17: harier.

P. 176, l. 11: chemina.—Mss. A: chevaucha.

P. 176, l. 11 et 12: Dignant.—Mss. A 15 à 17: Dinan.

P. 176, l. 14 à 16: li dus... faire.—Ms. A 17: le duc Charles de Blois si leur avoit moult bien dit que ilz se tenissent ainsi comme bonnes gens devoient faire.

P. 176, l. 16 et 17: conforteroit.—Ms. A 17 ajoute: tantost.

P. 176, l. 17: fist.—Le ms. A 17 ajoute: longuement.

P. 177, l. 4: nesun.—Mss. A: nul.

P. 177, l. 10: le pays de Bretagne.—Ms. A 15: le bon pais de Bretaingne.—Ms. A 17: tout le demourant du bon pais de Bretaingne.

§ 544. Entrues.—Ms. d’Amiens: Or avint enssi, entroes que on seoit devant Campercorrentin, que li roys de Franche avoit eus pluisseurs conssaux, pourpos et ymaginations depuis le bataille d’Auroy et le mort son cousin monseigneur Carle de Blois, je vous diray sus quel estat. Li conssaux dou roy de Franche regardoient que li comtez de Montfort avoit mort et desconffit celi qui se tenoit et escripsoit dus de Bretaingne, et que tous li pays avoit ossi ou li plus et tenoit à seigneur, et avoecq lui tous les barons, chevaliers et escuiers de Bretaingne, et estoit maintenant durement fors ens ou pays, car il avoit l’acord et l’ayde des Englès qui lui faisoient sa guerre, et prendoit villes, chités et castiaux en Bretaingne, et estoit bien tailliés dou prendre, car nulx n’aloit au devant: lesquelles villes, chités et castiaux vorroit tenir par concquès et mettre hors du demainne, ressort et hoummaige de Franche. Dont, pour ce peril escieuwer, il fu regardé et avisé en Franche et remoustré au roy Carle finablement qu’il n’avoit que faire de gueriier contre le comte de 351 Montfort pour la duché de Bretaingne, ne de perdre le serviche et l’oummaige d’un si grant pays comme Bretaingne est; car telle estoit li entention dou comte de Montfort que, se il le conqueroit par forche, il le voroit tenir à tousjours mès sans houmage et sans resort. Ossi il avoit et tenoit bonne pais au roy d’Engleterre: si ne pooit y estre que haynne, mautalens et dissentions ne s’esmeuissent entre leurs gens, ens en cas que chacuns voroit faire partie pour son amy, enssi que devant avoit esté; et, se fortune avoit comforté et eslevet le comte de Montfort, on li souffresist.

Si furent tretiet de pès mis avant, et regardé quelx gens s’en ensonnieroient. Or m’est advis que li arcevesques de Rains, li sires de Craan et messires Boucicaux, marescaux de Franche, en furent cargiet de par le roy et le consseil de Franche. Et vinrent chil seigneur en Bretaingne deviers le comte de Montfort, monseigneur Jehan Camdos et les autres de son consseil, qui se tenoient à siège devant Campercorrentin, et li remoustrèrent bellement et sagement sus quel estat li roys de France les envoyeoit là et coumment c’estoit li vollentés dou roy de Franche que li comtes de Montfort demourast dus de Bretaingne à perpetuelité, parmi tant qu’il le tenist en foy et en hoummage dou dit roy, enssi que li autre duc en avant l’ont tenu de le courounne de Franche. Avoecq tout ce, messires Oliviers de Clichon devoit ravoir toutte se terre entierement, et tout chil qui de l’acort le comte de Montfort avoient esté, et leur estoient pardounné tout mautalent. Chilx tretiés se coummencha à entamer, mès il ne fu mies si tost conclus, quoyque li comtez de Montfort y entendesist vollentiers; car il avoit si grans alianches au roy englès, qu’il n’en vot riens faire sans son acord, et lui segnefia tout l’estat dou tretiet, et li envoiea par deux de ses chevaliers où il avoit moult grant fianche. Quant li roys d’Engleterre l’entendi, se s’i acorda assés legierement et le loa bien au comte de Montfort qu’il le fesist. Se retournèrent li chevalier qui envoieyet avoient estet en Engleterre, et dissent à leur seigneur tout ce que li roys englès en avoit respondut.

Si fu assés tost apriès li pais acordée et confremmée devant Campercorrentin. Et entra li comtes de Montfort en le ditte chité comme dus, et fu en avant tenus et noummés dus de Bretaingne, et rechupt les fois et les hoummaiges des gentils hommes de Bretaingne, barons, chevaliers et escuiers, et de toutte 352 la ducé entirement. Et s’en parti la femme monseigneur Carle de Blois et vint à Paris, et eut, par l’ordounnanche de le pès environ vingt mil florins bien assignés par an en Bretaingne, une comté et terre c’on dist de Pentèvre. Et dubt, avoecques tout chou, li comtes de Montfort mettre grant painne à le delivrance de ses cousins, les enfans monseigneur Carle de Blois, qui estoient prisonnier en Engleterre. Et, se li comtes de Montfort, noumés dus de Bretaingne, moroit sans avoir hoir de loial mariaige, la duché devoit retourner as hoirs monseigneur Carlon de Blois. Enssi vint li comtes Jehans de Montfort à l’iretaige de Bretaingne pour quoy il avoit tant gueriiet, et li comtes ses pères et madamme sa mère et messires [Oliviers] de Clichon ossi. Et tout li autre chevalier et escuier ossi qui avoient estet de son acord, tout leur fu rendu et restitué, et encorres grans nombre d’argens pour leur arrierages. Fº 138.

P. 177, l. 12 et 13: abstraint.—Ms. A 8: estraindi. Fº 251 vº.—Mss. A 15 à 17: contraingnit, contraingnoit.

P. 177, l. 28: taions.—Mss. A 8, 15 à 17: ayeul.

P. 178, l. 22: moiiens.—Mss. A: messages.

P. 181, l. 1: laiier.—Mss. A 8, 15 à 17: laissier.

P. 181, l. 16: de.—Le ms. A 17 ajoute: la noble conté de.

P. 181, l. 17: frans.—Ms. B 6: florins. Fº 656.

§ 545. Avoech.—Ms. d’Amiens: Assés tost apriès, se maria li dus de Bretaingne à l’ainnée fille madamme la princesse de Galles, que elle avoit eue de monseigneur Thummas de Hollandes.

Si se coummenchièrent li baron, li chevalier et li escuier, qui avoient estet pris à le bataille d’Auroy, à ranchounner et a yaulx delivrer petit à petit; mès messires Bertrans de Claiequin ne le fu mies si trestost, car on lui demandoit plus de cent mille frans. Toutteffois, quant il se mist à finanche, messires Jehans Camdos en eult cent mille tous appareilliés.

Encorres avint, en cel yvier que li paix de Bretaingne fu ordonné[e] et confremmée, de quoy tous li pays looit Dieu à jointes mains, car il avoient eu et porté le guerre le tierme de vingt trois ans continuelx, que li roynne Jehanne, ante au roy de Navare, et li roynne Blanche, soer au dit roy, et li captaus de Beus, qui estoit prisounniers à Paris, enssi que vous savés, avoecq aucuns bons seigneurs de Franche, s’ensonniièrent de le 353 pais entre le roy de Franche et le roy de Navare. Si fu tant pourparlée et demenée que elle se fist. Et fu li captaus de Beus quittes de se prison, et demourèrent au roy de Franche Mantes et Meulent. Si eut li rois de Navarre, par le composition de le pais, soissante mil francs, et messires Loeys de Navarre, quarante mil, pour aucuns castiaux qu’il avoit en Normendie, qu’il vendi et rendi au roy de Franche. Et se parti assés tost apriès pour aller ent à Naples et pour espouser le fille à le roynne de Napples. Si se mist li dis messires Loeis de Navare hors dou royaumme de Franche en grant aroy, mès il mourut sus le voiaige. Dieux en ait l’ame, car il fu moult gentil et courtois chevaliers. Fº 138.

P. 182, l. 23: Nemouses.—Mss. A: Nemox, Nemoux.

P. 183, l. 6: virgonda.—Ms. A 8: vergoingna. Fº 262 vº.

P. 183, l. 9: chevalier.—Mss. A 8, 15 à 17: escuier.

P. 183, l. 14: li rois.—Le ms. A 17 ajoute: de France.

P. 183, l. 14 et 15: aultres chastiaus en Normendie.—Ms. B 6: aultres hiretaiges et le baronnie de Montpellier qui depuis luy fu retollue. Fº 657.

P. 183, l. 19: France.—Le ms. A 17 ajoute: son cousin.

P. 183, l. 20: florins.—Mss. A: frans.

P. 183, l. 22: dame.—Mss. A: royne.

P. 183, l. 23: pechiés.—Mss. A: deffautes.

P. 183, l. 23: car.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: il fut moult vaillant homme d’armes à son temps et. Ms. A 17, fº 331.

P. 183, l. 23: moult.—Le ms. A 15 ajoute: vaillant et.

P. 183, l. 16 à 23: En ce temps... chevaliers.—Ms. B 6: En che tamps, fu fait le mariaige du jonne sire de Couchy [avecques madame Ysabel, fille au roy Edouart], et fu quite de sa foy et de se prison et s’en alla en chelle année en Pruse, et l’esté après il retourna en Engleterre et espousa ens ou castiel de Windesore la dessus dite damme. Sy vous dy que as noches il y eult grant feste et grant solempnité. Fº 657.

§ 546. En ce temps.—Ms. d’Amiens: En ce temps estoient les Compaignies si grandes en Franche que on ne savoit que faire; car les guerres dou roy de Navarre et de Bretaingne estoient fallies. Si avoient apris chil compaignon qui poursieuwoient les armes, à pillier et à vivre d’avantaige sus le plat pays, et ne s’en pooient ne volloient detenir ne astenir. Et tous leurs retours 354 estoient en Franche, car il n’osoient demorer en la duché d’Acquittainne, la terre dou prinche, ne on ne leur euist mies souffert.

Et ossi li plus grant partie des cappitainnes estoient gascon et englès, homme tenant dou roy d’Engleterre et dou prinche. De quoy li roys de Franche et tous li royaummes se contentoit mal. Et si ne le pooient autrement amender, car ces Compaignes estoient si fort et si esrami de mal faire, que on ne savoit auquel entendre, pour yaux bouter hors dou royaumme de Franche. Fº 138 vº.

P. 184, l. 12: Nequedent.—Mss. A 8, 15 à 17: Neantmoins.

P. 184, l. 13: ensus.—Mss. A 8, 15 à 17: arrière.

P. 184, l. 19: un.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: vaillant.

P. 184, l. 20 et 21: ensonniiés.—Mss. A 8, 15 à 17: embesoigniez.

P. 184, l. 28: assentir.—Mss. A 8, 15 à 17: consentir.

§ 547. Quant li papes.—Ms. d’Amiens: Si regardèrent li papes et li cardinal qu’il y avoit ung roy en Espaigne qui s’appeloit damps Pierres, plains de mervilleuses oppinions, et estoit durement rebelles as coummandemens et ordounnanches de l’Eglise et volloit sousmettre tous ses voisins crestiens, especialement le roy d’Arragon, qui estoit bons et catoliques, et li avoit tolut grant partie de se terre. Avoecq tout chou, chils roys dans Pierres d’Espaingne avoit trois frerres bastars dou bon roy Alphons, qui fu si vaillans homs, dont li uns avoit nom Henris; li secons, dan Tilles; et li tiers, Sanssez. Chils roys Pierres les hayoit durement et ne les pooit veoir dallés lui, mès vollentiers par pluiseurs fois les ewist mis à fin et decollés, se il les ewist tenus. Si estoient il moult grant gentilhomme de par leur mère, mieux de par leur père. Et avoit mis chilx roys Pierres leur mère à mort diviersement et sans cause: dont moult desplaisoit as enffans et à pluisseurs haus barons et chevaliers de leur linage et dou royaumme de Castille. Et estoit si crueux et si plains d’oreur et d’austereté, que tout si homme le cremoient et resongnoient et le hayoient, se moustrer il l’osassent. Et avoit, si comme famme couroit, fait morir une très bonne damme qu’il avoit eue à femme, fille au duc Pierre de Bourbon qui demoura à Poitiers, et sereur à le roynne de Franche et as autrez: celles de Savoie, 355 de Halcourt et de Labreth, dont moult il depslaisoit à tous le linage de le damme, qui est uns des plus nobles dou monde.

Encorres couroit famme sus ce roy d’Espaingne, de ses gens meysmes, que il s’estoit amiablement composés au roy de Grenade et au roy de Bellemarine, qui estoient ennemy de Dieu et incredule. Et se doubtoient ses gens que il ne fesist aucuns griefs et molestés en son pays et ne violast les eglises, car ja retolloit et prendoit les biens de l’Eglise et constraindoit les prelas et les varlès de Dieu par mannierre de tirandise. Dont, quant li papes et li collèges de Romme oïrent ces complaintes et furent enssi enfourmé sour lui, si ne le veurent mies conssentir, que trop grant meschief n’en avenist. Si fu, à le requeste de ses frerres et des nobles de son pays, amonesté qu’il venist en court de Romme, pour lui laver de ses pechiés et excuzer de ses oribles fais dont il estoit amis. Mès il, comme orgilleus et presumsieux, n’y daigna ne vot venir, mès persevera toudis en son peciés. Si fu publicquement excumeniiés en court de Romme comme incredules, et mist li Sains Pères tout le royaumme d’Espagne en le main de Henry, frère bastart à ce roy Pière, et le legitima à tenir royaumme et hiretaige, et li proummist grandement à lui aidier. Ossi fist li roys de Franche, qui moult amoit che Henri; car il l’avoit toudis vollentiers servi loyaument en ses guerres, par terre et par mer.

Si fu en ce tamps mandés li roys Pières d’Arragon en Avignon, et li fu remoustret en quel vollenté on estoit de confondre et exilier che roy dan Pière d’Espaigne, qu’il rebutoient pour bougre et mauvais crestiien. Li roys d’Arragon y entendi vollentiers, car il le haioit durement, et offri à ouvrir son pays et tous les destrois d’Arragon pour entrer en Espaingne sans dangier. Ceste offre rechuprent en grant gré li Eglise et Henris li Bastars d’Espaingne. Si fu adonc regardé et advisé, pour mettre hors les Compaignes dou royaumme de Franche, que on y aideroit à delivrer monseigneur Bertran de Claiequin. Chils avoit bien tous les Bretons de son acord et les menroit là où il voroit. Et li comtes Jehans de le Marche, filz jadis à ce gentil chevalier monseigneur Jaquemon de Bourbon, se feroit ungs grans chiés en ce voiaige, pour contrevengier le mort de se cousine germainne la roynne d’Espaingne, que li roys Pières, si comme fammes couroit, avoit estainte et fait morir. Et ossi messires Anthonnes, sirez de Biaugeu, uns moult appers chevaliers et assés grans sires, 356 s’en feroit chiés avoecques les deux dessus dis. Adonc fu traitie li redemption de monseigneur Bertran de Claiequin, et fu ranchounnés à cent mil frans. Et en paiièrent li pappes et li collèges, li roys de Franche et Henris li Bastars qui s’appelloit adonc comtes d’Esturges, chacun se part. Si fu ossi chilx voiaiges segnefiiés à monseigneur Jehan Camdos, et en fu grandement priiés qu’il en volsist y estre l’un des chiés; mès il s’escuza et n’y vot mies adonc aller.

Si en furent priiet et mandet aucun bon chevalier dou prinche, dont li aucun y alèrent et li autre s’escusèrent. Toutteffois, messires Ustasses d’Aubrecicourt, messires Hues [de] Cavrelée, messires Gautiers Huet, messires Robers Ceni et messires Perducas de Labret s’i acordèrent à aller. Et furent adonc mandet touttes les capitainnes des Compaignes, c’est assavoir: Briqet, Carsuelle, Naudon de Bagerant, Aimmenon de l’Ortige, Ouri l’Alemant, Batillier, Espiote, le bourch Kamus, le bourc de Bretuel, le bourc de Lespare et pluisseurs autres qui vinrent en Auvignon. Et furent si bien prechiet et tant priiet qu’il s’acordèrent à aller en ce voiaige et amener avoecq yaux touttes leurs routtez, où il avoit plus de trente mil hommes, parmy grant argent qu’il eurent et que Henris ossi leur proummist, se il pooit venir à sen entente et qu’il fust roys de Castille. Adonc, quant tout fu acordé, ces cappittainnes, pour encoulourer et enbellir leur guerre, envoiièrent de par yaulx tous certains messaiges deviers le roy dan Pière d’Espaingne, que il volsist ouvrir les pas de son royaumme et aministrer vivrez et pourveancez as pelerins de Dieu qui avoient empris et par devotion d’entrer et aller en Grenade sur les incredullez. Quant li roys dams Pières oy les nouvelles, si n’en fist que rire et respondi qu’il n’en feroit riens.

Dont s’esmurent cil seigneur, ces gens d’armes et touttes ces Compaignes environ le Toussains l’an mil trois cens soissante cinq. Et se dubrent tout trouver à Montpellier, à Besiers et à Nerbonne et sus le pays de Franche là environ qui leur estoit ouvers et appareilliés. Et passèrent petit à petit le royaumme de Franche et parmy Parpegnant, qui est la première chité dou royaumme d’Aragon, et partout trouvoient il vivres à grant fuison. Si en avoient pour leurs deniers grant marchié; mès les routtes de Compaignes ne se pooient tenir de toudis pillier et rober, car il n’avoient point apris à paiier leurs menus frès par les hostelx où il 357 logoient. Si fissent mout de maux partout où il converssoient. Tant esploitièrent cil seigneur de Franche: premierement messires Jehans de le Marche, fils qui fu à monseigneur Jaque de Bourbon, messires Bertrans de Claiequin, li sires de Biaugeu, messires Ernoulx d’Audrehen, li Bèghes de Vellainnes, messires Jehans de Noefville, li Bèghes de Villers, li Alemans de Saint Venant, messires Gauvains de Bailloel, messires Jehans de Bergettes et pluisseur autre bon chevalier et escuier de Franche, de Bourgoingne, d’Artois et de Picardie; et de le prinçauté: messires Ustasses d’Aubrecicourt, messires Mahieux de Gournay, messires Hues de Cavrelée, messires Jehans de Brues, messires Robers Ceni et tout cil qui conduisoient les Compaignes, qui passèrent tout le royaume d’Arragon et les pors outre Arragon et le grosse aige qui depart Castille et Arragon, et reconquisent toutte le terre que li roys dans Pières de Castille avoit de jadis concquis sus le royaumme d’Aragon.

Quant li roys d’Espaingne entendi ces nouvelles, que Franchois, Englès, Gascon et Breton estoient entré en son pays si efforceement que riens ne duroit devant yaux, si en fu durement courouchiez, et dist qu’il y meteroit remède et en chaceroit hors tous chiaux qui entré y estoient. Si fist ung moult grant mandement par tout son royaumme; mès il estoit si hays des frans et des villains que trop peu de gens y obeirent. Encorres plus avant, quant il dubt chevauchier contre ses ennemis, il trouva que tout le relenquirent et se traissent deviers le bastart son frère Henri, et le couvint partir et fuir à virgongne, ou il ewist estet pris à mains, et s’en vint à Seville, le milleur chité de toutte Espaingne. Quant il y fu venus, il ne se senti mies trop asseur, mès fist toursser et mettre en nefs et en kalans tout son grant tresor qu’il avoit de lonch tamps là assamblé, et mist ens ès nefs sa femme et ses enfans, et se parti à privée mesnée, tous desbaretez et descomfortés, avoecques lui un grant baron d’Espaigne qui oncques ne se vot desloyauter enviers lui, que on appelloit dan Ferrant de Castres, sage chevalier et hardi durement. Si ariva enssi li roys dans Pières, à privée mesnée et comme ungs hommes desconfis et desbaretés, en Galisse, à ung port c’on dist le Caloigne, où il y a fort castiel durement. Si se bouta laiens à sauveté, son tresor, sa femme et ses enffans et dan Ferrant de Castres tant seullement avoecques lui. Or vous dirons de Henry son frère, qui entrés estoit en 358 Espaigne à tout grant puissanche, coumment il persevera. Fos 138 vº et 139.

P. 185, l. 6: mouteplioient.—Mss. A: multiplioient.

P. 185, l. 9: un.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: mauvais.

P. 185, l. 10: opinions.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: faulses et mauvèses.

P. 185, l. 12: sousmettre.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: et subjuguer.

P. 185, l. 14: estoit.—Le ms. A 17 ajoute: moult vaillant prince et.

P. 185, l. 17: cilz.—Le ms. A 17 ajoute: mauvais.

P. 185, l. 21: Sanses.—Le ms. A 17 ajoute: ou Sanson.

P. 185, l. 25: dou.—Le ms. A 17 ajoute: vaillant.

P. 185, l. 25: très.—Mss. A 8, 15 à 17: dès.

P. 186, l. 4: fames.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: et commune renommée.

P. 186, l. 9: de austerité.—Mss. A 8, 15 à 17: d’auctorité. Ms. A 17, fº 332 vº.

P. 186, l. 10: cremoient.—Mss. A 8, 15: doubtoient. Fº 263 vº.—Ms. A 17: craingnoient.

P. 186, l. 21: Tramesainnes.—Ms. A 8: Tresmesaines.

P. 186, l. 25: prelas.—Les mss. A ajoutent: de sainte eglise.—Le ms. B 6 ajoute: car il tenoit que evesques, que prelas, que abbés, plus de six vingt prisonniers. Fº 658.

P. 187, l. 5: amis.—Mss. A 8, 15: encoulpez.—Ms. A 17: à court encoulpez.

P. 187, l. 14: concitore.—Mss. A: consistoire.

P. 187, l. 23: de bouche de.—Mss. A 15 à 17: debouté du.

P. 188, l. 3: li Bastars.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: de Castelle.

P. 188, l. 4: delivrance.—Ms. B 6 ajoute: il s’en ala en Avignon, et là ly fu remoustré quelle cose il avoit à faire: se s’y acorda legierement et vollentiers. Fº 660.

P. 188, l. 14: si y alèrent... dou prince.—Ms. B 6: encore revinrent à ches gens d’armes grant confort de la terre du prinche, plus de trois cens lanches. Fº 663.

P. 188, l. 17: Huet.—Le ms. B 6 ajoute: messire Hues de Hastinghes, messire Gaillars Vighier et Gaillart de le Mote, messire Robert Cheni, messire Robert Brickés et Jehan Carsuelle, Bernart de le Salle, David Hollegrave et moult d’autres bonnes 359 gens. Sy se trouvèrent en la chité de Nerbonne et là environ. Sy passèrent oultre devers Parpignant, le première chité à che costé du roialme d’Aragon. Fº 663.

P. 188, l. 20: le Marce.—Le ms. A 15 ajoute: avoit adonc assez pou veu et.—Le ms. B 6 ajoute: aisnés filz de jadis de monsigneur Jacques de Bourbon. Fº 661.

P. 188, l. 29: Villers.—Mss. A: Villiers.

P. 189, l. 5: nommer.—Le ms. B 6 ajoute: Tous les Bretons estoient avecques messire Bertran de Claikin. Là estoient messire Olivier de Mauny, messire Jehans de Malatrait, Pierres d’Ansenis, Guillames du Bruel, Aliet de Thalay et Thiebaut du Pont. Fº 661.

P. 189, l. 12 à 16: messires Robers Briquet... Perrot de Savoie.—Le ms. B 6 ajoute: messire Perducas de Labreth, Richars Tanton,... le sire d’Aubeterre, Guiot dou Pin et Perrot de Bray.

P. 189, l. 13: Carsuelle.—Mss. A 15 à 17: Cressuelle.

P. 189, l. 13: Lamit.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: Maleterre, breton. Fº 289 vº.—Le ms. A 17 ajoute: de Saint Melair. Fº 333 vº.

P. 189, l. 15: Batillier.—Mss. A 15 à 17: Bataillié, breton.

P. 189, l. 15: Espiote.—Mss. A 15 à 17: Lespiote.

P. 190, l. 10 et 11: et se hastèrent... peurent.—Ms. B 6: sy se commenchèrent à esmouvoir environ Noel et à prendre le chemin devers Parpignant et Arragon. Fº 662.

P. 190, l. 19: de force.—Ms. B 6: Tant esploitèrent ches gens d’armes, qui bien estoient quarante mille, que il passèrent à Vallenche le Grant.

P. 190, l. 30 et 31: Bourghegnon.—Le ms. B 6 ajoute: Thiois, Flament, Gascon et gens de toutes nations. Fº 664.

P. 191, l. 14: Henri.—Le ms. B 6 ajoute: et l’avoient couronné roy en le chité de Burges. Fº 665.

P. 191, l. 20: la milleur cité.—Ms. B 6: la darenière et le plus lontaigne [ville] de son royalme. Fº 664.

P. 191, l. 22: calans.—Mss. A 8, 15 à 17: coffres. Fº 265.

P. 191, l. 22: tresor.—Le ms. B 6 ajoute: mais il en perdy plus trois fois qu’il n’en peuist rassambler, car il avoit son grant tresor en pluiseurs villes et castiaulx parmi le royalme de Castille. Fº 664.

P. 191, l. 25: homs.—Mss. A 15 à 17: chevalier.

360 P. 191, l. 27: durement.—Le ms. B 6 ajoute: Et entrues concquist le roy Henry à pau de fait tout le royalme de Castille et le royalme d’Espaigne, de Lion, de Toullette, de Corduan et de Seville, et devinrent tous si homme et ly jurèrent foy et obeisanche à tousjours mais. Fº 665.

P. 192, l. 1: comment.—Le ms. A 15 ajoute: comment il se maintint et comment il persevera après. Fº 290.

§ 548. Ensi que.—Ms. d’Amiens: Enssi que j’ay dit devant, chilx roys dans Pières estoit si hays par tout le royaume de Castille que, si tost que li comte, li baron et li chevalier virent Henri, son frère, là venir à tout si grant puissanche, tout se traissent par deviers lui et le rechuprent à seigneur, et chevaucièrent par tout avoecq lui, et fissent ouvrir chités, villes, bours et castiaux et touttes mannierres de gens faire hoummaiges et criier: «Vive Henri, et muire dans Pières qui nous a esté si cruels et si pervers!» Et amenèrent li seigneur d’Espaingne le dit bastart Henry, c’est assavoir: messires Gomès Garille, li grans maistrez de Caletrave et li maistrez de Saint Jaqueme, à Asturghes, et le couronnèrent à roy et li fissent tout feaulté et hoummaige, et le tinrent à seigneur, et li jurèrent, present les chevaliers de Franche et d’Engleterre, que jammais il ne li fauroient, ne pour à morir ne le relenquiroient. Fº 139.

P. 192, l. 5: en cor.—Mss. A 8, 15 à 17: en chief.

P. 192, l. 17: hausters.—Ms. A 8: mal. Fº 265.—Ms. A 15: et nous a fait tant de maulx.—Ms. A 17: très mauvais.

P. 192, l. 26: morroient.—Le ms. A 17 ajoute: et vivroient avecques lui.

P. 193, l. 5: Bretons.—Le ms. A 17 ajoute: Picars et Bourgongnons. Fº 335.

§ 549. Quant li rois.—Ms. d’Amiens: Si se tinrent en Asturges environ quinze jours. Et puis chevaucièrent viers Burs, qui s’ouvri tantost contre le roy Henri, et puis s’en allèrent viers Seville. Mais il s’adrecièrent parmy le royaumme de Portingal, conquerant villes, chités et castiaux, ne nus ne se tenoit contre yaux, car il estoient plus de soissante mil hommes, tous armés et bien montés. Et avoient bien entention ces gens, mès que il ewissent soubmis le royaume de Castille en le vollenté dou roy Henri, que de passer oultre et aller ou royaumme de Grenade et de 361 Bellemarine, et moult s’en doubtoient li Sarrazin et li royaummes de Tramesainnes.

Entroes que li roys Henris chevauchoit parmy Castille et concqueroit tout le pays par le puissanche des bonnes gens d’armes qu’il avoit amenés, dont messires Jehans de Bourbon, comtez de le Marche, messires Bertrans de Claiequin, li sires de Biaugeu, messires Ernouls d’Audrehen, li sires de Cavrelée, messires Ustasses d’Aubrecicourt estoient chief avoecq chiaux des Compaignes, li rois dans Pierres qui se tenoit à le Caloigne sus mer ou royaumme de Galisse, tous esbahis et desconfortés, s’avisa, par l’enort de son chevalier Ferrant de Castres, qu’il envoieroit lettrez et messages deviers son cousin le prinche de Galles, qui se tenoit en le duché d’Acquitainne, en lui segnefiant et priant que, pour Dieu, par aumone et par pité et ossi par linage, il le volsist aidier et conforter contre son frère le bastart et les mauvais traïteurs de son royaumme d’Espaingne qui l’avoient deshiretet. Ces lettrez furent mout humblement et piteusement escriptes et envoiiées deviers le prinche de Galles, qui se tenoit à Bourdiaux. Quant li prinches vit les messages qui li presentèrent en jenoulx les lettres de par son cousin le roy d’Espaingne, il les fist lever et les rechupt mout doucement, et puis ouvri les lettres et les lisi, de chief en cor, pour mieux entendre, par trois fois.

Quant il eut ces lettres bien leuwes et entendues, il appella monseigneur Jehan Camdos et monseigneur Thumas de Felleton. Chil estoient compaignon et de son consseil li plus secret. Si leur lisi de rechief les lettres et leur en demanda consseil. Adonc chil doi chevalier, qui mout estoient sage et vaillant homme, regardèrent l’un l’autre sans mot dire, et li prinches les rappella et pria qu’il l’en volsissent conssillier. Lors respondi messires Jehans Candos et dist: «Monseigneur, qui trop embrache mal estraint. Il est bien voirs que vous estes li uns des prinches du monde li plus prisiés, li plus doubtez et li plus honnourés, et tenés par dechà le mer grant seignourie et noble hiretaige, Dieu merchi, bien et en pais; ne il n’est nuls roys, tant soit puissans, qui vous osast courouchier, tant estes vous renommés de bonne chevalerie, de grace et de fortunne: si vous deveroit par raison souffire ce que vous avés et non acquerre nul ennemy. Il est bien voirs que chils roys dans Pières de Castille, qui maintenant est boutés hors de son royaumme, a esté tousjours ungs rois crueux et hausters et plains de mervilleuses senvelles, et par lui ont estet fait et 362 eslevé tamaint mal en son royaumme, et tamains gentilz hommes decollés et mors sans raison, pourquoy il s’en troeuve ores decheus. Avoecq tout ce, il est ennemis à l’Eglise et excumeniiés dou Saint Père, et est reputés comme ungs tirans. Si vous pri, monseigneur, voeilliés le laissier couvenir et hostés ent vostre argu, et emploiiés le ailleurs, car en cesti ne voi ge pas de raisonnable emprise pour vous: autrement je ne vous saroie consillier.»

Quant li prinches de Galles eut oy monseigneur Jehan Camdos enssi parler, si crolla le chief et dist: «Camdos, Camdos, j’ay bien veu le tamps, fust à tort, fust à droit, que vous m’ewissiés autrement conssilliet.» Adonc se retourna il deviers monseigneur Thummas de Felleton et li demanda: «Messire Thummas, et vous, qu’en dittes?» Adonc fu messires Thummas de Felleton, qui estoit grans senescaux d’Acquittainne, tous honteux, et ne vot mies desdire Camdos, ne ossi courouchier le prinche oultre se vollenté; si respondi bien et à point et dist: «Monseigneur, vos coers est si grans et si nobles, qu’il ne tent fors à toutte honneur et à haute parfection. Et ceste emprise dont vous nos mouvés maintenant, est si grande et si noble que, se nous tant seullement le vous conssillons et acordions à faire, espoir ne seroit ce mei li acors dou roy d’Engleterre, vostre père, ne de son consseil, ne li acors ne li conssaux des barons et des chevaliers d’Acquittainne. Si voeilliés ces coses mettre en souffranche et mander le comte d’Ermignach, le seigneur de Labreth, le seigneur de Pummiers, le seigneur de Lespare, cesti de Courton, cesti de la Barde, le comte de Pierregorch et les barons de Gascoingne, qui sont vo feable chevalier, par lesquelx il appertient assés que ceste cose soit demenée, et seloncq ce qu’il vous consseilleront, vous ouverés.»—«En nom Dieu, respondi li prinches, enssi sera fait.» Si fu ordonné de par le prinche d’escripre et de mander tous les barons et les saiges [hommes] de la duché d’Acquitainne, et de y estre à Bourdiaux dedens un jour qui y fu mis, et furent tenu li messagier dou roy d’Espaigne tout aise, et leur fu respondu qu’il ne pooient avoir responsce.

A che consseil, qui fu assignés en le bonne chité de Bourdiaux, vinrent tout li comte, li viscomte, li baron et li sage chevalier d’Acquittainne, tant de Poito, de Saintonge comme de Gascoingne. Là eult grant consseil et grant parlement. Et là remoustra li prinches, qui fu moult sages chevaliers et bien enlangagiés, coumment li rois d’Espaigne li prioit et requeroit, pour Dieu et par 363 pité, qu’il le volsist conforter contre son frère le bastart, qui l’avoit deshireté. Or dist li prinches de Galles là plus avant, en coulourant les besoingnes dou roy dan Pière, car il dist enssi: «Biau seigneur, il est bien voirs que tout roy et enfant de roy doient legierement descendre à tels priières, ou kas qu’il en sont priiés et requis; car c’est contre droit et raison d’un bastart courounner et tenir terre et royaumme, et que nuls sirez ne s’i devoit assentir, et qui le fait ou a fait, il erre maisement. Et est tout vray, dist li prinches, que monseigneur mon père et li roys dans Pières ont certainnes aloieanches et confirmations enssamble, pour quoy nous y sommes mout tenu à adrechier et ce roy deshireté conssillier. Si vous pri que vous en voeilliés dire vostre entente, car nous avons bonne vollenté de lui aidier, se nous le veons ne trouvons en vous.»

Adonc respondi li comtes d’Ermignach, qui estoit li plus grans de toutte Gascoingne et dist: «Monseigneur, nous ne voulions mie ne poons, se il plaist à Dieu, vostre bon pourpos brisier ne estaindre; et moult honnourablement vous nous moustrés et parlés de cesti voiaige. Si consseille, mès que ce soit li acors et li conssaux des barons qui sont chy, que vous envoiiés querre le roy dant Pière par aucuns de vos chevaliers, à le Caloigne là où il se tient, et, lui venu deviers vous, si nous remandés: nous orons et verons quel cose il volra dire, ossi toutte vostre bonne vollenté et la besoingne enssi que elle se porte. Maintenant, voeilliés le escripre et cargier à deux ou trois chevaliers de vostre consseil, qui s’en voissent en Engleterre et qui le remoustrent au roy vostre père et à son consseil. Si sarons qu’il en voront respondre; car, monseigneur, qui voelt emprendre un si grant fait que d’un roy couronnet deshireter, et [un roy] hay et escachiet de ses hommes remettre par force en son pays, et en si grant royaumme comme celi d’Espaigne, et bouter hors celi qui en tient le possession par l’acort et consentement de tout le pays et de ses voisins le roy d’Aragon et le roy de Navarre, il ne se puet trop bien fonder ne enfourmer, ne avoir bon consseil, ne examiner touttes besoingnes, ne quel fin elles puevent prendre.»

Li conssaux le comte d’Ermihnach fu vollentiers oys et creus, et dist chacuns plainnement: «Il parolle bien.» Meismement li prinches dist qu’il le feroit enssi. Là furent ordonné liquel yroient en Galisse pour querre le roy dan Pière. Si y furent noummet 364 messires Thumas de Feleton, messires Richars de Pontcardon, messires Noel Lorink, messires Simons de Burlé et messires Guillaummes Toursiaus, et devoient estre douze nefs cargies de gens d’armes et d’archiers. Et chil qui yroient en Engleterre, che furent: li sires de le Ware, messires Jehans de Pumiers et li sires de Muchident. Si se ordonna et appareilla chacuns au plus tost qu’il peut, et vinrent li Englès qui devoient aller en Espaingne, à Bayone, et ordonnèrent leurs vaissiaux et leurs gens et les cargièrent de touttes pourveanches, et li autre s’en alèrent en Engleterre.

Endementroes que ces ordounnanches, chil voiaige et chil parlement se faisoient, concquist li roys Henris toutte Castile; et n’y demoura bourcq, chité, ville, castiel ne maison, qui ne fuist obeissans à lui, et tout li comte, li baron et li chevalier de Portingal, de Corduan, de Seville, de Galisse et de Castille. Et n’osa li roys dans Pières plus demourer à le Caloingne, mès carga ses vaissiaux de son tresor et de ses enffans, et s’en vint sus l’aventure de Dieu à Baïone, et ariva au port de Bayone droitement quant cil, qui le devoient aler querre, devoient partir. Si furent mout resjoy de se venue et le requeillièrent mout liement, et le segnefiièrent tantost au prinche. Fos 139 vº et 140.

P. 194, l. 4: en istance.—Mss. A 8, 15 à 17: en entencion.

P. 194, l. 12 et 13: messires Oliviers de Mauni.—Ms. A 15: et son nepveu monseigneur Olivier de Mauny. Fº 291.

P. 194, l. 17: pays.—Le ms. A 17 ajoute: par grant assentement et comme le plus digne et suffisant de tous ceuls qui là estoient. Fº 335 vº.

P. 194, l. 21: ens ou.—Mss. A 8, 15 à 17: dedens le.

P. 194, l. 23: seulement.—Le ms. A 17 ajoute: qui onques, pour nulle fortune qui lui advenist, ne le voult onques laissier.

P. 195, l. 23: cremus.—Mss. A 8, 15 à 17: crains.

P. 196, l. 1 et 2: demandèrent.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: nouvelles.

P. 196, l. 6: Saint Andrieu.—Ms. A 17: Saint André.

P. 197, l. 6: aise.—Le ms. A 11 ajoute: et furent de vins et de viandes moult grandement servis.

P. 197, l. 8: busioit.—Ms. A 8, 15 à 17: pensoit.

P. 198, l. 4: le Calongne.—Mss. A 8, 15 à 17: la Colongne, la Coulongne.

P. 198, l. 29: cremeur.—Mss. A 8, 15 à 17: doubte.

365 P. 199, l. 10 et 11: se il besongnoit.—Mss. A 8, 15 à 17: se mestier estoit.

§ 550. La venue.—Ms. d’Amiens: Quant li prinches sceut que li roys dans Pières estoit descendus à Bayonne, si en fu moult resjoys, et monta tantost à ceval à belle compaignie des siens, car il tenoit grant estat et noble et fuison de chevaliers de son hostel. Si s’en vint en le bonne chité de Baïonne, et trouva le roy dan Pière qu’il desiroit mout à veoir, et monseigneur Ferrant de Castres. Si y eut entre yaux grans recongnissanches et grans aprocemens d’amours. Et honnouroit li prinches, qui moult bien le savoit faire, mout grandement le roy dant Pière. Et li roys dans Pières s’umelioit ossi très benignement deviers lui, et li remoustroit moult piteusement ses besoingnes et en quel dangier il estoit encheus. Li prinches le recomfortoit bellement et sagement, et li proumetoit comfort et ayde contre ses malvoeillans: «Sire et biaux cousins, disoit li roys d’Espaigne, je say bien que vous estes li sire ou monde par qui je puis avoir le plus grant comfort. Et se vous me remetés en mon hiretaige, je vous proumeth que je vous en donray si bonne part que vous en serés tous comptens, et feray vostre fil Edouwart, roy de Galisce, et departiray mon grant tresor, que j’ay encorres par de delà, si avant à tous vos hommes, que je demourray leurs amis.» Fº 140.

P. 199, l. 23: vuida hors.—Mss. A 15 à 17: issit hors, issit. Fº 267.

P. 200, l. 10: relenqui.—Le ms. B 6 ajoute: et par especial d’un traitre de Castille qui tout avoit pourcachiet, qui s’apelloit Gomès Garils. Fº 669.

P. 201, l. 7: rusé.—Mss. A: bourde.

P. 201, l. 9: trop.—Ms. A 17: tout. Fº 338 vº.

P. 201, l. 10: mal.—Ms. A 15: pou. Fº 292 vº.

P. 201, l. 22: austères.—Mss. A 8, 15 à 17: hautains.

P. 201, l. 23: mervilleuses.—Ms. A 17: mauvaises.

P. 202, l. 20 et 21: derrière.—Mss. A 8, 15 à 17: deceus.

P. 203, l. 10: en un.—Ms. A 15: en une oppinion. Fº 293.—Ms. A 17: en un propos.

P. 203, l. 19: repus.—Mss. A 8, 15 à 17: cachiez.

P. 203, l. 19: enfermés.—Ms. A 15: mucié.

P. 204, l. 10: conseil.—Le ms. A 15 ajoute: qui l’excusa bien et saigement envers le prince.

366 § 551. A ce parlement.—Ms. d’Amiens: Enssi furent il à Baïonne tant que li prinches oy nouvelles dou roy d’Engleterre, son père, et que li chevalier revinrent, que là envoiiés y avoit. Si estoit bien li acors dou roy d’Engleterre et de tous les Englès que li prinches, ou nom de Dieu, empresist ce voiaige et remesist le roy d’Espaigne en son royaumme. Et li mandoient encorres li roys englès et ses conssaux qu’il n’espargnast mies or ne argent ne gens d’armes, pour bien et honnourablement parfurnir son voiaige, car il l’en liveroient assés. De ces nouvelles fu li prinches de Galles, qui estoit adonc en le fleur de se jonèce, durement liés, et ossi furent tout li chevallier d’Engleterre qui estoient dallés li, messires Jehans Camdos, messires Thumas de Felleton, messires Richars de Pontchardon et tout li autres. Fº 140.

P. 204, l. 14: Quersin.—Mss. A 15 à 17: Caoursin.

P. 205, l. 9: Assés tost.—Mss. A 8, 17: Adonques.

P. 205, l. 16: montèrent.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: à cheval.

P. 205, l. 18: demandèrent.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: nouvelles.

P. 205, l. 28: sages.—Les mss. A 8, 15 à 17 ajoutent: hommes.

P. 206, l. 3: vint à.—Le ms. A 17 ajoute: à Londres et se loga à.

P. 206, l. 6: li sires.—Ms. A 17: monseigneur Gautier.

P. 206, l. 7: li sires.—Ms. A 17: monseigneur Thomas.

P. 206, l. 8: li sires.—Ms. A 17: monseigneur Jehan.

P. 206, l. 14: emprendre.—Mss. A 8, 15 à 17: entreprendre.

P. 206, l. 20: aporté les avoient.—Mss. A 15 à 17: les autres portées avoient.

P. 208, l. 21 à 30 et p. 209, l. 1 à 9: Et là... ces nouvelles.—Ms. A 17: Si furent ordenez à aler devers lui, de par le prince, monseigneur Jehan Chandos et monseigneur Thomas de Felleton, comme saiges et bien enlangaigiez, pour sçavoir son entencion, et se il leur voulroit ouvrir les pas et destroiz et donner passaige parmi son pais. Si exploictièrent tant par leurs journées qu’ilz vindrent à Pampelune où ilz trouvèrent le roy de Navarre qui les reçut moult liement par semblant et festoia grandement. Si firent tantost leur messaige, de par leur seigneur le prince, qu’il leur ot en couvenant et par son seellé qu’il leur livreroit 367 passaige et habandonneroit vivres, parmi iceulx payant raisonnablement; mais il devait avoir six vins mille frans, pour les maulx et dommaiges que le roy dam Piètre lui avoit pieça faiz en son pais et osté par force pluseurs villes, chasteaulx appartenens à son royaume. Et sur ce retournèrent les diz chevaliers devers le prince auquel ilz comptèrent toutes ces nouvelles. Fº 341.

§ 552. A ce parlement.—Ms. d’Amiens: Tantost apriès le revenue des chevaliers qui envoiiet avoient estet en Engleterre, fu ordounnés et assignés ungs grans parlemens à Bayonne, de tous les barons et chevaliers de Poito, de Saintonge, de Roerghe, de Quersin, de Pieregorth, de Limozin et de le terre dou prinche. Si y fu pryés li roys de Navarre dou prinche, qu’il y volsist y estre, par l’infourmation de monseigneur Jehan Camdos qui li dist et consseilla qu’il le mandast, car nullement il ne pooit faire ce voiaige sans l’acort dou roy de Navarre: liquelx roys y vint en bon arroy et amena une partie de son conseil avoecq lui. Là furent li comtes d’Ermignach, li sires de Labreth, ses nepveux, li comtes de Pieregorth, li comtes de Commignes, li viscontes de Quarmaing, li sires de la Barde, li sires de Pumiers, li sires de Courton, li captaux de Beus, li viscomtez de Rochuwart, li sires de Lespare, messires Loeys de Halcourt, messires Ghuichars d’Angle, li sirez de Pons, li sires de Partenay et tout li baron d’Acquittainne.

Là eut à Bayonne grans parlemens et lons, et durèrent huit jours tous entiers. Finablement, il fu ordounné et acordé au roy dant Pière que li prinches de Galles feroit se puissance de lui remettre en son royaumme. Et furent là à che parlement escript tout li baron et li chevalier de Gascoingne, de Poito et de Saintonge, à quelle cantité de gens d’armes, de lanches et de brigans il le serviroient. Et s’obliga li prinches enviers tous de telz sommes d’argent que leurs gages pooient valloir et monter. Et li roys dans Pières de Castille se robliga et jura par se foy de paiier et acquitter ent le prinche, et dou premier paiement paiier ent aucune cose et prester ent si avant que li siens poroit estendre, et le demorant rendre et paiier de deniers appareilliez si tost que on l’aroit remis en Espaigne.

Et fu sceu et marchandé au roy de Navarre pour quelle quantité de florins il ouveroit le passage parmy son pays et laisseroit passer paisiulement touttes mannierres de gens d’armes 368 pour entrer en Espaingne, et leur feroit aministrer vivres et pourveanches pour vivre, leurs deniers payans. Si me samble qu’il dubt avoir pour ceste grasce qu’il feroit au prinche et au roy dan Pière, six vingt mil frans franchois, et devoit tenir à tousjours mès pour son bon hiretaige et paisieullement toutte le terre de Raincevaus et de Saint Jehan dou Piet des Pors, qui marcist à Espaingne et à Galisse, et que li roys dans Pières li avoit tolue de jadis. Tout chil couvent et ces ordounnanches furent escriptes, jurées et seellées, et se parti chacuns à l’entente de lui pourveir et apparillier pour mouvoir, quant li prinches les semonroit, et s’en ralla chacuns sires en son pays.

Si envoiea tantost li prinches ses hiraux en Espaigne pour mander ses chevaliers qui là estoient avoecq le roy Henri, monseigneur Ustasse d’Aubrechicourt, monseigneur Hue de Cavrelée, monseigneur Mahieu de Gournay, monseigneur Gautier Huet, monseigneur Jehan d’Ewrues, monseigneur Robert Cheni et les autres, qu’il revenissent, et qu’il avoit grand besoing d’iaux, et se partesissent bellement et sagement de che roy bastart.

Avoecques tout chou, li prinches s’en revint à Bourdiaux et y amena le roy dant Pière avoecq lui, et là fu il recheu moult honnourablement et bien festiiés. Che fu environ le Saint Jehan Baptiste, l’an de grâce Nostre Seigneur mil trois cens soissante six. Et quant li roys dans Pières eut estet plus de quinze jours dallés monseigneur le prinche et madamme le princesse, il prist congiet d’iaux et se parti de Bourdiaux, et s’en revint à Bayone. Là se tint il tout le tamps, entendans à ses besoingnes, mès il ooit souvent nouvelles dou prinche, et li prinches de lui. Fº 140 vº.

P. 210, l. 8: six mil.—Ms. B 6: six vingt mille frans, lesquelz on li devoit envoier à Panpelune, dedens le terme que le prinche volloit partir de Bourdiaux pour aller en che voiage. Fº 672.

P. 210, l. 18 et p. 211, l. 13: Quant toutes... prince.—Ms. A 17: Quant le prince eut toutes ses choses confermées et ordonnées à Baïonne où lors il estoit et le roy dam Piètre avecques lui, et que chascun sceut qu’il devoit faire et avoir, il donna congiet à tous ces seigneurs qui là estoient et retourna chascun en son lieu. Et meismement monseigneur le prince s’en revint à Bourdeaulx, et le roy dam Piètre demoura à Bayonne.

Tantost après ce, les Compaingnes qui estoient en Castelle ouïrent les heraulx du prince et comment il les mandoit, si ne 369 vouldrent point longuement illec sejourner. Et prindrent tantost congié au roy Henrri, au plus courtoisement qu’ilz porent, sanz eulx descouvrir l’entencion du prince. Fº 341 vº.

P. 210, l. 21: douze.—Ms. A 15: quatorze. Fº 295.

P. 211, l. 21: d’Evrues.—Mss. A 8, 15 à 17: d’Evreux.

P. 212, l. 2: dou Chastiel.—Ms. A 15: du Chasteau.

P. 212, l. 16: ce.—Le ms. A 15 ajoute: mauvais.

P. 212, l. 20: pooir.—Le ms. A 15 ajoute: car sur tous les princes qui vivent aujourd’ui est il hardi chevalier et entreprenant.

§ 553. Quant les certainnes.—Ms. d’Amiens: Quant les nouvelles certainnes vinrent en Espaingne que li prinches de Galles volloit aidier le roy dant Pière et ramenner en son pays, si en furent touttes mannierres de gens bien esmervilliet. Nonpourquant, par samblant, li roys Henris n’en fist nul compte; car il se sentoit fors assés de misse et de gens, parmy chiaux qu’il prieroit et manderoit en Franche et en Arragon, pour resister contre le prinche. Quant li chevalier du prinche, qui remandet estoient, oïrent ces nouvelles, et qui là sejournoient pour atendre le passaige qui se devoit faire en Grenade et sus le royaumme de Bellemarine, dont li apparans et li coummenchemens estoit si grans et si biaux c’à merveilles, et que, passet avoit trente ans, on ne le vit si bien appareilliet ne si bien estoffet de touttes coses, si en furent mout courouchiet. Nonpourquant, il n’osèrent ne veurent mies demourer oultre le vollenté de leur seigneur le prinche; mès prissent congiet au roy Henry, et s’escusèrent si bellement que li roys Henris en fu tous contens, et leur dounna congiet moult vollentiers et liement et grant fuison de biaux jeuiaux deseure tous leurs paiemens. Et fist tant que moult amiablement se partirent de li, et li jurèrent et proummissent, au partir, que contre tous seigneurs et hommes il le serviroient, excepté le roy d’Engleterre et ses enfans. Et li roys Henris dist à tous grans merchis. Si se partirent li dessus noummet chevalier et leurs gens, et s’en revinrent, au mieux qu’il peurent, en le prinçauté.

Devant ces nouvelles que li prinches volsist aidier le roy dan Pière, estoient ja une partie des Compaignes yssues d’Espaigne, et leur avoit li roys Henris dounnet congiet et paiiet les cappittainnes bien et largement. Et ossi estoient revenus en Franche messires Jehans de Bourbon, comtes de le Marche, et li sires de Biaugeu, 370 mès messires Bertrans de Claiequin et li marescaux d’Audrehen et messires Jehans de Noefville, li Bèghes de Vellaines et pluisseurs aultres chevaliers de Franche, estoient demouret dallés lui, et n’en volloient mies partir jusques à tant qu’il aroient veu une partie de l’emprise dou prinche; car petit prisoient leur concquest, se il ne le pooient deffendre et garder contre le prinche. Fos 140 vº et 141.

P. 213, l. 10 et 11: s’espardirent.—Mss. A 8, 15 à 17: s’espandirent.

P. 213, l. 3 à 9: où li rois... grant joie.—Ms. B 6: où le roy li fist grant chière, et de là à Toulouse où le duc d’Ango se tenoit, qui ossi li fist bonne chière et le rechut moult amiablement, car moult l’amoit. Et s’en vint avecques luy par compaignie en Avignon veoir le pappe et le colliège. Et puis vint il en Franche où le roy le rechut à grant joie. Et là enforma messire Bertran tous chevaliers et escuiers, qui demandoient les armes et qui desiroient à avanchier leur honneur, que il se volsissent traire vers Castille pour mouvoir et partir quant il se partiroit, et il aroient honneur et grant proufit. Et pluiseurs chevaliers et escuiers, à le infourmacion de monseigneur Bertran, descendirent et ordonnèrent leur besoigne et se partirent de leur hostel et se mirent au chemin devers Espaigne, et ly pluiseur ossy atendirent le dit messire Bertran. Fº 682.

P. 213, l. 14: esmervilliet.—Ms. A 17: moult esbahiz. Fº 342.

P. 213, l. 16: emprendoit.—Mss. A 8, 15 à 17: entreprenoit.

P. 213, l. 26: d’Arragon.—Le ms. A 17 ajoute: son compère et grant ami.

P. 214, l. 3: auster.—Ms. A 8: hautain. Fº 270.—Ms. A 15: orgueilleus.

P. 214, l. 3 et p. 215, l. 7: assegura,... contre lui.—Ce passage manque dans le ms. A 17.

P. 214, l. 18: geniteurs.—Mss. A 11 à 14: guetteurs.—Ms. A 15: genneteurs. Fº 296.

P. 215, l. 12: leur renderoit.—Ms. A 7: li responderoit. Fº 269 vº.

P. 215, l. 19 et 20: couvignablement.—Mss. A: couvenablement.

P. 216, l. 1: corons.—Mss. A 8, 15: bous. Fº 270 vº.

371 § 554. En ce temps.—Ms. d’Amiens: En ce tamps, estoit li prinches de Galles en le droite fleur de se jonèche et ne fu oncques soelés ne lassés, depuis qu’il se coummencha premierement à armer, de gueriier ne de tendre et emprendre tous fais honnourablez d’armes. Et encorres, à ceste emprise dou voiaige d’Espaingne et de remettre che roy escachiet par force d’armes en son royaumme, honneurs et pités l’en esmurent. Et bien li remoustroit et disoit messires Jehans Camdos en requoys, qui estoit li chevaliers dou monde que li prinches amoit et creoit le plus, et bien le devoit faire, car il avoit grandement aidiet à faire le prinche telx qu’il estoit, que chilx voiaiges d’Espaingne estoit une outrageuse emprise et se metoit en aventure de perdre son pays par deux conditions: li une si estoit que, se il estoit desconffis dou roy Henry, enssi que les fortunnes sont mervilleuses, il avoit tant d’ennemis de tous costés que ses pays en seroit tous perdus; au mieux venir, il desconfesist le roy Henri et remesist che roy Pière en son royaumme, si se trouveroit il si endebtés enviers touttes mannierres de gens et especiaument ces Compaignes, lesquelx on ne paie mies à sen aise, qu’il li poroient, à son retour, faire une très grande guerre et moult adammagier sen pays. Non obstant ce, li prinches, qui conchevoit bien toutes ces raisons, ne s’en volloit mies refroidier. Et ossi ne li conssilloit mies messires Jehans Camdos, puisqu’il l’avoit empris, mès li conssilloit à rompre les deux pars de se vaissiellemenche d’or et d’argent et de tous ses jeuiaux de che metal, et faire ent forgier florins et deniers et paiier largement les compaignons: si en seroit mieux servis et plus vollentiers. Che consseil tint li prinches, et fist ensi, qui mout l’avancha; car il tint, plus de sept mois, douze mil hommes à ses gaiges, ainschois qu’il entrast en Espaigne, si comme vous orés chy apriès. Se li couvenoit grant or et grant argent, pour tel peuple deffretiier. En ce temps, estoit connestables de toutte la duché d’Acquittainne et avoit esté ungs grans temps devant, messires Jehans Camdos, et grans senescaux de tout ce pays messires Thummas de Felleton, et marescal messires Guichars d’Angle, chils gentilx chevaliers, et messires Estievenes de Cousenton. Fº 141.

P. 216, l. 16: soelés.—Ms. A 7: saoulé. Fº 270.—Mss. A 8, 15 à 17: saoulz. Fº 270 vº.

P. 216, l. 21 et 22: l’en esmeurent.—Ms. A 8: l’esmouvoient.

P. 217, l. 5: prende.—Mss. A 8, 15: soit. Fº 271.

372 P. 218, l. 3: d’armes.—Les §§ 555 à 559 manquent dans le ms. A 17, fº 343.

§ 555. Une fois.—Ms. d’Amiens: Une fois, estoit à Bourdiaux en recreation li prinches de Galles, avoecq pluisseurs chevaliers de Gascoingne, de Poito et de Saintonge et ossi dou royaumme d’Engleterre, car il n’en estoit oncques si sevreth qu’il n’en ewist plus de quarante dallés lui. Si tourna son chief dessus le seigneur de Labreth et li dist: «Sire de Labreth, à quelle cantité de gens d’armes me porés vous bien servir en ce voiaige d’Espaingne?» Li sires de Labreth fu tous appareilliés de respondre et li dist: «Monseigneur, se je volloie priier tous mes feables et mes amis, j’en fineroie bien jusques à mil lanches, et toutte ma terre gardée.»—«Par mon chief, dist li prinches, sire de Labret, c’est moult belle cose, et je doy bien aimer le terre où j’ay un tel baron qui me puet à un besoing servir à mil lanches, et je les retiengs tous,» dist li prinches.—«Che soit, ou nom de Dieu! ce respondi li sires de Labreth, qui s’enclina vers lui, et tout vostre soient.» De ceste retenue dubt depuis estre avenus grans maux, si comme vous orés avant en l’istoire.

Or retourons nous as Compaignes qui se partirent d’Espaigne par fous et par tropiaux, quant il seurent que li prinches les remandoit et qu’il volloit gueriier. Si vous di qu’il eurent mout de maux et moult d’encontres, tant en Espaigne, en Arragon qu’en Kateloingne, par gens que on nomme geniteurs, qui fuient plus tost par ces montagnes sus cevaux, que on appelle genès, que on ne feroit en Franche ou en Picardie, à plainne terre, sus bons ronchins. Et gettent et lanchent chil geniteur, en fuiant et en cachant, dardes et gavrelos, dont ils sont trop bien ouvrier. Touttesfois, en painne, en perils et en pluisseurs mesaises qu’il eurent, il rappassèrent les montaignes d’Arragon et de Kateloingne. Et se missent en trois parties: les unes s’en allèrent en costiant Fois et Berne; les autres, Kateloigne et Hermignach; et li tierche, Arragon; et descendirent deviers Toulouse pour mieux trouver à vivre. De celle routte estoient cappittainne messires Robers Cheni, Carsuele et Briqés.

A ce donc avoit un bon cevalier à Toulouse, qui en estoit senescaux de par le roy de Franche, et de tous le pays toulouzain, et s’apelloit messire Gui d’Auzai. Quant il entendi que ces Compaignes aprochoient, et qu’il n’i avoit que une routte, espoir de 373 trois mil combatans, et qui encorres estoient foullet et lasset, mal vesti, mal armet, mal montet et pis kauchiet, si dist qu’il ne volloit mies que telx gens aproçaissent Toulouse ne le royaumme de Franche, pour yaux recouvrer, et que il les combateroit, s’il plaisoit à Dieu. Et segnefia sen entente à monseigneur Ammery, comte de Nerbonne, au senescal de Karkassonne, au senescal de Biauquaire, au tresorier de Nimes et à tous les chevaliers et escuiers de là environ, en yaux priant que il volsissent venir aidier à deffendre le royaumme de Franche contre ces Compaingnes qui aprochoient, ainchois qu’il moutepliassent plus ne courussent sus leur pays. Seigneur, chevalier et escuier furent adonc tout appareilliet de traire avant, car autrement c’ewist esté contre leur honneur, et se queillièrent et amassèrent à Thoulouse, et bien furent cinq cens lanches, chevaliers et escuiers, et quatre mil bidaus. Et se missent tantost as camps par deviers Montalben, à sept lieuwes de Bourdiaux, où ces gens se tenoient, et n’estoient non plus de deux cens lanches, mès de l’autre pietaille avoient il assés. Fº 141.

P. 218, l. 21: a.—Ms. A 8: treuve. Fº 271.

P. 218, l. 27: maulz.—Mss. A 8, 15: meschief.

P. 218, l. 28: retournons.—Mss. A 8, 15: retournerons.

P. 218, l. 28 à p. 219, l. 12: Or retournons... Montalben.—Ms. B 6: Quant le plus des capitaines des Compaignies, qui estoient Englès et Gascon, entendirent que le prinche volloit aidier le roy dan Piètre et faire ung voiaige en Espaigne pour luy remettre en possession du royalme de Castille, sy prirent congiet le plus courtoisement qu’il porent au roy Henry qui moult envis leur donna; mais messire Bertran de Claikin, qui estoit connestable de Castille, luy consilia que il les laissast en aller en nom de Dieu, car ja faisoient il moult de mauls en Castille. Sy eurent congiet et se departirent les Englès et les Gascons et les Allemans, et se mirent ensamble les Franchois et les Bretons et demorèrent avec le roy Henry. Sy vous dy que ches gens de Compaigne, qui se departirent du roy Henry pour raler devers le prinche de Gallez, eurent moult dur tamps entre Aragon et Castelongne et en Gorre, car le roy d’Arragon par geniteurs et par villains as destrois passaiges leur fist faire pluiseurs contraires. Touttez fois, il retournèrent et se trouvèrent tout en Bigore: là atendirent ilz l’un l’autre en une chité du prinche qui s’apelle Baniers. Et là fu envoiet parler à yauls messire Jehan Candos, de par le prinche, qui fist à 374 yauls certains traitiés et acors, et se mirent tous en l’obeissanche du prinche. Sy se deurent ces Compaignes partir et retraire en la terre de Bourdelois, assés tost après che que messire Jehan Candos fu revenus à Bourdiaus. Ces Compaignes estoient environ quatre mille combatans, tous gens d’eslite. Fos 674 et 675.

P. 218, l. 29: ahers.—Mss. A 6, 7: aliées. Fº 269.

P. 219, l. 4: s’avalèrent.—Ms. A 6: s’en ala.—Ms. A 8: s’avala. Fº 271 vº.

P. 219, l. 23: au conte de Nerbonne.—Ms. A 8: à monseigneur Aymery, conte de Nerbonne.

P. 219, l. 31 et 32: cinq cens lances et quatre mil bidaus.—Ms. B 6: bien douze mille combatans. Fº 675.

P. 219, l. 32: bidaus.—Ms. A 15: petaulx nommez bidaus. Fº 297 vº.

P. 220, l. 3: trouvoient.—Mss. A 8, 15: trouvèrent. Fº 271 vº.

§ 556. Quant li contes.—Ms. d’Amiens: Quant li comtes de Nerbonne et messires Guis d’Azay, qui se faisoit souverain et meneur de touttes ces gens d’armes, furent parti de Toulouze, il s’en vinrent logier assés priès de Montalben, qui adonc se tenoit dou prinche; et estoit adonc cappittaine, de par le prinche, ungs chevaliers englès qui s’appelloit messires Jehans Trivés. Si envoiièrent chil seigneur de Franche leurs coureurs devant Montalben, pour atraire hors ces Compaignes qui s’i tenoient. Quant li cappitainne de Montalbain entendi que li Franchois estoient venu à main armée et à ost devant se fortrèche, si en fu durement esmervilliet, pour tant que la terre estoit dou prinche. Si vint as barrières dou castiel et fist tant que, sus trieuwes, il parla à ces coureurs et leur demanda qui là les envoioit, et pourquoy il s’avanchoient de courir sus le terre dou prinche, qui estoit amie et voisinne avoecq le corps dou seigneur au royaume et au roy de Franche. Chil respondirent et dissent: «Nous ne sommes mies cargiet si avant de vous respondre; mès, pour vous soeler, se vous vollés venir ou envoiier deviers nos seigneurs, vous en arés bien responsce.»—«Oil, dist li cappitainnes de Montalben, je vous pri que vous vos retriés deviers yaux, et leur dittes qu’il m’envoient dire plus plainnement pourquoy, sans nous deffiier, il nous guerient, et quel cose nous leur avons fourfait, ou vous m’empetrés un sauf conduit tant que j’aie estet deviers yaux et parlé à 375 yaux.» Et chil dissent: «Vollentiers.» Il retournèrent. Li sauf conduis fu acordés et aportés.

Li chevaliers vint parler au comte de Nerbonne et à monseigneur Gui d’Azai, et leur demanda pourquoi ne à quel title il le queroient. Chil respondirent que à lui ne à le terre dou prinche ne volloient il, fors pais et amour: «Mès nous vollons nos ennemis cachier, où que nous les savons.»—«Et quel sont vos ennemis ne où sont il?» respondi li chevaliers.—«En nom Dieu, dist li comtes de Nerbonne, il sont dedens Montalben, et se sont pilleur et robeur qui ont pilliet et robet sus le royaumme de France. Ce ne fait mie à souffrir, ne ossi tels gens vous ne les deveriés mies soustenir, qui pillent et robent les bonnes gens, sans nul title de guerre. Si les metés hors de vostre fortrèche, ou autrement vous n’estes mies amis au royaumme de France.»—«Seigneur, dist li cappittainne de Montalben, il est bien voirs qu’il y a laiens gens d’armes, que monseigneur le prinche a mandés et tient à lui pour ses gens; si n’est mies en me puissanche que d’iaux faire partir ne wuidier. Et, se cil vous ont fait aucun desplaisir, je ne puis mie veoir bonnement qui droit vous en fache; car ce sont gens d’armes: se les couvient vivre où qu’il le prengent.» Dont respondi li comtes de Nerbonne et messires Guis d’Azay: «Ce sont gens d’armes voirement telx et quelx, qui ne sèvent vivre fors de pillage et de roberie, et qui mal courtoisement ont chevauchiet sus nos mettes, tant que les plaintes en sont venues jusques à nous. Si desplaist au roy de Franche que tel pilleur et robeur keurent et ont courut en son pays; et puisque nous savons où il se logent et herbegent, jammais ne retourons arrière, si l’aront amendé.» Quant li cappittainnes de Montalben vit qu’il n’en aroit autre responce, il prist congiet et se parti d’iaux, et s’en revint arrière en le ville et dist bien as Compaignez qu’il fuissent tout pourveu et avisé, car il ne pooit veoir nullement que li Franchois ne les asaillissent et combatesissent hasteement. Fº 141.

P. 220, l. 12: Jehans Trivés.—Ms. B 6: Thumas de Wellefare, vaillant homme. Fº 676.

P. 221, l. 7: mestres.—Mss. A: seigneurs.

P. 222, l. 11 et 12: la prinçauté.—Ms. A 8: le prince. Fº 272.—Ms. A 15: la terre du prince. Fº 298.

P. 222, l. 19: le senescaudie.—Mss. A 8, 15: la seneschaucie.

376 P. 222, l. 22: traitte.—Mss. A 8, 15: traitres.

P. 222, l. 26: l’arons.—Ms. A 8: l’auront.

P. 223, l. 1: sen entente.—Mss. A 8, 15: son entencion.

§ 557. Quant li compagnon.—Ms. d’Amiens: Quant li compaignon entendirent che langage, si ne furent mies bien asseuret, car il n’estoient mies bien à jeu parti contre les Franchois. Si se tinrent sus leur garde dou mieux qu’il peurent. Or avint que, droit au cinqime jour que ces parolles eurent esté, messires Perducas de Labreth, à toutte une grant routte de compaignons, dubt passer par Montalben, car li passaiges estoit par là pour entrer en la prinçauté. Si le fist asavoir à chiaux de le ville. Quant messires Robers Ceni et li autre compaignon qui là se tenoient pour enclos, entendirent ces nouvelles, si en furent mout recomforté, et mandèrent tout secretement à monseigneur Perducas de Labreth le couvenant des Franchois, et coumment il les avoient assegiés et les manechoient durement, et quelx gens il estoient, et quelx capitainnes ilz avoient.

Quant messires Perdukas de Labret entendi chou, si n’en fu de noient effraés, mès requeilla ses compaignons de tous lés et s’en vint bouter par dedens Montalben, où il fu rechups à grant joie; et encorres l’enfourmèrent il plus plainnement dou fait, si comme vous avés oy chy dessus. Lors eurent il d’acort que l’endemain il s’armeroient tout à cheval, et se metteroient hors de la ville et s’adrecheroient vers l’ost des Franchois, et leur prieroient que paisieulement les laisseroient passer; et, s’il ne voulloient chou faire et que combattre les couvenist, il saventu[re]roient et venderoient chierement. Tout enssi qu’il ordonnèrent, il fissent. A l’endemain, il s’armèrent et sonnèrent leurs trompettes, et montèrent tout à cheval et wuidièrent hors de Montalben. Ja estoient armé li Franchois pour l’effroy qu’il avoient veu et oy, et tous rengiés et mis devant le ville, et ne pooient passer les Compaignes fors parmy yaux. Adonc se missent tout devant messires Perducas de Labreth et messires Robers Cheni, et veurent parlementer as Franchois et priier que on les laissast passer paisieulement; mès il respondirent qu’il n’avoient cure de leurs parlemens, et qu’il ne passeroient fors parmy les pointez de leurs glaives et de leurs espées, et escriièrent tantost leurs cris, et dissent: «Avant! Avant à ces pilleurs qui pillent et robent le monde et vivent sans raison!»

377 Quant les Compaignes virent que c’estoit à certes, et que combattre les couvenoit ou mourir à honte, si descendirent tantost jus de leurs chevaux, et se rengièrent et ordonnèrent tout à piet moult faiticement, et atendirent les Franchois, qui vinrent sus yaux moult hardiement, et se missent ossi devant yaux tout à piet. Là commencièrent à traire, à lanchier et à estechier li ung à l’autre grans cops et appers, et en y eut pluisseurs abatus des uns et des autres, de premières venues. Là eut grant bataille, forte et dure et bien combatue, et tamaintes appertises d’armes faittes, tamaint chevalier et tamaint escuier reverssé et jetté par terre. Touttesfois, li Franchois estoient trop plus que les Compaignes, bien troy contre ung: si n’en avoient mie le pieur parchon. Et reboutèrent à ce coummenchement les Compaignes bien avant jusques dedens le fort de Montalben, où, au rentrer dedens, eut maint homme mis à meschief. Et ewissent eu là les Compaignes, ce c’adonc en y avoit, trop fort temps; mès messires Jehans Trivés, qui cappitainnes estoit de le ville, fist armer touttes mannierres de gens, et coummanda sus le hart que chacuns, à son loyal pooir, aidast les compaignons et qu’il estoient homme au prinche. Dont s’armèrent tout chil de le ville, et missent en conroy avoecques les Compaignes, et se boutèrent en l’escarmuche. Et meysmement les femmes de le ville montèrent en leurs logez et en leurs solliers, pourveuwes de pièrez et de caillaux, et coummenchièrent à jetter sus ces Franchois si fort et si royt, qu’il estoient tout ensonniiet d’iaux targier pour le get dez pièrez, et en blechièrent pluisseurs et reculèrent par forche. Dont se resvigurèrent li compaignon qui furent ung grant temps en grant peril, et envaïrent fierement les François. Si vous di qu’il y eut là fait otant de belles appertises d’armes, de prisses et de rescousses, que on n’avoit veu en grant temps, car les Compaignes n’estoient c’un petit. Si se prendoient si priès de bien faire que c’estoit merveillez, et reboutèrent leurs ennemis, par force d’armes, tous hors de le ville.

Et avint, entroes que on se combatoit, que une routte de Compaingnes, que li bours de Breteul et Naudon de Bagerant menoient, où il avoit bien quatre cens combatans, se boutèrent par derière en le ville; et avoient cevauchiet toutte le nuit en grant haste pour là estre, car on leur avoit donnet à sentir que li Franchois avoient assegiet leurs compaignons dedens Montalben. Si vinrent tout à point à le bataille. Là eut de rechief 378 grant hustin et dur, et furent li Franchois, par ces nouvelles gens, fierement assailli et combatu. Si dura chils puigneis et chils estours, de l’eure de tierce jusques à basse nonne. Finalement, li Franchois furent desconfi et mis en cache, et chil tout euwireux, qui peurent partir, monter à cheval et aller leur voie. Là furent pris li comtes de Nerbonne, messires Guis d’Azay, li sires de Montmorillon, messire Renaus des Huttez, messires Guillaumes Brandins, messires Jehans Rollans, li senescaus de Carcasonne, li senescaux de Biauquaire et plus de cent chevaliers, que de Franche, que de Prouvenche, que des marches là environ, et mains bons escuiers et mains riches bourgois de Toulouse, de Montpellier, de Nerbonne et de Carcasonne. Et encorres en ewissent il plus pris, se il ewissent cachiet, mès il n’estoient q’un peu de gens ens ou regart dez Franchois, et tout mal monté et foiblement. Si ne s’osèrent aventurer plus avant, mès se tinrent à chou qu’il eurent. Celle bataille de Montalben fu le vegille Nostre Damme, en le moiienné d’aoust, l’an de grasce mil trois cens soissante six. Fº 141.

P. 223, l. 4: li compagnon.—Ms. A 8: les Compaignes. Fº 272 vº.

P. 223, l. 5: asseguret.—Mss. A: asseurez.

P. 223, l. 10: parmi.—Ms. A 8: par.

P. 223, l. 25: eurent.—Mss. A 6, 8, 15: furent.

P. 224, l. 8 et 9: les Compagnes.—Ms. A 8: ces compaignons.

P. 224, l. 19: les Compagnes.—Ms. A 8: ces compaignons.

P. 224, l. 26: estechier.—Mss. A 8, 15: chacier.

P. 225, l. 11: conroy.—Mss. A 8, 15: arroy. Fº 273.

P. 225, l. 13: loges.—Mss. A 8, 15: logis.

P. 225, l. 15: roit.—Mss. A 8, 15: roidement.

P. 225, l. 16: ensonniet.—Mss. A 8, 15: embesoingniez.

P. 225, l. 18: se resvigurèrent.—Mss. A 6, 8, 15: se rasseurèrent. Fº 260 vº.

P. 225, l. 24 et 25: Si se prendoient priès.—Mss. A 6, 8, 15: Sy se penoit chascun.

P. 226, l. 3: sentir.—Mss. A: entendre.

P. 226, l. 4: dedens.—Mss. A 6, 8, 15: de.

P. 226, l. 7: cilz puigneis et cilz estours.—Ms. A 6: ces batailles. Fº 261.—Mss. A 8, 15: celle bataille.

P. 226, l. 10: ewireus.—Mss. A 6, 8, 15: eureux.

379 P. 226, l. 11 à 14: li contes... Biaukaire.—Ms. B 6: le visconte de Narbonne, le visconte de Thalar, le visconte de Villaine, le visconte d’Uzez, messire Guy d’Azay et plus de cent et cinquante chevaliers furent prins. Fº 677.

P. 226, l. 22: en le mi aoust.—Mss. A 6, 8: en aoust.

§ 558. Apriès la desconfiture.—Ms. d’Amiens: Apriès le desconfiture et le prise des dessus dis, messires Perducas de Labret, messires Robers Ceni, messires Jehans Trivés, messires Robers d’Aubetière, li bours de Bretuel, Naudon de Bagerant et leur routtes departirent leur butin et tout leur gaaing, dont il eurent grant fuison. Et tout chil qui prisonnier avoient, il leur demouroit et en pooient faire leur prouffit, ranchonner ou quitter, si les volloient, dont il leur fissent très bonne compagnie, et les ranchonnèrent courtoisement, chacun seloncq son estat et son affaire, et encorres plus doucement par tant que ceste avenue leur estoit venu soudainement par biau fait d’armez. Et les recrurent tous, petit s’en falli, et leur donnèrent terme de raporter leur raenchon à Bourdiaux et ailleurs, où bon leur sambla. Et se parti chacuns et revint en son pays, et les Compaignes s’en allèrent deviers monseigneur le prinche, qui les rechupt liement et les vit vollentiers, et les envoyea logier en ung pays c’on apelle Bascle, entre lez montaignes.

Or vous diray qu’il avint de leurs prisonniers qu’il avoient ranchonnés et recrus. Li pappes Urbains fu emfourmés de le besoingne et coumment li comtes de Nerbonne, li senescaux de Toulouse, chilx de Biauquaire et de Carcasonne, et li bon chevalier et escuier et les gens d’armes de ces senescaudies avoient estet ruet jus par les Compaignes, que li pappes tenoit en sentensce et excumeniiés et pour mauvais crestiiens, car il destruisoient sainte crestieneté sans raison. Si deffendi à tous chiaux qui pris avoient esté et qui raenchon devoient, sus à estre excumeniiés, remforchiet et ragrevet et sans pardon, que de leurs compositions il n’en payassent riens, et les dispenssa de leurs fois et de leurs sieremens. Enssi furent quittes cil seigneur, chevalier et escuier, qui avoient estet pris à Montalben, et n’osèrent brisier le coummandement dou pappe. Si vint as pluisseurs bien à point, et as Compaignes moult mal, qui s’estoient atendu à avoir argent et le quidoient avoir pour faire leurs besoingnes, yaux armer, monter et appareillier enssi que compaignon de gherre. Se leur 380 vint moult à contraire ceste ordounnanche dou pappe, et s’en complaindirent par pluisseurs foix à monseigneur Jehan Camdos, qui estoit connestablez d’Acquittainne et regars dessus touttez les gens d’armes, et li priièrent qu’il leur en volsist faire avoir raison; mès il s’en excuzoit bellement deviers yaux, et disoit que ses seignouries n’estoit mies si avant que d’arguer ne constraindre le chief de l’Eglise, le Saint Père qui est Dieu en terre. Enssi furent li compaignon trompet de leurs prisounniers, mès bien leur proumetoient, se jammès resceoient en leurs dangiers, qu’il leur feroient paiier double raenchon de deniers appareilliés, encorres, se pour tant il pooient finner. Fos 141 et 142.

P. 227, l. 6: avenue.—Ms. A 7: aventure. Fº 272.

P. 227, l. 8: petit s’en fallirent.—Ms. A 6: partie s’en ralèrent. Fº 261.—Les mss. A 6, 8, 15 ajoutent: sur leurs foys.

P. 228, l. 14: touchoit.—Mss. A 6, 8, 15: tournoient Fº 271 vº.

P. 228, l. 14: pillerie.—Le ms. A 15 ajoute: et à villenie. Fº 300.

P. 228, l. 15: aultre cose.—Le ms. B 6 ajoute: Sy s’en vinrent logier et rafreschir sur le rivière de Dourdonne et se tinrent là ung grant tamps, du mois d’auoust jusques à l’entrée de jenvier. Fº 678.

§ 559. Nous parlerons.—Ms. d’Amiens: Moult fist li prinches de Galles grant appareil et grosses pourveanches pour aller en ce voiaige, car il savoit bien et entendoit assés que li roys Henris se pourveoit grandement de l’autre lés.

Or vint en celle saison à Bourdiaux, par deviers le prinche, James, li roys de Mayogres: enssi se faisoit il nommer, mès riens n’y tenoit, quoyqu’il en ewist estet filx dou roy, car li roys d’Aragon tenoit et avoit tenu de loncq tamps le royaumme de Mayogres, et avoit jadis par force conquis le pays et pris le père de ce roy et fait morir, et son fil tenut en prison. Si en estoit escappés et allés à Naples, et [avoit] espousé la roynne de Naples. Dont, quant il oy dire que li prinches s’esmouvoit pour aller en Espaigne sus le roy Henry, qui estoit d’acort au roy d’Arragon, son ennemy, si s’avisa qu’il se trairoit deviers lui et li remousteroit ses besoingnes, et à quel tort li roys d’Arragon li avoit ochis son père et tenoit son royaumme. Et sentoit le prinche si grant, si noble et si puissant, que par lui recouveroit il 381 sen hiretaige, siques, quant il fu venus à Bourdiaux, li prinches li fist grant chière et le rechut bellement et liement, et li proummist qu’il feroit son plain pooir de reconcquerre le royaumme de Mayogrez sus le roy d’Arragon, tantost apriès le voiaige d’Espaingne. Et le retint li princhez dallés lui à une grant somme de gens, et li asigna certainne revenue sus ses coffres pour aidier à paiier ses menus frès, et li fist très bonne compaignie en tous estas. Fº 142 vº.

P. 229, l. 1: Selevestre.—Mss. A 8, 15: Sevestre. Fº 273 vº.

P. 229, l. 2: dou Bruel.—Ms. A 15: de Bueil. Fº 300.

P. 229, l. 2: Lakonet.—Ms. A 15: Lacouet et monseigneur Eustace de la Houssoie.

P. 229, l. 8 à 16: Ossi il... sur ce.—Ms. B 6: En che tamps que li parlement sont en Engleterre par usaige, et toudis à le Saint Miquiel, envoia le prinche de Galles lettres au roy son père et à son consail que jusques à quatre cens lanches et mil archiers on luy fesist envoiier, pour renforchier son armée. Le roy d’Engleterre et son consail le firent très vollentiers, car ilz sentoient que il estoit vaillans et bien fortuné chevalier. Sy ordonna que le frère du prinche yroit, nommé Jehan de Lenclastre, et en prist la cherge des gens d’armes et des archiers, et dist que il volloit aller en che voiage aveeques son frère le prinche. De che ly seurent le roy et la roynne et les barons d’Engleterre moult grant gré, et se ordonna et fist ses pourveanches pour monter au havre de Hantonne et ariver en Bretaigne. Fº 681.

P. 229, l. 13: une.—Le ms. A 8 ajoute: grant. Fº 274.

P. 229, l. 21: ce dit.—Ms. A 8: du dit.

P. 229, l. 25 et 26: moullier.—Mss. A: femme. Ms. A 7, fº 272 vº.

P. 229, l. 31: avoit son père mort.—Mss. A 8, 15: avoit fait morir son père.

P. 230, l. 4: plaisirent.—Mss. A 6, 8, 15: pleurent.

P. 230, l. 5: en le cité de Bourdiaus.—Ms. B 6: en l’eglise des Augustins dehors les murs de Bourdiauls. Fº 680.

P. 230, l. 30: pluiseurs.—Le ms. A 8 ajoute: consaulx et.

P. 231, l. 4: Dieu.—Les mss. A 8, 15 ajoutent: entreprendre et.

P. 231, l. 11: poeent.—Mss. B 4, A 15: pevent. Fº 272.—Ms. A 7: povoient. Fº 273.—Mss. A 6, 8: pourroient.

382 P. 231, l. 15: faire.—Les mss. A 6, 8, 15 ajoutent: leur exploit et.

P. 232, l. 1: aïr.—Mss. A 6, 8, 15: courroux.

P. 232, l. 4: le.—Mss. B 3, 4 et mss. A: lui, li.

P. 232, l. 13: manières.—Mss. A: estas.

P. 232, l. 22: ce sace.—Mss. A 6, 8, 15: ce scay je.

P. 233, l. 5: le ponée.—Mss. A 1 à 7: la pensée.—Ms. B 3: la manière. Fº 286.—Ms. B 4: l’estat. Fº 272 vº.—Ms. A 15: les posnées. Fº 301.

P. 233, l. 6: amirent... ont amiré.—Ms. B 4 et mss. A: aiment, ont aimé.—Ms. B 3: prisent... ont prisé.

P. 233, l. 28 et 29: grignes.—Ms. B 3: haynes. Fº 286.

P. 234, l. 5: ne chierirent.—Mss. A 1 à 6, 8, 11 à 29: n’amèrent.

P. 234, l. 8: cose.—Le ms. A 15 ajoute: pour lors. Fº 301 vº.

FIN DES VARIANTES DU TOME SIXIÈME.

NOTES

CHAPITRE LXXXIV

[1] Édouard III fut logé en l’hôtel de Chanteloup (aujourd’hui château de Saint-Germain-lez-Arpajon), entre Montlhéry et Châtres (Arpajon), du mardi 11 mars au lundi 6 avril 1360. Grandes Chroniques, VI, 169 et Rymer, III, 480.

[2] Isère, arr. Vienne, c. Meyzieu. Hugues de Genève, troisième fils d’Amédée, IIe du nom, comte de Genève, et d’Agnès de Chalon, était le vassal, du chef de sa seigneurie d’Anthon, de Charles, dauphin de Viennois.

[3] Ces négociations infructueuses s’ouvrirent à la maladrerie de Longjumeau le vendredi saint 3 avril. Froissart omet de dire que les trois négociateurs qu’il nomme étaient des légats du Saint-Siége qu’Innocent VI avait envoyés en France, par une bulle datée d’Avignon le 3 mars 1360 (Rymer, III, 472; Arch. Nat., JJ91, nº 204), pour traiter de la paix; mais ces trois négociateurs ne prirent point part à la conférence de Longjumeau et n’arrivèrent à Paris que vers le 10 avril.

[4] La descente des Français à Winchelsea, suivie du sac de ce port de mer, eut lieu le 14 mars 1360 (voyez notre Histoire de du Guesclin; la jeunesse de Bertrand, p. 307, 546 à 550). En outre, par un traité secret conclu à Paris le jeudi 30 janvier 1360 (n. st.), dont tous les historiens semblent avoir ignoré l’existence, David Bruce, IIe du nom, roi d’Écosse, quoiqu’il fût alors prisonnier du roi d’Angleterre, s’étant fait représenter par Robert Erskine, chevalier, et Normand de Lesly, écuyer, avait conclu une alliance offensive et défensive avec Charles, régent, à condition que ledit régent fournirait dans un délai déterminé à son allié 50 000 marcs d’esterlins en or payables à Paris, au Palais Royal, en la Salle Neuve. Arch. Nat., J677, nº 7.

[5] Édouard III ne leva son camp et ne prit le chemin de la Beauce que le dimanche 12 avril, jour de Quasimodo, au soir. Grandes Chroniques, VI, 171.

[6] Le rédacteur des Grandes Chroniques, le mieux renseigné de tous les chroniqueurs sur ces événements, ne dit pas un mot de cet orage, qui paraît n’avoir eu d’autre effet que d’empêcher Édouard de marcher sur Chartres, comme le roi anglais en avait eu d’abord l’intention.

[7] De Gallardon, en effet, on commence à apercevoir la flèche de la cathédrale de Chartres.

[8] Cette rivière est la Voise qui se jette dans l’Eure à Maintenon.

[9] Eure-et-Loir, arr. Chateaudun. Édouard et ses gens s’avancèrent jusqu’à Bonneval et même jusqu’à Chateaudun, et c’est un indice que l’orage survenu près de Gallardon n’eut pas une influence immédiate et déterminante sur la conclusion de la paix de Brétigny.

[10] Les négociateurs, chargés des pleins pouvoirs du régent, partirent de Paris le lundi 27 avril et arrivèrent le même jour à Chartres.

[11] Aujourd’hui hameau de 127 habitants de la commune de Sours, Eure-et-Loir, arr. et c. Chartres, à 9 kil. au sud-est de cette ville. Pendant que ses plénipotentiaires ou plutôt ceux de son fils le prince de Galles traitaient à Brétigny avec les envoyés du régent, Édouard lui-même avait rétrogradé et était venu se loger à Sours. Le régent, de son côté, se rendit à Chartres où il était le 7 mai. Les pourparlers commencèrent le vendredi 1er mai et durèrent jusqu’au vendredi 8 du même mois. Grandes Chroniques, VI, 172, 173; Rymer, III, 485, 486.

[12] Le texte de cette confirmation, tel que le donne Froissart, se rapproche beaucoup pour le fond, sans être identique pour la forme, de la charte dite des renonciations, publiée par Rymer (III, 524 et 525). Seulement, comme l’a bien vu Dacier avec sa sagacité et sa conscience ordinaires (p. 528, note 1), si Froissart ne s’est pas trompé sur la date de mois et de jour (25 mai), il s’est certainement trompé sur la date de lieu (Brétigny-lez-Chartres). Édouard III, en effet, était de retour en Angleterre et débarqua au port de Rye le lundi 18 mai (Rymer, III, 494). D’un autre côté, Jean avait donné pleins pouvoirs à son fils Charles pour traiter avec son adversaire, par acte daté du 1er avril 1360 (Martène, Thes. Anecdot., I, 1422 et 1423); et la ratification provisoire par les deux rois du traité de paix conclu à Brétigny eut lieu à la Tour de Londres le 14 juin suivant (Bibl. Nat., De Camps, portef. 46, fº 432). Antérieurement à cette date, il y a lieu de croire que tout se passa, au moins officiellement, d’abord entre les plénipotentiaires des fils aînés rassemblés pour cela à Brétigny, ensuite entre les fils aînés eux-mêmes de Jean et d’Édouard. Du reste, on trouve tout au long dans les Grandes Chroniques (VI, 175 à 200) la confirmation par le prince de Galles du traité conclu entre ses plénipotentiaires et ceux de Charles, duc de Normandie; or, cette confirmation est datée, non de Brétigny, mais de Louviers en Normandie, le 16 mai 1360 (Ibid., p. 199). Quoi qu’il en soit, la charte, dite des renonciations, publiée par Rymer, est datée de Calais le 24 octobre 1360.

[13] Cette observation de Froissart, particulière à la rédaction d’Amiens (p. 242, 243), mérite d’être notée, parce qu’elle accuse l’interprétation que les juristes de Charles V voulaient donner, lorsque cette rédaction fut composée, à l’une des clauses du traité de Brétigny. Notre chroniqueur semble faire allusion à une convention subsidiaire par où le roi Jean, le 26 octobre, pendant son séjour à Boulogne-sur-Mer, prenait l’engagement de renoncer à tout droit de suzeraineté sur les provinces cédées, mais seulement lorsqu’il aurait été remis en possession d’une manière complète et effective de ce qui lui restait de son royaume (Bibl. Nat., fonds de Camps, portef. XLVI, fos 553 à 559, 571 à 580; ms. fr. nº 8359, fos 45 vº et 51). Dès le 10 février 1361, les Anglais se plaignaient à Jean de Melun, comte de Tancarville, chargé d’une mission en Angleterre, que le roi de France eut reçu ou voulu recevoir l’appel du comte d’Armagnac et du sire d’Albret (Martène, Thes. Anecdot., I, 1487 à 1489).

[14] Cette trêve fut confirmée à Sours devant Chartres par Édouard, prince de Galles, le 7 mai 1360 (Grandes Chroniques, VI, 207 à 211), et à Chartres, par Charles, régent du royaume, le même jour (Ibid., 202 à 206). Le mandement de publication de la trêve, donné par le régent à Brétigny-lez-Chartres le 7 mai (Ibid., 206, 207), ne fut sans doute promulgué qu’à la suite d’une entrevue du duc Charles et du prince de Galles.

[15] Cette ratification, dont le rédacteur des Grandes Chroniques a publié le texte (VI, 200 et 201), est datée de Paris le 10 mai 1360.

[16] Le roi d’Angleterre et le prince de Galles envoyèrent, non pas quatre, mais six chevaliers, trois bannerets et trois bacheliers (Grandes Chroniques, VI, 212 et 213).

[17] Froissart commet ici une méprise. Les six chevaliers, dont il réduit par erreur le nombre à quatre, étaient chargés, non pas, comme le dit notre chroniqueur, de prêter serment au nom du roi d’Angleterre et du prince de Galles, mais au contraire d’assister, de la part des princes anglais leurs maîtres, à la prestation solennelle de serment de Charles, régent du royaume, sur le fait du traité de paix, prestation qui, on l’a dit plus haut, eut lieu à Paris le 10 mai 1360. En retour, six chevaliers français, trois bannerets et trois bacheliers, assistèrent, comme représentants du régent Charles, à la prestation solennelle du serment d’Édouard, prince de Galles, qui se fit dans l’église Notre-Dame de Louviers le vendredi 15 mai 1360 (Grandes Chroniques, VI, 212 à 214).

[18] Le 23 décembre 1375, Charles accorda des lettres de rémission à Guiot Turpin de Wicquinghem (Pas-de-Calais, arr. Montreuil-sur-Mer, c. Hucqueliers), qui avait tué en 1360 un soudoyer anglais «comme, environ la feste de la Penthecouste derrain passée ot quinze ans (24 mai 1360), pour lequel temps certain acord ou trèves estoient, si comme l’en disoit, entre nostre très cher seigneur et père, que Dieux absoille! et nous et Edouard d’Angleterre, plusieurs routes d’Anglois, passons par nostre royaume pour s’en retourner à Calais, se fussent logiés en la dicte ville de Winkinguehen, dont les aucuns estoient de la route d’un des mareschaux d’Angleterre, lesquelx, disans qu’ils povoient prendre partout vivres pour eulx et leurs chevaux, prindrent en la dicte ville, oultre ce qu’il leur falloit, pour leurs dis vivres, plusieurs autres biens comme draps, linges, robes, or et argent et plusieurs autres choses et firent moult d’autres oultrages contre la voulenté des bonnes gens habitanz de la dicte ville et à leur grant grief et desplaisir.» Arch. Nat., JJ108, nº 28.

[19] D’après Jean de Venette (Contin. G. de Nangiaco, II, 310), plusieurs chevaliers allèrent, nus pieds, en pèlerinage, du camp anglais à la cathédrale de Chartres.

[20] Froissart se trompe sur le lieu d’embarquement du roi d’d’Angleterre. C’est à Honfleur, comme le dit fort bien le rédacteur des Grandes Chroniques (VI, 214), non à Harfleur, qu’Édouard mit à la voile pour l’Angleterre, le mardi 19 mai 1360. Harfleur était alors occupé par une forte garnison française placée sous les ordres de Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault, lieutenant général en Normandie et ès Vexins français et normand (JJ87, nº 283), tandis que Honfleur, pris par les Anglais avant le 16 septembre 1357 (La Roque, Hist. de la maison de Harcourt, IV, 1881, 1882; JJ87, nos 146, 315; JJ105, nº 13), ne fut définitivement évacué par les envahisseurs qu’entre les mois de février et de mai 1361 (Rymer, III, 547. Bibl. Nat., Quittances, XIII, 1144, 1186).

[21] Le 14 juin 1360, Jean et Édouard dînèrent ensemble à la Tour de Londres et ratifièrent les conditions de paix arrêtées le 8 mai précédent, près de Chartres, par les députés de leurs deux fils aînés, en présence de Philippe, duc d’Orléans, des comtes de Ponthieu, de Tancarville, d’Auxerre, de Joigny, de Sancerre, de Saarbruck, d’Adam de Melun, des seigneurs de Derval, d’Aubigny et de Maignelay (Bibl. Nat., fonds de Camps, XLVI, 432; Grandes Chroniques, VI, 215; Martène, Vet. Script, nova collectio, I, 154).

[22] C’est le prince de Galles, non Édouard III, qui fit la conduite au roi de France jusqu’à Douvres, en passant par Canterbury, d’où Jean adressa, le 5 juillet 1360, un mandement à ses gens des Comptes (Bibl. Nat., fonds de Camps, XLVI, 437).

[23] Jean débarqua à Calais quinze jours après la Saint-Jean-Baptiste, le mercredi 8 juillet. Gr. Chron., VI, 215. Bibl. Nat., fonds de Camps, XLVI, 438.

[24] Froissart veut désigner ici les comtes d’Anjou et de Poitou; mais Louis, comte d’Anjou, qui se trouvait alors dans son comté où il épousa, le 9 juillet 1360, Marie de Bretagne, fille de Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre (le contrat de mariage est daté du château de Saumur en août 1360; dom Morice, Preuves, I, 1534 à 1537), et Jean, comte de Poitiers, alors en Languedoc où il était lieutenant du roi son père et à la cour d’Avignon (JJ93, nos 107, 184), les comtes d’Anjou et de Poitou, dis-je, n’arrivèrent à Calais (P13791, nº 3116) et à Boulogne-sur-Mer (JJ88, nos 86, 102, 115) qu’à la fin de septembre ou dans les premiers jours d’octobre.

[25] Le dimanche 12 juillet, le régent Charles partit de Paris pour aller à Saint-Omer (Gr. Chron., VI, 215); mais il s’arrêta en route à Amiens d’où il a daté plusieurs actes (JJ91, nº 435).

[26] Dès le lendemain de son débarquement, le 9 juillet, Jean adressait un mandement aux gens de sa Chambre des Comptes. Il les pressait de lui envoyer en un rôle: 1º les noms des villes qui contribuaient à sa rançon, 2º le chiffre de la quote-part afférente à chaque ville, 3º les noms des simples particuliers qui lui font prêt à son besoin (De Camps, XLVI, 438). Trois jours après ce mandement, le 12, un des secrétaires du roi, Jean Lemercier, de Gisors, envoya des instructions aux commissaires chargés de recueillir le premier terme de la rançon de Jean (Bibl. de l’École des Chartes, XXXVI, 81 à 90). Paris s’imposa à 100 000 vieux écus, Rouen à 20 000 moutons d’or vieux, Soissons à 8000 royaux (JJ88, nº 21), Vervins à 200 royaux d’or (JJ88, nº 90).

[27] Par acte daté de Paris en mai 1360, Charles régent accorda des lettres de bourgeoisie parisienne à «Amizus de Concorecio», bourgeois de Milan, à la prière de son amé «Speronelus de Concorecio», fils d’Amizus, «ad nos ex parte carissimi consanguinei nostri domini Galeaz, vicecomitis Mediolani, CETERIS DE CAUSIS destinati.» JJ91, nº 433.

[28] Au mois d’avril 1361, en mariant sa fille Isabelle de France à Jean Galéas, dit Visconti, fils aîné de son cousin Galéas Visconti, seigneur de Milan, le roi Jean assigna en dot à sa dite fille les château et ville de Sommières (Gard, arr. Nîmes) valant 3000 livres tournois de rente annuelle, les lieux de Vertus, de Rosnay et de la Ferté-sur-Aube (JJ107, nº 164). Un des oncles de Galéas Visconti était le féroce Barnabo.

[29] Le 24 juillet 1363, Charles, duc de Normandie, fit mettre en garde en une chambre au-dessus du Trésor de l’abbaye de Saint-Denis «douze mille florins de Florence venus de Milan, dont Mgr en avoit donné trois mille à Saint Denis, avec huit cens frans pour la fondacion de sa chapelle.» Bibl. Nat., ms. fr. nº 21 447, fº 42. C’est à cause de ce mariage avec Isabelle de France que le 27 janvier 1394 (n. st.) Jean Galéas Visconti, père de Valentine de Milan, mariée à Louis, duc d’Orléans, fut autorisé par Charles VI à porter des fleurs de lis de France dans ses armes. J145, nº 433.

[30] Un article du traité de Brétigny portait que le roi de France n’aurait rien à payer pendant le premier mois de son séjour à Calais pour sa garde, mais que pour chaque mois en plus il payerait 10 000 réaux (le réal vieux équivalait à 27 sous et le réal nouveau à 26). Arrivé à Calais le 8 juillet, le roi de France ne recouvra pleinement la liberté qu’après la ratification définitive du traité de Brétigny, le 24 octobre suivant. Il eut ainsi à payer ses frais de garde et de séjour pour deux mois et demi environ, du 8 août au 24 octobre, frais qui devaient s’élever par conséquent à 25 000 réaux. La quittance d’Édouard est datée de Calais le 24 octobre 1360 (J638, nº 5).

[31] Nous avons dressé un tableau de ces lieux forts occupés par les Compagnies anglo-navarraises, de 1356 à 1364. Histoire de Bertrand du Guesclin et de son époque; la jeunesse de Bertrand, p. 459 à 509.

[32] Eustache d’Auberchicourt vendit, vers le 19 mars 1360, Attigny (Ardennes, arr. Vouziers) 25 000 deniers d’or, et le 16 juin suivant une autre forteresse, Autry (Ardennes, arr. Vouziers, c. Monthois), 8000 florins. On remarquera que Froissart semble plaindre sincèrement son compatriote de n’avoir pu se faire payer.

[33] Ce fut le cas d’Eustache d’Auberchicourt qui alla tenir garnison à Carentan pour le roi de Navarre et rançonner les plantureux marais du Cotentin, après avoir exploité les plus fertiles plateaux des Ardennes.

[34] Charles, régent du royaume, et les gens de son Conseil sont à Saint-Omer pendant la première quinzaine d’août (JJ88, nos 24, 68); ils sont à Boulogne-sur-Mer le 23 août (JJ88, nº 29), le 27 août (JJ88, nº 70), le 7 (JJ88, nos 66, 75), le 22 (JJ88, nº 109) et le 27 septembre (J332, nº 26), le 7 octobre (X2a 7, fos 72 vº et 73) et le 17 octobre (X2a 7, fº 98 vº) 1360.

[35] Par acte daté de Calais le 24 octobre 1360, Édouard III jure sur le corps de Jésus-Christ de bien traiter les otages, de les faire rendre à Boulogne-sur-Mer aussitôt que les choses pour lesquelles ils sont otages seront accomplies, de ne les pas mettre en prison fermée, enfin de les laisser s’ébattre par son royaume deux jours et une nuit. Martène, Thes. Anecdot., 1440 et 1441.

[36] Débarqué à Calais le mercredi 8 juillet, Jean quitta cette ville le dimanche 25 octobre 1360, au matin, après y être resté cent neuf jours. Gr. Chron., VI, 217, 218.

[37] La charte d’érection du comté d’Anjou et du Maine en duché pairie au profit de Louis, le second des fils du roi Jean, est seulement datée de Boulogne-sur-Mer en octobre 1360 (Arch. Nat., P13341, nº 3); mais comme le roi de France ne séjourna dans cette ville que du dimanche 25 au jeudi 29 octobre, c’est entre ces deux dates que le titre de duc dut être conféré à Louis Ier d’Anjou.

[38] La charte par laquelle le roi Jean crée Jean, son troisième fils, naguère comte de Poitiers et de Mâconnais, duc de Berry et d’Auvergne, est datée, comme la précédente, de Boulogne-sur-Mer en octobre 1360 (JJ91, nº 203); elle doit pour les mêmes raisons avoir été octroyée du 25 au 29 octobre 1360.

[39] Le roi d’Angleterre arriva à Calais le vendredi 9 octobre. Gr. Chr., VI, 215.

[40] Cette ratification définitive eut lieu le 24 octobre 1360.

[41] Le roi de France était logé au château de Calais, tandis qu’Édouard III était descendu dans un hôtel de cette ville.

[42] La plupart de ces protocoles séparés sont renfermés, parfois en double et même en triple exemplaire, dans trois cartons des Archives Nationales: le carton J638, qui contient 21 pièces cotées 1 à 21, et les cartons J639 et J640 qui en contiennent, l’un 18, l’autre 19, cotées 1 à 37. Ces documents ont presque tous été publiés par dom Martène, Thes. Anecdot., I, 1427 à 1464.

[43] Nous avons collationné le texte donné par Froissart, dans les passages où les manuscrits de ce chroniqueur ne nous fournissaient pas de bonne leçon, avec l’un des doubles de la charte originale, contenu dans le carton J639, nº 15. Froissart a reproduit le double de cette charte destiné au roi de France. Le double, destiné au roi d’Angleterre et revêtu en conséquence de la signature des princes et seigneurs français, est daté de Boulogne-sur-Mer le 26 octobre 1360. Il a été publié par Rymer. Fœdera, III, 530, 531.

[44] M. le duc d’Aumale (Notes et documents relatifs au roi Jean, p. 20) et M. Bardonnet (Procès-verbal de délivrance à Jean Chandos, p. 5) nous semblent s’être mépris lorsqu’ils ont pensé que le titre de chancelier de France porté par Gilles Aycelin de Montagu, IIe du nom, n’avait pu coexister légalement avec un titre, non semblable, mais analogue, donné dans le même temps à Jean de Dormans. Par acte daté de Saint-Denis le 18 mars 1358 (n. st.), maître Jean de Dormans, archidiacre de Provins en l’église de Sens, fut nommé chancelier du régent du royaume, duc de Normandie, aux gages de 2000 livres parisis par an (Bibl. Nat., ms. fr., nº 20 691, fº 665; de Camps, XLVI, 316 et 317); mais dans l’acte même de nomination de Jean de Dormans, on eut soin de réserver expressément les droits de Gilles Aycelin de Montagu qui n’en resta pas moins chancelier de France jusqu’au 18 septembre 1361.

[45] Nous avons collationné le texte donné par Froissart, là où la leçon des divers manuscrits nous semblait fautive, sur la charte originale conservée dans le carton J639, nº 15.

[46] Édouard III abandonna le titre de roi de France, qu’il prenait dans tous ses actes depuis sa déclaration de guerre à Philippe de Valois, le samedi 24 octobre 1360, après la ratification définitive du traité de Brétigny. Gr. Chron., VI, 218.

[47] Sur la question de Bretagne, le traité de Brétigny stipule seulement (art. 20) que, pendant l’année qui suivra l’arrivée de Jean à Calais, les deux rois feront tous leurs efforts pour amener un arrangement entre les deux prétendants. Si, au bout de cette année, Jean et Édouard ont échoué dans leurs tentatives de conciliation, les amis des deux compétiteurs auront encore une demi année pour revenir à la charge, après quoi «Charles de Blois et Jean de Montfort feront ce qui mieux leur semblera.» Rymer, III, 490, 491, 516.

[48] Henri, duc de Lancastre, avait été lieutenant et capitaine général en Bretagne, du 14 septembre 1354 (Rymer, III, 312) au mois d’août 1358 (Ibid., 403).

[49] En vertu de la convention conclue à Brétigny le 8 mai 1360, la trêve entre les deux royaumes, où la Bretagne était comprise, fut prorogée, non, comme le dit Froissart, jusqu’à la Saint-Jean-Baptiste, mais jusqu’à la Saint-Michel (29 septembre) 1361. Rymer, III, 662.

[50] Ces quatre chevaliers étaient Gui de Bryan, Roger de Beauchamp, comte de Warwick, Renaud de Cobham et Gautier de Masny (Gr. Chron., VI, 220). L’assignation d’une rente de 2000 royaux d’or à Gui de Bryan est datée de Saint-Omer le 1er novembre 1360. Martène, Thes. Anecdot., I, 1478 et 1479.

[51] Édouard III assigna une rente annuelle et viagère de 3000 réaux à Arnoul d’Audrehem, maréchal de France (J641, nº 12), une rente annuelle et viagère de la même somme à Jean de Melun, comte de Tancarville (J642, nº 3), une rente annuelle et viagère de 2000 écus à Jean le Maingre, dit Boucicaut, maréchal de France (J642, nº 5), une rente annuelle et viagère de 200 écus à Guillaume de Dormans, frère de Jean de Dormans auquel il succéda à la fin de 1361 comme chancelier du duc de Normandie. J641, nº 18.

[52] Par acte daté de Calais le 24 octobre 1360, le roi Jean confirma la donation faite par le roi d’Angleterre à Jean Chandos de toutes les terres qui avaient appartenu à Godefroi de Harcourt, moyennant toutefois l’hommage au duc de Normandie (Martène, Thes. Anecdot., I, 1432; Rymer, III, 543, 544) dont la confirmation fut donnée à Boulogne-sur-Mer deux jours après celle de son père, le 26 octobre.

[53] En effet ces pièces annexes du traité de Brétigny, qui sont fort nombreuses, sont presque toutes datées de Calais le 24 octobre ou de Boulogne-sur-Mer le 26 octobre 1360.

[54] Ces otages durent être remis au prince de Galles à Boulogne-sur-Mer le lundi 26 octobre, après dîner. Dans la matinée, avant de quitter Boulogne pour se rendre à Calais sous la conduite du fils aîné du roi d’Angleterre, ils avaient juré l’alliance offensive et défensive conclue entre les deux rois. Rymer, III, 530, 531.

[55] Le versement qui eut lieu à Calais le 24 octobre, ne fut que de 400 000 écus (J639, nº 6). 200 000 écus complémentaires furent payés, 100 000 le 26 décembre, 100 000 le 31 décembre suivant (J640, nº 34). En 1364, le florin valait 16 sous, et l’écu vieux 21 sous 3 deniers. Bibl, Nat., ms. lat. nº 5957, fº 18 vº.

[56] Le roi Jean partit de Calais pour se rendre à Boulogne-sur-Mer, non la veille de Saint-Simon et Saint-Jude, c’est-à-dire le 27 octobre, comme Froissart le dit par erreur, mais deux jours auparavant, le dimanche 25 au matin. Gr. Chron., VI, 217, 218.

[57] La date donnée ici par Froissart est fort exacte. Édouard III et les otages français s’embarquèrent pour l’Angleterre le matin du samedi 31 octobre, avant le jour. Gr. Chron., VI, 219.

[58] Le nombre des otages nobles, fixé primitivement à quarante, fut réduit à trente en vertu d’une convention subsidiaire datée de Calais le 24 octobre 1360. Martène, Thes. Anecdot., I, 1448.

[59] Martène, Thes. Anecdot., I, 1440, 1441.

[60] Le roi Jean partit de Boulogne-sur-Mer pour aller à Saint-Omer trois jours avant la Toussaint, le jeudi 29 octobre. Il fêta la Toussaint dans cette dernière ville; et les mardi et mercredi 3 et 4 novembre on y donna des joutes en son honneur. Grandes Chroniques, VI, 218 à 221.

[61] Jean resta à Saint-Omer au moins jusqu’au 7 novembre, car nous avons deux mandements de ce prince, datés l’un du 2 (Ordonn., III, 432), l’autre du 7 novembre (Ibid., 433), à Saint-Omer.

[62] On connaît deux actes émanés de Jean et datés de Hesdin les 14 (J1084, nº 5) et 16 novembre (JJ91, nº 217). Le roi de France paraît être retourné à Saint-Omer à la fin de ce mois, car un autre de ses actes est daté de cette ville le 30 novembre (JJ95, nº 53).

[63] Jean ne resta pas à Amiens jusqu’à Noël, puisque dès le 5 décembre il était de passage à Compiègne d’où il a daté la grande ordonnance édictant la levée de l’aide pour sa rançon de 12 deniers pour livre sur la vente de toutes les marchandises, du cinquième sur la vente du sel et du treizième sur l’entrée des vins, ainsi que l’ordonnance fixant le prix des espèces d’or et d’argent. Ordonn., III, 433 à 442.

[64] Jean, après avoir passé la soirée du vendredi 11 et la journée du samedi 12 décembre à l’abbaye de Saint-Denis où il se réconcilia avec son gendre Charles II, dit le Mauvais, roi de Navarre (Secousse, Preuves des Mémoires sur Charles II, 182 à 185), fit son entrée à Paris le dimanche 13 décembre 1360. Grandes Chroniques, VI, 223.

[65] La commission donnée à ce sujet par Édouard III à Richard de Stafford, sénéchal de Gascogne, Jean Chandos, Étienne de Cusyngton, Neel Loryng, Richard de Totesham, Adam de Houghton et Guillaume de Felton, est datée du 1er juillet 1361. Champollion-Figeac, Lettres des rois et reines, II, 135.

[66] Les opérations de cette délivrance, commencées à Châtellerault le samedi 11 septembre 1361, ne se terminèrent que le lundi 28 mars 1362 à Angoulême; elles demandèrent par conséquent un peu plus de six mois et demi. Voyez la belle publication de M. Bardonnet. Procès-verbal de délivrance à Jean Chandos. Niort, in-8º, p. 9, 116. Le roi de France, de son côté, par lettres datées du Bois de Vincennes le 12 août 1361, avait nommé commissaires: les maréchaux d’Audrehem et Boucicaut, Louis de Harcourt, vicomte de Châtellerault, Guichard d’Angle, le sire d’Aubigny, sénéchal de Toulouse et le Bègue de Vilaines, sénéchal de Carcassonne. Ibid., p. 12 à 14.

[67] Roger Bernard, comte de Périgord, prêta serment de fidélité au roi d’Angleterre à Montignac (Dordogne, arr. Sarlat) le jeudi 30 décembre.

[68] Jean I, comte d’Armagnac, de Fézensac et de Rhodez, qui, par contrat passé à Carcassonne le 24 juin 1360, avait marié sa fille aînée Jeanne d’Armagnac à Jean de France, alors comte de Poitiers et de Mâconnais, créé à la fin d’octobre de la même année duc de Berry et d’Auvergne.

[69] Pierre Raymond, IIe du nom, comte de Comminges.

[70] Arnaud d’Eauze (Gers, arr. Condom), vicomte de Caraman (Haute-Garonne, arr. Villefranche-de-Lauragais).

[71] Roger Bernard de Foix, IIe du nom, vicomte de Castelbon, seigneur de Moncade. Le nom de cette vicomté est resté au château de Castelbon situé dans la commune de Betchat, Ariége, arr. Saint-Girons, c. Saint-Lizier.

[72] Le roi Jean, sachant le prix qu’Édouard III attachait à la prise de possession de la Rochelle, cette clef de la Saintonge et du Poitou, avait écrit d’Angleterre dès le 8 juin 1360 pour inviter ses chers et bons amis, les maire, jurés et commune de la Rochelle, à envoyer vers lui leurs députés; le 18 juillet suivant, par un mandement daté de Calais, il renouvelle la même invitation (Martène, Thes. Anecdot., I, 1428). Il envoie exprès à la Rochelle Arnoul, sire d’Audrehem, pour presser les habitants, et nous avons deux actes de ce maréchal de France, datés de cette ville les 5 et 8 août (JJ88, nos 76, 93; Rymer, III, 558, 551; JJ88, nº 67). Les Rochellais s’exécutent enfin le 15 août et chargent Guillaume de Seris, Pierre Buffet, Jean Chaudrier et deux autres bourgeois d’aller trouver le roi de France à Calais (Martène, Ibid., 1427 à 1429). Par acte daté de cette ville le 24 octobre, Jean s’engage à livrer comme otage son très-cher fils Philippe, duc de Touraine, au cas où un mois après son départ de Calais la ville de la Rochelle n’aurait pas été remise entre les mains des Anglais (Rymer, III, 541; Martène, Ibid., 1449). A Boulogne-sur-Mer, le 26 octobre, il délie les Rochellais du serment d’obéissance (Martène, Thes. Anecdot., I, 1462 à 1464). Le même jour, il mande à Jean le Maingre, dit Boucicaut, maréchal de France, et à Guichard d’Angle, sénéchal de Saintonge, de délivrer royaument et de fait à son très-cher frère le roi d’Angleterre la possession des ville, château et forteresse de la Rochelle (Bibl. Nat., ms. fr. nº 8354, fº 22; De Camps, XLVI, 593 et 594). Enfin, par acte daté de Westminster le 28 janvier 1361, Édouard III, sur le rapport de Bertrand, seigneur de Monferrand, qu’il avait nommé gouverneur de la Rochelle le 38[*] octobre 1360 (Rymer, III, 548, 549), donne acte au roi de France de la délivrance de la Rochelle à l’Angleterre, qui avait eu lieu le 6 décembre 1360 (Bardonnet, 143 à 154; Rymer, III, 597). Par conséquent, la livraison ou, pour employer l’expression du temps, la délivrance de la Rochelle aux Anglais avait demandé, non pas plus d’un an, comme le dit Froissart avec quelque exagération, mais des démarches et des négociations ininterrompues pendant sept ou huit mois.

[*] Ainsi dans l’original (N. d. t.)

[73] Par acte daté de Westminster le 20 janvier 1361, Édouard III nomme Jean Chandos, chevalier, baron de Saint-Sauveur en Normandie, son lieutenant et capitaine ès parties de France et conservateur spécial de la paix et des trêves ès dites parties. Rymer, III, 555.

CHAPITRE LXXXV

[74] Par acte daté de Calais le 24 octobre 1360, Édouard III chargea Guillaume de Grantson et Nicolas de Tamworth de faire évacuer les forteresses de Champagne, de Brie, des duché et comté de Bourgogne, de l’Orléanais et du Gâtinais; Thomas Fogg et Thomas Caun celles du Perche, du Chartrain et du Drouais (pays de Dreux); le sire de Pommiers, Bérard et Arnaud d’Albret, celles du Berry, du Bourbonnais, de la Touraine et de l’Auvergne; Amauri de Fossat et Hélie de Pommiers, celles du Périgord, du Quercy et de l’Agenais; le captal de Buch, le sire de Monferrand et Thomas de Holland, celles de la Normandie, de l’Anjou et du Maine. Rymer, III, 546 et 547.

[75] Le château de Joinville (Joinville-sur-Marne ou en Vallage, Haute-Marne, arr. Vassy) fut pris par une compagnie d’aventuriers allemands, qui se nommaient les Tard-Venus. Ce château, appartenant à Henri, comte de Vaudémont et sire de Joinville, fut occupé après le traité de Brétigny conclu le 8 mai 1360 («... son chastel de Joinville depuis nostre paiz pris par noz ennemis.» Arch. Nat., JJ91, nº 245), et avant le 24 octobre de la même année, puisque, dans la ratification définitive du traité du 8 mai datée de Calais le 24 octobre 1360, on eut soin de stipuler expressément l’évacuation de Joinville (Rymer, III, 535, 546). Le sire de Joinville s’étant ruiné pour racheter son château, le roi Jean, par acte daté de Saint-Denis le 25 février 1362 (n. st.), lui constitua une rente annuelle et viagère de 2000 livres («ad relevanda gravamina que passus fuit et est in captione et detentione castri et ville suarum de Joinvilla». JJ91, nº 134). Gui, sire de Choiseul, paya aussi une grande somme de florins «pour le rachat de la forteresce de Joingville dont il estoit plesge et pour ce hostage en la ville de Meiz.» JJ91, nº 451. JJ93, nos 9, 239. J1036, nos 22 à 24. Chroniques de Jean le Bel, II, 274.

[76] Voyez notre liste des lieux forts occupés par les Compagnies dans le diocèse de Langres. Histoire de Bertrand du Guesclin, p. 487 et 488.

[77] En 1361, on découvrit que les Compagnies avaient des intelligences en Bourgogne; quatre capitaines de forteresses du duché furent révoqués, et le sire d’Estrabonne arrêté à Chalon (Archiv. dép. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes du duché de Bourgogne, compte de Dimanche Vitel pour 1361; Finot, Recherches sur les Compagnies en Bourgogne, p. 16). Si l’on songe que Charles le Mauvais, roi de Navarre, éleva des prétentions sur le duché de Bourgogne après la mort de Philippe de Rouvre survenue le 21 novembre 1361, on ne doutera pas que les menées de ce prince perfide n’aient contribué particulièrement à attirer sur cette province le fléau des Compagnies, dont le nombre et l’audace redoublèrent lorsque le gendre du roi Jean, sans oser rompre ouvertement avec son beau-père, essaya de lui disputer sous main la succession du duché. On verra, dans une des notes suivantes, que quelques-uns des aventuriers qui infestèrent alors la Bourgogne, étaient d’origine navarraise. Les prétentions de Jean de Bourgogne, dernier descendant mâle de Jean de Chalon l’Antique, sur le comté de Bourgogne, dont Marguerite de France, grand’tante de Philippe de Rouvre et grand’mère de sa veuve, avait été reconnue héritière, en faisant éclater la guerre entre Jean et Marguerite, ces prétentions, dis-je, furent aussi l’une des causes qui mirent, dans le courant de 1362, le comté aussi bien que le duché de Bourgogne à la merci des Compagnies. Finot, Ibid., p. 70, 71.

[78] Aujourd’hui Reulle-Vergy, Côte-d’Or, arr. Dijon, c. Gevrey.

[79] Côte-d’Or, arr. Dijon. Tous les gourmets savent que le clos de Chambertin est situé sur la commune de Gevrey. Les Compagnies occupèrent aussi en 1361 un autre Givrey (auj. Givry-Cortiambles ou Givry-près-l’Orbize, Saône-et-Loire, arr. Chalon-sur-Saône), car le bailli de Chalon envoya, de Noël 1360 au 15 janvier 1361, à Robert de Marnay, châtelain de Montaigu (château de Chauffailles, Saône-et-Loire, arr. Charolles), des hommes d’armes qui gardèrent le dit château depuis le 2 février jusqu’au mois d’août 1361 contre les gens des Compagnies qui étaient à Couches (auj. Couches-les-Mines, Saône-et-Loire, arr. Autun) et à Givry (Archives de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes de Bourgogne, B5251. Inventaire, ii, 237). Voyez notre liste des lieux forts occupés par les Compagnies en Bourgogne (Hist. de du Guesclin, p. 471, 497, 498, 507 à 509). Les trois volumes de l’inventaire des archives de la Côte-d’Or permettraient d’ajouter à cette liste près de cinquante forteresses.

[80] Seguin de Badefol était l’un des quatre fils légitimes de Seguin de Gontaut, sire de Badefols (auj. Badefols-de-Cadouin, Dordogne, arr. Bergerac, c. Cadouin). Marié le 15 juin 1329 à Marguerite de Berail, Seguin de Gontaut, père de Seguin de Badefol, eut trois autres fils, Jean, Pierre et Gaston, une fille, Dauphine mariée à Pierre de Cugnac, et cinq enfants naturels, dont deux fils et trois filles; dans son testament daté du 23 août 1371, il ne nomme point Seguin qui était mort empoisonné à la fin de 1365 et élit sa sépulture dans l’abbaye de Cadouin.

[81] Ce chef de Compagnie est appelé Taillevardon dans une lettre de rémission accordée le 10 juin 1379 à Guillemin Martin de «Cromeneau», au bailliage de Mâcon, qui avait quitté son pays natal «pour cause des gens de l’Archeprestre, de feu Guiot du Pin et de feu Taillevardon et de plusieurs autres gens d’armes qui lors (en 1362) gastoient et pilloient tout le pays...» Arch. Nat., JJ115, nº 70.—En 1363, un écuyer de Philippe le Hardi, lieutenant du roi son père dans le duché de Bourgogne, s’appelait Arnaud de Talbardon. (Arch. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes, série B, liasse 371; Invent., I, 40.) D’après Paradin, le roi Jean fit pendre en 1362, à Trichastel, Tallebardon, Guillaume Pot et Jean de Chauffour; mais cet érudit est dans l’erreur au moins en ce qui concerne ces deux derniers routiers. Pot vivait encore en 1367 et Jean de Chauffour fut décapité à Langres vers le milieu de 1364.

[82] Par acte daté de Paris en avril 1364, Charles V accorda des lettres de rémission à Jean Bruffaut, écuyer, né à la Vouzailles, en la sénéchaussée d’Anjou, à quatre lieues de Poitiers (Vienne, arr. Poitiers, c. Mirebeau), «comme à ceste Penthecouste prochain venant aura deux ans ou environ (5 juin 1362), il se fust parti de son pais et accompaignez avec Guyot du Pyn, nez de nostre royaume et lequel estoit ou au moins apparoit estre pour lors bon et loyal françois, et s’en feussent alez en lointains et estranges pays et par especial ès parties de Bourgoingne, pour nous servir et eulx adventurer bonnement et loyalement, sanz ce que le dit Jehan y pensast à nul mauvaiz, malice ou fraude, mais supposoit et tenoit estre le dit Guiot bon et loyal françois. Et, après certain temps, ycellui Guyot, le dit Jehan encore estant en sa compaignie, se mist et accompaigna avec certains Anglois et autres ennemiz et rebelles de nostre royaume et de nous.» Arch. Nat., JJ94, nº 46.—Dans une autre lettre de rémission en date du 10 juin 1379, on lit que «bien a quinze ans ou environ (en 1363), feu Guyot du Pin et plusieurs autres pillars de sa suite et compaignie estoient sur le pays et y tenoient et occupoient le fort de Mannay (auj. Manlay, Côte-d’Or, arr. Beaune, c. Liernais), prenoient et raençonnoient hommes et femmes...» JJ115, nº 70.

[83] Espiote, dont le nom s’écrit aussi Lespiote, était cantonné près de Chalon lorsque, le 20 novembre 1365, on lui apporta, ainsi qu’à une dizaine d’autres chefs de Compagnies, «lettres de par messire du Guesclin que tantos ils se departissent du duché et s’en allassent après li.» (Arch. de la Côte-d’Or, compte de Dimanche Vittel en 1365). Un messager qui portait une lettre des officiers du duc de Bourgogne à du Guesclin n’en fut pas moins dépouillé au delà de Dijon par la route d’Espiote. Finot, Recherches, p. 99.

[84] Le Petit Meschin, d’origine gasconne, avait été dans sa jeunesse varlet d’homme d’armes, comme un autre chef de bande, Limousin. Il fut fait prisonnier par le bailli Huart de Raicheval, en 1368, devant Orgelet (Jura, arr. Lons-le-Saulnier). Finot, Recherches, p. 106. Le 11 mai 1369, Louis, duc d’Anjou, fit noyer dans la Garonne, à Toulouse, le Petit Meschin, ainsi que Perrin de Savoie. Thalamus parvus, p. 384.

[85] D’après une interpolation du copiste d’un manuscrit de Froissart, manuscrit conservé aujourd’hui à la Bibliothèque de Leyde (ms. A 15 de notre classification), Bataillé était d’origine bretonne.

[86] Sur ce Frank Hennequin, pauvre garçon d’Allemagne, voyez notre sommaire du t. V, p. 53 et 54. D’après un témoin dans l’enquête pour la canonisation de Charles de Blois, ce Frank Hennequin tenait au mois de mai 1369 garnison pour Jean de Montfort à Carhaix, et saint Charles l’aurait frappé, puis guéri à Guingamp d’une paralysie générale. Frank Hennequin, en reconnaissance de ce miracle, aurait fait nu-pieds un pèlerinage à l’église des Frères Mineurs de Guingamp, «provoquant en duel quiconque nierait désormais la sainteté de Charles de Blois.» Bibl. Nat., ms. lat., nº 5381, t. II, fos 216 et 217.

[87] Le bour ou bâtard Camus, Navarrais ou Gascon d’origine, comme l’indique ce sobriquet de bour, passa en Italie après la bataille de Brignais avec Ilawkood, Creswey, Briquet (Froissart de Buchon, II, 407) et fut pris après décembre 1367 dans le château de Beauvoir (Nièvre, com. de Saint-Germain-Chassenay, arr. Nevers, c. Decize) par les gens du duc de Bourbon. C’est lui qui faisait jeter dans une fosse pleine de feu les prisonniers qui ne se voulaient ou ne se pouvaient racheter. Chronique de Louis de Bourbon, éd. de M. Chazaud, p. 16 à 20. Archives départementales de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes de Dijon, reg. B4406, 5498; Invent., II, 112, 273.

[88] Cet aventurier gascon était un bâtard de la puissante maison de Lesparre (Gironde).

[89] Le bour de Breteuil accompagna aussi Hawkood et Creswey en Italie (Froissart de Buchon, II, 407).

[90] En janvier 1365, Charles V accorda des lettres de rémission à Naudon de Bageran, «né du pays de Gascoingne, capitaine de Compagnies.» JJ98, nº 720, fº 213.—En novembre et décembre 1367, le gouverneur de Nivernais fit payer la solde des gens d’armes opposés à messire Bernard de Lobrac, à Naudon de Baugerant, au bour Camus et à leurs gens «pleins de male volenté, lesquelz ennemis s’efforçoient de prendre villes et forteresses et demeurant sur le pays en novembre et decembre 1367.» Arch. départ. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes, B5498; Invent., II, 273; Finot, Recherches, 105.—Naudon de Bageran, qui fut plus tard capitaine pour les Anglais du château de Segur en Limousin (Corrèze, arr. Brive, c. Lubersac), est mentionné comme mort en 1394. Arch. Nat., JJ146, nº 189.

[91] Lami, routier breton, était capitaine de Longwy en 1365. Finot, p. 99.

[92] Cet aventurier appartenait-il à la famille de Bourdeilles (Dordogne, arr. Périgueux, c. Brantôme)?

[93] Bernard de la Salle, qui, le lundi 18 novembre 1359, étant au service du captal de Buch, escalada le château de Clermont avec des grappins d’acier, se mit à piller la Bourgogne après le traité de Brétigny. Il était encore dans cette province en 1368 avec Bérard d’Albret, Gaillard de la Motte, Bernard d’Eauze, le bour de Badefol. Arch. de la Côte-d’Or, B9292; Invent., III, 398.

[94] Robert Briquet, après la bataille de Brignais, alla en Italie avec Creswey; il revint avec ce dernier ravager l’Anjou, vers 1367 «au temps que les gens de Compaignie, desquelles l’en disoit souverain capitaine un Anglois appelé Briquet, couroient par le pais d’Anjou ou environ.» Jean d’Andigné, capitaine du château de la Roche d’Iré (château de Loiré, Maine-et-Loire, arr. Segré, c. Candé), fit alors la guerre à ce Robert Briquet. JJ104, nº 164.

[95] Sur Jean Creswey, voyez notre Histoire de du Guesclin, p. 362.

[96] Le prénom et le nom de cet aventurier indiquent clairement son origine gasconne. Il y a un Ortigues qui est aujourd’hui hameau de la commune de Cézac, Gironde, arr. Blaye, c. Saint-Savin.

[97] D’après le témoignage d’Espaing de Léon, rapporté par Froissart (Chron., éd. de Buchon, II, 383), Garciot del ou du Castel était originaire de la région des Pyrénées, comme l’indique du reste son prénom de Garciot, diminutif de Garcia. Lorsque les chefs des Compagnies qui ravageaient les trois sénéchaussées de Toulouse, de Carcassonne et de Nîmes conclurent avec Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France, et Henri, comte de Trastamare, le 23 juillet 1362, à Clermont en Auvergne, un traité qui fut confirmé à Paris le 13 août suivant, traité par lequel ces aventuriers s’engageaient à évacuer le royaume moyennant la somme de 100 000 florins, c’est entre les mains de Garciot du Castel que cet argent fut versé en décembre 1362 et en janvier 1363. «Item, solvit dictus Stephanus de Montemejano domino Gassiono de Castello, capitaneo unius ex societatibus, pro complemento de Cm florenis dictis societatibus promissis ut a regno exirent, de quibus per Bernardum Francisci, receptorem Nemausi, traditi et persoluti fuerunt IIIIxx Xm floreni, qui Xm floreni restantes, eidem domino Gassiono soluti, mandato dicti domini d’Audenehan, valent VIIIm franci. Item, solvit dictus Stephanus predicto domino Gassiono, pro dono sibi facto per dictum dominum d’Audenehan in recompensacione expensarum per eum factarum cum domino Garssia de Nassi, militi, eundo Parisius versus regem et alias diversas partes, pro tractatu habendo cum dictis capitaneis societatum ut exirent regnum: M floreni = VIIIc franci.» Bibl. Nat., ms. lat., nº 5957, fº 14 vº.—Garciot ou Garcion du Castel était au service de Jean, comte d’Armagnac, lorsqu’il fut fait prisonnier par le comte de Foix à la bataille de Launac (Haute-Garonne, arr. Toulouse, c. Grenade-sur-Garonne), livrée le lundi 5 décembre 1362. Vaissète, Hist. du Languedoc, IV, 321.

[98] Cet aventurier était, comme son nom l’indique, originaire de Pau en Béarn. Pau n’était encore à cette époque qu’un simple village de la rive droite du Gave, qui servait de station aux bergers de la vallée d’Ossau lorsqu’ils allaient hiverner leurs troupeaux dans les landes immenses du Pont-Long. Le 11 mai 1369, Louis, duc d’Anjou, fit décapiter et écarteler Amanieu de l’Artigue (ou d’Ortigue), Noli Pavalhon et Boulhomet (peut-être faut-il lire: Guyonnet) de Pau, qui avaient conspiré avec le Petit Meschin et Perrin de Savoie, pour livrer le duc leur maître aux Anglais. Thalamus parvus, p. 384.

[99] Jacques de Bourbon, I du nom, comte de la Marche, comte de Pontieu avant la cession de ce comté au roi d’Angleterre par le traité de Brétigny, 3me fils de Louis I, duc de Bourbon, et de Marie de Hainaut, oncle de Louis II, duc de Bourbon, marié à Jeanne de Châtillon-Saint-Pol. Anselme, Hist. généal., I, 318.

[100] Ce fut Jean le Maingre, dit Boucicaut, et non Jacques de Bourbon, qui fit cette remise à Jean Chandos (Bardonnet, Procès-verbal de délivrance, p. 105 à 110). Seulement, le roi Jean put charger son cousin le comte de la Marche, comme le raconte Froissart, d’une mission officieuse auprès des grands seigneurs du parti français, qui firent des difficultés pour se soumettre au traité de Brétigny, tels que les comtes de Périgord et d’Armagnac.

[101] Jeanne de Bourbon, l’aînée des filles de Louis I, duc de Bourbon, et de Marie de Hainaut, mariée à Avignon le 14 février 1318 à Guigue, VII du nom, comte de Forez, mort en 1360.

[102] Renaud de Forez, second fils de Jean I, comte de Forez, frère de Guigue VII, comte de Forez, fut fait prisonnier à Brignais. Anselme, Hist. généal., VI, 730.

[103] Froissart dit que «le jeune duc» envoya vers Jacques de Bourbon les chevaliers et écuyers, tant du duché que du comté de Bourgogne. Notre chroniqueur commet ainsi un anachronisme. Ces expressions de jeune duc ne peuvent s’appliquer qu’à Philippe de Rouvre, qui mourut le 21 novembre 1361, plus de cinq mois avant la bataille de Brignais.

[104] Louis, fils de Guigue VII et de Jeanne de Bourbon, avait succédé en 1360, comme comte de Forez, à son père. D’après Froissart, il était encore en 1362 sous la tutelle de Renaud de Forez, son oncle paternel; il était né à Saint-Galmier en 1338.

[105] Jean de Forez, second fils de Guigue VII et de Jeanne de Bourbon, sœur de Jacques de Bourbon.

[106] Au moyen âge, les foires froides (d’hiver) et chaudes (d’été) de Chalon étaient le centre d’un négoce immense. Les marchands du midi et du nord de l’Europe s’y donnaient rendez-vous. Les produits de l’Italie et du Levant remontaient la Saône jusqu’à Chalon et jusqu’à Saint-Jean-de-Losne; et ces deux villes, aujourd’hui si déchues, possédaient alors des entrepôts considérables où on déposait les marchandises. Saint-Jean-de-Losne était le principal péage où l’on percevait des droits de transit sur les marchandises exportées du royaume en l’Empire ou importées du comté de Bourgogne ou de l’Empire dans le duché de Bourgogne ou dans le royaume de France. L’entrepôt de cette ville s’appelait la Maison des Balles, à cause des balles de laines ou d’autres denrées qu’y déposaient les marchands (Archives de la Côte-d’Or, B3455). Ces richesses, on le comprend, étaient de nature à éveiller la convoitise des chefs des Compagnies. Voilà pourquoi ces pillards, après avoir tenté vainement, à la fin de 1361 et dans les deux premiers mois de 1362, de surprendre Chalon pendant les foires (Arch. de la Côte-d’Or, B3561), s’emparèrent de Saint-Jean-de-Losne ou du moins détruisirent les moulins de cette ville et pillèrent le grand magasin d’entrepôt appelé Maison des Balles (Ibid., B3440 et 3434). Maîtres des passages de la Loire, ils pillent et tuent «les marchans venans ès foires de Chalon.» (Ibid., B3564). On est obligé de faire garder par des hommes d’armes «les frontières de Chalon pendant les foires» (Ibid., B3561); et l’on fait placer une cloche au-dessus de la tour neuve du château de cette ville, «pour esveiller les guettes.» (Ibid., B3566).

[107] La ville de Tournus (Saône-et-Loire, arr. Mâcon) est située au nord de Mâcon et au sud de Chalon, sur la rive droite de la Saône. Grâce à l’occupation simultanée de Saint-Jean-de-Losne et de Tournus, les Compagnies commandaient le cours de la Saône en amont et en aval de Chalon.

[108] Les Anglo-Gascons avaient fait irruption en Beaujolais dès le mois de juin 1360 (Archives de la Côte-d’Or, B8074).

[109] Loire, arr. Roanne, sur la rive droite de la Loire. Charlieu, comme le dit Froissart, dépendait alors du comté de Mâcon, et ressortait au bailliage de cette ville. Si les Compagnies échouèrent devant Charlieu, elles s’emparèrent de Marcigny (Saône-et-Loire, arr. Charolles), surnommé alors les Nonnains, à cause d’un prieuré de filles de l’ordre de Saint-Benoît, dont plusieurs actes établissent l’occupation par les routiers à cette date (JJ108, nº 370; JJ114, nº 180). Marcigny est situé sur la rive droite de la Loire, et les Compagnies purent traverser le fleuve en cet endroit pour se rendre du Charollais dans le Forez.

[110] Rhône, arr. Lyon, c. Saint-Genis-Laval, à 13 kil. au sud-ouest de Lyon. Ce bourg, arrosé par le Garon, petite rivière qui se jette dans le Rhône à Givors, est traversé par la route de Lyon à Saint-Étienne. Au quatorzième siècle, il y avait à Brignais un château fort, muni de fossés et d’une enceinte, et, d’après M. Allut (les Routiers et la bataille de Brignais, Lyon, Louis Perrin, 1859, p. 23), quelques pans de mur de la première enceinte subsistent encore. Par une bulle datée de Lyon le 13 avril 1251 (Arch. du Rhône, fonds de la seigneurie de Brignais, nº 2), Innocent IV avait donné la seigneurie de Brignais au chapitre de Saint-Just de Lyon. Par conséquent, quand Froissart dit que les Compagnies prirent le château de Brignais et le seigneur et sa femme dedans, notre chroniqueur se trompe, ou il veut désigner le châtelain qui gardait ce château pour le chapitre de Saint-Just.

[111] Le principal organisateur de l’armée vaincue à Brignais par les Compagnies ne fut pas Jacques de Bourbon, mais Jean de Melun, comte de Tancarville, que le roi Jean, par acte daté de Beaune le 25 janvier 1362 (n. st.), avait établi son lieutenant en tout son duché de Bourgogne, en tout le bailliage de Mâcon et de Lyonnais, dans les comtés de Forez et de Nevers, dans les baronnies de Beaujeu et de Donzy, dans les duchés de Berry et d’Auvergne, dans tout le comté de Champagne et de Brie, enfin dans tous les bailliages de Sens et de Saint-Pierre-le-Moutier, en le chargeant spécialement «de faire host et chevauchées encontre les Compaingnes et autres noz ennemis qui s’efforceront de meffaire en nostre dit royaume.» Arch. Nat., JJ93, nº 301.—Jean de Melun, comte de Tancarville, était à Dijon en février 1362 (JJ93, nº 301), à Beaune en mars (JJ93, nº 36), à Autun aussi en mars, où il convoqua le ban et l’arrière-ban du duché, tandis que les abbés et prieurs furent sommés de fournir selon l’usage les charrois, sommiers et contributions (Dom Plancher, Hist. de Bourgogne, II, 245).

[112] Ces collines sont probablement celles des Barolles, situées à peu près à égale distance de Saint-Genis et de Brignais, à droite du chemin par où l’on va de la première de ces localités à la seconde.

[113] D’après l’historiographe Sauvage (Chronique de Froissart, Lyon, 1559, 4 vol. in-fol., note 88), ce mamelon est le lieu dit encore aujourd’hui le bois Goyet, où cet érudit, dans une excursion faite à Brignais le 27 juillet 1558, constata des tranchées de trois pieds de profondeur et de cinq à six pieds de largeur, «parmi monceaux de caillous au dedans du fort.» Le plan incliné des collines des Barolles se prolongeait autrefois jusqu’au pied de ce mamelon dont il n’était séparé que par l’ancienne route de Saint-Genis à Brignais. Quoi qu’il en soit, c’est sur les dépendances d’une petite ferme nommée les Saignes, située entre le pied de la colline des Barolles et le bourg de Brignais, à droite du chemin qui va de Saint-Genis à ce bourg, que l’on a trouvé autrefois, en labourant, des fers de lance et des débris d’armures. Allut, les Routiers, p. 228.

[114] Le P. Menestrier prétend que les deux mille charrettées de pierres dont parle Froissart provenaient de l’aqueduc de Brignais (restes d’un aqueduc romain destiné à amener du Mont-Pila à Lyon les eaux du Gier); les gens des Compagnies auraient ruiné cet aqueduc pour avoir de quoi lapider les hommes d’armes du comte de Tancarville. Il faut plutôt, à l’exemple de M. Allut, attribuer la présence de ces amas de cailloux à la nature pierreuse du terrain des Barolles, où les travaux de la culture ont nécessité de tout temps l’extraction de ces cailloux. Les paysans en font encore aujourd’hui, lorsqu’ils défrichent leurs terres, des tas considérables qu’ils appellent chirats (Les Routiers, p. 212).

[115] D’après Mathieu Villani, et un chroniqueur de Montpellier contemporain de la bataille, dont la version est plus vraisemblable que celle de Froissart, les gens des Compagnies attaquèrent les premiers et surprirent les Français, selon le chroniqueur florentin, plusieurs heures avant le jour, selon l’annaliste roman, à l’heure de none (3 heures du soir). Les routiers qui venaient de rendre, le 25 mars précédent, le château de Saugues (Haute-Loire, arr. le Puy) à Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France, lieutenant du roi en Languedoc, avaient fait leur jonction avec ceux de Brignais pour écraser les hommes d’armes du comte de Tancarville et de Jacques de Bourbon.

[116] Arnaud de Cervolle ou de Servolle, surnommé l’Archiprêtre de Vélines, fut fait prisonnier par un Périgourdin son compatriote, le bour ou le bâtard de Monsac (Dordogne, arr. Bergerac, c. Beaumont). Le roi Jean paya une grande partie, sinon la totalité de la rançon de cet habile spéculateur en aventures guerrières: «Domino Arnaldo de Servola, militi, dicto l’Arceprestre, pro denariis mandato domini nostri regis et Petri Scatisse, thesaurarii Francie, traditis domino d’Audeneham, marescallo Francie, tanquam fidejussori suo erga spurium de Monsaco, cujus spurii idem dominus Arnaudus fuit prisonarius..., pro financia ipsius domini Amaudi: Vm floreni valentes IIIIm franci.» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5957, fº 15 (fin de 1362).—Par acte daté de Royalieu près Compiègne en juin 1362, le roi Jean se reconnut redevable de 35 000 florins envers l’avide partisan qui en réclamait 100 000 et lui donna en gage son château de Cuisery en la comté de Bourgogne (Saône-et-Loire, arr. Louhans). Arch. Nat., JJ91, nº 447.

[117] Froissart oublie de mentionner Jean de Melun, comte de Tancarville, Jean, comte de Saarbruck (Grandes Chroniques, VI, 226), qui furent aussi faits prisonniers à Brignais, ainsi que Guillaume de Melun, chevalier, chambellan du duc de Normandie, à qui ledit duc, par acte daté de Conflans le 8 mai 1362, donna 1000 francs d’or «pour paier sa rançon aus ennemis desquelz il a esté pris en la besongne qui derrain a esté vers Lion sur le Rosne.» JJ92, nº 87.—Jean de Melun, comte de Tancarville, lieutenant du roi en Bourgogne, avait payé sa rançon ou avait été mis en liberté sous caution peu de jours après la bataille; car, par acte daté de Lyon sur le Rhône en avril 1362, il accorda des lettres de rémission à un certain Jean Doublet, «comme il avoit esté avecques les Grans Compaingnes en la bataille devant Brinays en laquelle il prist nostre très chier et bon ami messire Gerart de Toury (maréchal du duché de Bourgogne), par l’induccion duquel il est retournez à l’obeissance du roi nostre sire, et ledit messire Gerart a delivré à plein de sa prison sans raençon et s’est departis des dites Compaingnes...» JJ93, nº 34.

[118] Robert et Louis de Beaujeu étaient les fils de Guichard, seigneur de Beaujeu, et de sa troisième femme, Jeanne de Châteauvillain (Anselme, VI, 732 et 733). D’après la chronique romane de Montpellier, le jeune seigneur de Beaujeu, Antoine, né le 12 août 1343, et fils d’Edouard, sire de Beaujeu, tué au combat d’Ardres en 1351, assistait aussi à la bataille de Brignais, non, comme le dit cette chronique, avec ses frères, mais avec ses deux oncles, frères consanguins de son père, Louis et Robert.

[119] D’après le dernier historien des seigneurs de Noyers (Petit, Monographie des sires de Noyers, Auxerre, 1874, in-8), Jean de Noyers, comte de Joigny, aurait été tué aussi à la bataille de Brignais. Le rédacteur des Grandes Chroniques et le père Anselme auraient confondu, selon M. Petit, Jean de Noyers, comte de Joigny, avec son neveu Miles de Noyers IX, ou, d’après cet érudit, XII du nom, fait prisonnier à Poitiers en 1356, à Brion en 1359, et mort dans son lit en 1369.

[120] Voici le texte de l’inscription gravée sur la pierre sépulcrale de ces deux princes. Ce marbre, autrefois placé dans l’église des Dominicains de Confort à Lyon, a été découvert en 1856 dans la cuisine d’un maçon, et on le conserve aujourd’hui dans le musée lapidaire de cette ville: «Cy gist messire Jacques de Bourbon, conte de la Marche, qui morut à Lyon à la bataille de Brignecz, qui fut l’an mil CCCLXXII (pour 1362), le mercredy devant les Rameaulx.—Iten (sic), cy gist messire Pierre de Bourbon, conte de la Marche, son filz, qui morut à Lyon de cette mesme bataille l’an dessus dict. Priés pour eulz.» Dans cette inscription refaite en 1472, selon la conjecture ingénieuse et vraisemblable de M. Allut, le graveur a mis par mégarde 1372 au lieu de 1362. Les Routiers, p. 231 à 249.

[121] Les deux dates données par Froissart sont fausses. La bataille de Brignais se livra le mercredi avant les Rameaux, 6 avril 1362. Le rédacteur des Grandes Chroniques (VI, 225) et l’annaliste roman du Thalamus parvus (p. 360) sont d’accord sur ce point avec l’inscription gravée sur la pierre tombale des deux princes; et l’on a peine à comprendre que dom Vaissète, si exact d’ordinaire, ait rapporté cet événement à l’année 1361 (Hist. du Languedoc, IV, 312). L’erreur des Bénédictins a entraîné celle de presque tous les historiens modernes.

[122] Les Compagnies avaient envahi le Forez dès le mois de janvier 1362, car vers la fête de l’Épiphanie ou 6 janvier de cette année, la bande du Petit Meschin occupa le prieuré d’Estivareilles (Loire, arr. Montbrison, c. Saint-Bonnet-le-Château), à une lieue de Viverols (Puy-de-Dôme, arr. Ambert), dans la haute, moyenne et basse justice de Henri de Rochebaron, chevalier, seigneur de Montarcher (Loire, arr. Montbrison, c. Saint-Jean-Soleymieux): «Circa festum Epiphanie ultimo preteritum (6 janvier 1362), alii nostri inimici vel rebelles ac aliqui de Societate Parvi Mesquini, depredatores et regni nostri malivoli nostrorumque subjectorum oppressores, dictum prioratum occupaverunt et aliquandiu tenuerunt.» Arch. Nat., JJ91, nº 313.

[123] Anse (Rhône, arr. Villefranche-sur-Saône) n’est pas à une lieue, comme le dit Froissart, mais à 22 kil. en amont de Lyon, sur la rive droite de la Saône. La seigneurie et le château d’Anse, dont il reste d’imposants débris, appartenaient aux chanoines du chapitre cathédral de Saint-Jean, comtes de Lyon. D’après Froissart, Seguin de Badefol se serait emparé d’Anse presque immédiatement après la bataille de Brignais. Ce routier prend, en effet, le titre de capitaine d’Anse dans une pièce en date du 12 mai 1362, qui faisait partie au dernier siècle des archives du comte de Gontaut-Saint-Geniès et dont dom Villevieille (Bibl. nat., Trésor généalogique, au mot Badefol) a donné l’analyse. Mais personne n’ignore que la compilation du savant religieux, si précieuse du reste, fourmille d’erreurs; et d’autre part, le rédacteur de la chronique romane du Thalamus parvus, l’un des chronologistes les plus exacts du quatorzième siècle, dit que Seguin de Badefol s’empara d’Anse vers la fin de novembre 1364: «Item, entorn la fin de novembre (1364), Seguin de Badafol pres per escalament, egal mattinas, lo luoc d’Aussa (lisez: Anssa) prop Lyon en Bergonha, local tenc long temps, entro a XIII de setembre l’an LXV que ne yssi am finanssa de XLVm floris.» Thalamus parvus, p. 367.—Par lettres datées de Mâcon le 6 novembre 1364, Jean de Salornay, chantre et capitaine de cette ville, manda à Jacques de Vienne, sire de Longwy (Jura, arr. Dôle, c. Chemin), capitaine général pour le roi en Bourgogne et Mâconnais, que messire Seguin de Badefol était venu à grande force et s’était emparé nuitamment de la ville d’Anse, le priant de pourvoir à la sûreté du pays (Arch. de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes de Bourgogne). A la fin de ce mois, Seguin menaça Lyon du côté de la porte de la Lanterne (Ibid., B 8550; Invent., III, 269); et Janiard Provana, bailli de Valbonne et châtelain de Montluel (Ain. arr. Trévoux) pour le comte de Savoie, dut garder la rive gauche de la Saône à la tête de 33 cavaliers armés (Ibid., B 8551; Invent., III, 269). En juin 1365, Seguin faisait encore épier les villes de Bresse (Ibid., B 7590; Invent., III, 142), et quelques-uns de ses bandits furent pendus à Pont-de-Veyle par le «carnassier» ou bourreau de Mâcon (Ibid., B 9291; Invent., III, 397). Cf. Arch. Nat., JJ97, nos 70, 203, 387; JJ111, nº 290; JJ112, nº 198.

[124] Le 24 août 1362, fête de Saint-Barthélemy, à neuf heures du matin, le gascon Espiote, en compagnie de deux autres chefs de Compagnies, l’allemand Jean Hanezorgues et le gascon P. de Montaut, passa à Saint-Martin-de-Prunet, près de Montpellier. Ces Compagnies allèrent se loger à Mireval, à Vic, à la Veyrune et à Pignan (Hérault, arr. Montpellier, c. de Frontignan et de Montpellier); et, la nuit suivante, elles mirent le feu aux palissades qui entouraient Pignan, Mireval et Vic. Thalamus parvus, p. 361.

[125] Après la bataille de Brignais, le bour de Breteuil ou de Bretalh, à la tête d’environ douze cents combattants, alla ravager l’Auvergne, où, le 3 juin 1362, il fut taillé en pièces devant Montpensier (Puy-de-Dôme, arr. Riom, c. Aigueperse) par quatre cents Espagnols et Castillans, sous les ordres de Henri, comte de Trastamare. C’est à la suite de cette défaite que quelques-uns des principaux chefs des Compagnies s’engagèrent à évacuer le royaume en vertu du traité, conclu à Clermont en Auvergne le 23 juillet suivant, dont il a été question plus haut (p. XXIII, note 97) et dont le texte a été publié plusieurs fois, notamment par Hay du Chastelet (Hist. de du Guesclin, p. 313 à 315). Le 24 août 1362, à trois heures du soir, le bâtard de Bretalh et Bertuquin, capitaines de Compagnies, arrivèrent à Montpellier, se logèrent aux Frères Mineurs, et le lendemain matin se mirent en route pour la sénéchaussée de Carcassonne. Du 25 au 31 août, le Navarrais Garciot du Castel, l’Anglais Jean Aymeri et le Petit Meschin passèrent aussi devant Montpellier. Thalamus parvus, p. 361.

[126] Gard, arr. Uzès, sur la rive droite du Rhône, à 30 kil. en amont d’Avignon. Le Pont-Saint-Esprit fut pris par les Compagnies, non, comme le dit Froissart, après Brignais, c’est-à-dire en 1362, mais dans la nuit du dimanche 27 au lundi 28 décembre 1360, «aquel an meteys an LX, la nuog dels Innocens, fo pres lo luoc de Sant Esprit sus lo Roze per une companha d’Anglezes et de fals Franceses...» Thalamus parvus, p. 357.—Notre chroniqueur a raison de dire que les Compagnies, qui infestaient à la fin de 1360 la sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes, s’emparèrent par surprise du Pont-Saint-Esprit, afin de faire main basse sur un «grant tresor» qu’elles y croyaient déposé. Ce grand trésor, c’était le premier versement fait par les contribuables des trois sénéchaussées de Toulouse, de Carcassonne et de Nîmes sur l’aide levée pour la rançon du roi Jean. Mais ce que Froissart semble avoir ignoré, c’est que les Compagnies, malgré l’habileté avec laquelle elles avaient organisé l’espionnage, firent leur coup de main un ou deux jours trop tôt. Les deux commis, chargés par le trésorier de France à Nîmes, d’aller au Pont-Saint-Esprit remettre le montant de ce versement entre les mains de Jean Souvain, cher, alors sénéchal de Beaucaire, qui devait le porter au roi à Paris sous bonne escorte, ces deux commis, dis-je, nommés maître Jean de Lunel et Jean Gilles, n’arrivèrent à Avignon avec les besaces de cuir contenant le produit de l’aide que le 26 décembre. Dès le surlendemain, à la nouvelle que le Pont-Saint-Esprit venait d’être pris par les Compagnies, et que Jean Souvain avait fait une chute mortelle en voulant repousser leur assaut, Jean de Lunel et Jean Gilles n’eurent rien de plus pressé que de rebrousser chemin et de retourner à Nîmes avec leur argent. «Pro expensis factis per magistrum Johannem de Lunello qui una cum Johanne Egidii portaverunt (sic) apud Avinionem XXVIe die decembris CCCLX, de mandato dicti domini thesaurarii Francie, in besaciis corii, Vm IIc mutones, IIm Vc regales veteres, IIm et C scuta vetera et M IIIIc regales novos, pro ipsis abinde portandis Parisius dicto domino regi per dominum Johannem Silvani, militem, tunc senescallum Bellicadri, tunc accedere Parisius debentem pro conducenda moneta redempcionis regis que tunc portabatur per communitates senescalliarum Tholose et Carcassonne. Et cum fuit (Johannes Silvani) in loco Sancti Spiritus, in crastinum locus in quo dictus senescallus erat, pro arripiendo iter suum, fuit ab Anglicis inimicis regni occupatus. Et opportuit ibi ipsos cum dicta moneta remanere cum dicto thesaurario Francie et domino Rothomagensi cardinali, per tres dies, donec fuit deliberatum quod custodiretur donec itinera essent magis secura. Et reversi fuerunt apud Nemausum cum dicta moneta usque ad mensem marcii quo fuit missa per personas inferius declaratas dicto domino regi. In quo viagio fuerunt per quinque dies cum tribus equitaturis et expendiderunt IX francos III grossos.» (Bibl. Nat., fonds latin, nº 5957, fº 25 vº). Cf. Grandes Chroniques, VI, 223; Chronique de Jean le Bel, II, 274 à 277; Histoire de Nismes, par Léon Mesnard, II, 220 à 225. Arch. Nat., JJ92, nº 80.

[127] Dès le 8 janvier 1361, Innocent VI écrit à Louis, évêque élu de Valence, de continuer à l’avertir des agissements de la Grande Compagnie (Martène, Thes. Anecdot., II, 846); le 9, il mande auprès de lui don Juan Fernandez de Heredia, châtelain d’Amposta et prieur de Saint-Gilles (Ibid., 847 et 848); le 10, il écrit au gouverneur du Dauphiné et à Philippe de Rouvre, duc de Bourgogne, pour les prier d’empêcher les gens des Compagnies de traverser leurs terres et les prévenir de la croisade prêchée contre ces brigands (Ibid., 848, 849) que le pape a sommés en vain d’évacuer le Pont-Saint-Esprit «castrum Sancti Spiritus, Uticensis diocesis»; le 17, il s’adresse pour la même fin au roi de France, au duc de Normandie, au duc de Touraine (Ibid., 851, 852, 854, 855); le 18, à Jean, comte d’Armagnac, et à Gaston, comte de Foix (Ibid., 857); le 23, à l’empereur Charles IV, roi de Bohême (Ibid., 859 à 861), et à Rodolphe, duc d’Autriche (Ibid., 862 à 864); le 26, à Robert, sire de Fiennes, connétable de France, que le roi Jean vient d’envoyer avec Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France, contre les Compagnies (Ibid., 867); à Pierre, roi d’Aragon (Ibid., 868, 869), et à Amédée, comte de Savoie (Ibid., 864, 865). Enfin, le 28 janvier 1361, Innocent VI charge Pierre Sicard, chanoine de Narbonne, de diriger la construction d’une enceinte de remparts dont il veut entourer sa cité d’Avignon «super constructione mœniorum seu murorum clausuræ civitatis nostræ Avinionensis.» Thes. Anecdot., II, 869.—Cette enceinte, commencée en 1361 par ordre d’Innocent VI, et terminée sous le pontificat d’Urbain V, successeur d’Innocent, est celle qui subsiste encore aujourd’hui, du moins en partie.

[128] Dans le courant du mois de février 1361, Innocent VI écrit à Louis, évêque élu de Valence, à Amédée, comte de Savoie, à l’archevêque de Lyon, à celui de Vienne, à l’évêque de Viviers, à Adhémar, comte de Valentinois, pour les prier de s’opposer au passage des brigands qui, «de diversis regni Franciæ partibus», s’avancent et viennent rejoindre ceux qui se sont établis au Pont-Saint-Esprit. Martène, Thes. Anecdot., II, 872 à 874.

[129] Ce cardinal est le fameux Pierre Bertrandi, cardinal évêque d’Ostie. Froissart l’appelle sans doute Pierre du Moustier ou du Monestier (Ardèche, arr. Tournon, c. Annonay), parce qu’il était seigneur de cette localité ainsi que de Colombier, qui s’est appelé depuis lors, en souvenir de ce prélat illustre, Colombier-le-Cardinal (Ardèche, arr. Tournon, c. Serrières). JJ81, nº 815. Cf. l’abbé de Sade, Mémoires sur Pétrarque, III, 564 et 565.

[130] Innocent VI entra en négociations avec les brigands du Pont-Saint-Esprit dès la première quinzaine de février. Le 13 de ce mois, il députa Juan Fernandez de Heredia, châtelain d’Amposta, prieur de Saint-Gilles de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, le dominicain Eumène Begamon, son pénitencier, et Étienne de la Tuile, de l’ordre des Frères Mineurs, bachelier en théologie, vers «Waltero, militi et capitaneo gentis armigeræ quæ Magna Societas dicitur, et Johanni Scakaik ac Ricardo Mussato, Armigero Nigro, ejusdem capitanei marescallis et conestabulariis.» Le malheureux pape s’efforce de prendre les routiers par la douceur. «Benigne ac placide intelleximus qualiter vos, obedientiam vestram nostris beneplacitis et mandatis promptius offerentes, contra nos et romanam curiam vestrum nullatenus dirigebatis propositum, nec nos et sedem apostolicam vel curiam ipsam intendebatis aliqualiter perturbare.» Martène, Thes. Anecdot., II, 882 et 883.

[131] Par un bref daté d’Avignon le 8 des ides de juin (6 juin) 1361, Innocent VI donna quittance générale à son amé fils Juan Fernandez de Heredia, à qui Regnault, évêque d’Autun, son trésorier, «de mandato nostro super hoc facto eidem oraculo vivæ vocis», avait compté de la main à la main 14 500 florins d’or, en le chargeant de les remettre à Jean, marquis de Montferrat, et «per eumdem marchionem certis gentibus armigeris quæ Magna Societas dicebantur.» Martène, Ibid., 995.—La peste, qui éclata alors à Avignon et qui sévit dans la vallée du Rhône avec une intensité effrayante, fut néanmoins la principale cause qui détermina les Compagnies à évacuer le Pont-Saint-Esprit et à suivre le marquis de Montferrat en Italie (Martène, Thes. Anecdot., II, 1027; Villani, l. X, cap. XLVI). A la Voulte-sur-Rhône (Ardèche, arr. Privas), «la mortalité a esté si grande que de dix l’un n’est eschappéArch. Nat., JJ95, nº 161.

[132] Seguin de Badefol s’empara de Brioude le 13 septembre 1363, de grand matin: «Item a XIII de setembre (1363), davan matinas, lo dig mossen Segui de Badafol pres lo luoc de Brieude en Alvernhe, e lo tenc ben entorn x meses e plus.» Thalamus parvus, p. 363.—La prise de Brioude est par conséquent antérieure de plus d’un an à celle d’Anse, d’où il suit que Froissart, en racontant ces deux faits, a interverti complétement l’ordre chronologique. Le témoignage de l’auteur de la chronique romane de Montpellier est confirmé par une lettre de rémission accordée en juin 1366 à Jean Baille, sergent royal au bailliage d’Auvergne, «comme, environ trois anz a, la ville de Briode eust esté prise par les ennemis de nostre royaume et ycelle eussent tenu l’espace d’un an ou environ, en laquelle ville le dit Jehan, sa femme et enfanz demouroient, et à la prinse d’icelle ville fu le dit Jehan pris par les diz ennemis et mis à grant raençon.» Arch. Nat., JJ97, 107.—Dans une autre lettre de rémission octroyée en mai 1365 à Bertrand Basteir, marchand de Brioude, il est fait mention de «la prise de la dicte ville de Brioude faicte nagueires par Seguin de Baldefol et ses aliez, ennemis de nostre royaume.» JJ98, nº 279. Cf. sect. judic., X1a20, fº 47.—Peu après la prise de Brioude, Arnoul d’Audrehem, lieutenant en Languedoc, par un mandement daté de Nîmes le 13 octobre 1363, poussait la faiblesse jusqu’à autoriser les habitants du Velai à s’imposer une aide extraordinaire pour payer rançon à Seguin de Badefol à la suite d’un pactis récemment conclu «cum ipso et ejus tirannida Societate.» Bibl. Nat., ms. lat., nº 10 002, fº 32 vº.—Par acte passé à Clermont le 21 mai 1364, les trois États d’Auvergne et le gouverneur du duché pour le duc de Berry, alors otage en Angleterre, rachetèrent Brioude ainsi que Varennes (auj. Varennes-Saint-Honorat, arr. le Puy, c. Allègre) des mains de Seguin de Badefol. Archives des Basses-Pyrénées, arm. Albret, invent. C, chap. iii.

[133] Haute-Loire, arr. Brioude.

[134] Aujourd’hui section de Clermont-Ferrand.

[135] Haute-Loire, arr. Brioude, c. Lavoûte-Chilhac. Dans notre texte (p. 76, l. 4), on a imprimé, par erreur: Tillath. Lisez: Cillach.

[136] Puy-de-Dôme, arr. Issoire, c. Saint-Germain-Lembron.

[137] Puy-de-Dôme, arr. et c. Issoire.

[138] Saint-Bonnet-l’Arsis nous est inconnu. Le contexte ne nous permet pas de voir là deux localités distinctes, par exemple Saint-Bonnet et Lastic, suivant la leçon de quelques éditeurs; car, dans ce cas, Larsis ou l’Arsis devrait être précédé, comme les autres noms de lieu, de la préposition à. Peut-être l’Arsis ou le Brûlé est-il un ancien surnom de Saint-Bonnet-le-Château (Loire, arr. Montbrison), par opposition à Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire, arr. Yssingeaux, c. Montfaucon). Le voisinage de ces deux localités donne au moins quelque vraisemblance à cette hypothèse. Seguin de Badefol pilla aussi l’hôtel-Dieu de Montbrison (Arch. Nat., sect. adm., P14093, nº 1394).

[139] Béraud 1er, comte de Clermont et dauphin d’Auvergne, marié à Marie de Villemur, fut en effet l’un des otages du traité de Brétigny (Rymer, III, 515). Les domaines du comte Dauphin s’étendaient entre Clermont et Brioude.

[140] S’il fallait en croire un curieux et charmant récit d’un ancien chef de Compagnie nommé le Bascot de Mauléon, rapporté par Froissart, après le départ pour Anse de Seguin de Badefol, Louis Roubaut, de Nice, lieutenant de Seguin, aurait occupé Brioude, à la place de son maître. Un autre routier nommé Limousin aurait obtenu les faveurs d’une maîtresse, «une trop belle femme», que Roubaut, pendant un voyage à Anse, avait laissée à Brioude. Informé du fait, Roubaut, pour se venger, aurait chassé ignominieusement Limousin, après l’avoir fait «mener et courir tout nud en ses braies parmi la ville.» Limousin se serait vengé à son tour en faisant tomber Roubaut dans une embuscade où le bandit niçois fut taillé en pièces et pris par le seigneur de la Voulte et les habitants du Puy (Froissart de Buchon, II, 411 à 413), à la Batterie (auj. hameau de Graix, Loire, arr. Saint-Étienne, c. Bourg-Argental), entre Annonay et Saint-Julien. Cet engagement, où Louis Roubaut fut battu et fait prisonnier, se livra le vendredi 2 mai 1365. Thalamus parvus, p. 368.

[141] Lorsque Seguin évacua Brioude en vertu d’une convention conclue à Clermont le 21 mai 1364, il ne se retira pas immédiatement en Gascogne; mais, dans les premiers jours du mois de novembre de cette année, il s’empara d’Anse, comme nous avons déjà eu lieu de le dire plus haut. Après huit mois d’occupation, dans le courant de juillet 1365, il s’engagea, envers le pape Urbain V, à rendre cette forteresse aux chanoines de Saint-Jean, comtes de Lyon, qui en étaient seigneurs, moyennant l’absolution et une somme de 40 000 petits florins, ou 32 000 francs, dont une moitié devait être payée à Anse dans les premiers jours d’août, et l’autre moitié à Rodez au terme de Noël suivant. Seguin s’engageait, en outre, à faire sortir ses compagnons du royaume, et consentait, en garantie de l’exécution de cette clause, à livrer messire Seguin son père et ses frères comme otages à Avignon. Le pape, de son côté, promettait de donner l’absolution aux compagnons de Seguin de Badefol, au cas où ceux-ci voudraient aller au voyage d’outre-mer «avec les autres qui y doivent aler en la compaignie de l’Archiprestre.» A cette occasion, les consuls de Lyon prêtèrent 4000 florins au chapitre de Saint-Jean, et fournirent en outre les otages, qui furent envoyés à Avignon jusqu’à l’entier acquittement des 20 000 florins restants. Le roi Charles V vint aussi au secours des comtes de Lyon; il leur fit don d’une somme de 12 000 francs, pour le payement de laquelle on leva 3 gros par feu sur les habitants du Lyonnais et du Gévaudan (Arch. Nat., K49, nº 5), et un franc et un florin par feu sur ceux de l’Auvergne (Bibl. Nat., Quittances, XV, 192). Le chapitre de Saint-Jean reprit possession du château d’Anse dès le mois d’août, puisqu’on le voit nommer, le 30 de ce mois, Guillaume de Chalamont, chevalier, capitaine de ce château, aux gages annuels de 400 écus d’or (Arch. du Rhône, arm. Énoch, vol. 20, nº 26; Allut, les Routiers, p. 155 à 170). Toutefois, au mois de novembre 1365, Seguin de Badefol était encore à Anse, ou du moins il était supposé y être, car il figure parmi les routiers à qui Bertrand du Guesclin fit porter, le 20 de ce mois, une lettre où il les invitait à vider le pays et à le suivre (Archives de la Côte-d’Or, fonds de la Chambre des Comptes de Bourgogne, B1423). Quoi qu’il en soit, du Guesclin réussit à entraîner Seguin. Seulement, ce routier voulut, chemin faisant, rendre visite au roi de Navarre à l’instigation duquel il avait naguère saccagé le royaume, et mal lui en prit. Charles le Mauvais, à qui Seguin réclamait un arriéré de solde, trouva plus simple de l’empoisonner que de le payer. Telle est la fin tragique à laquelle Froissart fait allusion, et qu’il faut rapporter aux derniers jours du mois de décembre 1365: «Item, en lo dich mes de dezembre (1365), lo sobredich Segui de Badafol mori à Pampalona (Pampelune, en Navarre) per lo fuoc de Sant Anthoni.» Thalamus parvus, p. 370. Cf. Martène, Thes. Anecdot., I, 1576, et Secousse, Preuves de l’histoire de Charles le Mauvais, p. 381 et 411.

CHAPITRE LXXXVI

[142] Un mandement d’Édouard III, en date du 16 avril 1361 (Rymer, III, 614), est adressé à Henri, duc de Lancastre. Cependant Knyghton, chanoine de Leicester (apud Twysden, II, 2625) dit que Henri de Derby mourut dans le carême qui suivit le traité de Brétigny, c’est-à-dire au plus tard dans les vingt-et-un premiers jours de mars 1361. Le duc de Lancastre fut enterré près de la porte septentrionale de l’église collégiale de Leicester, qu’il avait fondée à côté d’un hôpital destiné à recevoir cent pauvres malades.

[143] Philippe, dit de Rouvre, mourut le 21 novembre 1361, cinq mois à peine après son mariage avec Marguerite de Flandre, accompli le 1er juillet précédent, alors que Marguerite n’avait pas encore atteint sa douzième année.

[144] Marguerite de France, mariée le 2 juin 1320 à Louis II, comte de Flandre, mère de Louis III, dit de Male, et grand’mère de Marguerite de Flandre, était la seconde fille de Philippe le Long et de Jeanne, comtesse de Bourgogne et d’Artois. Cette princesse, sœur de Jeanne de France, mariée à Eudes IV, recueillit les comtés de Bourgogne et d’Artois du chef de sa mère Jeanne, bisaïeule de Philippe de Rouvre.

[145] Jeanne de Boulogne, fille de Guillaume, comte d’Auvergne et de Boulogne et de Marguerite d’Évreux, mariée en premières noces à Philippe de Bourgogne, dont elle eut Philippe de Rouvre, remariée le 19 février 1349 à Jean, roi de France, mourut à Argilly le même jour que son fils, c’est-à-dire le 21 novembre 1361. Jean d’Auvergne ou de Boulogne, qui, par suite de ce double décès, entra en possession des comtés de Boulogne et d’Auvergne, était, ainsi que le cardinal Gui de Boulogne, l’oncle de Jeanne du côté paternel. Jean et Gui étaient les fils de Robert VII, comte d’Auvergne et de Boulogne, et de sa seconde femme, Marie de Flandre, tandis que Guillaume, père de Jeanne de Boulogne, était le fils de ce même Robert VII et de sa première femme, Blanche de Clermont. Anselme, Hist. généal., VIII, 56 et 57.

[146] Le roi Jean, fils de Jeanne de Bourgogne, sœur d’Eudes IV, grand-père de Philippe de Rouvre, était par conséquent le neveu d’Eudes IV, le cousin germain du fils d’Eudes, Philippe de Bourgogne, tué au siége d’Aiguillon le 22 septembre 1346, et l’oncle à la mode de Bretagne de Philippe de Rouvre, fils de Philippe de Bourgogne.

[147] Charles II, roi de Navarre, dit le Mauvais, petit-fils par sa mère de Marguerite de Bourgogne, première femme de Louis le Hutin et sœur d’Eudes IV, était seulement le cousin issu de germain du dernier duc de Bourgogne. Pour couper court à ces prétentions de son gendre, le roi Jean, par une ordonnance rendue au Louvre lez Paris au mois de novembre 1361, réunit perpétuellement à la Couronne: 1º le duché de Bourgogne, 2º les comtés de Champagne et de Brie, 3º le comté de Toulouse. Ordonn., IV, 212 et suiv.

[148] Le voyage du roi Jean en Bourgogne pour prendre possession de son nouveau duché, n’a rien de commun, quoi qu’en dise Froissart, avec le voyage à Avignon. Le voyage en Bourgogne eut lieu en décembre 1361 et janvier 1362, tandis que le voyage à Avignon ne se fit, comme nous le montrerons plus loin, qu’aux mois d’octobre et de novembre de cette même année 1362. Voici les principales étapes du voyage en Bourgogne. 1361, 5 décembre: départ du bois de Vincennes (Gr. Chron., VI, 225); du 5 au 9 décembre: passage à Moret (JJ91, nº 30), à Sens (JJ91, nº 31), à Villeneuve-le-Roi (JJ119, nº 415), à Saint-Florentin (JJ91, nº 100), à Auxerre (JJ91, nº 230), à Tonnerre (JJ91, nº 33). Jean arriva à Dijon le 10 décembre et confirma le jour même de son arrivée le traité conclu à Guillon le 10 mars 1360 (dom Plancher, Hist. de Bourg., t. II, Preuves, p. CCLXXII à CCLXXVI). C’est encore à Dijon que ce prince confirma, le 23 décembre suivant, les libertés et franchises des habitants de cette ville (JJ91, nº 44). 1362 (n. st.), 2 janvier, à Talant (JJ91, nos 46, 56, 57, 98); 7 janvier, à Rouvre (dom Plancher, II, Preuves, CCLXVI et CCCLXVII); 16 janvier, à Cîteaux (Ibid., CCCLXVII et CCCLXVIII); 20 et 25 janvier, à Beaune (JJ91, nos 103 à 106: JJ93, nº 69); février, à Arnay-le-Duc (JJ91, nos 69 à 71). Le roi Jean, après avoir passé par Châtillon-sur-Seine (JJ91, nº 68) et Troyes (JJ91, nos 84 et 85) pendant la première quinzaine de février, était de retour au bois de Vincennes le 17 février (JJ91, nº 221).

[149] Froissart commet ici, comme l’a déjà fait remarquer dom Vaissète (Hist. du Languedoc, IV, 572), une grave erreur de date. Le roi Jean ne partit point de Paris vers le 24 juin; il était encore dans cette ville non à la fin, comme le dit dom Vaissète, mais dans les premiers jours de septembre (JJ91, nos 368, 370), au manoir de Tourvoye, près Provins (K179, liasse 21, nº 4); à Torcenay (K179, liasse 28, nº 2128); à Troyes le 30 septembre et dans les premiers jours d’octobre (P13772, nº 2891. JJ119, nº 219. JJ93, nos 1 à 12); à Châtillon-sur-Seine (JJ93, nos 13 et 14); à Villaines-en-Duesmois (JJ93, nº 15), à Beaune (JJ93, nos 18 à 20, 37, 38), à Chalon (JJ93, nos 21, 35, 36, 39, 40, 41, 43, 51, 54 à 56) en octobre; à Tournus, le 22 octobre (JJ93, nº 69); à Mâcon (Ordonn., III, 594, 595, 599) dans les derniers jours d’octobre. Le roi de France n’arriva à Villeneuve-lez-Avignon que dans les premiers jours de novembre (Ordonn., III, 600).

[150] La fête de Noël se célèbre le 25 décembre. On a vu par la note précédente que Jean arriva à Villeneuve-lez-Avignon dans les premiers jours de novembre. Par conséquent, Froissart place près de deux mois trop tard l’arrivée du roi de France à Avignon ou du moins à Villeneuve-lez-Avignon.

[151] Etienne Aubert, né à Mont près Pompadour au diocèse de Limoges, élu pape, sous le nom d’Innocent VI, le 18 décembre 1352, mourut à Avignon le lundi 12 septembre 1362, après un pontificat de 9 ans 8 mois 26 jours depuis son couronnement. Froissart place la mort de ce pape après l’arrivée du roi Jean à Avignon, tandis qu’elle eut lieu près de deux mois auparavant.

[152] Le 22 septembre 1362, dix jours après les funérailles d’Innocent VI, les cardinaux présents à Avignon entrèrent au conclave au nombre de vingt, y compris Androuin de la Roche arrivé dans la capitale du Comtat alors qu’Innocent était à l’agonie. Par suite de la lutte qui s’établit entre les cardinaux de Boulogne et de Périgord, les membres du sacré collége furent plus d’un mois dans le conclave avant de convenir d’un pape. Ils ne parvinrent à se mettre d’accord qu’en portant leur choix sur quelqu’un qui n’était pas leur collègue, Guillaume Grimoard, abbé de Saint-Victor de Marseille, qui fut élu pape le 28 octobre, quelques jours seulement avant l’arrivée du roi Jean à Avignon. Guillaume, né au château de Grizac (alors paroisse de Bédouès, aujourd’hui commune de Pont-de-Montvert, Lozère, arr. Florac), au diocèse de Mende, successivement professeur de droit canon à l’université de Montpellier, abbé de Saint-Germain d’Auxerre, puis en 1358 de Saint-Victor de Marseille, légat en Italie au moment de son élection, entra secrètement à Avignon le 30 octobre et fut sacré évêque et couronné pape le dimanche 6 novembre sous le nom d’Urbain V. D’après Raynaldi, le roi Jean ne serait allé visiter le nouveau pape et n’aurait fait son entrée à Avignon que le 20 novembre 1362.

[153] Aujourd’hui Satalieh, Turquie d’Asie, province d’Anatolie, sur la Méditerranée, à l’entrée du golfe du même nom. C’est l’ancienne Attalie qui tirait son nom d’Attale son fondateur. D’après les Grandes Chroniques (VI, 225), Satalie fut prise par Pierre Ier, roi de Chypre, le jeudi 1er juillet 1361.

[154] Édouard, prince de Galles, fut créé prince d’Aquitaine le 19 juillet 1362. Rymer, III, 668, 669.

[155] Jean, dit de Gand, à cause du lieu de sa naissance, était marié à Blanche, la seconde fille de Henri de Derby, duc de Lancastre.

[156] Ces négociations furent entamées peu après la mort de Philippe de Rouvre, premier mari de Marguerite de Flandre, dès le commencement de l’année 1362. Par acte daté de son château de Windsor le 8 février de cette année, Édouard III donna pleins pouvoirs à l’évêque de Wincester, au comte de Suffolk, etc., pour négocier cette affaire auprès de son très-cher cousin le comte de Flandre. Rymer, III, 636.

[157] Froissart s’est trompé de quatre ans sur la date de cet événement. Cette princesse mourut en novembre 1358, avant le 20 de ce mois. Rymer, III, 411.

[158] Froissart n’a mentionné ce mariage, contracté malgré l’opposition du pape et d’Édouard III et qui fut l’une des causes du départ du prince de Galles pour l’Aquitaine, Froissart, dis-je, n’a mentionné ce mariage à sa date que dans la seconde rédaction représentée par le manuscrit d’Amiens. Voyez p. 274.

[159] Le 29 août 1362, Édouard III autorisa son très-cher fils, le prince d’Aquitaine et de Galles, qui avait contracté des dettes à l’occasion de son départ pour l’Aquitaine, à faire son testament afin de donner des gages et une hypothèque, le cas échéant, à ses créanciers, «cum in obsequium nostrum ad partes Vasconiæ profecturus est.» Rymer, III, 676.

[160] Les feudataires de Poitou prêtèrent serment de foi et hommage à Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, au château de Benon, le 1er septembre 1363; à Niort, le 3 septembre; au monastère de Saint-Maixent, le 6; en l’église cathédrale de Saint-Pierre de Poitiers, le 13; en l’église des Frères Mineurs de la même ville, le 14; en la chambre du prince d’Aquitaine, à Poitiers, le 23; au palais de Poitiers, le 29 de ce mois (Delpit, Documents français en Angleterre, p. 108 à 114). Les feudataires de Saintonge avaient prêté serment du 23 au 29 août précédent (Ibid., p. 106 à 107), ceux d’Angoumois, du 18 au 21 août (Ibid., p. 104 à 106), ceux de Périgord, de Quercy et de Rouergue, à Bergerac, à Sainte-Foy et en l’église Saint-Front de Périgueux, du 4 au 15 août (Ibid., p. 100 à 104).

[161] C’est du 9 au 30 juillet 1363, avant de se rendre en Poitou, qu’Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, duc de Cornouaille et comte de Chester, reçut le serment des feudataires de Gascogne, soit dans l’église cathédrale de Saint-André, soit dans le palais de l’archevêque de Bordeaux. Delpit, Documents français, p. 86 à 100.

[162] Cette paix fut conclue en l’église Saint-Volusien de Foix le 14 avril 1363 à la suite de la victoire remportée par le comte de Foix à Launac le 5 décembre précédent (dom Vaissète, Hist. de Languedoc, IV, Preuves, 281 à 284); mais le roi Jean et le pape Urbain V eurent beaucoup plus de part que le prince d’Aquitaine à la réconciliation des deux comtes.

CHAPITRE LXXXVII

[163] Pierre Ier, roi de Chypre, fit son entrée à Avignon le mercredi saint 29 mars 1363. Baluz., Vitæ pap. Aven., I, 401, 983.

[164] Les rois de France et de Chypre et un troisième roi dont Froissart ne parle pas, Valdemar III, roi de Danemark, prirent la croix le vendredi saint, 31 mars 1363, le surlendemain de l’arrivée du roi de Chypre. Valdemar III était arrivé à Avignon le 26 février, un mois environ avant Pierre Ier: «Die vigesima sexta februarii, rex Daciæ intravit curiam (Avenionis), qua de causa ignoratur.» Baluz., Vitæ pap. Aven., I, 401.

[165] Pierre Ier partit d’Avignon le mercredi 31 mai 1363 (Ibid., I, 401).

[166] Le roi Jean, après avoir fait ses adieux au Saint-Père le 9 mai (Ibid., I, 401), quitta Villeneuve-lez-Avignon pour retourner en France, entre le 15 et le 17 mai 1363 (Bibl. Nat., ms. lat. nº 10002, fos 53, 55 vº et 56). Voici les principales étapes de son retour: à Bagnols-du-Gard, le 17 mai (ms. lat. nº 10002, fos 55 vº et 56); au Pont-Saint-Esprit (JJ93, nº 242), à Romans (X2a7, fos 191 vº et 196 vº), entre le 17 et le 28 mai; à Lyon, le 28 (P13601, nº 797) et le 31 mai (ms. lat. nº 10002, fº 17 vº). Pierre Ier, parti d’Avignon le 31 mai, alla rejoindre le roi de France à Lyon. Après quoi, Jean se remit en route vers Paris. Il était à Chalon le 7 juin (ms. lat. nº 10002, fº 1), à Beaune entre le 7 et le 27 juin (JJ93, nos 263, 279 à 281), à Talant-sur-Dijon le 27 juin, où il nomma son plus jeune fils Philippe, duc de Touraine, son lieutenant en Bourgogne (JJ95, nº 43), à Troyes (JJ91, nos 483, 489; JJ95, nº 140), puis à Provins (JJ91, nº 485), dans les premiers jours de juillet, et il arriva à Paris dans la première quinzaine de ce mois (JJ91, nos 486 à 488, 490). Le 23 juillet, il tint cour plénière à la Noble Maison de Saint-Ouen (K48, nº 33).

[167] Il est invraisemblable et à peu près impossible que Pierre Ier, roi de Chypre, ait fait alors ce voyage à Prague dont parle Froissart, quoique la version du brillant chroniqueur ait été adoptée par le dernier et savant historien de Chypre, M. de Mas-Latrie (Hist. de Chypre, II, 240, en note). Parti, comme nous venons de le voir, d’Avignon le 31 mai 1363, Pierre Ier était en Normandie à la fin d’août, à Rouen et à Caen, où le dauphin Charles fêtait sa venue, au commencement de septembre de la même année (Contin. chron. G. de Nangiaco, II, 330 et 331; Chronique des quatre premiers Valois, 128). On admettra difficilement que deux mois et demi aient pu suffire au roi de Chypre pour se rendre d’Avignon en Bohême et pour revenir en Normandie après avoir parcouru l’Allemagne, le duché de Juliers, le Brabant et le Hainaut. D’ailleurs, deux chroniqueurs, d’ordinaire plus exacts que Froissart, Jean de Venette et l’auteur de la Chronique des Valois, affirment que Pierre Ier, après son départ d’Avignon, accompagna le roi Jean en France: «Et, istis sic ordinatis, reversus est ad Franciam indilate (Johannes, rex Franciæ), et rex Cypri similiter venit illuc.» Contin. G. de Nangiaco, II, 330.

[168] Aux termes de ce traité, conclu à Londres en novembre 1362, Édouard III s’engageait à mettre en liberté les quatre ducs d’Orléans, d’Anjou, de Berry et de Bourbon, appelés les quatre princes des Fleurs de Lis, moyennant le prix de 200 000 florins et la cession de la terre de Belleville et du comté de Gaure. En outre, le duc d’Orléans devait donner en gage au roi anglais les châteaux de Chizé, de Melle, de Civray et de Villeneuve, sis en Poitou et Saintonge, ainsi que le château de Beaurain situé en Pontieu. Il était convenu aussi que la Roche-sur-Yon, Dun-le-Roi et Ainay lez Dun-le-Roi (auj. Ainay-le-Vieil) seraient livrés à Édouard en échange de la mise en liberté des comtes de Braisne, de Grantpré, des seigneurs de Montmorency, de Clères, de Hangest et d’Andrezel (Rymer, III, 681, 682). Par acte daté de Villeneuve-lez-Avignon, le 26 janvier 1363, le roi Jean confirma le traité conclu entre son frère, ses deux fils, le duc de Bourbon et Édouard III, au mois de novembre précédent. Il pria seulement le roi anglais de vouloir bien mettre en liberté Pierre d’Alençon, le comte dauphin d’Auvergne et le seigneur de Coucy au lieu et place du comte de Grantpré, des seigneurs de Clères et d’Andrezel (Rymer, III, 685); mais Édouard ne voulut pas consentir à cette modification.

[169] Par acte daté du 15 mai 1363, Philippe, duc d’Orléans, comte de Valois et de Beaumont, Louis, duc d’Anjou et comte du Maine, Jean, duc de Berry et d’Auvergne, Louis, duc de Bourbon et comte de Clermont, auxquels Édouard III avait permis de venir et de résider à Calais jusqu’à l’entier accomplissement des conditions stipulées dans le traité qui devait assurer leur mise en liberté, promirent de retourner otages en Angleterre, si une entente définitive ne parvenait pas à s’établir au sujet de l’exécution de ce traité (Rymer, III, 700). Vers la mi-mai 1363, une nef d’Abbeville transporta de Londres à Calais les garnisons de salle, de chambre, les harnais de joute, les lévriers et chiens, ainsi que les seize domestiques, clercs et valets de Philippe, duc d’Orléans (Rymer, III, 699).

[170] Sur les préparatifs de guerre et les menées hostiles du roi de Navarre en 1363, voyez notre Histoire de du Guesclin, p. 409 à 414.

[171] Aucun acte ne constate la présence du roi Jean à Paris depuis la seconde quinzaine d’août 1363 jusqu’au départ de ce prince pour l’Angleterre. Par conséquent, les deux rois de France et de Chypre n’ont pu se trouver ensemble dans cette ville qu’à la fin de juillet ou pendant la première quinzaine d’août de cette année.

[172] Jean de Venette rapporte ce voyage du roi de Chypre à Rouen au mois de septembre 1363: «Et ivit dominus rex Cypri usque Rothomagum atque Cadomum, ubi fuit in mense septembri hujus anni (1363) receptus solemniter per ducem Normaniæ, scilicet dominum Karolum, primogenitum regis Franciæ, et per nobiles et burgenses.» (Contin. chron. G. de Nangiaco, II, 330 et 331.)—L’itinéraire du dauphin Charles s’accorde parfaitement avec la version du second continuateur de Nangis: ce prince fit sa résidence principale, pour ne pas dire unique, à Rouen, entre le 13 août et le 11 septembre 1363 (JJ92, nos 298, 299, 237, 238, 290, 239 à 241, 305). L’auteur de la Chronique des quatre premiers Valois (p. 128) dit en effet que le roi de Chypre passa bien un mois avec le duc de Normandie.

[173] Ce voyage de Pierre Ier à Cherbourg est d’autant plus douteux, que l’auteur de la Chronique des Valois, loin de le mentionner, raconte que le roi de Chypre, après avoir résidé à Rouen, alla voir le duc de Bretagne. D’ailleurs, Charles le Mauvais ne mit pas le pied à Cherbourg ni en Normandie dans le courant de 1363; il passa toute cette année dans son royaume de Navarre. De plus, Philippe de Navarre, frère de Charles et son lieutenant en Normandie, ne nourrissait alors aucun sentiment hostile contre le royaume; il était en si bons termes avec le roi Jean que celui-ci venait de le mettre à la tête de la croisade projetée contre les Sarrasins (Chron. des Valois, p. 128 et 129).

[174] Nous avons l’acte par lequel Louis, duc d’Anjou et comte du Maine, avait fait serment de ne pas partir de Calais et de retourner en Angleterre en cas de non exécution du traité de novembre 1362 (Bibl. Nat., ms. lat. nº 6049, fº 89), et M. Kervyn de Lettenhove en a publié un fragment (Chroniques de Froissart, VI, 506 à 508). D’après une chronique latine conservée aujourd’hui dans la bibliothèque de la ville de Berne, le duc d’Anjou, pendant son internement à Calais, aurait demandé la permission de faire un pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne, en jurant de revenir. Il aurait trouvé à Boulogne sa jeune et charmante femme, fille de Charles de Blois, et au retour de son pèlerinage, au lieu de regagner Calais, il se serait laissé attendrir par les larmes de la duchesse d’Anjou et se serait dirigé vers le château de Guise, que Marie de Bretagne lui avait apporté en dot. Le duc de Normandie, envoyé par son père à Saint-Quentin vers le fugitif, n’aurait pu le décider à se remettre entre les mains des Anglais. Quoi qu’il en soit, le dauphin Charles ne semble pas avoir gardé longtemps rancune à Louis, car les deux frères échangèrent des étrennes au premier de l’an 1364. Le duc d’Anjou donna au duc de Normandie «une petite croix d’or à pierres de voirre à mettre en l’oratoire Monseigneur», et reçut du dauphin «un gobelet d’or fait à manière d’un cuvier à une rose au fond.» Bibl. Nat., ms. fr. 21447, fos 3 vº et 7.—Par un acte daté de Westminster le 20 novembre 1364, Édouard III somma le duc d’Anjou de comparaître à Londres par-devant lui dans 20 jours, l’accusant d’avoir enfraint «garde and avez parti hors de nostre puissance, sans demander ne avoir sur ce nostre congié par noz lettres ne autrement...; parmi ce vous avez moult blemi l’onur de vous et de tout vostre lignage.» Rymer, III, 756.—Ce même jour, le monarque anglais requit le roi et les pairs de France de forcer le duc d’Anjou à revenir se constituer prisonnier à Londres. Rymer, III, 755 à 757.

[175] Pierre Ier arriva à Londres le lundi 6 novembre 1363. Il amenait avec lui deux rois ou princes païens, l’un qui était prisonnier et qu’une chronique latine contemporaine appelle le roi «de Lecto», l’autre, non prisonnier, dit «le seigneur de Jérusalem» qui se convertit à Londres à la foi chrétienne et qui reçut du roi d’Angleterre son parrain le nom d’Édouard.

[176] David Bruce vint à la cour de Westminster le lundi qui suivit l’arrivée du roi de Chypre, c’est-à-dire le lundi 13 novembre. Un chroniqueur anglais fait remarquer à cette occasion avec un certain orgueil que cinq rois se trouvèrent alors en même temps à Londres, et il ajoute, en homme nourri des légendes de la Table Ronde, que cela ne s’était pas vu depuis le temps d’Arthur qui eut un jour six rois tributaires pour commensaux à une grande fête donnée en son palais de Kaerleon. Eulogium historiarum, III, 233.

[177] Froissart insinue ici, sans l’oser dire expressément, que la crainte de la dépense fut la principale raison qui empêcha le roi de Chypre de profiter du cadeau d’Édouard III et d’équiper la Catherine. On reconnaît dans ce langage respectueux et circonspect l’habitué de la cour de Westminster et de Windsor, le digne secrétaire de la reine Philippe de Hainaut. L’histoire est tenue à moins de réticences. Au moment même de son séjour en Angleterre, Pierre Ier dut se trouver dans une véritable gêne, parce qu’il ne put toucher, au moins immédiatement, une somme de 7000 florins que sa femme, la reine de Chypre, lui avait envoyée pendant la seconde moitié de 1363. Aussi, par acte daté d’Albi le 24 décembre de cette année, le maréchal de France Arnoul, sire d’Audrehem, alors lieutenant du roi Jean ès parties de Languedoc, manda au viguier de Narbonne de contraindre par la saisie et au besoin par la vente de leurs biens les héritiers de feu Raymond Sarralhan, en son vivant bourgeois de Montpellier, patron d’un navire de Provence, qui refusaient de délivrer au roi de Chypre une somme de 7000 florins naguère confiée par la reine de Chypre audit Raymond, à titre de commande ou de dépôt ou par manière de change, pour la porter ès parties de France et la remettre à première réquisition au roi Pierre Ier dont elle était destinée à défrayer les dépenses (Bibl. Nat., ms. lat. nº 10002, fº 45). Le 14 janvier suivant, le roi de Chypre n’était pas encore parvenu à se faire payer, car, par un mandement en date de ce jour, le lieutenant du roi en Languedoc enjoignit à deux sergents de saisir les personnes et de vendre aux enchères les biens des héritiers de Raymond Sarralhan (Ibid., fº 47).

[178] Arrivé vers la Toussaint en Angleterre où des joutes furent données en son honneur à Smithfield (Londres, archives de la garderobe à Carlton Ride, rouleaux 37 et 38), le roi de Chypre était encore le 24 novembre à Londres d’où il a daté plusieurs lettres (Archives générales de Venise, Commemoriali, VII, fº 27 vº, d’après M. de Mas-Latrie). Pierre Ier revint en France pendant la première quinzaine de décembre.

[179] Quoi qu’en dise Froissart, le roi de Chypre n’alla pas en Aquitaine immédiatement après son retour d’Angleterre. Nous savons par Jean de Venette (Contin. chron. Guill. de Nangiaco, II, 332) que Pierre Ier vint peu après Noël, en compagnie du dauphin régent, à Paris. A l’occasion du premier de l’an 1364, le duc de Normandie donna comme étrenne à son hôte «une aiguière et un gobelet d’or qui ne sont en nul inventaire» Bibl. Nat., ms. fr. nº 21447, fº 7.—Le 29 février suivant, le roi de Chypre assista à la séance solennelle du Parlement où fut jugé le différend entre Bertrand du Guesclin et Guillaume de Felton (X2a7, fº 143; Hist. de du Guesclin, p. 405, note 2). Jean de Venette constate la présence de ce prince aux obsèques du roi Jean dans les derniers jours d’avril (Cont. Guill. de Nangiaco, II, 339); et l’auteur de la Chronique des quatre premiers Valois (p. 144) nomme Pierre de Lusignan parmi les grands personnages qui accompagnèrent Charles V à Reims lors de son couronnement le 19 mai suivant. Le voyage du roi de Chypre en Aquitaine, à moins qu’il n’ait eu lieu en janvier et pendant les trois premières semaines de février 1364, ne peut être que postérieur à ces événements.

[180] De nombreux actes constatent la présence du roi Jean à Amiens pendant les dix ou douze premiers jours de décembre. JJ95, nos 82, 83, 84, 131 ter et quatuor, 132 bis. JJ94, nº 9. X2a7, fº 121 vº. K48, nº 36. Bibl. Nat., Chartes royales, IV, 149. Ordonn., III, 646.

[181] C’est à Germigny-sur-Marne, non à Amiens, le 6 septembre 1363, que le roi Jean érigea le duché de Bourgogne en duché-pairie et le donna à Philippe, «reducentes servitia que carissimus Philippus quartogenitus, qui, sponte expositus mortis periculo, nobiscum imperterritus et impavidus stetit in acie prope Pictavis vulneratus, captus et detentus.» (dom Plancher, Hist. de Bourg., II, CCLXXVIII et CCLXXIX). Seulement, c’est à Amiens que le roi de France assigna à son fils aîné le dauphin, comme une sorte de compensation, le duché de Touraine dont Philippe avait joui avant d’être investi du duché de Bourgogne. JJ95, nº 132.

[182] Le roi Jean était arrivé à Hesdin dès le 15 décembre (JJ95, nº 140 bis; JJ94, nos 24, 25; JJ95, nos 85, 142 bis; Ordonn., III, 649, 655, 662).

[183] Ceci n’est pas tout à fait exact. Jean mit à la voile de Boulogne le mercredi soir 3 janvier et débarqua à Douvres le lendemain jeudi 4 janvier 1364, l’avant-veille, et non la veille, de l’Épiphanie. Le roi de France était monté à bord du navire qui devait le transporter en Angleterre dès le mardi 2; mais la flottille de transport, composée de vingt navires, resta à l’ancre dans le port de Boulogne pendant toute cette journée.

[184] Château situé dans le comté de Kent, à 3 lieues S. S. E. de Londres.

[185] L’hôtel ou manoir de Savoie, aujourd’hui détruit, était situé sur la rive gauche de la Tamise, au sud du Strand, et il en faut chercher l’emplacement aux abords de Wellington-Street. La Savoy chapel, consumée par un incendie en 1864, mais qui a été reconstruite depuis aux frais du gouvernement, rappelle encore le souvenir de cette résidence historique. Le roi Jean fit son entrée à Londres le dimanche 14 janvier; et les bourgeois et les gens des métiers de la cité, au nombre de mille chevaux, revêtus des insignes de leurs corporations, allèrent au-devant de lui jusqu’à Eltham. Grandes Chroniques, VI, 228 et 229.

[186] Sur ce voyage du roi de Chypre en Aquitaine, voyez une des notes précédentes, p. XLVI, note 179.

[187] Le roi Jean tomba malade au commencement de mars.

[188] Nous avons déjà eu l’occasion de relever cette erreur vraiment grossière. Charles le Mauvais était alors en Navarre.

[189] Fils de Jean de Grailly, IIe du nom, et de Blanche de Foix, Jean de Grailly, IIIe du nom, captal de Buch (aujourd’hui la Teste de Buch, Gironde, arr. Bordeaux), était par sa mère le cousin germain de Gaston Phœbus, comte de Foix.

[190] Le roi Jean mourut à Londres le lundi 8 avril 1364, vers minuit.

[191] Ces préparatifs sont, comme nous l’avons fait remarquer plus haut, antérieurs à la maladie du roi Jean dont la mort n’eut d’autre effet que de les activer. Jean II mourut à Londres dans la nuit du 8 au 9 avril, et, le 12 de ce mois, Charles V adressait un mandement aux maîtres de ses forêts «pour qu’il soit faict hastivement, ainsi qu’il l’a ordonné, cent milliers de viretons avec plusieurs autres artilleries necessaires et convenues pour la defence du pays,» dont le bois doit être pris dans la forêt de Roumare pour être délivré à Richard de Brumare, garde du clos des galées de Rouen, chargé de la confection de ces viretons et artilleries. Du Châtellier, Invasions en Angleterre, Paris, 1872, in-12, p. 13 et 14.

CHAPITRE LXXXVIII

[192] Froissart semble croire que Bertrand du Guesclin n’entra au service de la France qu’au commencement de 1364. Nous avons prouvé ailleurs que le futur connétable se mit à la solde de Pierre de Villiers, capitaine de Pontorson pour le duc d’Orléans, frère du roi, dès 1354, et que le dauphin Charles, duc de Normandie, l’institua capitaine de cette forteresse le 13 décembre 1357. Hist. de du Guesclin, p. 119 à 127, 248, 249, 522, 523.

[193] Du Guesclin prit Mantes par surprise le dimanche 7 avril. D’un autre côté, le roi Jean mourut à Londres dans la nuit du 8 au 9 avril. Le rapprochement de ces deux dates montre que Froissart s’est trompé. Le dauphin, duc de Normandie, n’attendit pas la mort de son père pour concerter et faire exécuter les mesures qui aboutirent à la prise de Mantes et de Meulan.

[194] Seine-et-Oise, arr. Mantes, c. Bonnières. La tour de Rolleboise, dont il reste d’imposants débris, située à 9 kil. de Mantes, entre cette ville et Vernon, sur une hauteur qui domine la Seine, était occupée en 1363 et 1364 par un petit nombre de brigands anglo-brabançons qui y vivaient avec une femme. Les gens du pays et les habitants de Rouen, opprimés par ces brigands, ne purent prendre cette tour, tant elle était haute et inexpugnable. Rachetée à prix d’or vers Pâques (13 avril) 1365, la tour de Rolleboise fut démolie de fond en comble par les gens du pays d’après l’ordre du roi Charles V. Des ouvriers d’une force herculéenne, armés de marteaux de fer, mirent beaucoup de temps à l’abattre, car les murs avaient plus de neuf pieds d’épaisseur. Le second continuateur de Guillaume de Nangis, le moine Jean de Venette, dit que déjà de son temps les ruines de cette tour, dont naguère on n’admirait pas la prodigieuse élévation sans une certaine stupeur, jonchaient au loin le sol environnant. Contin. chron. Guill. de Nangiaco, II, 357, 358.

[195] Wauter Straël est le véritable nom du capitaine de Rolleboise. Ce nom nous est fourni par une lettre de rémission octroyée par Charles V en octobre 1368 à «Gautier Strael, escuier, nez de Broisselle... ayant tenu et occupé contre nostre voulenté le fort de Rouleboise.» Arch. Nat., JJ99, nº 416.—La forme Obstrate, donnée par Froissart, est une corruption d’Estralle qui nous représenterait fidèlement la prononciation française et populaire du flamand Straël au quatorzième siècle. La forme Strot, altération de Strol, employée par l’auteur de la Chronique des Valois (p. 138), semblerait provenir plutôt de la prononciation anglaise de Straël.

[196] Ces pages, où Froissart raconte la ruse imaginée par Boucicaut pour pénétrer dans Mantes, peuvent être citées comme un modèle de narration vive et pittoresque. Cela a le charme du roman, mais c’est un roman. Si l’on veut savoir comment les choses se sont passées en réalité, il faut interroger un témoin contemporain, qui appartenait, selon toute probabilité, au clergé de Rouen, et qui, dans tous les cas, semble avoir vu de très-près ces événements. Chronique des quatre premiers Valois, p. 135 à 142. Histoire de Bertrand du Guesclin, p. 417 à 429.—Toutefois, il est certain que Boucicaut accompagna le duc de Normandie dans le voyage que celui-ci fit au Goulet et à Vernon vers la mi-avril 1364. On lit, en effet, dans un mandement en date du 4 mai suivant: «Comme... le mareschal Bouciquaut... ait moult grandement frayé... pour estre avec nous et à nostre conseil et à venir en nostre compaignie à Meurlant et à Mante où nagaires allasmes.» L. Delisle, Mandements de Charles V, p. 10.

[197] On retrouve ici l’erreur que nous avons déjà signalée. Pendant que tout ceci se passe, le chroniqueur de Valenciennes continue de supposer Charles le Mauvais à Cherbourg, tandis qu’en réalité il était alors dans son royaume de Navarre.

[198] Sur ces préparatifs, antérieurs à la mort du roi Jean, voyez plus haut, p. XLVIII, note 191.

[199] Il faut se garder de confondre, à l’exemple de savants d’ailleurs très-autorisés (Inventaire des Archives nationales; collection de sceaux, I, 661) les Mauny de Bretagne avec les Mauny de Haute Normandie (Mauni, fief et château de la commune de Saint-Nicolas-d’Attez, Eure, arr. Évreux, c. Breteuil), et surtout avec les Masny des environs de Douai dont le nom s’écrivait souvent Mauny au moyen âge (auj. Masny, Nord, arr. et c. Douai). Les armes, du reste, étaient différentes. Les Mauny de Bretagne portaient un croissant, et les Masny trois chevrons. La terre patrimoniale des Mauny, ancien fief et seigneurie de Bretagne, est représentée par le hameau actuel de ce nom situé en le Quiou (Côtes-du-Nord, arr. Dinan, c. Évran). Le Quiou est un peu à l’est de Broons, dont il n’est séparé que par les communes de Saint-Maden et d’Yvignac. Olivier de Mauny, dont il est ici question, était le neveu à la mode de Bretagne, c’est-à-dire le fils d’un cousin germain de Bertrand du Guesclin.

[200] Dom Plancher dit (Hist. de Bourgogne, II, 302) que Philippe partit de Dijon le 16 avril 1364 pour se rendre à la cour de France et ne revint dans son duché que le 13 novembre suivant, mais cela semble en contradiction avec le passage suivant extrait par M. Finot d’un registre de la Chambre des comptes de Bourgogne: «Lettres en date du 4 mai 1364 de Messeigneurs de Voudenoy et d’Aigremont au duc qui estoit à Rouvres, l’avertissant qu’il prist garde de sa personne, parce qu’il y avoit un parti de par delà la Saône qui vouloit l’enlever.» Finot, Recherches, p. 88.

[201] Il y a plusieurs erreurs dans ce peu de mots. Jeanne de Châteauvillain, remariée le 2 mai 1362 à Arnaud de Cervolle, l’aînée des filles et la principale héritière de Jean III du nom, seigneur de Châteauvillain, et de Marguerite de Noyers, n’était nullement, comme le dit Froissart, veuve d’un seigneur de Chateauvillain tué à la bataille de Poitiers. Elle avait été mariée en premières noces avant 1345 à Jean, seigneur de Thil en Auxois et de Marigny en Champagne, en secondes noces, à Hugues de Vienne VI du nom, seigneur de Saint-Georges, qui vivait encore le 25 janvier 1358 (n. st.). Anselme, II, 343, VII, 799, 800.

[202] Louis, vicomte de Beaumont (Beaumont-sur-Sarthe ou le-Vicomte, Sarthe, arr. Mamers), marié à Lyon le 13 novembre 1362 à Isabelle de Bourbon, fille de Jacques de Bourbon, comte de la Marche, blessé mortellement à Brignais.

[203] A peine monté sur le trône, Charles V eut soin de s’attacher par des pensions quelques-uns des principaux seigneurs de Gascogne, déjà mécontents du gouvernement du prince d’Aquitaine et de Galles. Amanieu de Pommiers, notamment, fit hommage au roi de France pour mille livres tournois de rente et promit de servir le dit roi contre tous excepté le roi d’Angleterre. Arch. Nat., J626, nº 105.

[204] La Trau est aujourd’hui un château ruiné de la commune de Préchac (Gironde, arr. Bazas, c. Villandraut). Le seigneur de Préchac s’intitulait, tantôt soudic, tantôt soudan de la Trau. Le Soudan de la Trau, chevalier banneret, reçut en 1364 2,905 florins d’or de Florence de bon poids, pour le reste de ses gages et de la solde des archers et des gens d’armes de sa compagnie ayant servi en Bourgogne sous le duc Philippe (Arch. de la Côte d’Or, fonds de la Chambre des Comptes, série B, liasse 357; Invent., I, 38). Le 2 octobre 1364, ce même soudic, chevalier et sire de Didonne (auj. Saint-Georges-de-Didonne, Charente-Inférieure, arr. Saintes, c. Saujon), fit hommage à Charles V pour le château de Beauvoir sis en la sénéchaussée de Toulouse (Arch. Nat., J622, nº 75; J400, nº 60), et il renouvela cet hommage en 1365 (J622, nº 66). Deux ans environ après l’aveu du 2 octobre 1364, c’est-à-dire le 10 juin 1366, ce soudic ou soudan de la Trau n’en faisait pas moins hommage à Bordeaux, au prince d’Aquitaine, pour cette même seigneurie de Didonne (Maichin, Hist. de Saintonge, 1671, in-fº, p. 172).

[205] Dordogne, arr. Ribérac.

[206] Froissart appelle ce personnage Braimon de Laval. Le véritable nom de ce chevalier, manceau et angevin plutôt que breton, était Gui de Laval, dit Brumor, fils aîné de Foulque de Laval et de Jeanne Chabot, dame de Rais. Marié en premières noces à Jeanne de Montmorency, dame de Blaison (Maine-et-Loire, arr. Angers, c. les Ponts-de-Cé) et de Chemillé (Maine-et-Loire, arr. Cholet), Brumor de Laval se remaria à Thiphaine de Husson, fille de Fraslin de Husson, chevalier, seigneur de Ducey (Manche, arr. Avranches), de Champcervon (Manche, arr. Avranches, c. la Haye-Pesnel) et de Chérencé (auj. Chérencé-le-Héron, Manche, arr. Avranches, c. Villedieu), et de Clémence du Guesclin, la plus jeune des sœurs du futur connétable. Gui de Laval, dit Brumor, devint ainsi, par suite de ce mariage, le neveu par alliance de Bertrand du Guesclin.

[207] Pierre Ier, roi de Chypre, était à Paris le 29 février 1364. Voyez plus haut, p. XLVI, note 179.

[208] Les obsèques du roi Jean furent célébrées, malgré l’épuisement du Trésor, avec un grande magnificence. On dépensa à ces obsèques, en trois jours, du 27 au 29 avril, dix-sept mille sept cent soixante et une livre de cire, qui, à 23 francs les cent livres, coûtèrent 4,805 francs 7 deniers parisis. Bibl. Nat., Quittances, XV, nº 21.

[209] Le lundi 13 mai, le captal de Buch était à Vernon, où la reine Blanche de Navarre, veuve de Philippe VI de Valois, dévouée de cœur à la cause du roi de Navarre son frère, offrit un dîner magnifique au généralissime de Charles le Mauvais.

[210] La seigneurie de Sault (auj. Sault-de-Navailles, Basses-Pyrénées, arr. et c. Orthez) était située, non en Navarre, mais en Béarn.

[211] Tous les historiens semblent avoir ignoré jusqu’à ce jour que le bascle ou le bascon de Mareuil appartenait à la famille béarnaise de Sault. Le surnom de bascle, bascon ou basquin est un équivalent de notre mot basque, qui, au moyen âge, servait à désigner les Béarnais aussi bien que les Navarrais proprement dits. Le véritable nom de l’aventurier qui périt à Cocherel est Jean de Sault, ainsi que le prouve la quittance suivante dont nous devons l’indication à notre savant collègue M. Demay: «Sachent tous que je Jehan de Sault, dit le bascon de Mareul, escuier, sergant d’armes du roy de Navarre notre seignour, ay eu et receu de Jehan des Ylles, viconte de Coutances pour nostre dit seigneur, la somme de cent livres tourneis pour cest present terme de la Saint Michiel, en rabatant de la somme de deulx cens livres tourneis que je pren chacun an sur la recepte de la dicte vicontey à ma vie tant seulement du don de mon dit seigneur. De laquelle somme de cent livres je me tiens pour bien paié et promet aporter quitance envers le dit monseignour au dit viconte. En tesmoing de cen, j’ay seellé ces lettres de mon seel. Donné à Gavray, le ve jour d’octobre mil ccc soixante et trois.» Bibl. Nat., Titres scellés de Clairambault, vol. 101, fº 7859.

[212] En 1364, le mercredi de la Pentecôte est tombé le 15 mai.

[213] Jean de Grailly, captal de Buch, occupa, dès la journée du mercredi 15 mai, le sommet et les pentes d’une colline escarpée qui domine le village de Cocherel, situé sur la rive droite de l’Eure, à l’endroit où un pont mettait alors en communication les deux tronçons d’une très-ancienne route reliant ensemble Vernon et Évreux. Cocherel (auj. Houlbecq-Cocherel, Eure, arr. Évreux, c. Vernon), situé sur la rive droite de l’Eure à environ 2 kil. 1/2 de cette rivière, est à peu près à égale distance d’Évreux, de Pacy, de Vernon et d’Acquigny, places qui étaient alors fortifiées et occupées par les Navarrais.

[214] Ce Jean Jouel avait été en quelque sorte lâché sur la Normandie par Édouard III, furieux de la mauvaise foi de Louis, duc d’Anjou, qui refusait de revenir se constituer otage en Angleterre: «Puis manda le dit roi Edouart à monseigneur Jehan Jouel, qui avoit et tenoit plusieurs fors en Normandie, qu’il guerroiast en France en son propre nom comme Jehan Jouel, et fut une guerre couverte.» Chronique des quatre premiers Valois, p. 409.—Les Compagnies tenaient alors la France tellement à discrétion que, de tous les points du royaume, leurs chefs purent se rendre en Normandie et amener des renforts au captal de Buch sans être inquiétés. Il en vint jusque des confins du Berry, du Nivernais, du Bourbonnais et de l’Auvergne. Il faut lire le charmant épisode des chroniques de Froissart, où un aventurier basque, nommé le Bascot de Mauléon, capitaine du Bec-d’Allier (auj. forges de la commune de Cuffy, Cher, arr. Saint-Amand-Mont-Rond, c. la Guerche) en 1364, raconte, vingt-quatre ans après ces événements, à notre chroniqueur, son commensal à l’hôtel de la Lune, à Orthez, ses prouesses de routier et notamment la part qu’il prit à la bataille de Cocherel où il fut fait prisonnier par un Gascon du parti français, l’un de ses cousins, appelé Bernard de Terride, qui le rançonna à mille francs: «Quant les nouvelles me furent venues que le captal mon maistre estoit en Costentin et assambloit gens à son povoir, pour le grant desir que je avois de le voir, je me partis de mon fort à douze lances et me mis en la route messire Jehan Jouel et messire Jacqueme Planthin et vinsmes sans dommage et sans rencontre qui nous portast dommage devers le captal.» Froissart de Buchon, éd. du Panthéon, II, 408.

[215] On a ici la version anglo-gasconne de la bataille de Cocherel que Froissart, pendant son séjour à Bordeaux à la cour du prince d’Aquitaine et de Galles en 1366 et 1367, s’était fait raconter par le Roi Faucon et aussi sans doute par quelques-uns des seigneurs gascons, ralliés dès lors au parti anglais, qui avaient combattu à Cocherel dans les rangs français. Cette version est un conte inventé à plaisir et, comme nous l’avons dit ailleurs, une pure gasconnade. Pour prouver que la prise du captal par les Gascons ne se peut soutenir, il suffit de citer les lignes suivantes d’un acte authentique où Jean de Grailly reconnaît qu’il a été fait prisonnier par un écuyer breton, bien connu, nommé Roland Bodin: «Je Jehan de Greilly, captal du Buch, de ma pure et franche voulenté, reconnois et confesse par ces présentes que, comme pieça, en la bataille qui fu decoste Coicherel en Normandie, Rolant Bodin, escuier, m’eust pris et fusse son loyal prison...» Arch. Nat., J616, nº 6. Cf. Hist. de B. du Guesclin, p. 448 à 450, 600 à 603.

[216] Froissart a beaucoup surfait l’influence qu’ont pu avoir les Gascons sur l’heureuse issue de la journée du 16 mai. Nous avons prouvé ailleurs, en nous appuyant sur le témoignage très-explicite de quatre chroniqueurs contemporains, que Bertrand gagna la bataille de Cocherel, d’abord grâce à sa retraite feinte, ensuite à la faveur du mouvement tournant exécuté au dernier moment par une réserve de ses Bretons qui chargèrent en queue les Anglo-navarrais. Hist. de du Guesclin, p. 446, note 4.

[217] Raymond de Montaut, seigneur de Mussidan (Dordogne, arr. Ribérac), avait prêté serment de foi et hommage au prince d’Aquitaine et de Galles, en l’église Saint-Front de Périgueux, le 13 août 1363. (Delpit, Documents français en Angleterre, p. 104). Arnaud Amanieu, sire d’Albret (auj. Labrit, Landes, arr. Mont-de-Marsan), voulant accompagner Charles V à Reims et assister à la cérémonie du couronnement du roi de France, avait placé ses gens d’armes sous la conduite du sire de Mussidan.

[218] Ces détails intéressants sont empruntés à un manuscrit des Chroniques de Froissart conservé aujourd’hui à la bibliothèque de l’université de Leyde. Ce manuscrit, désigné dans notre classement des manuscrits de Froissart et dans nos variantes sous le nº 17, paraît être l’œuvre de deux copistes; mais les interpolations que nous signalons n’appartiennent qu’à l’un de ces copistes qui semble être le même que le scribe à qui nous devons les manuscrits nos 6474 et 6475 de la Bibliothèque Nationale (nº 15 de notre classement). Or, le copiste de ce dernier manuscrit s’appelait Raoul Tainguy. Ce nom accuse une origine bretonne, et en effet presque toutes les interpolations, que nous avons relevées dans les deux manuscrits dont nous venons de parler, se rapportent à la Bretagne et surtout à Bertrand du Guesclin et à ses compagnons d’armes. C’est d’après le manuscrit de Raoul Tainguy, conservé à la Bibliothèque Nationale sous les nos 6474 et 6475, que nous avons pu donner dans nos variantes (p. 299) la liste des principaux chevaliers bretons qui combattirent à Cocherel, et cette liste est tellement exacte, qu’on la croirait dressée d’après une montre authentique. La miniature, qui forme l’en-tête de ce manuscrit, est aux couleurs (blanc, vermeil, vert et noir) et porte la devise (jamès) de Charles VI. Du Guesclin y est représenté avec un costume de cérémonie brodé à ses armes, debout, tête nue, tenant de la main droite son épée et de la main gauche l’épée de connétable. La physionomie du célèbre capitaine a une expression individuelle si prononcée, qu’il est impossible de n’y pas voir un portrait. On lit sur la feuille de garde du 1er volume de ce manuscrit (nº 6474): «Ce manuscrit, échappé du château du Verger, a été envoyé par M. Marchand de la part de M. le prince de Rohan pour la bibliothèque de M. le prince de Soubise. Ce 21 avril 1779.» La terre et le château du Verger, en Anjou (auj. château de la commune de Seiches, Maine-et-Loire, arr. Baugé), avaient passé aux Rohan à la fin du quatorzième siècle par le mariage de Charles de Rohan avec Catherine du Guesclin, dame du Verger, fille unique de Bertrand du Guesclin, II du nom, marié à Isabeau d’Ancenis et neveu à la mode de Bretagne du connétable qui lui avait légué par testament, le 10 juillet 1380, deux cents livres de rente assises sur sa seigneurie de Sens. Il y a lieu de croire par conséquent que le manuscrit provenant du Verger, et dont l’écriture trahit la fin du quatorzième siècle ou les premières années du quinzième, a appartenu à Catherine du Guesclin. Le manuscrit de la bibliothèque de Leyde, qui est aussi en grande partie l’œuvre de Raoul Tainguy, provient de la même région que son congénère de la Bibliothèque Nationale, car on y lit ces mots en marge, à la partie supérieure du premier feuillet: «Premier volume de l’histoire de messire Jehan Froissart achepté à Angers par moi C. (Claude) Fauchet l’an 1593; fut relié à Tours; me cousta 5 livres 2 sous en tout.» Raoul Tainguy a farci le texte de Froissart, dans le manuscrit de Leyde, d’interpolations qui n’ont pas une saveur bretonne moins prononcée que celles du manuscrit de la Bibliothèque Nationale. Le chroniqueur de Valenciennes nomme-t-il, par exemple, les principaux aventuriers qui accompagnèrent le prince de Galles en Espagne, Tainguy ajoutera à cette liste le nom d’un de ses compatriotes qu’il désignera ainsi: «Maleterre, breton, nez de Saint Melair lez Cancalle où sont les bonnes oestres.» Ms. de la bibliothèque de l’université de Leyde, fonds Vossius, nº 9, fº 344 vº.

[219] Baudouin de Lens, sire d’Annequin (Pas-de-Calais, arr. Béthune, c. Cambrin), était depuis dix ans le fidèle compagnon d’armes de Bertrand du Guesclin avec lequel il avait organisé des joutes à Pontorson dès 1354 (Hist. de du Guesclin, p. 122, note 2). Environ trois semaines avant Cocherel, le 25 avril, Baudouin, sire d’Annequin, avait donné quittance de 1088 francs d’or qui lui avaient été assignés «pour certain service par lui fait ou roy nostre dit seigneur devant Rolleboise.» Bibl. Nat., Quittances, XV, nº 7.

[220] Charles V donna vers 1366, les château et seigneurie de Tillières (auj. Tillières-sur-Avre, Eure, arr. Évreux, c. Verneuil) à Gui le Baveux, seigneur de Longueville, «en recompense de ce qu’il avoit fait prisonnier en la bataille proche Cocherel Guillaume de Gauville, ennemi du roi.» Arch. Nat., J217, nº 23.

[221] A la liste des prisonniers de Cocherel on peut ajouter Geffroi de Roussillon pris par Amanieu de Pommiers, l’Anglais Robert Chesnel par Gaudry de Ballore (Arch. Nat., sect. jud., X1a 19,fos 300 et 301), le Navarrais Pierre d’Aigremont, capitaine du Bois-de-Maine, par un écuyer du diocèse de Quimper (Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, II, 175), Jacques Froissart, secrétaire du roi de Navarre (Bibl. Nat., Quittances, XV, 211), Jean de Trousseauville, cher (Ibid., XV, 258), Colin de Fréville, écuyer (Arch. Nat., JJ146, nº 364), Jean de Launoy, bourgeois d’Évreux (JJ116, nº 111,), enfin Baudouin de Bauloz, Jean Gansel, Lopez de Saint-Julien, capitaines navarrais d’Anet, de Livarot et de Saint-Sever (Arch. Nat., J381, nº 3).

[222] Eure, arr. et c. Louviers. En 1364, Acquigny était au pouvoir des Navarrais. Bibl. Nat., Quittances, XV, 264.

[223] Vernon avait été cédé par le dauphin régent le 21 août 1359, en échange de Melun, à la reine Blanche de Navarre, veuve de Philippe de Valois, ainsi que Vernonnet, Pontoise, Neaufles, toute la vicomté de Gisors à l’exception de la ville et du château, Neufchâtel et Gournay. Blanche, sœur de Charles le Mauvais, était toute dévouée à son frère; et, s’il faut en croire le Cauchois Pierre Cochon, la châtelaine de Vernon, trompée par la feinte de Bertrand, se hâta trop de fêter la victoire du captal de Buch: «Si avint que messire Bertran se retray et fist passer ses sommages oultre la rivière (d’Eure). Les nouvelles vindrent à la royne Blanche que les Franchois estoient desconfits et, celles nouvelles oyes, menestriex commenchèrent à corner, et dames et damoiselles à danser et demener si grant joye que nul ne le peust penser. Et tantost après, en mainz de deux hores, oïrent autres nouvelles. De quoy les vielles furent mises soubz le banc et fu la grant joye tournée à grant plor. Et avoit la dite roine une grant huche toute plaine de linges, robes et de chausses semellées à poulaine, qui couroient pour le temps, à leur donner après la bataille; et pour ce que le roy de Franche oy parler de celle grant joye et que Vernon estoit trop entre les forteresches des Navarrois, elle fu mise hors.» Chronique Normande de P. Cochon, publiée par M. Charles de Beaurepaire, Rouen, 1870, p. 111 et 112.—Il est certain, en effet, que presque tous les actes, émanés de la chancellerie de la reine Blanche postérieurement à la bataille de Cocherel, sont datés de son château de Neaufles (aujourd’hui Neaufles-Saint-Martin, Eure, arr. les Andelys, c. Gisors). Bibl. Nat., Quitt., XV (voir p.59-64-71), 167, 218.

[224] Charles V reçut la nouvelle de la victoire de Cocherel la veille de son sacre, le samedi 18 mai, deux jours après la bataille, au moment où il arrivait aux portes de Reims. Cette nouvelle lui fut apportée par deux messagers, l’un, Thomas Lalemant, son huissier d’armes, à qui il assigna en récompense 200 livres parisis de rente (Arch. Nat., JJ96, nº 372), l’autre Thibaud de la Rivière, écuyer breton de la Compagnie de du Guesclin, qu’il gratifia de 500 livres tournois de rente (Catalogue Joursanvault, I, 6, nº 33; 309, nº 1710).

[225] Quoique Philippe eût été créé duc de Bourgogne par le roi Jean à Germigny-sur-Marne dès le 6 septembre 1363, Charles V continua de donner à son plus jeune frère le titre de «duc de Touraine» jusqu’au 2 juin 1364, jour où il se décida à confirmer au profit de Philippe la donation du duché de Bourgogne faite par son père (dom Plancher, Hist. de Bourgogne, II, Preuves, CCLXXVIII). Une particularité que tous les historiens semblent avoir ignorée, c’est que Charles V, par acte daté de son château du Goulet, le 18 avril 1364, dut promettre à son second frère Louis, duc d’Anjou, qu’au cas où il viendrait à avoir des héritiers mâles légitimes aptes à lui succéder sur le trône, il donnerait à perpétuité à son dit frère le duché de Touraine, tant la cité et le château de Tours, que toutes les autres appartenances de ce duché. Arch. Nat., J375, nº 3.

[226] Pierre de Sacquenville fut exécuté à Rouen entre le 27 mai et le 13 juin 1364. Le 13 juin 1364, Charles V donna à son amé et féal cher et chambellan Pierre de Domont les châteaux, forteresses ou manoirs de Sacquenville (Eure, arr. et c. Évreux) et de Bérengeville ainsi que les terres, situées en Brie et en Champagne, confisquées sur Pierre de Sacquenville, «comme il se feust mis en la bataille du captal de Buch pour le roy de Navarre, ennemi de nous et de notre royaume, contre noz bons et loyaux chevaliers et subgiez et en ycelle bataille, à la desconfiture du dit captal et sa compaignie, le dit Pierre ait esté pris et, comme traitre de nous et de nostre royaume, amené en noz prisons en nostre ville de Rouen et illeucques pour ses demerites executez (Arch. Nat., JJ96, nº 116). A la même date, les châteaux ou manoirs de Corvail et de Couvay, confisqués comme les précédents sur feu Pierre de Sacquenville, furent donnés à Jean de Gaillon, sire de Grosley. Ibid., nº 118.

[227] Au commencement du mois de septembre 1364, la belle reine Jeanne d’Évreux, veuve de Charles le Bel, dame de Château-Thierry, qui nourrissait un sentiment tendre pour le captal de Buch, obtint du roi que le vaincu de Cocherel reviendrait tenir prison à Paris. Hist. de du Guesclin, p. 600 à 603.

[228] Du 14 juillet au 20 août, Mouton, sire de Blainville, capitaine pour le roi au diocèse de Rouen par deçà Seine, alla assiéger Acquigny, à la tête d’une troupe qui comprenait à la fin du siége 44 chevaliers, tant bannerets que autres, et 105 écuyers (Bibl. Nat., Quitt., XV, 49, 53). Mouton leva au commencement de septembre le siége d’Acquigny pour aller avec le duc de Bourgogne sur les bords de la Loire renforcer le siége mis par les Français devant la Charité.

[229] L’une de ces forteresses, situées entre Loire et Allier, était encore occupée en 1367 par un routier navarrais nommé le bour Camus. Nous voulons parler de Beauvoir qu’il nous est impossible d’identifier même d’une manière dubitative, ainsi que l’a fait M. Chazaud (La Chronique du bon duc Loys de Bourbon, p. 16, note 2), avec Beauregard. Beauvoir est aujourd’hui un château de Saint-Germain-Chassenay, Nièvre, arr. Nevers, c. Decize. Ce lieu fort était tombé de bonne heure au pouvoir des Compagnies, car dès 1358 Pierre de Chandio, châtelain de Decize pour le comte de Flandre et de Nevers, faisait réparer le pont-levis du château confié à sa garde, «pour obvier à la male volenté des Englois qui tenoient plus de cent forteresses... Droy, Beauvoir, Vitry, Isenay, Saint Gracien sur Allier,... lesquelz plusieurs fois se misent en essey de eschaler, embler et prendre la ville et le chastel de Decize.» Arch. de la Côte d’Or, B4406; Invent., II, 112.—La reddition de Beauvoir et la prise du bour Camus par les gens du duc de Bourbon durent avoir lieu après décembre 1367 (Ibid., B5498; Invent., II, 273).—Un peu au nord-est de Beauvoir, sur la rive droite de la Loire, les Compagnies anglo-navarraises tenaient à la même époque le château de Montécot dont les ruines informes se voient encore à Sémelay, Nièvre, arr. Château-Chinon, c. Luzy. L’identification, faite par M. Chazaud, de Montécot avec Montesche nous paraît inadmissible. La Chronique du bon duc Loys de Bourbon, p. 16, note 3.

[230] La date de l’occupation de la Charité-sur-Loire (Nièvre, arr. Cosne), qui n’a été donnée jusqu’à ce jour d’une manière un peu précise par aucun historien, doit être fixée au mois d’octobre 1363. Cela résulte d’une lettre de rémission accordée par Charles V en janvier 1367 (n. st.) à Jeannet Sardon ou Sadon, de la Charité-sur-Loire, «comme, en la fin du moys de septembre en l’an MCCCLXIII, le fort de la tour de Bèvre (auj. château de Germigny, Nièvre, arr. Nevers, c. Pougues, sur la rive droite de la Loire, à peu près à égale distance de Nevers au sud et de la Charité-sur-Loire au nord) eust esté et fust prins par aucuns Angloiz, noz enemis et cellui an la ville de la Charité dessus dicte eust esté et fust ou moys d’octobre ensuivant prinse par autres Angloiz, Gascons et autres gens de Compaignie, eulx portans pour lors noz enemis, lesquelles forteresses, ainsin prises, furent detenues et occupées par noz diz ennemis bien par l’espace de sèze ou dix et sept moys ou environ: durant lequel temps, le dit Sardon, qui pour l’empeschement de noz diz enemis ne povoit demourer en la dicte ville de la Charité, demoura en la ville de Sancerre en l’ostel et ou service de Estienne de Heriçon, bourgois du dit lieu de Sancerre, son oncle. Si advint que par pluseurs foys les diz enemis furent et vindrent en la dicte ville de Sancerre, tant pour traictier de finances ou raençons d’aucuns de leurs Compaignons qui prins y furent par pluseurs intervalles par nostre amé et feal le conte de Sancerre et sez frères et par leurs genz qui contre yceulx enemis firent moult honorable et loyal guerre et leur portèrent très grans domaiges, si comme l’en dit, comme pour traictier de la raençon de pluseurs personnes du pays que les enemis y tindrent prisonniers par devers eulx. Et mesmement les diz enemis, tenans la dicte ville de la Charité, furent et repairèrent pluseurs foiz en la dicte ville de Sancerre pour traictier de la delivrance de la dicte Charité, duquel traictié le dit conte fu par aucune partie du temps chargié, si comme l’en dit, auxquielz enemis, tant pour ce que il fussent plus favorables et gracieux à la delivrance de leurs prisonniers et à passer et consentir lez traictiez de la dicte delivrance de la Charité et afin de apaisier leurs malvaises et dures volentez et que il n’ardissent les maisons et manoirs du dit Sadon et du dit Estienne son oncle, ycellui Sadon tint aucune foiz compaignie en la dicte ville de Sancerre et leur vendi et delivra vins, advenes et autres choses, et merchanda avec eulx de chevaulx et d’autres choses, tant pour lui et pour le dit Estienne son oncle comme pour le traictié et delivrance d’aucuns prisonniers qui prins furent ou temps dessus dit, tant en la dicte tour de Bèvre comme en la dicte ville de la Charité...» Arch. Nat., JJ97, nº 638, fº 178.

[231] Auj. hameau de Péronville, Eure-et-Loir, arr. Châteaudun, c. Orgères. Les ruines du fort de Marchelainville sont encore marquées sur la carte de Cassini. La forme de ce nom de lieu, dans les divers manuscrits de Froissart, est Marceranville, Marcerainville, Macerenville, Macheranville (p. 139, 315). M. de Barante (Hist. des ducs de Bourgogne, éd. de Bruxelles, 1837, I, 74) a identifié la forteresse ainsi désignée avec Marchéville (Eure-et-Loir, arr. Chartres, c. Illiers), mais cette identification ne soutient pas l’examen.

[232] Château situé à Chilleurs-aux-Bois, Loiret, arr. et c. Pithiviers. Les ruines de ce lieu fort sont, comme celles de Marchelainville, marquées sur la carte de Cassini. Par acte daté de Paris en septembre 1367, Charles V octroya une lettre de rémission à Thibaud de Grassay, écuyer, seigneur de Tremblevif (Loir-et-Cher, arr. Romorantin, c. Salbris) qui «en l’an LXIII, environ la Saint Denis (9 octobre), avait fortifié l’église de ce village, s’y ravitaillant aux dépens du plat pays des environs et employant le produit de ses rapines à mettre la dite église en état de résister aux attaques des Compagnies, «excepté une queue de vin que ycellui suppliant vendi pour faire couvrir un jaque, quant il ala servir nostre très cher et très amé frère le duc de Bourgoigne quant il fu devant le fort de Chameroles...» Arch. Nat., JJ97, nº 413, fº 106.—D’après le récit de Froissart, le fort de Chamerolles devait être situé dans le voisinage de Marchelainville. M. de Barante s’est donc trompé en voulant reconnaître dans le premier de ces deux forts un «Camerolles» qu’il faudrait aller chercher à mi-chemin de Montargis et de Gien et un peu à l’est de ces deux villes (auj. hameau de Châtillon-sur-Loing, Loiret, arr. Montargis).

[233] Vers le milieu de 1364, le château de Dreux n’était plus depuis longtemps au pouvoir des Compagnies, et nous révoquons en doute jusqu’à preuve du contraire cette partie du récit de Froissart. Quant à Preux, que M. de Barante a transformé en Preuil, nous ne connaissons aucun lieu fort de ce nom en Beauce, dans le pays chartrain ou le Perche.

[234] On peut lire à volonté dans les manuscrits de Froissart Connai, Connay, Couvai ou Couvay. Nous avons préféré la forme Couvai, nom de lieu qui s’est conservé en composition dans Crécy-Couvé, Eure-et-Loir, arr. et. c. Dreux. Quoi qu’il en soit, l’identification faite par M. de Barante du Couvai de Froissart avec un Conneray, nom de lieu qui nous est inconnu (serait-ce Connerré, Sarthe, arr. le Mans, c. Montfort?), cette identification est tout à fait inadmissible: le temps et l’usage contractent souvent les formes, mais ne les allongent jamais, surtout à l’intérieur des mots. V. Hist. des ducs de Bourgogne, I, 75.

[235] Une montre publiée par dom Plancher (Hist. de Bourgogne, III, 556) nous fait connaître les principaux chevaliers qui servirent en Beauce sous le duc de Bourgogne. On y distingue le comte de la Marche, Simon, comte de Braine, Jean le Maingre, dit Boucicaut, maréchal de France, Enguerrand, sire de Coucy, Amauri, sire de Craon, Antoine, sire de Beaujeu, Jean de Vienne et Robinet de Chartres, écuyer. Philippe, duc de Bourgogne, dut quitter la Beauce, pour se rendre à la cour du roi son frère, du 10 au 24 août 1364, car c’est entre ces deux dates que Charles V fit un séjour en Brie, soit à Crevecœur, soit à Vaux, soit à Crécy. L. Delisle, Mandements de Charles V, p. 31 à 33, nos 66 à 70.—Cette campagne du duc de Bourgogne en Beauce fut entreprise presque au lendemain de la victoire de Cocherel, dans le courant de juin 1364. Du Guesclin semble avoir été chargé au début de la direction générale des opérations. Dans deux quittances de Renier le Coutelier, vicomte de Bayeux et trésorier des guerres, en date des 15 et 24 juin, Bertrand est qualifié capitaine général de la province de Rouen et du bailliage de Chartres ou encore lieutenant du roi entre Loire et Seine (Bibl. Nat., Quitt., XV, 29, 34). C’est seulement dans la dernière semaine de juin que le comte de Longueville fut envoyé en Basse Normandie contre les Navarrais (La Roque, Hist. de la maison de Harcourt, IV, 2300). Bertrand était à Caen le 21 juin (Bibl. Nat., ms. fr. nº 22469, fº 77); il assiégeait Valognes le 9 juillet (Arch. Nat., JJ98, nº 210) et, le 11, il avait pris cette ville (Ibid., JJ108, nº 329). Le 24, il était de passage à Saint-Lo (Ibid., JJ96, nº 429). Il allait renforcer la petite armée qui, dès le 12 juillet, avait mis le siége devant Échauffour (Orne, arr. Argentan, c. Merlerault), sous les ordres du maréchal de la Ferté, de Pierre, seigneur de Tournebu, et de Guillaume du Merle, seigneur de Messey. Les machines des assiégeants lancèrent 2960 pierres, et les assiégés ne se rendirent qu’au bout de 42 jours. (Bibl. Nat., ms. fr. nº 4987, fº 91; Quittances, XV, nº 723.

[236] Philippe, alors duc de Touraine, avait lancé les Compagnies sur le comté de Bourgogne dès le mois de décembre 1363. La comtesse Marguerite avait appelé sous les armes la noblesse comtoise, après avoir fait rompre le pont d’Apremont (Haute-Saône, arr. et c. Gray); et le comte de Montbéliard et Jean de Neufchâtel, neveu du comte, s’étaient mis à la tête de cette noblesse. Le 25 juillet 1364, Ancel de Salins avait signé à Villers-Farlay un traité de paix avec le duc au nom de la comtesse; mais le comte de Montbéliard et son neveu avaient refusé d’y souscrire. A la fin du mois de septembre suivant, apprenant que le comte de Montbéliard, à la tête de quinze cents lances recrutées en Alsace et en Allemagne, s’était avancé jusqu’à Châtillon-sur-Seine, le duc de Bourgogne s’était mis à sa poursuite avec l’Archiprêtre et l’avait forcé à chercher un refuge en Alsace, où Arnaud de Cervolle alla porter le ravage, ainsi que dans les comtés de Bourgogne et de Montbéliard. Finot, Recherches, p. 92.

[237] Robert, dit Moreau, sire de Fiennes.

[238] La première rédaction (p. 145, lignes 4 et 5) dit que ces maréchaux étaient Boucicaut et Mouton, sire de Blainville. Boucicaut était en effet maréchal de France et il prit part au siége de la Charité. Quant à Jean de Mauquenchy, dit Mouton, sire de Blainville, il assista aussi à ce siége, à la fin de septembre et dans les premiers jours d’octobre (Bibl. Nat., Quitt., XV, 66, 95), et il y eut plusieurs chevaux tués et affolés (Delisle, Mandements de Charles V, p. 48, nº 93); mais il ne fut fait maréchal de France que le 20 juin 1368 (Anselme, Hist. généal., VI, 756). La seconde rédaction (p. 321) substitue Arnoul, sire d’Audrehem, à Mouton, sire de Blainville.

[239] Philippe, duc de Bourgogne, avait mis le siége devant le fort de Moulineaux (auj. hameau de la Bouille, Seine-Inférieure, arr. Rouen, c. Grand-Couronne) à la fin d’août et dans les premiers jours de septembre. Le 8 septembre, Guillaume de Calletot, cher, était envoyé avec un autre chevalier, quinze hommes d’armes et deux archers étoffés «en l’aide de très excellent et puissant prince mgr le duc de Bourgoigne qui a mis un siège devant le fort de MoulineauxBibl. Nat., Quitt., XV, 54 à 57.—Rappelé par l’invasion des Compagnies sur les frontières de son duché, Philippe quitta précipitamment la Normandie et n’arriva devant la Charité qu’à la fin de septembre, car nous avons une lettre de Philippe adressée à Jacques de Vienne, son lieutenant dans le Lyonnais, et datée de Cosne-sur-Loire, le lundi 30 septembre (dom Plancher, Hist. de Bourgogne, II, 300). D’un autre côté, le mandement de Charles V mentionnant la présence devant la Charité de Mouton, sire de Blainville, «en la compaignie de nostre très chier et amé frère le duc de Bourgoigne», est du 7 octobre 1364.

[240] Quoi qu’en dise Froissart, il est presque impossible d’admettre que du Guesclin ait pu assister au siége de la Charité. Le 20 août 1364, le nouveau comte de Longueville, sire de Broons et de la Roche Tesson, chambellan du roi, s’intitulait encore «lieutenant général en Normandie» dans une quittance de cent francs d’or de l’argenterie du roi délivrée à Renier le Coutelier (Bibl. Nat., dép. des mss., Titres originaux, au mot du Guesclin). Peu avant le 20 septembre, Charles V donnait l’ordre d’annuler les assignations de deniers faites antérieurement à Bertrand sur les receveurs de Chartres, d’Évreux, de Lisieux de Séez, de Bayeux, de Coutances et d’Avranches (Bibl. Nat., Quitt., XV, 62); et cette annulation serait inexplicable, s’il fallait admettre avec Froissart que du Guesclin servait alors le roi de France devant la Charité. Le 29 septembre suivant, le vainqueur de Cocherel prenait part à la bataille d’Auray. Entre ces deux dates, on voit qu’il ne reste pas de place pour un voyage à la Charité et le retour en Bretagne.

[241] Dès le commencement de juillet 1364, Mouton, sire de Blainville, avait mis le siége devant Évreux (Bibl. Nat., Quittances, XV, 53). Au mois de septembre suivant, Charles V accorda une lettre de rémission à Jean le Rebours, doyen, vicaire et official d’Évreux, partisan du roi de Navarre, «à la requeste de Hue de Chastillon, maistre de nos arbalestriers (nommé en remplacement de Baudouin, sire d’Annequin, tué à Cocherel), de Jean, sire de la Rivière et de Preaux, nostre chambellan, et de Mouton, sire de Blainville, nostre conseiller, qui ont esté et sont de par nous à siége devant la dicte villeArch. Nat., JJ96, nº 256, fº 85 vº.—Les Français avaient déjà levé le siége d’Évreux en octobre, car dans le courant de ce mois le roi octroya une lettre de rémission à Jean Quieret, seigneur de Fransu, chevalier, et à Godefroi de Noyelle, écuyer, considéré que «dicti miles et Godefridus coram civitate Ebroycensi in comitiva dilecti et fidelis militis et cambellani nostri Johannis de Riparia fuerunt...» Arch. Nat., JJ96, nº 294, fos 93 et 94.

[242] En 1364, Jean de Chalon, IV du nom, fils aîné de Jean de Chalon, III du nom, comte d’Auxerre et de Tonnerre, prenait le titre de comte d’Auxerre concurremment avec son père, quoique celui-ci, prisonnier non racheté des Anglais, fût encore vivant. Le père Anselme (Hist. généal., VIII, 419) se trompe en faisant mourir Jean III avant 1361. Bibl. Nat., Clairambault, xxvii, 1993.

[243] Louis de Navarre, frère de Charles le Mauvais, arriva en Normandie, non pas, comme le dit Froissart, après la mort de Philippe de Navarre, comte de Longueville, décédé dès le 29 août 1363, mais après la défaite du captal de Buch à Cocherel, vers le milieu du mois d’octobre 1364. Le premier acte que nous connaissions, qui atteste l’arrivée et la présence de Louis de Navarre en Normandie, est daté de Mortain le 21 octobre 1364; Louis, comte de Beaumont le Roger, prend dans cet acte le titre de lieutenant du roi de Navarre en France, Normandie et Bourgogne (Bibl. Nat., Quitt., XV, 92). D’autres actes, émanés de Louis de Navarre, sont datés de Cherbourg le 31 octobre (Ibid., nº 99), de Bricquebec, le 2 novembre (Ibid., nº 104), de Valognes, le 16 novembre (Ibid., nº 110), d’Avranches, le 16 décembre 1364 (Ibid., nos 113 et 114), d’Évreux, le 14 février 1365 (Ibid., nº 136), de Pontaudemer, le 19 février (Ibid., nº 138), d’Évreux, le 22 mars (Ibid., nº 151), de Cherbourg, le 10 avril (Ibid., nº 156), les 12 et 20 août (Ibid., nos 195, 197), de Bricquebec, le 4 novembre (Ibid., nº 226), de Cherbourg, le 13 novembre (Ibid., nº 232), de Gavray, le 24 novembre (Ibid., nº 238), de Bricquebec, les 11 et 12 décembre (Ibid., nos 245, 246), de Gavray, le 19 décembre (Ibid., nº 251), d’Avranches, le 20 décembre 1365 (Ibid., nº 252).

[244] Ce ne fut point, comme Froissart le dit par erreur, pour les enrôler au service de Charles de Blois, que le roi de France rappela les gens d’armes envoyés devant la Charité, car le retour de ces gens d’armes est postérieur à la bataille d’Auray. Cette bataille se livra le 29 septembre, et à cette date, Mouton, sire de Blainville, par exemple, n’était pas encore revenu du siége de la Charité, puisque l’on fut obligé, «en l’absence de ce chevalier, capitaine pour le roy ès cité et diocèse de Rouen», de confier la défense du pays à Regnault des Illes, bailli de Caux (Bibl. Nat., Quitt., XV, 66). Traqué à outrance sur tous les points de la Normandie depuis la journée du 16 mai 1364, le parti navarrais essaya dans le courant de septembre de mettre à profit le départ du duc de Bourgogne et du sire de Blainville pour la Charité, de Bertrand du Guesclin pour la Bretagne; il crut que les circonstances étaient favorables pour regagner le terrain perdu depuis Cocherel. Les choses en vinrent à ce point que l’on craignit un instant que le clos des galées de Rouen, ce grand arsenal de la France au quatorzième siècle, ne tombât au pouvoir des Navarrais qui occupaient Moulineaux; et l’on mit sur pied en toute hâte douze hommes d’armes, vingt arbalétriers et archers chargés spécialement de la défense de ce clos (Bibl. Nat., Quitt., XV, 58). C’est pour ces motifs que Charles V rappela ses gens d’armes de la Charité et que, comme nous le montrerons dans une des notes du chapitre suivant, il dut voir avec un certain déplaisir Bertrand du Guesclin interrompre une campagne signalée par tant de succès et laisser la Normandie à peu près sans défense pour aller en Bretagne mettre l’épée du vainqueur de Cocherel au service de Charles de Blois.

[245] Le duc de Bourgogne, après le siége de la Charité, ne retourna pas en France. Le 26 novembre 1364, il fit son entrée solennelle à Dijon en compagnie de son frère le duc d’Anjou. Au mois de janvier de l’année suivante, il entreprit une expédition contre les Compagnies qui ravageaient la Champagne et assiégea Nogent-sur-Seine. Dom Plancher, III, 13, 557, 568.

CHAPITRE LXXXIX

[246] Du Guesclin, en allant mettre son épée au service de Charles de Blois, à la fin de septembre 1364, semble avoir obéi bien plutôt à l’inspiration de la fidélité et du dévouement qu’aux ordres du roi de France. Charles V, en effet, put être contrarié de voir le vainqueur de Cocherel s’éloigner de la Normandie au moment où le parti navarrais, réduit à la défensive depuis la journée du 16 mai, tendait à reprendre l’offensive et redoublait d’audace dans toutes les parties de cette province. Quoi qu’il en soit, il est certain que, dès les premiers jours d’août 1364, le roi de France fit tous ses efforts pour prévenir le conflit et dépêcha auprès des deux compétiteurs Pierre Domont, l’un de ses chambellans et Philippe de Troismons, l’un de ses conseillers, commis pour «aller devers le duc de Bretagne et le comte de Montfort pour certaines choses touchans l’onneur et proufit du royaume.» Bibl. Nat., Quitt., XV, 46; cf. les nos 41 et 47.—Et lorsque les hostilités furent sur le point d’éclater, lorsque Bertrand eut quitté la Normandie pour aller rejoindre le prince au service duquel il avait fait ses premières armes, Charles V n’eut rien de plus pressé que de casser aux gages le chevalier breton, comme le prouve un curieux mandement des trésoriers généraux des aides, en date du 20 septembre 1364, dont le texte est signalé et publié ici pour la première fois: «De par les generauls tresoriers. Jehan l’Uissier, nous vous mandons que des deniers de vostre recepte vous paiez et delivrez à Rollant Fournier, notaire du Chastellet de Paris, pour l’escripture de sept paires de lettres de vidimus du dit Chastellet faisans mencion des lettres du roy nostre sire encorporées ès diz vidimus, par lesquelles le roy nostre dit seigneur rappelloit l’assignacion faicte à monseigneur Bertran du Glesquin, conte de Longueville, sur les esleuz et receveurs de Chartres, d’Évreux, de Lisieux, de Sées, de Baieux, de Coustances et d’Avranches: pour chascune lettre, iii sous parisis valent XXI sous parisis. Et, par rapportant ceste presente cedule avecques lettres de quittance sur ce du dit notaire, la dicte somme de xxi sous parisis sera allouée en voz comptes sanz aucun contredit. Escript à Paris le XXe jour de septembre l’an mil ccclxiiii.» Bibl. Nat., Quitt., XV, nº 62.—Quand on connaît cet acte, il est impossible d’admettre avec Froissart que du Guesclin ait fourni à Charles de Blois un renfort de mille lances. Sans doute, Bertrand ne put guère amener en Bretagne que sa compagnie proprement dite, composée surtout de ses parents ou alliés de Bretagne et de Normandie. L’un de ces derniers, Robert de Brucourt, cher, seigneur de Maisy (Calvados, arr. Bayeux, c. Isigny), marié à Alice Paynel, fut fait prisonnier à Auray par un homme d’armes anglais nommé Thomas Caterton. Celui-ci exigea une rançon de quatorze mille francs. Robert de Brucourt, se trouvant hors d’état de payer cette somme, l’emprunta à Bertrand du Guesclin, son cousin, auquel il dut engager toutes ses terres et seigneuries à titre hypothécaire. Arch. Nat., JJ109, nº 427.

[247] Au mois d’août 1364, Charles de Blois ne se trouvait pas à Nantes, mais à Guingamp; et Cuvelier est beaucoup plus exact que Froissart dans les deux vers suivants:

/* Tout droit à une ville, qui nommée est Guinguans, Fu faite la semonce des hardiz combatans. */

/* (Vers 5412 et 5413.) */

[248] Charles de Blois, partant de Guingamp pour aller au secours d’Auray assiégé par Montfort, se serait détourné de son chemin en passant par Rennes, et il n’avait garde de suivre l’itinéraire indiqué par Froissart. Il fit sa première et principale étape à Josselin, où les contingents qui n’avaient pas rallié Guingamp vinrent le rejoindre. Cuvelier, Chronique de Bertrand du Guesclin, édit. de Charrière, I, 203, vers 5467 et 5476.

[249] Froissart travaillait sans avoir sous les yeux aucune carte des pays où se sont passés les événements qu’il raconte dans ses Chroniques. Aussi sa géographie est-elle très défectueuse, surtout quand il s’agit de régions où l’infatigable narrateur n’avait pas été conduit par son humeur curieuse ou les hasards de sa vie errante. Personne n’ignore que la distance qui sépare Rennes d’Auray est, non pas de huit, mais de plus de vingt lieues.

[250] Nous avons dit, dans une des notes précédentes, que Charles de Blois avait fait sa première halte à Josselin (Morbihan, arr. Ploërmel). La distance de Josselin à Auray (Morbihan, arr. Lorient) est de douze à quinze lieues. L’étape suivante se fit, pendant la nuit du vendredi 27 au samedi 28 septembre, dans la lande de Lanvaux (à 3 kil. au N. de Rochefort, entre la rivière d’Arz et le cours de la Claie). Un témoin qui déposa en 1371 dans l’enquête pour la canonisation de Charles de Blois «... vidit semel dictum dominum Carolum de Blesiis, dum ibat ad conflictum de Aurroyo in quo fuit mortuus, jacentem in abbatia de Longis Vallibus supra quamdam sargiam, præcinctum ad carnem quadam corda.» Bibl. Nat., ms. lat., nº 5381, t. II, fº 158. Cf. Cuvelier, vers 5760 et 5761.

[251] A la nouvelle de l’approche de Charles de Blois, Jean de Montfort, qui venait de s’emparer d’Auray, abandonna ses positions et vint occuper, sur la rive droite du Loch, les hauteurs de la Forêt et de Rostevel, dans les environs de la gare actuelle d’Auray. La rivière seule le séparait des Franco-Bretons campés dans le bois de Kermadio. Ces détails topographiques, extraits d’une chronique inédite de la Chartreuse d’Auray conservée à l’abbaye de Solesmes, sont empruntés à un très-intéressant mémoire de dom François Plaine intitulé: La journée d’Auray d’après quelques documents nouveaux. Mémoires de l’association bretonne, Saint-Brieuc, 1875, in-8º, p. 87 et 88.

[252] Après avoir passé la nuit du 27 au 28 septembre dans la lande de Lanvaux, l’armée de Charles de Blois s’était remise en marche le samedi 28 par Plumergat (Morbihan, arr. Lorient, c. Auray). En peu d’heures, on atteignit Keranna, aujourd’hui Sainte-Anne, et ensuite les bois de Kermadio, sur la rive gauche du Loch; mais il n’y eut qu’une partie des troupes à s’avancer si loin: le reste de l’armée s’échelonna entre le manoir de Kermadio et les moulins du duc en Trevalleray. Dom François Plaine, Mém. de l’association bretonne, p. 88.

[253] Ce même nombre de quatre mille donné approximativement par le P. Péan de Quélen (dom Morice, Preuves de l’histoire de Bretagne, II, 11), par Cuvelier (vers 5758), par Guillaume de Saint-André (vers 1129) confirme sur ce point la version de Froissart. Il paraît y avoir eu beaucoup de recrues dans les rangs des Franco-Bretons (Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, t. I, fº 109), et Cuvelier mentionne parmi les champions du duc de Bretagne un jeune damoiseau qui n’avait pas quinze ans: «Chevaliers fu là faiz, n’ot pas quinze ans passez.» Vers 5915.

[254] Le saint et le héros sont si intimement fondus en la personne de Charles de Blois qu’il est impossible de les distinguer: «Carolus, antequam iret ad conflictum de Aurroyo in quo mortuus fuit, adeo infirmus fuerat per septem septimanas quod se sustinere non poterat; sed illa infirmitate non obstante, ipse semper super straminibus, ut præfertur, jacebat. Et dum per istum et alios cubicularios suos reprehendebatur pro eo quod ad conflictum ire volebat in tali debilitate, ipse dicebat: «Ego ibo defendere populum meum: placeret modo Deo quod contentio esset solum inter me et adversarium meum, absque eo quod alii propter hoc morirentur!» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, fº 175.

[255] S’il fallait accepter les données de Froissart, l’effectif de l’armée de Montfort ne se serait élevé qu’à environ trois mille deux cents combattants. L’auteur de la Chronique des quatre premiers Valois, le plus exact des chroniqueurs du quatorzième siècle, fait remarquer en effet que les Franco-Bretons avaient l’avantage du nombre: «Et avoit monseigneur Charles de Bloiz plus grant nombre de gent que n’avoit le conte de Montfort.» Guillaume de Saint-André, dont on a le droit, il est vrai, de suspecter le témoignage, ne donne à Montfort que dix-huit cents hommes: «Montfort n’est que à dix huit cens.» vers 1130. Si l’on excepte Olivier de Clisson et la clientèle de ce grand seigneur, Montfort n’avait pour ainsi dire sous ses ordres que des Anglais. Or, les contingents disponibles des garnisons anglaises de la Bretagne et du Poitou ne pouvaient guère dépasser deux mille ou deux mille cinq cents combattants.

[256] On lit dans Froissart: «le samedi 8 octobre.» Il y a là deux erreurs. En 1364, le 8 octobre tomba un mardi, et non un samedi, et la veille de la bataille d’Auray doit être rapportée, non au 8 octobre, mais au samedi 28 septembre.

[257] Cet épisode est purement romanesque. Le comte de Montfort venait de s’emparer de la ville et avait forcé la garnison du château d’Auray à capituler, lorsque Charles de Blois arriva pour faire lever le siége de cette forteresse.

[258] C’est Charles de Blois, et non Jean Chandos, qui rompit définitivement les négociations. Les capitaines anglais, dont Montfort n’était que l’instrument, voulaient conserver le droit de lever des rançons sur la Bretagne pendant cinq années. Le mari de Jeanne de Penthièvre aima mieux courir les chances d’une bataille que de laisser ses sujets en butte à de telles vexations. Cela résulte de l’affirmation d’un témoin oculaire, Geoffroi de Dinan, cher, qui déposa sous la foi du serment, en 1371, dans l’enquête pour la canonisation de Charles de Blois: «... Die conflictus prædicti de Aurroyo, dum ipse (Carolus de Blesiis) cum suis gentibus armorum paratus fuisset ad bellum in campo contra adversarios suos etiam ex adverso paratos contra ipsum, perlocutum fuit de tractatu habendo cum ipso ex parte dictorum adversariorum suorum, dummundo ipsi haberent redemptiones a popularibus sui ducatus usque ad quinquennium, prout antea de facto habuerant. Et cum nobiles viri dominus de Ruppeforti et vicecomes Rohanni, presentes ibidem in armis et de parte ipsius existentes, tractatui hujusmodi consentirent, dicens dictus dominus de Ruppeforti quod, quantum in ipso erat, prædiligebat summam triginta milium librarum levari et exigi a subditis suis, quam ipsa die debellare; ac dixit presenti testi quod ipse iret ad dictum dominum Carolum et sibi diceret quod melius sibi foret permittere hujusmodi redemptiones levari a dictis popularibus quam eventum belli expectare. Qui presens testis accessit ad dictum dominum Carolum, et hoc ex parte dictorum nobilium eidem nunciavit. Quod cum audisset, respondit quod prædiligebat incidere in eventum belli, ad voluntatem Dei, quam permittere populum suum talibus miseriis et angustiis prægravari quibus compatiebatur, et pro ipsis pugnare volebat, ut dicebat, et finaliter pugnavit ac mortuus fuit.» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, t. I, fos 360 vº et 361.

[259] On a publié, d’après une liste manuscrite dressée au dix-huitième siècle par Yves Duchesnoy, les noms des principaux capitaines qui combattirent à Auray sous Jean Chandos (Revue des provinces de l’Ouest, III, 203). Cf. un opuscule intitulé: Jean Chandos, connétable d’Aquitaine et sénéchal du Poitou, par Benjamin Fillon, 1856, p. 13, note 1.

[260] «Prie» est la leçon que donnent tous les manuscrits; mais comme Froissart ajoute que ce chevalier était un grand banneret de Normandie, on peut supposer qu’il a voulu désigner le seigneur de Trie.

[261] D’après la chronique de la Chartreuse d’Auray, dont la rédaction relativement moderne, repose en général sur une tradition orale non interrompue, Hugh de Calverly s’était embusqué dans le bois de Kerlain.

[262] En 1371, six ans après l’événement, Georges de Lesven, écolâtre et chanoine de Nantes, maître ès arts et bachelier en médecine, rapportait comme une tradition très-autorisée que Charles de Blois s’était constitué prisonnier lorsqu’un partisan de Montfort (d’après les traditions de la maison de Penthièvre, Pierre de Lesnérac, Guérandais d’origine) le tua par trahison: «per magnum spatium temporis postquam captus fuit per inimicos suos et se reddiderat prisonarium eisdem, ipsi inimici eumdem occiderunt ac armis et aliis vestimentis suis despoliaverunt ac ipsum indutum cilicio ad carnem invenerunt.» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, t. I, fº 54. Cf. dom Morice, Preuves de l’histoire de Bretagne, II, 7.

[263] Froissart, par suite de l’erreur que nous avons déjà signalée, assigne à la bataille d’Auray la date du 9 octobre. Il est constant que cette bataille se livra le dimanche 29 septembre 1364, le jour de la fête de saint Michel. On a pu dire, en réfléchissant à cette coïncidence et par allusion à la part prise par les Anglais, dont saint Georges était le patron, au succès de Montfort, que saint Michel avait fait les honneurs de cette journée à saint Georges. Peu de temps avant la bataille d’Auray, Charles de Blois était allé pieds nus en pèlerinage au Mont-Saint-Michel où il avait fait cadeau aux religieux d’une relique de saint Yves, comme en témoignait l’inscription suivante gravée sur un reliquaire en vermeil de la célèbre abbaye: «C’est la coste saint Yves que monseigneur Charles de Blois cy donna.» Dom Huynes, Hist. du Mont-Saint-Michel, II, 44.

[264] Il faut lire dans le texte tout ce récit empreint de je ne sais quel charme mélancolique qui va jusqu’à l’éloquence. Toutefois, il est impossible de ne pas faire remarquer que la générosité prêtée ici à Montfort s’accorde assez mal avec l’irrévérence des Anglais attestée par un témoin oculaire, Frère Geoffroi Rabin, dominicain de la maison de Nantes: «Et postmodum, dum ipse dominus Carolus fuisset dearmatus et despoliatus omnibus vestimentis suis per Anglicos, vidit aliquos dictorum Anglicorum tenentes quoddam cilicium album quod dicebant fuisse et esse cilicium dicti domini Caroli quod habebat indutum, quod quasi pro nihilo reputantes ad terram dimiserant.» Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, t. I, fos 192 vº et 193.

[265] Le cinquième jour après la bataille d’Auray nous reporte au 4 octobre; or, la veille, c’est-à-dire le 3 octobre, Édouard III a daté l’un de ses actes de Canterbury, ville située, comme chacun sait, sur la route de Londres à Douvres (Rymer, III, 749): l’assertion de Froissart offre par conséquent un haut degré de vraisemblance.

[266] L’historien et le critique ne doivent pas un instant perdre de vue que le récit de Froissart, relatif à la journée d’Auray, dérive principalement du héraut anglais Windsor, comme la narration que le même chroniqueur a consacrée à l’affaire de Cocherel provient surtout du roi d’armes ou héraut anglo-gascon Faucon.

[267] Les conventions relatives à ce projet de mariage, qui ne se réalisa point, sont datées de Douvres, le 19 octobre 1364. Rymer, III, 751.

[268] Dinan et Jugon se rendirent à Montfort dans le courant du mois d’octobre 1364. Dom Morice, Preuves, I, 1583.

[269] Par acte daté de Paris le 25 octobre 1364, Charles V donna pleins pouvoirs pour traiter de la paix à Jean de Craon, archevêque de Reims et au maréchal Boucicaut (Ibid., 1584); il n’est fait dans cet acte aucune mention d’Amauri, sire de Craon.

[270] Il est très-vraisemblable, suivant une conjecture fort plausible de Dacier (p. 615 de son édition, note 1), que les préliminaires de la paix furent arrêtés devant Quimper-Corentin qui se rendit à Montfort le 17 novembre de cette année (Ibid., 1585 et 1586); mais la paix ne fut conclue définitivement et signée qu’à Guérande le samedi 12 avril de l’année suivante, la veille de Pâques.

[271] Par acte daté d’Angers le 11 mars 1365 (n. st.), Jeanne de Penthièvre, qui continuait de s’intituler «duchesse de Bretagne», chargea de ses pleins pouvoirs Hugues de Montrelais, évêque de Saint-Brieuc, Jean, sire de Beaumanoir, Gui de Rochefort, sire d’Assérac, et maître Gui de Cleder. Ibid., 1587 et 1588.

[272] Le traité de Guérande maintient en outre Jeanne de Penthièvre en possession de la vicomté de Limoges. Froissart donne seulement les grandes lignes de ce traité, qu’il faut lire dans sa teneur pour en avoir une idée exacte. Ibid., 1588 à 1599.

[273] Le dauphin, duc de Normandie, avait travaillé de bonne heure à rallier Clisson au parti français. Dès le 27 septembre 1360, il avait rendu à Olivier la moitié de la baronnie de Thury (auj. Thury-Harcourt, Calvados, arr. Falaise) et la terre du Thuit (Notre-Dame du Thuit est marquée comme ruine sur la carte de Cassini, nº 94, au N. O. de la forêt de Cinglais, sur la rive droite de l’Orne, à 16 kil. S. de Caen, entre Boulon et les Moutiers), que le sire de Clisson devait tenir dans le duché de Normandie et qui avaient été confisquées (Arch. Nat., JJ87, nº 274). Aussitôt après le traité de Guérande, cette habile politique, servie par la morgue et les convoitises des Anglais, auxiliaires de Montfort, réussit à rattacher peu à peu et par degrés Clisson et sa puissante clientèle au parti français (Ibid., JJ113, nº 162). Jeanne de Penthièvre, qui avait nommé Olivier son lieutenant et gouverneur en ses terres et pays de Bretagne (Bibl. Nat., ms. lat. nº 5381, II, 83 à 85; dom Morice, Preuves, I, 1631 et 1632), Jeanne de Penthièvre fut le principal intermédiaire de cette réconciliation définitive, accomplie au mois de septembre 1367, et en vertu de laquelle Charles rétablit le fils unique et l’héritier de Jeanne de Belleville dans la possession de toutes ses terres confisquées (Arch. Nat., K1666, nº 176).

[274] Jean de Montfort, devenu duc de Bretagne, veuf en premières noces de Marie d’Angleterre, l’une des filles d’Édouard III, morte vers 1363 après quelques mois de mariage, épousa en 1366 Jeanne Holland, fille de Thomas Holland et de la fameuse Jeanne de Kent, devenue en 1362 princesse de Galles et d’Aquitaine par son mariage avec le prince Noir. Jeanne Holland mourut en 1384.

[275] Seine-et-Marne, arr. Fontainebleau. Nous ne connaissons aucun acte qui mentionne cette donation de Nemours au captal de Buch; mais Christine de Pisan dit aussi que Jean de Grailly fut comblé de faveurs par Charles V et qu’il reçut même le titre de chambellan du roi de France (Le livre des faits et bonnes mœurs du sage roi Charles, 1re partie, chap. XXX).

[276] Par le traité de paix conclu à Paris le 6 mars 1365 (n. st.) entre les rois de France et de Navarre, il fut stipulé que Charles le Mauvais aurait, non comme le dit Froissart, des châteaux situés en Normandie, mais la ville et la baronnie de Montpellier en dédommagement de Mantes, de Meulan et du comté de Longueville (Arch. Nat., J617, nº 31; Secousse, Mémoires sur Charles II, II, 222 à 231). La confirmation de ce traité par Charles V est, suivant la judicieuse remarque de M. Delisle (Mandements de Charles V, p. 104, n. 2 et p. 112) antérieure au 20 juin de la même année (Secousse, Mémoires, II, 254 à 256).

[277] Louis de Navarre emprunta à Charles V, non pas 60 000, mais 50 000 florins d’or fin du coin de France, appelés francs. Le 4 avril 1366 (n. st.), il engagea son comté de Beaumont-le-Roger, Bréval et Anet à son royal créancier qui devait toucher le revenu de ces terres évalué à 8000 livres, jusqu’à parfait remboursement de la somme prêtée (Arch. Nat., J617, nº 32).

[278] Froissart commet ici deux erreurs. Louis de Navarre épousa en 1366, non la reine de Sicile, mais Jeanne de Sicile, duchesse de Duras, fille de Charles de Sicile duc de Duras et de Marie de Sicile, et il survécut si bien à ce mariage qu’il mourut seulement en 1372, dans la Pouille et fut enterré à Naples. (Anselme, Hist. généal., I, 291). Louis de Navarre quitta Évreux vers la fin d’avril 1366, et il n’est plus fait mention de sa présence en Normandie à partir du 20 de ce mois (Bibl. Nat., Quitt., XVI, 290). Le captal de Buch, mis en liberté par Charles V, remplit, dès les derniers mois de 1365 et jusqu’à la fin de 1366, les fonctions de lieutenant du roi de Navarre en Normandie (Ibid., XV, 224). Ayant appris, sur ces entrefaites, que le prince de Galles se disposait à entrer en Espagne pour restaurer don Pèdre et renverser don Henri de Trastamare soutenu par du Guesclin, le vaincu de Cocherel rassembla en toute hâte les débris des Compagnies anglo-navarraises aux environs d’Avranches où il avait donné rendez-vous à Jean, duc de Lancastre, et se mit en route pour Bordeaux. Le dernier acte de sa lieutenance est un mandement daté de Genest (Manche, arr. Avranches, c. Sartilly), le 22 décembre 1366, par lequel il enjoignit de payer 88 livres II sous «pour certains vivres qui furent amenez à Genez pour la despense de monseigneur le duc de Lancastre et de nous.» Ibid., XVI, 340.

CHAPITRE XC

[279] Le 24 novembre 1364, Édouard III somma Eustache d’Auberchicourt, Robert Scot et Hugh de Calverly, chevaliers anglais, qui faisaient la guerre au royaume de France, «à l’ombre du roy de Navarre», de licencier leurs bandes. Bibl. Nat., collection Bréquigny, XV, 38.

[280] Froissart semble faire allusion ici à un projet d’expédition contre les infidèles conçu vers le milieu de 1365 par le pape Urbain V. Le trop fameux Arnaud de Cervolle, dit l’Archiprêtre, devait être le chef de cette expédition (V. plus haut, p. XXXV, note 141). Le samedi 5 avril 1365, Urbain fulmina une bulle d’excommunication contre les Compagnies (Arch. Nat., J711, nº 3022).

[281] Don Alphonse XI du nom, roi de Castille, était mort à la fleur de l’âge le vendredi saint, 27 mars 1350. Il ne laissait qu’un fils légitime, don Pèdre, alors âgé de quinze ans et quelques mois, dont la mère doña Maria était une infante de Portugal, fille du roi Alphonse IV, surnommé le Brave. Don Alphonse avait eu en outre de son union illégitime avec une jeune veuve d’une illustre maison de Séville, doña Léonor de Guzman, dix enfants naturels, neuf garçons et une fille. L’aîné de ces bâtards, don Henri, avait été fait de bonne heure comte de Trastamare et, aussitôt après l’avénement au trône de l’héritier légitime, s’était posé en rival de don Pèdre.

[282] Blanche de Bourbon, la seconde des filles de Pierre Ier, duc de Bourbon, et d’Isabelle de Valois, sœur cadette de Jeanne de Bourbon, mariée à Lyon en juillet 1349 à Charles dauphin, depuis Charles V, avait épousé don Pèdre, roi de Castille, par contrat passé en l’abbaye de Preuilly, le 23 juillet 1352 (Arch. Nat., J603, nº 55). Abandonnée dès les premiers mois de son mariage en faveur d’une maîtresse, nommée doña Maria de Padilla, cette princesse mourut en 1361, et la rumeur publique accusa don Pèdre de cette mort, «jussu Petri mariti crudelis», ainsi que portait l’inscription tracée à Jerez sur le tombeau de Blanche (Llaguno, ad Ayala, p. 328, note 3).

[283] Innocent VI avait été pendant les dernières années de son pontificat en lutte presque continuelle avec don Pèdre, auprès duquel il avait député avec le titre de légat le célèbre Gui de Boulogne, cardinal évêque de Porto (Martène, Thes. Anecdot., II, 964, 997 et 998; Arch. Nat., L377, caps. 217, nº 57). Urbain V, successeur d’Innocent VI, prit ouvertement parti pour Pierre IV, roi d’Aragon, et même pour le comte de Trastamare contre don Pèdre.

[284] Charles V contribua au payement de cette rançon pour une somme de quarante mille florins d’or, dont nous avons les quittances délivrées par Jean Chandos; et en retour Bertrand du Guesclin fit le serment, par acte daté de son château de la Roche-Tesson le 22 août 1365, d’emmener les Compagnies hors du royaume, engageant au roi le comté de Longueville en cas de non exécution de cette promesse (Arch. Nat., J281, nos 4, 5 et 6; Charrière, Chronique de B. du Guesclin, II, 393 à 395: Charrière a daté à tort du 20 et du 27 août deux pièces qui ont été l’une et l’autre libellées à la Roche Tesson le 22 août). Bertrand renouvela cet engagement par acte passé à Paris le mardi 30 septembre, dans l’hôtel à l’enseigne du Papegaut, près de Sainte-Opportune (Ibid., J381, nº 4bis). Aussitôt après l’accomplissement de cette formalité, il se mit en route pour l’Espagne; il était de passage à Auxerre, le 10 octobre (Arch. Nat., X1a38, fº 246), à Avignon, du 12 au 16 novembre (Ibid., K49, nº 5, fº 7), à Montpellier, du 29 novembre au 3 décembre (Thalamus parvus, p. 369), enfin à Barcelone, à la cour de Pierre, roi d’Aragon, du 1er au 9 janvier 1366 (Zurita, Annales, l. IX, c. 61; Arch. Nat., X1a38, fº 246). Prosper Mérimée a supposé par erreur que du Guesclin avait levé, à l’occasion de son passage à Avignon vers la fin de 1365, une rançon de 5000 florins sur les habitants du Comtat. Du Guesclin ne commit cette exaction que deux ans plus tard, dans le cours d’une campagne qui se termina le 8 avril 1368 par la prise de Tarascon. V. Hist. de don Pèdre Ier, p. 407, note 1.

[285] Ce chevalier accompagna du Guesclin sans l’aveu et même contre le gré du roi d’Angleterre, puisque celui-ci, par acte daté du 6 décembre 1365, alors que Bertrand et ses compagnons d’aventure étaient déjà en route pour l’Espagne, manda à Jean Chandos, à Hugh de Calverlé, à Nicol de Dagworth et à William de Elmham, chevaliers, de prendre des mesures pour que nuls gens d’armes de sa ligeance, assemblés en certaines Compagnies, ne pussent entrer au royaume d’Espagne pour faire guerre à noble prince le roi de Castille son cousin. Rymer, III, 779.

[286] Dans le courant du mois d’août 1365, Bertrand du Guesclin, en vertu d’un traité passé avec Louis de Navarre et Eustache d’Auberchicourt, lieutenants de Charles le Mauvais en basse Normandie, avait consenti à rendre les château et ville de Carentan au roi de Navarre, moyennant une rançon de 14 000 francs; et en outre Olivier de Mauny, capitaine de Carentan pour son cousin, s’était fait donner 3535 francs à titre d’arrérages des rançons (Bibl. Nat., ms. fr. 10 367, fº 20).

[287] Ce Bertucat était un cadet, sinon même un bâtard, de la puissante maison d’Albret, et le père Anselme ne l’a pas classé dans sa généalogie de cette famille. Parmi ces seigneurs anglais ou anglo-gascons qui accompagnèrent du Guesclin en Espagne, Froissart n’a pas mentionné le plus important. Nous voulons parler de Guardia Raymond, cher, seigneur d’Aubeterre (auj. Aubeterre-sur-Dronne, Charente, arr. Barbezieux), qui paraît avoir été le grand recruteur et condottière des compagnies anglo-gasconnes. Il prétendit plus tard que, le 10 octobre 1365, à Auxerre, Bertrand lui avait souscrit une obligation de 2400 francs d’or; le 6 et le 9 janvier 1366, à Barcelone, deux autres obligations l’une de 6066 francs d’or et l’autre de 2060 florins du coin du roi d’Aragon, cette dernière de moitié avec Arnoul, sire d’Audrehem, maréchal de France; enfin, le 20 juillet suivant, à Albatera, en Castille, une quatrième obligation de 4000 florins d’or. L’année suivante, le sire d’Aubeterre ayant combattu à Najera dans l’armée du prince de Galles contre don Henri de Trastamare, du Guesclin avait différé de payer le chevalier anglo-gascon, qui mourut sans avoir pu réussir à se faire rembourser. Plus de vingt ans après ces événements, en 1390, Jean Raymond, frère et héritier de Guardia Raymond, intenta pour ce fait devant le Parlement à Olivier du Guesclin, comte de Longueville, le principal héritier du connétable, un procès dont les pièces, qui seront analysées à la fin du second volume de notre Histoire de du Guesclin, nous ont permis d’établir pour la première fois d’une manière sûre les principales étapes ainsi que les dates précises de l’expédition de du Guesclin et des Compagnies en Espagne (Arch. Nat., sect. jud., X1a 1475, fº 87, vº; X1a 37, fos 333 vº et 334; X1a 1475, fos 176, 178 vº et 179; X1a 38, fos 246 et 247). Une fois arrivés à Montpellier, les brigands des Compagnies voulurent être payés avant de continuer leur route; et du Guesclin fut obligé, pour les satisfaire, d’emprunter 10 000 francs aux bourgeois de cette ville: «Et alèrent à Montpellier dont ne vouldrent partir, se ilz n’avoient argent; et pour ce emprunta (Bertrand) à certains bourgois dix mille francs, et lors partirent.» X1a 1475, fº 176.

[288] Jean de Bourbon, Ier du nom, comte de la Marche, fils de Jacques de Bourbon blessé mortellement à la bataille de Brignais, et de Jeanne de Châtillon-Saint-Pol, était le cousin germain de Blanche de Bourbon, fille de Pierre Ier, frère aîné de Jacques de Bourbon. Anselme, Hist. généal., I, 298, 300, 319.

[289] Antoine, sire de Beaujeu, fils d’Édouard, sire de Beaujeu, tué au combat d’Ardres en 1351, et de Marie du Thil, passa à Montpellier, en faisant route pour l’Espagne, le 13 janvier 1366; mais l’auteur de la chronique romane l’a sans doute confondu avec son oncle Louis auquel il donne à tort le titre de seigneur de Beaujeu qu’Antoine seul avait le droit de porter: «Item, a XIII del dich mes (de janvier 1366), passet a Montpellier M. Loys, senhor de Beljoc, en Bergonha, am sa companha, e segui los autres.» Thalamus parvus, p. 370.—Le sire de Beaujeu retourna en Espagne trois ans plus tard et, avant de partir pour ce pays, fit son second testament daté de Beaujeu le 12 mai 1369. Arch. Nat., P. 13681, nº 1586; Musée des Archives, p. 220 à 223.

[290] Arnoul, sire d’Audrehem, l’un des premiers protecteurs de du Guesclin qu’il avait pu apprécier dès la fin de 1353, pendant qu’il était lieutenant du roi Jean en basse Normandie (Hist. de du Guesclin, p. 118 et 119), avait été envoyé en Languedoc vers le mois de janvier 1361 (voyez plus haut, p. XXXII, note 127), en compagnie de Robert, dit Moreau, sire de Fiennes, connétable de France, avec le titre de capitaine de la Langue d’Oc (dom Vaissete, Hist. de Languedoc, IV, 314), de capitaine général dans toute la Langue d’Oc (Ibid., Preuves, 276), enfin de lieutenant du roi ès parties de Langue d’Oc (Arch. Nat., JJ93, nº 216). Le 23 juillet 1362, de concert avec Henri, comte de Trastamare, il avait passé à Clermont en Auvergne avec les principaux routiers un traité tendant à faire évacuer le royaume par les Compagnies (voyez p. XXIII, note 97). Le 13 août 1362, il avait été nommé par le roi Jean lieutenant général en toute la Langue d’Oc (Arch. Nat., JJ93, nº 241), et depuis lors il n’avait cessé de lutter avec plus de courage que de succès contre les bandes qui infestaient le midi. Le sire d’Audrehem, aussi modeste que brave, dut contribuer plus peut-être que personne à faire charger du Guesclin d’une entreprise aussi difficile que la conduite des Compagnies en Espagne.

[291] Pierre de Villaines, chevalier, dit le Bègue, qui tirait son nom du fief de Villaines (Seine-et-Oise, arr. Pontoise, c. Écouen), mentionné dès le mois de mai 1360 comme sénéchal de Carcassonne et de Béziers (Arch. Nat., JJ91, nº 302), paraît avoir conservé cette charge jusque vers la fin de 1362. Créé chambellan du dauphin, duc de Normandie, il guerroyait dans les premiers mois de 1363 aux environs de Falaise où il fut fait prisonnier (Ibid., JJ92, nº 208). Là sans doute il connut du Guesclin, qui l’entraîna en Espagne où il devint comte de Ribadeo.

[292] Adam de Villiers, dit le Bègue, seigneur de Villiers-le-Bel, de Vitry en Brie et de la Tour de Chaumont. Le Bègue de Villiers fit montre à Pontorson le 1er février 1356 (n. st.) avec cinq écuyers et donna quittance au même lieu le 11 avril suivant (Bibl. Nat., Titres originaux, au mot Villiers). Adam servait sous son frère aîné Pierre de Villiers, capitaine de Pontorson, et c’est alors sans doute que les deux frères eurent l’occasion d’apprécier Bertrand, et se lièrent avec le chevalier breton. Par acte daté d’Avignon le 26 janvier 1366, Pierre de Villiers, qualifié «officier procureur de Bertrand de Clesquin, comte de Longueville et seigneur de la Roche Tesson», donna quittance au trésorier du pape de trente-deux florins (Arch. Nat., L377, d’après Arch. du Vatican, Miscell., boîte 222, nº 3).

[293] Auj. Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, à 7 kil. de Tournay.

[294] Auj. dép. de Vasmes-Audemez, Belgique, prov. Hainaut, arr. Tournay, c. Péruwelz.

[295] Jean de Neuville était le neveu d’Arnoul, sire d’Audrehem, et après la prise de son oncle à Poitiers, il exerça par intérim l’office de maréchal de France de 1356 à 1360. Arch. Nat., JJ86, nº 283; JJ90, nos 101 et 232; JJ95, nº 11.

[296] Bailleul, Berguette, Saint-Venant, sont des localités situées dans la même région que Valenciennes, et Froissart a pris soin de mentionner les chevaliers qui portent ces noms, parce qu’ils étaient ses compatriotes.

[297] Les Compagnies touchèrent à Perpignan ce qu’on peut appeler leur solde d’entrée en campagne ou du moins un à-compte sur cette solde; mais il arriva qu’après avoir reçu l’argent, quelques-unes de ces bandes n’eurent rien de plus pressé que de revenir sur leurs pas et de rentrer en France: «... alie certe Societates, que pagamentum, ut dicebatur, ceperant in Perpigniaco, retrocedebant in regno Francie (24 décembre 1365).» Arch. Nat., K49, nº 5, fº 8 vº.

[298] Ces Compagnies s’avançaient vers l’Espagne par bandes isolées et se comportaient partout où elles passaient comme si elles avaient été déjà en pays ennemi. C’est ainsi que Robert Briquet occupa entre le 5 et le 8 novembre le fort de Belesgar près de Montpellier; «Item, a V de novembre, Robert Briquet, capitani d’una autra companha de Bretos, pres lo fort de Belesgar et aqui estet entro a VIII de dezembre.» Thalamus parvus, p. 369.—Quelques jours auparavant, le 1er novembre, c’étaient G. d’Aignay, Aufret de Guébriant et Henri de Dinan qui passaient devant Montpellier à la tête de Compagnies bretonnes; le 13, d’autres Bretons occupaient Aigremont (Gard, arr. Alais, c. Ledignan) et y restaient plusieurs jours; le 18, c’était le Gascon Bras de Fer, lieutenant du bour de Caupène (Gers, arr. Condom, c. Nogaro), qui mettait au pillage les environs de Montpellier (Ibid.); le 3 décembre, c’était le Limousin qui entrait dans cette ville et s’y arrêtait deux jours; le 6 décembre, apparaissait Robert Lescot avec une compagnie d’Anglais (Ibid., p. 370); le 9, c’était le tour du seigneur d’Aubeterre, capitaine d’une bande d’Anglo-gascons; le 18, c’étaient le vicomte de Lomagne et un chevalier d’Auvergne, nommé Jean de la Roche, qui se logeaient à Saint-Martin-de-Londres (Hérault, arr. Montpellier); enfin, du 7 au 10 janvier 1366, l’Anglo-gascon Raynaud de Vignolles et les Bretons Eon Budes et Thibaud du Pont venaient camper entre les Matelles et Montarnaud. Les dernières bandes, composées d’Allemands et de Bretons, dont le chroniqueur de Montpellier nous ait signalé le passage, s’écoulèrent les 18 et 19 février 1366 (Ibid., p. 371).

[299] Pierre IV, roi d’Aragon, contribua aussi bien que le comte de Trastamare au payement de la solde des Compagnies: «Et alèrent jusques à Barsalonne, et par le tresorier du roy Henry furent paiez... Et après eurent un aultre paiement à Sarragosse dont il ne vouldrent partir jusquez à ce que de tout le temps passé eussent esté paiez, et le furent par le roy d’Aragon et messire Bertran.» Arch. Nat., sect. jud., X1a 1475, fº 176.—Par un traité conclu à Monzon le vendredi saint 31 mars 1363, Pierre IV et le comte de Trastamare s’étaient engagés à détrôner don Pèdre à frais communs et à se partager la Castille (Arch. génér. d’Aragon, legajo de Autografos, appendice G). Mérimée, Histoire de don Pèdre Ier, éd. de 1874, p. 346, 545 et 546.—Dans un festin que Pierre IV offrit aux chefs des Compagnies à Barcelone le 1er janvier 1366, du Guesclin s’assit à la droite du roi, qui avait à sa gauche l’infant Raymond Berenger, son oncle (Chronique de Pedro IV rédigée par lui-même en catalan et publiée par Carbonell, Chroniques de Espanya, p. 196). Pour payer les mercenaires français, le roi d’Aragon fut obligé de vendre ses biens patrimoniaux par acte daté de Saragosse le 12 mars 1366 (Archiv. génér. d’Aragon, reg. 1213, p. 42 et suiv.), car il lui fallut ajouter aux 100 000 florins qu’il avait promis aux chefs des Compagnies un supplément de 20 000 florins. Mérimée, Hist. de don Pèdre, p. 411.

[300] Ce Fernand de Castro était le frère de la célèbre Inez de Castro, surnommée Port du Héron, dont les tragiques aventures, racontées avec une naïveté pleine de saveur par l’excellent chroniqueur portugais Fernan Lopes, sont devenues de bonne heure une sorte de légende romanesque où les poëtes de tous les pays, à l’exemple de Camoëns, ont aimé à puiser des inspirations. Quelques-unes des plus belles pages de la chronique de Fernan Lopes ont été traduites par M. Ferdinand Denis (Chroniques chevaleresques de l’Espagne et du Portugal, Paris, 1839, in-8, I, 107 à 165). Quoiqu’en dise Froissart, don Fernand de Castro n’accompagna pas don Pèdre dans sa retraite sur Séville; il se trouvait alors en Galice dont il était gouverneur pour le roi de Castille.

[301] Ce titre de femme ne peut s’appliquer ni à Blanche de Bourbon, épouse légitime de don Pèdre, morte en 1361, ni à la fameuse doña Maria de Padilla, la principale concubine du roi de Castille. Dans son testament écrit à Séville pendant l’hiver de 1362, don Pèdre désigne, il est vrai, doña Maria comme sa femme, mais on sait que l’heureuse rivale de Blanche de Bourbon n’avait survécu que quelques mois à cette infortunée princesse. Lorsqu’il rédigea son testament, don Pèdre entretenait quatre maîtresses, Mari Ortiz, Mari Alfon de Fermosilla, Juana Garcia de Sotomayor et Urraca Alfon Carrillo; il fit à la première un legs de 2000 doubles castillanes, aux trois autres un legs de 1000 doubles seulement, à la condition qu’elles entreraient en religion toutes les quatre après la mort de leur bienfaiteur, jaloux jusque dans la mort. Si don Pèdre n’emmena qu’une femme avec lui en 1366 dans sa retraite sur Séville, ce fut sans doute Mari Ortiz qui paraît avoir été une sorte de sultane favorite.

[302] Constance devait épouser plus tard Jean de Gand, duc de Lancastre, fils d’Édouard III.

[303] Isabelle fut mariée dans la suite à Edmond, duc d’Yorck, frère du duc de Lancastre.

[304] Le 28 mars 1366, veille du dimanche des Rameaux, don Pèdre, qui se trouvait alors à Burgos, avait fait charger ce qu’il avait de plus précieux sur des mules et s’était sauvé précipitamment avec les infantes ses filles, n’ayant pour toute escorte que les six cents cavaliers maures qui composaient sa garde. Il avait gagné Tolède, d’où il n’avait pas tardé à reculer jusqu’à Séville. Ayant fait venir dans cette ville tout l’or et l’argent monnayés qu’il gardait dans le château d’Almodovar del Rio, il l’avait fait embarquer sur une galère et avait chargé Martin Yanez de se rendre avec ce trésor à Tavira, en Portugal; mais le propre amiral de don Pèdre, le Génois Boccanegra, s’étant mis à la poursuite de Martin Yanez, captura le trésor, qu’il s’empressa de livrer à don Henri, pour se concilier les bonnes grâces de son nouveau maître. Ce trésor s’élevait à trente-six quintaux d’or, sans compter une quantité considérable de pierreries. Boccanegra reçut comme salaire de sa trahison la riche seigneurie d’Otiel. Salazar, Casa de Lara, t. II, lib. XII. Mérimée, Hist. de don Pèdre, p. 486.

[305] Don Pèdre ne s’embarqua point pour se rendre en Galice; il prit la voie de terre et essaya d’abord de chercher un refuge en Portugal. Presque assiégé dans l’Alcazar de Séville par ses sujets ameutés contre lui, il monta à cheval et sortit pour ainsi dire furtivement de la capitale de l’Andalousie avec les deux infantes et une fille naturelle de don Henri son rival, surnommé doña Léonor des Lions. Il était suivi du maître d’Alcantara, Martin Lopez, de son chancelier et de deux cents cavaliers seulement. Repoussé par le roi de Portugal Pierre Ier, le monarque fugitif n’eut d’autre parti à prendre que de gagner la Galice où commandait en maître don Fernand de Castro qui lui était entièrement dévoué.

[306] Gomez Carillo était camarero mayor du prétendant don Henri, comte de Trastamare.

[307] Don Diego Garcia de Padilla, frère de doña Maria de Padilla, grand maître de Calatrava sous don Pèdre. Pero Lopez de Ayala (Cronica del rey don Pedro, p. 410) confirme sur ce point le témoignage de Froissart.

[308] Don Garcia Alvarez de Tolède, grand maître de Santiago, laissé par don Pèdre dans Tolède avec 600 hommes d’armes, s’empressa de livrer, après un semblant de résistance, cette ville à don Henri et résigna son office en faveur de Gonzalo Mexia, vieux serviteur du prétendant, moyennant quoi il fut gratifié de deux domaines considérables et d’une grosse somme d’argent.

[309] Le comte de Trastamare et ses auxiliaires avaient occupé successivement Borja, Calahorra, où don Henri s’était fait proclamer roi de Castille, Briviesca, enfin Burgos où le prétendant avait été couronné en grande pompe dans le monastère de las Huelgas le jour de Pâques 5 avril 1366.

[310] Don Sanche fut fait comte d’Albuquerque (Espagne, province d’Estramadure, sur la frontière de Portugal). Il recueillit ainsi l’important héritage de don Juan d’Albuquerque qui, depuis la mort du fils de ce célèbre capitaine, avait été réuni au domaine royal de Castille.

[311] Don Tello reçut le titre de seigneur de Biscaye et fut en outre pourvu du fief de Castaneda.

[312] Tous les érudits prétendent, sur la foi d’Ayala, que don Henri donna alors à Bertrand du Guesclin le titre de comte de Trastamare et la seigneurie de Molina avec d’immenses domaines (Buchon, Chroniques de Froissart, éd. du Panthéon, I, 506, note 5; Mérimée, Hist. de don Pèdre, p. 421). Cette assertion n’est pas tout à fait exacte. Le titre qui fut alors conféré au comte de Longueville est celui de duc, non de comte, de Trastamare (Arch. Nat., J381, nº 7; L377, d’après Arch. du Vatican, Miscellanea, arm. XV, caps. 2, nº 22; Thalamus parvus, p. 382). Quant au duché de Molina, Bertrand n’en fut investi, du moins à perpétuité et à titre héréditaire, que par acte daté de Séville le 4 mai 1369 (dom Morice, Preuves de l’histoire de Bretagne, I, 1628 à 1631). D’après Ayala, Hugh de Calverly, chef des bandes anglo-gasconnes, fut fait comte de Carrion (auj. Carrion-de-los-Condes, Espagne, prov. Léon, à 64 kil. O. de Burgos), et le comte de Denia, qui commandait les auxiliaires aragonais, devint marquis de Villena (Espagne, prov. Murcie, à 64 kil. N. N. E. de Murcie et à 88 kil. S. O. de Valence). Le nouveau marquis eut en partage tous les biens qui avaient composé la dot de la comtesse de Trastamare.

[313] Le licenciement des Compagnies eut lieu vers le mois de mai 1366, après l’entrée de don Henri à Séville où le trésor de don Pèdre livré par l’amiral Boccanegra fournit les moyens de payer la solde de ces bandes: «Et de là alèrent à Burges (Burgos) où ilz entrèrent et orent grant finance, tant des Sarrazins que Chrestians que des Juis. Et avoient juré et promis non faire guerre à messire Bertran ne au roy Henry jusquez un an après leur retour. Et après avoient prise Tolète (Tolède) et y orent grant finance. Après, prindrent Sebille (Séville) où ilz trouvèrent le tresor du roi Pietre, dont ils furent paiez, POUR EULX RETOURNERArch. Nat., X1a 1475, fº 176.

[314] Ayala (p. 422), d’accord sur ce point avec Froissart, dit que don Henri garda à son service Bertrand du Guesclin et Hugh de Calverly ainsi que quinze cents lances choisies surtout parmi les bandes françaises et bretonnes. Le sire d’Audrehem resta aussi en Espagne.

[315] Lorsque Bertrand était parti pour l’Espagne à la fin de 1365, Olivier de Mauny, alors capitaine de Carentan pour le comte de Longueville, n’avait pas accompagné son cousin. Olivier de Mauny, seigneur de Lesnen (fief situé en Saint-Thual, Ille-et-Vilaine, arr. Saint-Malo, c. Tinténiac), n’arriva en Languedoc que vers le milieu de 1366. Il passa devant Montpellier le premier juin de cette année et, après avoir mis au pillage tous les environs de cette ville récemment cédée au roi de Navarre, se remit en route, le 5, dans la direction d’Agde: «Item, le primier jorn de junh (1366), M. Olivier de Mauni et M. G. Boten (il faut sans doute lire: Geffroi Budes, d’Uzel, Côtes-du-Nord, arr. Loudéac, le même qui déposa le 17 septembre 1371 dans l’enquête pour la canonisation de Charles de Blois; dom Morice, Preuves, II, 10), cavaliers de Bretanha, capitanis d’alcunas grans companhas, am las dichas companhas se alojeron als barris deis Augustis et en los autres de Montpellier et à Castel Nou et en los autres luocs entorn Montpellier, et estant aqui gasteron motas tozelieyras et motas sivadieyras et autres camps de Montpellier et dels dichs autres luocs, et y feron motz autres mals, e puoys a V jorns del dich mes, s’en desalotjeron et aneron s’en en Agades (Agde, Hérault, arr. Béziers), per seguir las autras companhas.» Thalamus parvus, p. 372.—Olivier de Mauny se rendait en Aragon où il allait prendre possession du poste de capitaine et châtelain de Borja (Aragon, sur la Huccha, à 25 kil. S. E. de Taraçona, à la limite de l’Aragon et de la Navarre), que venait de lui confier son cousin Bertrand nommé par Pierre IV comte de Borja, en récompense de ses services. En 1375, du Guesclin vendit ce comté à l’archevêque de Saragosse, moyennant le prix de 27 000 florins d’or (communication de M. le marquis de Santa Coloma).

[316] La relation de Lopez de Ayala diffère un peu de celle de Froissart. Le chroniqueur espagnol prétend que don Pèdre se rendit d’abord de Santiago à la Corogne où il reçut le sire de Poyane et un autre chevalier gascon députés par le prince de Galles pour l’inviter à se rendre dans ses États d’Aquitaine. De la Corogne le roi détrôné de Castille gagna Saint-Sébastien et de là Bayonne. Arrivé dans cette dernière ville, il fit savoir son arrivée au prince et, sans attendre que celui-ci vînt à sa rencontre, alla au-devant de lui jusqu’au Cap Breton (auj. Landes, arr. Dax, c. Saint-Vincent-de-Tyrosse). Quelques jours après l’entrevue de Capbreton, le prince d’Aquitaine, don Pèdre et Charles, roi de Navarre, se donnèrent rendez-vous à Bayonne, et ce ne fut qu’après cette conférence que l’ex-roi de Castille alla lui-même à Bordeaux. Froissart, qui se trouvait alors dans cette ville à la cour du prince, devait, selon la judicieuse remarque de Buchon, être mieux informé de ces détails que Lopez de Ayala attaché au service personnel de don Henri de Trastamare.

[317] Don Pèdre n’avait emporté que trente-six mille doubles; la plus forte partie de son trésor et ses joyaux, confiés à Martin Yanez et saisis par l’amiral Boccanegra, étaient devenus, comme nous l’avons dit plus haut, la proie de don Henri de Trastamare.

[318] Roncevaux ou Roncesvalles, vallée et port ou passage situé en Navarre, sur le versant espagnol des Pyrénées, entre Pampelune et Saint-Jean-Pied-de-Port. Roland, chef de l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne, y fut vaincu par les Sarrasins et y périt le 15 août 778.

[319] «Nos igitur Petrus, rex Castellæ et Legionis, Carolus, rex Navarræ et Edwardus, princeps Aquitaniæ, supradicti, convenientes in unum in civitate Baionensi.» Rymer, III, 800.—Cette citation prouve que les conférences préliminaires, où le prince d’Aquitaine, les rois de Castille et de Navarre s’entendirent sur les conditions de leur alliance, se tinrent, comme le dit Froissart, à Bayonne; mais le traité lui-même ne fut rédigé et signé par les plénipotentiaires des trois contractants qu’à Libourne, dans le couvent des Frères Mineurs du dit lieu, le 23 septembre 1366. Ibid., 800 à 807.

[320] Le traité porte 200 000 florins d’or vieux: «El rey don Pedro pagara al rey de Navarra dozientas vezes mil florines de oro.» Rymer, III, 801, 1re col., I. 21 et 22.

[321] Espagne, prov. Burgos, sur l’Ebre, à 88 kil. E. de Burgos.

[322] Espagne, prov. Alava, à 240 kil. E. N. E. de Vittoria. Ayala dit que don Pèdre s’engagea à céder au roi de Navarre la province de Guipuzcoa (cap. Saint-Sébastien) et celle de Logroño.

[323] Basses-Pyrénées, arr. Mauléon. Don Pèdre s’engageait, d’un autre côté, à céder au prince d’Aquitaine une partie de la Biscaye, particulièrement les ports de mer et le château d’Ordiales; il se reconnaissait en outre le débiteur du prince pour une somme de 550 000 florins d’or au coin de Florence. Cette somme et 56 000 florins, avancés par le prince et payés au roi de Navarre, devaient être remboursés dans le délai d’un an. Les jeunes infantes, filles de Marie de Padilla, ainsi que les femmes et les enfants des seigneurs castillans émigrés, demeureraient en otage à Bordeaux jusqu’au payement intégral de cette dette. Rymer, III, 802, 703. Ayala, p. 433.

[324] Vers le milieu de 1366, don Henri de Trastamare avait dépêché ce Mathieu de Gournay à Lisbonne pour obtenir du roi de Portugal qu’il demeurât neutre dans la lutte qui allait s’ouvrir. Vicomte de Santarem, Quadro de relações politicas, III, 26, d’après Mérimée, p. 439.

[325] Il y a tout lieu de croire, malgré l’assertion de Froissart, que du Guesclin ne se rendit pas de sa personne auprès du roi de France à la fin de 1366.

[326] Le 10 octobre 1363, don Henri de Trastamare s’était obligé par le traité de Benifar, de livrer à Pierre IV, roi d’Aragon, le royaume de Murcie et en outre dix villes importantes des deux Castilles, Requena, Moya, Otiel, Canyet, Cuenca, Molina, Medina Celi, Almazan, Soria, Agreda. Sommé vers le milieu de 1366 de mettre ce traité à exécution (Arch. génér. d’Aragon, reg. 1293 Secretorum, p. 127), le rival de don Pèdre, pour s’assurer l’alliance de Pierre IV dans la lutte qui allait s’ouvrir, avait consenti à céder au roi d’Aragon le royaume de Murcie.

[327] La somme que le roi d’Angleterre mit à la disposition de son fils fut prélevée sur une des échéances de la rançon du roi Jean. Le 1er mars 1366, Édouard III, confirmant un acte en date du 13 décembre 1363, assigna à son fils aîné Édouard, prince de Galles, 60 000 écus d’or à prendre sur le premier payement du second million dû par le roi de France, ou qui premièrement se doit faire du second million (Rymer, III, 787). Par acte daté d’Ax (Ax-sur-Ariége, Ariége, arr. Foix), le 29 janvier 1367 (n. st.), Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles, donna procuration à Jean des Roches, sénéchal de Bigorre, pour recevoir en son lieu et place 30 000 francs sur la rançon du roi Jean (Arch. Nat., J642, nº 27).

[328] C’est Arnaud d’Espagne qui était alors sénéchal de Carcassonne.

[329] Le sénéchal de Beaucaire et de Nîmes s’appelait Gui de Prohins.

[330] Aimeri de Lara, vicomte de Narbonne, à qui Froissart donne par erreur le titre de comte, amiral de France du 28 octobre 1369 à février 1373, mourut en 1382 et fut enterré à l’abbaye de Fontfroide, au diocèse de Narbonne (auj. château de la commune de Narbonne). Anselme, Histoire généal., VII, 759, 760.

[331] Olivier de Mauny, avant d’aller prendre possession de son poste de capitaine de Borja pour Bertrand du Guesclin, s’était mis à la poursuite des Compagnies anglo-gasconnes, et était accouru au secours de Louis, duc d’Anjou, frère du roi de France et son lieutenant en Languedoc, dont ces bandes avaient envahi le gouvernement. Le 13 août 1366, Olivier, à la tête de ses Bretons renforcés des gens d’armes du duc d’Anjou et des arbalétriers de la commune de Toulouse, attaqua l’une de ces bandes retranchée derrière les palissades de Montech (Tarn-et-Garonne, arr. Castelsarrasin, à 12 kil. S. O. de Montauban), la mit en déroute, lui tua cent hommes, fit quatre-vingt prisonniers et captura cinq cents chevaux «Item en aquel an meteys (1366), a xiii d’aost, los gens d’armas de mossenhor Olivier de Mauni et de la comuna de Tholoza, aneron armatz combattre una companha d’Angles que era en los barris de Montuoch, en Tolzan, e los desconfiron si que n’i ac entorn LXXX pres e c mortz et entorn vc cavalguaduras prezas: els autres fugiron.» Thalamus parvus, p. 372.

[332] Charles V s’étant plaint au roi d’Angleterre, précisément à l’occasion de l’affaire de Montauban, de ce que les Compagnies s’autorisaient du prince d’Aquitaine pour faire guerre au royaume de France, Édouard III adressa à son fils aîné une lettre assez sévère où on lit ce qui suit: «Et les dites gentz d’armes et Compaignies, requis paravant (le combat livré devant Montauban) par les gentz de nostre dit frère (le roi de France) par quoi et par qui et en quel noun il venoient faire guerre en la terre de nostre dit frère, respondirent que c’estoit de par vous et pur vous et en vostre noun, et que de ce il avoient voz lettres et mandement: lesquelles choses seroient, se il est ainsi, contre la paix et alliances, à grant deshonour et esclaundre de nous et de nostre estat, et aussi de vous et de noz filz, prelatz et autres gentz de nostre roialme, et nous desplairoit très durement, ne ne pourriens en nulle manère ces choses par dissimulacion passer, sans y mettre remède.» Rymer, III, 808.

[333] En 1368, ce Robert Ceni ou Cheni fut fait prisonnier dans l’abbaye fortifiée d’Olivet (auj. lieu-dit de la commune de Saint-Julien-sur-Cher, Loir-et-Cher, arr. de Romorantin, c. Menetou-sur-Cher, sur la rive gauche du Cher), par Louis de Sancerre, Gui le Baveux et le gouverneur de Blois. Robert Cheni eut la tête tranchée ainsi que tous les routiers placés sous ses ordres. Bibl. Nat., ms. fr. nº 4987, fº 87 vº.

[334] La lettre du roi d’Angleterre, dont nous venons de citer un fragment, mentionne en outre parmi les chefs de ces bandes Rocamadour, le bour Camus, Garciot du Castel et un routier nommé Frère Darrère, que dom Vaissete appelle Fierderrière. Hist. du Languedoc, IV, 332.

[335] Le combat n’eut pas lieu au pied des remparts de Montauban, comme le raconte Froissart, mais à la Villedieu (Tarn-et-Garonne, arr. Castelsarrasin, c. Montech), à 12 kil. à l’ouest de Montauban. «Et l’endemain (14 août 1366), ledit seneschal (de Toulouse) et ses gentz chevauchèrent après les dites gentz d’armes et compaignes jusqes près d’une ville appelée la Ville Dieu, près de Montauban, en la terre et obeissance de nostre dit frère, et illoec s’arrestèrent les dites gentz d’armes et Compaignes et se mistrent en arroy de combattre...» Rymer, III, 808, col. 1.

[336] La défaite fut amenée par la défection d’une bande de routiers à la solde du duc d’Anjou qui, après avoir promis de rester simples spectateurs du combat, prirent parti pour les Anglo-gascons, aussitôt que l’action fut engagée et chargèrent en queue les Français. «Deux centz combattantz anglais, qui avoient au commencement esté avecques les gentz de nostre dit frère (le roi de France) et s’estoient retraitz, parceq’il disoient qu’il ne se combatroient point encontre les ditz gentz d’armes et Compaignes, parceq’il estoient de leur alliance et serement, et q’il venoient de vostre principauté (c’est Édouard III qui écrit au prince d’Aquitaine), corurent par darrère sur les gentz de nostre dit frère, et adonc furent les gentz de nostre dit frère desconfiz et pris et mors une partie.» Rymer, III, 808, col. 2.—L’auteur de la chronique romane de Montpellier dit, de son côté, que Gui d’Azay, sénéchal de Toulouse, Arnaud d’Espagne, sénéchal de Carcassonne, le bour de Béarn, les vicomtes de Narbonne et de Caraman et beaucoup d’autres vaillants hommes «y foron nafratz et apreyzonatz per la tracion de IIc homes d’armas angles loscals anavon am los Frances; els Frances, cofizan se d’els, los avian meses en l’arieregarda, e quant venc al combatre, els feriron sus los Frances.» Thalamus parvus, p. 372.

[337] Ce Robert d’Aubeterre appartenait sans doute à la même famille que Guardia Raymond, sire d’Aubeterre, qui avait été comme nous l’avons dit plus haut, le principal condottière des Compagnies anglo-gasconnes emmenées en Espagne par Bertrand du Guesclin, à moins que Froissart n’ait fait confusion et n’ait voulu désigner le sire d’Aubeterre lui-même. Il est certain que celui-ci alla rejoindre le prince de Galles sous les ordres duquel il combattit à Najera: «Toutes les debtes d’Aubeterre furent confisquéez, car le sire estoit juré messire Bertran et se tourna contre lui. Oultre, il fu depuis ou royaulme de France avec les Compaignes.» Arch. Nat., sect. jud., X1a 1475, fº 176.

[338] Urbain V, l’un des papes les plus grands et les plus saints qui aient régi la chrétienté, combattait alors les Compagnies sans trêve ni merci et lançait contre elles à coups redoublés les foudres apostoliques. Par une bulle datée d’Avignon le 2 mai 1366 et adressée à l’archevêque de Toulouse, il venait d’excommunier et de frapper des plus terribles anathèmes les bandes de pillards cantonnées en France et spécialement dans le Languedoc (Arch. Nat., L312, nº 9). S’il fallait en croire le duc d’Anjou dans les instructions qu’il remit en 1376 à ses ambassadeurs auprès de don Henri, roi de Castille, l’affaire de la Villedieu aurait coûté plus de trois millions au royaume de France.

[339] Silvestre Budes, fils de Guillaume Budes et de Jeanne du Guesclin, seigneur d’Uzel (auj. Uzel-près-l’Oust, Côtes-du-Nord, arr. Loudéac), était le cousin de Bertrand du Guesclin dont, s’il faut en croire d’Argentré, il porta la bannière à la bataille de Najera. Il était frère de Geffroi Budes dont nous avons eu déjà l’occasion de parler.

[340] Cet Alain de Lakonet ou de Lakouet était sans doute le frère de Yon ou Yvon de Lacouet, «chevalier de Bretaigne», dont Olivier de Mauny se porta garant vis-à-vis du roi de France le 26 avril 1368. Arch. Nat., J621, nº 72.

[341] Par acte daté de Westminster le 20 octobre 1366, Édouard III mande à deux de ses sergents d’armer dans les ports de Plymouth, de Dartmouth, de Weymouth et de Fowey, vingt navires destinés à transporter en Aquitaine Jean, duc de Lancastre, avec des hommes d’armes et des archers (Rymer, III, 810). Le départ d’Angleterre de Jean de Gand dut avoir lieu peu après le 2 novembre, jour où le roi son père lui accorda un sauf-conduit (Ibid., 812). Cf. p. LXXVIII, note 278.

[342] Jayme II, roi de Majorque, père de Jayme dont il est question dans ce passage de Froissart, avait été détrôné par Pierre IV, roi d’Aragon, dit le Cérémonieux, qui avait réuni le royaume de Majorque à l’Aragon par un acte solennel du 29 mars 1344. Dans une campagne entreprise pour reconquérir ses États, Jayme II fut blessé grièvement et mourut des suites de ses blessures le 25 octobre 1349. Pour subvenir aux frais de cette dernière et malheureuse tentative, il avait vendu au roi de France, le 18 avril 1349, pour 120 000 écus d’or, tout ce qui lui restait de son royaume, c’est-à-dire les seigneuries de Montpellier et de Lattes (Hérault, arr. et c. Montpellier). Sa veuve Yolande, qui continuait de s’intituler reine de Majorque, se remaria à Othon, duc de Brunswick, et celui-ci autorisa sa femme, le 20 novembre 1353, à traiter avec le roi de France au sujet de 1000 livres de rente viagère qu’elle réclamait du dit roi pour son douaire (Arch. Nat., J598, nº 21). Jayme, fils de Jayme II, qui prit part à l’expédition du prince de Galles en Espagne, était le troisième mari de Jeanne I de Naples, petite-fille de Robert, roi de Naples, qu’il avait épousée le 14 décembre 1362. Jeanne avait succédé comme reine de Naples à Robert son aïeul mort le 19 janvier 1343.

[343] Pour se rendre de Guyenne en Castille, il n’y avait au quatorzième siècle qu’une seule route où une armée pût s’engager avec de la cavalerie; c’était celle qui, passant par Saint-Jean-Pied-de-Port, longe la fameuse vallée de Roncevaux, et qui, après avoir franchi la cime des Pyrénées par un col élevé, suit le cours de l’Arga pour venir déboucher sur Pampelune.

[344] Mathe d’Armagnac, seconde femme de Bernard Ezy et mère d’Arnaud Amanieu, sire d’Albret, vicomte de Tartas, fille de Bernard VI, comte d’Armagnac et de sa première femme Isabelle d’Albret, était l’aînée des deux sœurs de Jean I, comte d’Armagnac. Par conséquent, Arnaud Amanieu, sire d’Albret, qui figure dans ce récit, était bien, comme le dit Froissart, le neveu du comte d’Armagnac. Anselme, Hist. généal., III, 415, VI, 209.

[345] Le mécontentement du sire d’Albret avait une cause moins chevaleresque que celle qui est indiquée ici par le secrétaire de la reine d’Angleterre, alors l’un des hôtes et des historiographes de la cour de Bordeaux. Arnaud Amanieu avait été gratifié d’une rente annuelle de 1000 livres sterling, équivalant à 6000 francs d’or, sur la cassette d’Édouard III, mais cette rente était si mal payée, qu’à la fin de 1368, on devait au titulaire dix ans d’arrérages, soit 60 000 francs. Le 4 mai 1368, Charles V maria Marguerite de Bourbon, l’une des sœurs cadettes de sa femme, au sire d’Albret et, le 19 novembre suivant, il s’engagea à verser entre les mains de son nouveau beau-frère les 60 000 francs d’arrérages dus par le roi d’Angleterre, et en outre à lui servir la rente annuelle de 6000 francs promise, mais non payée, par Édouard III: c’est en reconnaissance de ces deux actes si profondément politiques qu’Arnaud Amanieu se décida, vers la fin de cette année, à porter appel devant le Parlement de Paris de ses démêlés avec le prince d’Aquitaine, en d’autres termes, à fournir au roi de France, qui était prêt, un prétexte pour se faire attaquer et pour poursuivre, sous les apparences d’une guerre défensive, la revanche de Poitiers et de Brétigny. Arch. Nat., JJ99, nº 345.

CHRONIQUES DE FROISSART

[346] Ms. A 7, fº 224 vº.—Mss. B 1, t. II, fº 146, B 3 et 4 (lacune).

[347] Ms. B 4, fº 221.—Ms. B 1, t. II (lacune).

[348] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[349] Ms. B 4.—Ms. B 1, t. II, fº 146 vº (lacune).

[350] Ms. B 4, fº 221 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 147 (lacune).

[351] Ms. B 3, fº 236.—Ms. B 1, t. II, fº 147 vº (lacune).

[352] Arch. Nat., J638, nº 1.—Ms. B 1, t. II, fº 148 (lacune).

[353] Ms. B 4, fº 222 vº.—Ms. B 1 (lacune).

[354] Ms. B 4, fº 222 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 148 vº (lacune).

[355] Arch. Nat., J638, nº 1.—Ms. B 1, t. II, fº 148 vº (lacune).

[356] Ms. B 4, fº 222 vº.—Ms. B 1: «renderont.»—Ms. B 3, fº 236: «appartiendront.»

[357] Ms. B 4, fº 222 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 148 vº (lacune).

[358] Arch. Nat., J638, nº 3.—Ms. B 1, t. II, fº 149 (lacune).

[359] Ms. A 8, fº 220 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 150: «durer.»

[360] Ms. B 4, fº 237.—Ms. B 1: «sursurrons.»

[361] Ms. A 8, fº 220 vº.—Ms. B 1: «durer.»

[362] Ms. A 8, fº 220 vº.—Ms. B 1: «parolles.»

[363] Ms. B 4, fº 223 vº.—Ms. B 1: «qu’il.»

[364] Ms. A 8, fº 220 vº.—Mss. B: «les.»

[365] Ms. B 4, fº 223 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 150 vº (lacune).

[366] Ms. B 3, fº 237 vº.—Mss. B 1 et B 4 (lacune).

[367] Ms. B 3.—Mss. B 1 et B 4 (lacune).

[368] Ms. B 4, fº 225.—Ms. B 1, t. II, fº 152 (lacune).

[369] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[370] Ms. A 8, fº 222 vº.—Mss. B (lacune).

[371] Ms. B 4, fº 225 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 153 (lacune).

[372] Arch. Nat., J639, nº 15.

[373] Ms. B 3, fº 240.—Ms. B 1, t. II, fº 154 (lacune).

[374] Ms. B 4, fº 226 vº.—Ms. B 1 (lacune).

[375] Arch. Nat., J639, nº 15.

[376] Arch. Nat., J639, nº 15.

[377] Ms. B 4, fº 226 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 154 vº (lacune).

[378] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[379] Arch. Nat., J639, nº 15.—Ms. B 1: «juridition.» Fº 155 vº.

[380] Ms. A 8, fº 225 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 156 vº: «expressions.»

[381] Arch. Nat., J639, nº 11.

[382] Ms. B 4, fº 228.—Ms. B 1, t. II, fº 156 vº (lacune).

[383] Arch. Nat., J639, nº 11—Ms. B 1, t. II, fº 157: «personellement.»

[384] Ms. B 4, fº 228 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 157 (lacune).

[385] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[386] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[387] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[388] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[389] Ms. B 3, fº 242.—Ms. B 1, t. II, fº 157 vº (lacune).

[390] Arch. Nat., J639, nº 11.

[391] Ms. B 4, fº 229 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 158 vº (lacune).

[392] Arch. Nat., J639, nº 11.

[393] Ms. A 8, fº 227 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 159 (lacune).

[394] Ms. A 8, fº 227 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 159: «aggrevant.»

[395] Ms. A 8, fº 227 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 159 vº: «pays commun.»—Ms. B 4, fº 230: «paix commun.»

[396] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[397] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[398] Ms. B 4, fº 230.—Ms. B 1, t. II, fº 160 vº (lacune).

[399] Ms. B 3, fº 244.—Mss. B 1 et B 4: «Humainne.»

[400] Tous les manuscrits de Froissart et même le texte original du protocole (Arch. Nat., J638, nº 16bis) portent: «qui», que nous n’en considérons pas moins comme une mauvaise leçon.

[401] Ms. B 4, fº 234 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 166 vº (lacune).

[402] Ms. B 4, fº 235.—Ms. B 1, t. II, fº 167 (lacune).

[403] Ms. B 4, fº 235.—Ms. B 1, t. II, fº 167 (lacune).

[404] Ms. A 8, fº 236.—Ms. B 1, t. II, fº 170 (lacune).

[405] Ms. A 8.—Ms. B 1: «de Brie et sires des foires de Campagne.»

[406] Ms. A 8.—Ms. B 1: «contes d’Auvergne, se traist par droite succession à.»

[407] Ms. B 4, fº 242.—Ms. B 1, t. II, fº 177 (lacune).

[408] Ms. A 8, fº 242 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 178 vº (lacune).

[409] Ms. B 4, fº 244 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 180 vº (lacune).

[410] Ms. A 8, fº 245 vº.—Mss. B: «eurent li contes d’Auçoirre et li viscontes de Byaumont et messires Bauduins d’Anekins.» Ms. B 1, fº 183.

[411] Ms. B 4, fº 246 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 183 (lacune).

[412] Ms. A 3, fº 246.—Ms. B 1, t. II, fº 183 vº: «il le prenderont.»

[413] Ms. A 8.—Ms. B 1: «l’emporteront.»

[414] Ms. B 4, fº 246 vº.—Ms. B 1: «poent.»

[415] Ms. B 4.—Ms. B 1: «se.»

[416] Ms. A 8, fº 246 vº.—Ms. B 1: «le devoit.»

[417] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[418] Ms. B 3, fº 259 vº.—Ms. B 1 (lacune).

[419] Ms. A 17, fº 311: «Baudouin d’Annequins.» Baudouin d’Annequin était maître des arbalétriers.

[420] Ms. B 4, fº 247.—Ms. B 1, t. II, fº 184 (lacune).

[421] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[422] Ms. B 4, fº 247 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 184 vº (lacune).

[423] Ms. B 3, fº 261 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 186 vº (lacune).

[424] Ms. B 4, fº 248 vº.—Ms. B 1 (lacune).

[425] Ms. B 4.—Ms. B 1, t. II, fº 187 vº (lacune).

[426] Ms. A 8, fº 249.—Mss. B: «estoient demoret.» Mauvaise leçon.

[427] Ms. A 2.—Mss. B: «quatorzime.» Ms. B 1, t. II, fº 187 vº.

[428] Ms. d’Amiens.—Mss. B et A (lacune).

[429] Ms. B 4, fº 253 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 193 vº (lacune).

[430] Ms. B 4, fº 254.—Ms. B 1, t. II, fº 194 vº (lacune).

[431] Ms. B 4, fº 256.—Ms. B 1, t. II, fº 197 (lacune).

[432] Ms. B 4, fº 256.—Ms. B 1, t. II, fº 197 (lacune).

[433] Ms. B 3, fº 269 vº.—Mss. B 1 et B 4 (lacune).

[434] Ms. A 8, fº 257.—Mss. B (lacune).

[435] Ms. B 4, fº 256 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 197 (lacune).

[436] Ms. B 4, fº 257.—Ms. B 1, t. II, fº 198 vº (lacune).

[437] Ms. B 4, fº 258 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 201 (lacune).

[438] Ms. A 8, fº 260.—Mss. B (lacune).

[439] Ms. B 4, fº 260.—Ms. B 1, t. II, fº 203 (lacune).

[440] Ms. B 4, fº 260.—Ms. B 1, t. II, fº 203 vº (lacune).

[441] Ms. B 4, fº 260 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 204 (lacune).

[442] Ms. B 4, fº 261.—Ms. B 1, t. II, fº 204 vº (lacune).

[443] Ms. B 4, fº 261.—Ms. B 1, t. II, fº 204 vº (lacune).

[444] Ms. A 8, fº 263.—Mss. B (lacune).

[445] Ms. B 3, fº 275 vº.—Mss. B 1 et B 4 (lacune).

[446] Ms. B 3, fº 275 vº.—Mss. B 1 et B 4 (lacune).

[447] Ms. B 3, fº 276.—Mss. B 1 et B 4 (lacune).

[448] Ms. B 4, fº 262 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 207 (lacune).

[449] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[450] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[451] Ms. B 4, fº 263 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 208 vº (lacune).

[452] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[453] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[454] Ms. B 4, fº 264.—Ms. B 1, t. II, fº 208 vº (lacune).

[455] Ms. A 8, fº 266 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 210 (lacune).

[456] Ms. B 4, fº 265.—Ms. B 1, t. II: «vo.»

[457] Ms. B 4.—Ms. B 1, t. II, fº 210 vº (lacune).

[458] Ms. A 8, fº 267.—Mss. B: «et.»

[459] Ms. A 8, fº 267 vº.—Mss. B (lacune).

[460] Ms. A 8, fº 267 vº.—Mss. B (lacune).

[461] Ms. A 8, fº 268.—Mss. B (lacune).

[462] Ms. A 8.—Mss. B (lacune).

[463] Ms. B 4, fº 266.—Ms. B 1, t. II, fº 212 (lacune).

[464] Ms. B 4, fº 266 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 212 vº (lacune).

[465] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[466] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[467] Ms. A 8, fº 268 vº.—Mss. B (lacune).

[468] Ms. A 8, fº 268 vº.—Mss. B (lacune).

[469] Ms. B 4, fº 267 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 214 (lacune).

[470] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[471] Ms. B 3, fº 281.—Mss. B 1 et 3 (lacune).

[472] Ms. A 8, fº 269 vº.—Mss. B (lacune).

[473] Ms. B 4, fº 268.—Ms. B 1, t. II, fº 215 (lacune).

[474] Ms. B 4, fº 268 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 216 (lacune).

[475] Ms. B 4, fº 270.—Ms. B 1, t. II, fº 217 vº (lacune).

[476] Ms. B 4.—Ms. B 1 (lacune).

[477] Ms. B 3, fº 283 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 218 (lacune).

[478] Ms. B 4, fº 270 vº.—Ms. B 1, t. II, fº 218 vº (lacune).

[479] Ms. A 8, fº 273.—Mss. B (lacune).

[480] Ms. B 4, fº 271.—Ms. B 1, t. II, fº 219 vº (lacune).

VARIANTES

[481] Le manuscrit porte: «Gobins.» Mauvaise leçon.

[482] Le manuscrit porte: «de Deu.» Mauvaise leçon.

[483] Le manuscrit d’Amiens porte: «VIe». Mauvaise leçon.

TABLE.

CHAPITRE LXXXIV.

1360. Traité de Brétigny. —Sommaire, p. I à XVIII. —Texte, p. 1 à 59. —Variantes, p. 237 à 256.

CHAPITRE LXXXV.

1360 et 1361. Formation de la Grande Compagnie.—1360, 28 décembre. Prise du Pont-Saint-Esprit.—1362, 6 avril. Bataille de Brignais. —Sommaire, p. XVIII à XXXV. —Texte, p. 59 à 76. —Variantes, p. 256 à 271.

CHAPITRE LXXXVI.

1361. Mort du duc de Lancastre.—Mort du duc de Bourgogne et partage de sa succession.—1362. Mort du pape Innocent VI et élection d’Urbain V.—Voyage et séjour du roi Jean à la cour d’Avignon.—Création de la principauté d’Aquitaine en faveur du prince de Galles et arrivée d’Édouard dans sa nouvelle principauté. —Sommaire, p. XXXVI à XLI. —Texte, p. 76 à 82. —Variantes, p. 271 à 277.

CHAPITRE LXXXVII.

1363. Arrivée et séjour de Pierre Ier, roi de Chypre, à Avignon.—Projet de croisade.—Traité conclu entre Édouard III et les quatre otages des Fleurs de Lis.—Voyages du roi de Chypre à Paris, en Normandie et en Angleterre.—1364. Retour de Jean II à Londres.—Voyage de Pierre Ier en Aquitaine.—Mort du roi de France à Londres et avénement de Charles V. —Sommaire, p. XLI à XLIX. —Texte, p. 82 à 99. —Variantes, p. 277 à 290.

CHAPITRE LXXXVIII.

1364. Prise de Mantes et de Meulan (7 et 11 avril).—Bataille de Cocherel (16 mai).—Couronnement de Charles V (19 mai).—Campagne du duc de Bourgogne en Beauce (juin).—Siége et reddition de la Charité. —Sommaire, p. XLIX à LXVII. —Texte, p. 100 à 148. —Variantes, p. 290 à 322.

CHAPITRE LXXXIX.

1364, 29 septembre. Bataille d’Auray.—1365, 12 avril. Traité de 384 Guérande. —Sommaire, p. LXVII à LXXVIII. —Texte, p. 148 à 183. —Variantes, p. 322 à 353.

CHAPITRE XC.

1365, octobre-1366, mai. Expédition de du Guesclin et des Compagnies en Espagne.—1366, 5 avril. Don Pèdre est détrôné et don Henri, comte de Trastamare, est proclamé roi de Castille.—14 août. Victoire remportée par les Compagnies anglo-gasconnes près de Montauban.—23 septembre. Traité d’alliance entre le prince d’Aquitaine et de Galles, don Pèdre et le roi de Navarre; préparatifs militaires du prince de Galles et démêlés avec le sire d’Albret. —Sommaire, p. LXXIX à XCVI. —Texte, p. 183 à 234. —Variantes, p. 353 à 382.

FIN DE LA TABLE DU TOME SIXIÈME.


Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.